Le Coin de la conjoncture du 24 novembre 2018 – Climat des affaires – Location saisonnière digitale – croissance mondiale
Le climat des affaires en France ne rompt pas
Le mouvement des « gilets jaunes » n’a pas encore entamé le moral des chefs d’entreprise. Au mois de novembre 2018, le climat des affaires est, en effet, resté stable et demeure à un niveau relativement élevé. L’indicateur qui le synthétise, calculé par l’INSEE à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité marchands, se situe à 104, comme en octobre, au-dessus de sa moyenne de longue période (100). Par rapport à la précédente enquête, l’indicateur de climat des affaires est stable dans les services et le commerce de gros. Il gagne un point dans l’industrie et le bâtiment, et deux points dans le commerce de détail. Le climat des affaires reste au-dessus de sa moyenne de longue période dans chaque secteur. En revanche, le climat de l’emploi est un peu moins favorable. L’indicateur qui le synthétise perd deux points. À 105, il retrouve son niveau de début 2017, tout en restant bien au-dessus de sa moyenne de longue période. Cette baisse résulte surtout du repli du solde d’opinion relatif à l’emploi prévu dans les services hors intérim.
L’indicateur de retournement qui permet d’apprécier l’état d’esprit des chefs d’entreprises pour les prochains mois, demeure bien orienté.
La croissance mondiale sous pression
En 2018, la croissance de l’économie mondiale pourrait atteindre 3,7 %, ce qui constituera un bon cru même si elle n’a pas retrouvé ses niveaux d’avant crise. Niveaux qui n’étaient pas de toute façon soutenable tant sur le plan écologique qu’économique. L’année 2018 a été moins calme que prévu et est marquée par plusieurs inflexions. La hausse du prix du pétrole a conduit à peser sur la croissance des pays consommateurs. Les pays émergents, en particulier la Chine, sont confrontés à une érosion de leur croissance. La guerre commerciale engagée par les États-Unis pourrait accentuer cette tendance. L’activité de la zone euro est décevante depuis le début de l’année. Elle est contrainte tant par le prix du pétrole que par la démographie vieillissante. L’Europe pâtit de ses divisions et de la segmentation de l’espace financier. Les États-Unis, en situation de plein emploi, ont déjoué les prévisions avec une croissance qui devrait être proche des 3 %. Pour 2019, les incertitudes sont nombreuses rendant difficile toute prévision. Pour certains, l’économie mondiale dispose de peu de marges de croissance faute de nouveaux moteurs.
Les fondamentaux de la croissance se rappellent à notre bon souvenir
L’activité risque de stagner en raison de l’absence de force de travail disponible. En effet, le taux de chômage au niveau mondial s’élève à 5,5 % quand il était de 8 % en 2009. À l’exception de l’Europe du Sud, il ne peut guère baisser. La croissance de l’emploi tend à s’étioler. De 2 % avant la crise, elle se situe depuis entre 1,3 % et 1,5 %. Certes, le taux d’emploi pourrait être amélioré dans certains pays d’Europe et d’Asie ainsi qu’en Afrique.
La politique monétaire qui a joué un rôle clef dans le redémarrage de l’économie tend à être moins accommodante. Néanmoins, ce point doit être relativisé. En effet, compte tenu de la légère reprise de l’inflation, les taux d’intérêt réels sont plus faibles en 2018 qu’ils ne l’étaient il y a deux ou trois ans. Malgré tout, le ressenti n’est pas le même. L’investissement au niveau mondial diminue légèrement en volume depuis le début de l’année.
La demande de biens durables (logements, autos, investissement industriel) s’affaiblit à cause de la saturation des besoins en liaison également avec le vieillissement de la population. Ce phénomène se constate dans toutes les régions. L’investissement résidentiel en logements ralentit aux États-Unis, en Europe et en Chine. Ce recul était assez prévisible compte tenu de la hausse très rapide constatée en 2017. En 2018, les mises en chantier pourraient reculer de 5 à 8 % aux États-Unis et de 2 à 3 % en zone euro. En Chine, le nombre de logements terminés en millions de mètres carrés est passé de 80 à 60 millions de 2016 à 2018.
Le marché de l’automobile croît moins vite tout en étant sur des volumes de vente importants, en particulier en Europe. L’entrée en vigueur de normes environnementales plus contraignantes pèse actuellement sur les immatriculations de véhicules neufs. La durée de vie plus longue des voitures et le large marché de l’occasion expliquent également le ralentissement de la progression des achats de voitures neuves. Au niveau mondial, le marché de l’automobile devrait s’accroître de 3 % contre 5 % en 2017.
Que ce soit pour l’investissement et la demande de biens durables, les espoirs se portent sur les pays à fort potentiel de croissance, en Afrique tout particulièrement.
Certains experts estiment que la croissance serait de plus en plus entravée par le niveau élevé des taux d’endettement. Les marges de manœuvre pour l’emprunt seraient également faibles. La dette globale mondiale (publique et privée) se rapproche de 280 % du PIB quand elle était de 240 % du PIB en 2008.
La Chine n’échappe pas à la règle. Le pays est confronté à une hausse rapide de l’endettement privé et public. La dette des entreprises dépasse 160 % du PIB et commence à être suivie avec attention par les pouvoirs publics.
La croissance reste très dépendante de l’évolution des cours du pétrole. En 2017, son accélération a amené le prix du baril à 70 dollars, aidé en cela par l’accord de régulation de la production mis en œuvre par l’OPEP et la Russie. Quand le cours du baril se rapproche des 80 dollars, les pays européens et le Japon souffrent économiquement. La demande pétrolière devrait s’accroître de 1,2 % par an dans les prochaines années. L’offre reste pour le moment suffisante mais les marges se réduisent. Le moindre incident technique ou géopolitique a automatiquement des effets sur les prix. Le retrait de l’Iran aboutit à réduire l’offre de 2 %. Le résultat serait identique en cas de défaillance du Venezuela. Compte tenu de l’inflexion de la croissance en cours, les tensions actuelles pourraient disparaître en 2019 même s’il n’est pas exclu que la volatilité des prix constatée depuis plusieurs mois se poursuive.
Après le FMI, l’OCDE tire la sonnette d’alarme
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a publié mercredi 21 novembre ses prévisions d’automne, partage l’idée du ralentissement incontournable de la croissance pour les deux prochaines années. Le PIB mondial devrait augmenter de 3,5 % en 2019 et 2020, après 3,7 % cette année. Selon l’économiste de l’OCDE, Laurence Boone, « l’économie globale navigue dans des eaux agitées. Une accumulation de risques pourrait créer les conditions d’un atterrissage plus rude que prévu ».
Parmi les menaces les plus importantes, l’OCDE pointe la guerre commerciale engagée par Donald Trump. Les taxes douanières portant sur 250 milliards de dollars d’importations chinoises ainsi que la riposte de Pékin devraient peser sur le commerce mondial et freiner la croissance et favoriser l’inflation. L’administration américaine serait prête à taxer la totalité des importations chinoises. Dans un tel scénario, l’OCDE estime que les investissements aux États-Unis pourraient reculer de 2 % et les prix à la consommation augmenter de presque 1 % en 2020 et 2021. Cette situation pourrait provoquer des effets en chaîne. L’inflation croissante pourrait amener la Banque centrale américaine à relever plus rapidement ses taux, favorisant l’appréciation du dollar. Il en résulterait une sortie de capitaux au sein des pays émergents et une dépréciation de leur monnaie entrainant une baisse sensible de la croissance et des échanges.
Pour les États-Unis, l’OCDE prévoit un ralentissement de la croissance à partir de l’année prochaine. Si elle est attendue à 2,9 % en 2018, elle serait de 2,7 % en 2019 et de 2,1 % en 2020. Pour la Chine, la croissance passerait de 6,6 % à 6 % de 2018 à 2020. Pour l’année prochaine, elle devrait s’établir à 6,3 %. Les restrictions commerciales pourraient amputer le PIB de ces deux pays de 0,2 à 0,3 point. Si la majoration des droits concernait tous les produits chinois importés, l’effet sur le PIB pourrait être doublé. Si les exportateurs décident d’imputer sur leurs marges tout ou partie du montant des taxes, l’impact sur la croissance serait moindre pour les États-Unis et supérieur pour la Chine.
L’affaiblissement de l’activité concernerait également la zone euro, son taux de croissance passant de 2,5 à 1,6 % de 2017 à 2020.
La progression du commerce international se ralentirait passant de +5,2 % en 2017 à +3,7 % de 2017 à 2019.
Pour l’OCDE, le ralentissement économique est la conséquence de la fin des politiques accommodantes mises en œuvre par les banques centrales, ces dernières années, et de l’exacerbation des tensions commerciales. Elle souligne que la progression de la production, au niveau mondial est limitée par la pénurie de main d’œuvre. Elle s’attend à une accélération des salaires et à un renouveau des tensions inflationnistes d’ici 2020. Elle note que les gains de productivité demeurent faibles et sont désormais inférieurs aux augmentations des salaires.
L’OCDE préconise la fin progressive des politiques monétaires non conventionnelles afin de permettre aux banques centrales de disposer d’outils d’intervention en cas de survenue d’une crise. Elle appelle de ses vœux l’arrêt des politiques budgétaires expansionnistes et une réorientation des dépenses publiques vers l’investissement. L’organisation internationale juge nécessaire la mise en œuvre d’une politique de relance budgétaire en Allemagne dont la balance des paiements courants et le budget sont excédentaires. Elle condamne la politique italienne du fait du poids de la dette publique et du risque qu’une relance ferait peser sur les primes de risque souverain. Elle s’inquiète enfin des effets de la relance budgétaire américaine en cours compte tenu du plein emploi et du haut niveau d’activité.
Dans son dernier rapport, les économistes de l’OCDE jugent que la fin des politiques non conventionnelles qui ont été instituées après la crise de 2008 est possible du fait du retour de la croissance. Mais, en même temps, leur analyse révèle une forte inquiétude en ce qui concerne la situation de l’économie mondiale.
La location saisonnière sur Internet, un secteur à part entière sous surveillance
Les plateformes comme Airbnb ou Abritel se sont imposées en quelques années. Les offres d’hébergement touristique proposées par les particuliers qui, auparavant, passaient par les petites annonces dans la presse écrite ou par les agences immobilières, sont désormais relayées par Internet. Ce marché a connu une progression à deux chiffres depuis les années 2000. Accusés de concurrence déloyale par les hôteliers, jugés responsable de la pénurie de logements en centre-ville, les plateformes et leurs adhérents loueurs sont de plus en plus soumis à la surveillance des pouvoirs publics.
78 millions de nuitées vendues sur les plateformes Internet
Selon l’INSEE, en 2017, les particuliers ont proposé l’équivalent de 31 millions de « logements nuit » à la location (nombre de logements disponibles par nuit au cours de l’année) à travers les principales plateformes internet. Leur fréquentation a augmenté de 19 % par rapport à 2016, soit légèrement moins qu’en 2016 (+ 25 %). Compte tenu de la difficile évaluation des nuitées, cette variation n’est pas en soi significative. En 2017, les hébergements touristiques proposés par des particuliers via des plateformes internet représentent 13 % de la fréquentation des hébergements touristiques marchands, après 11 % en 2016. Ce nouveau segment de l’offre touristique marchande enregistre une croissance quatre fois supérieure à celle de l’hébergement traditionnel (hôtels, campings, résidences de tourisme, etc.). Pour ce dernier, en effet, la hausse n’a été que de 5 % en 2017. En prenant l’hypothèse de trois personnes par logement, les locations de logements touristiques de particuliers représenteraient 92 millions de nuitées, soit 18 % du total des nuitées, incluant l’offre des professionnels (contre 78 millions de nuitées en 2016, soit 16 % du total). Au total, en 2017, 521 millions de nuitées auraient été réalisées en France dans des hébergements marchands. La contribution des plateformes Internet est certainement sous-évaluée du fait des failles dans la transmission des informations aux services fiscaux. Par ailleurs, un nombre non négligeable de prestations s’effectue hors écran. Par exemple, des bailleurs invitent fréquemment les particuliers à la recherche d’une location saisonnière à ne pas passer par la plateforme pour éviter les frais de commission et pour échapper à l’impôt.
Les étrangers de plus en plus adeptes des plateformes de location
Deux tiers des locations profitent à des ménages français et un tiers à des touristes étrangers. La progression de la fréquentation de ces derniers est plus rapide que celle des Français : + 20 % pour les premiers en 2017, contre + 18 % pour les seconds. Ces résultats traduisent un changement de tendance car la croissance en 2016 était davantage portée par les résidents (+ 30 % pour les résidents contre + 16 % pour les non-résidents).
Les locations saisonnières, les premières concernées par la montée en puissance des plateformes
Les locations sont très concentrées pendant les périodes de vacances. Le troisième trimestre représente 46 % des locations de logements des particuliers (respectivement 30 % pour les hôtels, 74 % pour les campings et 36 % pour les autres hébergements collectifs). Les nuitées sont alors réalisées essentiellement en province, 89 %, contre 74 % des locations réalisées au premier trimestre.
Un secteur sous surveillance réglementaire
Les locations saisonnières proposées par les particuliers sont de plus en plus encadrées. Ainsi, depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, certaines communes peuvent imposer la déclaration préalable pour la mise en location de la résidence principale (qu’il s’agisse de location saisonnière ou touristique). Elles peuvent attribuer un numéro d’enregistrement à faire figurer dans les annonces de location publiées en ligne. C’est le cas à Paris, à Bordeaux ou à Nice. La location de la résidence principale ne peut pas excéder 120 jours et pas plus de 90 jours pour le même locataire.
Pour les résidences secondaires, une déclaration en mairie est obligatoire. Certaines communes dont Paris demandent un changement d’usage du bien pour avoir l’autorisation de le louer. Par ailleurs, elles peuvent également exiger une compensation de surfaces (transformation de bureaux ou de commerces en logements à la location traditionnelle par exemple).
Les plateformes sont censées faire payer la taxe de séjour aux bénéficiaires des locations et de transmettre aux services fiscaux le relevé des revenus perçus par les bailleurs.
Adoptée définitivement le 16 octobre 2018 par le Parlement, la loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) comporte plusieurs mesures visant à encadrer le recours aux plateformes de location saisonnière. Ces dernières sont désormais co-responsables du respect de la règle des 120 jours au-dessus desquels un particulier ne peut pas louer sa résidence principale. Elles auront l’obligation de bloquer les locations si ce nombre de jours de location admis est dépassé. En cas de non-respect de cette obligation, les plateformes s’exposeront à une amende de 50 000 euros par logement. De son côté, le bailleur pourra être condamné à verser une amende de 10 000 euros. Dans les communes où la location saisonnière nécessite une déclaration préalable soumise à enregistrement donnant lieu à la délivrance d’un numéro, les plateformes qui ne le mentionneraient pas dans les annonces encourront se voir infliger une pénalité de 12 500 euros par logement. De même les loueurs qui ne s’enregistrent pas s’exposeront à une amende de 5 000 euros, contre 450 euros aujourd’hui.