Le Coin des tendances – digital – emploi – productivité – salaire – vieillissement
« Je vois des objets connectés et des puces partout, sauf dans les statistiques économiques »
Quels sont les effets de la digitalisation croissante de l’économie ? L’informatisation serait responsable de la suppression de nombreux emplois. Selon une étude du Conseil d’Orientation pour l’emploi de 2017, 10 % des emplois pourraient à terme disparaître en raison de leur automatisation. La moitié des emplois sont amenés à évoluer fortement compte tenu de l’intégration des techniques de l’information et de la communication. Cette mutation devrait s’accompagner de gains de productivité car elle est censée déboucher sur une augmentation plus efficiente de la production. Pour autant, les données statistiques recueillies depuis une dizaine d’années montrent un essoufflement progressif des gains de productivité en France comme dans la plupart des pays développés (Etude de France Stratégie de 2016). Selon une étude de l’INSEE du mois de novembre 2018, l’usage de l’informatique ne conduit pas automatiquement à des gains de productivité. Aussi étrange que cela puisse paraître, les secteurs les plus informatisés ne sont pas ceux qui enregistrent les plus forts gains de productivité.
Le lien entre emploi et informatique est élevé. Plus le recours à l’informatique est important plus le risque de perte d’emplois est élevé. Néanmoins, d’un secteur à un autre, les résultats diffèrent en matière d’emploi et de productivité pour un même niveau d’informatisation. Ainsi, les industries alimentaires et la métallurgie se sont informatisées dans la même proportion mais les conséquences sont différentes, les premières gagnant en emplois mais obtenant de faibles gains de productivité quand les secondes enregistrent des résultats opposés. La nature de l’activité, son dynamisme comptent plus que la prise en compte du seul critère de l’informatisation.
L’INSEE retient néanmoins l’idée que les secteurs de basse technologie ayant davantage recours à l’informatique enregistrent des gains de productivité et des pertes d’emplois en moyenne très nettement supérieurs aux autres secteurs.
Selon l’INSEE, entre 1994 et 2007, le recours aux nouvelles techniques de l’information et de la communication a surtout détruit des emplois nécessitant peu de qualifications. L’institut statistique n’a pas actualisé son enquête depuis ce qui ne permet pas de savoir si la montée en puissance du digital aboutit à supprimer des emplois exigeant une qualification moyenne.
Pour l’INSEE, les effets du digital sur les services sont pour le moment différents. L’impact négatif sur l’emploi n’est pas constaté. L’informatisation entraîne une évolution rapide des postes mais ne pèse pas sur les effectifs.
L’informatisation semble accompagner des changements sectoriels de fond, avec une forte amélioration de la productivité apparente du travail pour les secteurs en déclin et une augmentation des emplois pour les secteurs en plein essor. Le recours aux nouvelles techniques numériques accélère l’externalisation d’activités. La forte croissance des services aux entreprises en est la preuve. Cette externalisation rend complexe la mesure des productivités et de leur évolution.
Le salaire et l’âge, une question de compétences et de formation
Le vieillissement de la population active a de multiples effets. Il contribue à augmenter les dépenses de prévoyance et d’arrêt de travail. Il s’accompagne d’une augmentation de la masse salariale car l’évolution des salaires dépend notamment de l’ancienneté et de l’âge. Logiquement, le montant du salaire dépend de la productivité mais dans les faits d’autres facteurs interviennent pour sa fixation. Le salaire est fonction de l’abondance ou de la rareté de l’offre de travail, des rapports de force employeurs/salariés, des conventions et des accords mis en œuvre, etc.
Les salariés voient logiquement leur rémunération augmenter à mesure qu’ils avancent en âge, en raison de l’expérience professionnelle accumulée. Cet accroissement des salaires est jugé, par certain, contreproductif car non lié à la productivité et aux besoins des salariés. Sur la question de la productivité, les résultats des différentes études qui ont été menées ces dernières années ne sont pas convergents. Certaines mettent en avant un déclin de la productivité à partir de 45 ou 50 ans quand d’autres prouvent l’inverse. L’évolution de la productivité en fonction de l’âge dépend évidemment de la nature des postes. Les analyses de la productivité par âge sont très délicates à conduire car il faut prendre en compte l’évolution des compétences en fonction des générations et de la nature des postes. Les questions liées aux coûts du travail des plus de 50 ans et à leur productivité ne sont pas sans conséquence sur leur employabilité. Si leur taux de chômage est plus faible que la moyenne, en revanche, leur durée de chômage est nettement supérieure.
L’évolution en trois temps du salaire
Selon une étude de France Stratégie, en moyenne, le salaire mensuel commence, en France, autour de 1 350 euros à 25 ans, il progresse rapidement au cours des dix à quinze années suivantes. Il stagne en milieu de carrière au-dessus de 2 000 euros avant d’enregistrer une accélération sur les dix dernières années pour dépasser 2 300 euros. Sur une carrière complète, le salaire moyen augmenterait donc de 1 000 euros environ. En début de carrière, le salaire vaut en moyenne 70 % du salaire moyen ; à 30 ans, il égalise le salaire moyen ; à 40 ans, il le dépasse de 10 % ; et il lui faut encore vingt années pour le dépasser de 20 %. La progression des salaires relatifs s’amenuise donc avec l’âge, sauf en fin de carrière, où elle reprend un rythme un peu plus vif entre 55 ans et 60 ans. Cette moyenne n’a que peu d’intérêt du fait des parcours professionnels très différents entre les catégories de salariés. Un jeune diplômé d’une grande école n’aura pas la même évolution professionnelle et salariale qu’un jeune sans qualification employé au SMIC. L’étude de France Stratégie souligne que ces évolutions salariales sont constatées pour toutes les générations d’actifs même si depuis les années 1990 / 2000, la période de stagnation s’est allongée.
L’écart entre les femmes et les hommes commencerait à se réduire
La différence de revenus entre les hommes et les femmes s’accroît au fil des carrières. L’écart entre les hommes et les femmes, à peine perceptible en début de carrière, ne cesse de grandir. Une femme en fin de carrière gagne en moyenne 110 % du salaire moyen, contre 130 % pour un homme. Cet écart serait en train de disparaître pour les générations les plus récentes. Les femmes nées entre 1970 et 1974 enregistraient des gains supérieurs aux hommes. Cette situation semblerait prouver l’esquisse d’un réel rattrapage. Ce progrès serait imputable non seulement aux campagnes contre les discriminations salariales mais aussi à la présence de plus en plus importante des femmes dans des emplois à forte qualification. En outre, elles sont plus présentes dans les activités tertiaires qui enregistrent les plus forts taux de croissance à la différence de l’industrie, secteur où les hommes sont surreprésentés.
La montée des compétences, des effets complexes
Parmi les salariés nés entre 1940 et 1944, à peine un quart des hommes comme des femmes étaient bacheliers. Pour les générations nées entre 1970 et 1974, cette proportion est de 50 %. Près de 80 % des personnes des générations nées après 1998 atteignent le BAC. Cette élévation du niveau d’éducation s’est accompagnée en parallèle d’une progression continue du taux d’activité des femmes, de sorte que leur part dans l’emploi est plus élevée de 8 points aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans.
Si l’écart de salaire n’est pas très important au moment de la première embauche, les diplômés améliorent sensiblement leur situation au cours de leur carrière. Ils connaissent comme l’ensemble de la population, en milieu de carrière, une période de stagnation. En revanche, la progression de leur rémunération est plus forte en fin de parcours. Les non-diplômés connaissent en revanche une décrue de leurs revenus à partir de 55 ans du fait d’une moindre employabilité.
Une rupture est intervenue en 2008 mais la crise n’est pas la seule raison
Depuis la crise de 2008-2009, les débuts de carrière des hommes se dégradent, quel que soit le niveau d’éducation. Pour les femmes, le phénomène est moins marqué. À chaque nouvelle cohorte, les courbes de salaire descendent d’un cran, et ce jusqu’à 30 ans pour les moins diplômés, mais de façon plus nette encore jusqu’à 45 ans pour les plus diplômés. Les difficultés d’insertion expliquent sans nul doute cette situation. L’étude de France Stratégie met également l’accent sur le rôle de la massification de l’enseignement supérieur. Les emplois proposés n’ont pas évolué au même rythme que l’augmentation du nombre de diplômés. Il en résulte un certain déclassement. La valeur des diplômes semble donc se dégrader. Les gains de productivité apparaissent moins rapides que l’élévation supposée des compétences. Le rôle du SMIC et les 35 heures peuvent avoir jouer en défaveur des salaires. Ils auraient contribué à leur écrasement.
Le système de l’emploi repose sur l’exclusion des moins productifs avec un chômage de masse pour les non-qualifiés. La situation de ceux pouvant conserver leur emploi est, sur le plan salarial, bien plus stable que celle qui prévaut chez nombre de nos partenaires.
L’abaissement des charges sociale sur les bas salaires a réduit le coût du travail pour les emplois non qualifiés pouvant expliquer que l’évolution relative de leur rémunération sur longue période soit moins dégradée que celle des diplômés. L’écart du coût relatif entre diplômés et non diplômés s’est fortement accru ces vingt cinq dernières années. De ce fait, une chape existe au sein des salariés français freinant leur ascension sociale et salariale. En fin de carrière, les plus diplômés compensent en partie le retard accumulé. Cette appréciation doit être relativisée car à partir de 55 ans, le taux d’emploi baisse fortement. Restent en emploi les actifs certainement à la plus forte productivité.
La montée en âge est synonyme d’augmentation du salaire mais cette règle tend à s’atténuer. Elle s’applique avant tout aux personnes qui ont suivi une formation supérieure ou égale au baccalauréat. La discrimination liée à l’âge, la prise en compte de la baisse de la productivité ou encore le souhait pour certains individus de moins travailler auraient pour conséquence une diminution en fin de carrière des salaires. Les effets sont masqués par l’importance des règles d’ancienneté. Ces dernières et le risque de réévaluation de la rémunération à la baisse expliquent la très faible mobilité des seniors. France Stratégie évalue que, nonobstant les règles d’indexation et en prenant en compte le taux d’emploi des plus de 50 ans, le salaire moyen baisse à partir de 57 ans. Ce diagnostic vaut pour les hommes. Pour contrecarrer cette dépréciation, un vigoureux effort de formation tout au long de la vie et, en particulier autour de la cinquantaine, apparaît indispensable. Or, les entreprises ont tendance à concentrer leurs actions de formation sur les salariés de 35 à 45 ans. Cet effort devrait être plus important encore pour les peu qualifiés, pour qui en moyenne la baisse de rémunération s’enclenche plus tôt, autour de 54 ans.