19 janvier 2019

Le Coin des tendances du 19 janvier 2019 bonheur et territoires

 

Et si les Français n’étaient pas si malheureux que cela ?

L’INSEE réalise depuis 2010 une enquête sur le niveau de satisfaction des Français. Cette enquête bâtie sur une série de questions sur les conditions de vie des Français révèle une situation plus complexe et moins manichéenne. S’il existe une forte corrélation entre niveau de revenus et santé avec le niveau de satisfaction, il n’en est pas de même en ce qui concerne le lieu de résidence.

En 2017, en France métropolitaine, les personnes âgées de 16 ans ou plus attribuent en moyenne une note de 7,2 sur 10 à la vie qu’elles mènent actuellement. Cet indicateur est calculé par l’INSEE à partir d’une série de questions. La principale est la satisfaction dans la vie, mesurée sur une échelle subjective de 0 à 10. Plus de la moitié des personnes déclarent un niveau de satisfaction de 7 ou de 8 ; 18 % des personnes attribuent une note de 9 ou 10 à leur vie et 20 % une note de 5 ou 6 sur 10. Seules 6 % des personnes donnent une note inférieure ou égale à 4.

Sans surprise, la satisfaction dépend des conditions de vie matérielles. En 2017, les personnes sans aucune difficulté matérielle attribuent une note de 7,8 à la vie qu’elles mènent actuellement contre 6,8 pour celles confrontées à 4 à 6 difficultés. La note moyenne attribuée est nettement plus basse (4,8) pour les personnes confrontées à au moins 12 difficultés, qui représentent 3,0 % de la population. Le niveau de satisfaction croît très fortement avec le niveau de vie. La variation de satisfaction moyenne est forte au sein des 30 % de ménages les plus modestes (en 2017, la satisfaction passe en moyenne de 6,5 à 7,0 entre le premier et le troisième décile de niveau de vie), alors qu’elle est plus modérée au sein des 30 % de ménages les plus aisés (elle passe de 7,5 à 7,6 entre le huitième et le dernier décile de revenu).

La proportion de personnes exprimant une faible satisfaction (note inférieure ou égale à 5) est quatre fois plus importante parmi les personnes les plus modestes que parmi les plus aisées (respectivement premier et dernier décile de niveau de vie). Entre 2014 et 2017, la satisfaction dans la vie des déciles les plus aisés se tasse légèrement et a contrario progresse légèrement pour les déciles médians et les premiers déciles.

Parmi les facteurs jouant un rôle clef dans l’appréciation des Français arrivent en tête l’emploi, les conditions de travail, la santé et la situation familiale. L’âge est un critère déterminant. Les jeunes de 18 à 24 ans sont plus heureux que les autres générations. L’indice de satisfaction baisse jusqu’à 54 ans avant de remonter chez les jeunes retraités. En revanche, il diminue après 70 ans et atteint 6,6 pour les plus de 85 ans. Les problèmes de santé influent évidemment sur cette appréciation. Les personnes qui vivent en couple, qu’elles aient ou non des enfants, sont plus heureuses (indice de plus de 7,5 avec enfants et de 7,4 sans enfant) que celles qui ne sont pas en couple (6,6 pour les personnes à la tête d’une famille monoparentale et 6,7 pour les personnes seules).

Les personnes jugeant leur état de santé « très bon » attribuent une note moyenne de 8,0 à leur vie en général, contre 5,6 pour celles l’estimant « mauvais » ou « très mauvais ». La faiblesse des liens sociaux ou le stress constitue un élément important pour le niveau de satisfaction.  En revanche, le genre n’est pas un facteur déterminant : les hommes et les femmes attribuent en moyenne la même note de satisfaction à leur vie.

En considérant les unités urbaines, il n’apparaît pas de variations significatives du niveau de bien-être subjectif suivant la taille de l’agglomération de résidence : en moyenne, entre 2014 et 2017, la note varie entre 7,2 en zone rurale, dans les villes de plus de 100 000 habitants et dans l’agglomération parisienne et 7,0 dans les villes de 50 000 à 99 999 habitants.

L’analyse par type d’aires urbaines (définies selon la proximité des pôles économiques) montre des écarts légèrement plus marqués, mais confirme que le bien-être ressenti dépend globalement peu de la géographie. Les habitants des pôles économiques de taille petite ou moyenne déclarent un niveau de satisfaction légèrement plus bas (7,0), ainsi que, dans une moindre mesure, ceux habitant dans les communes isolées en dehors de l’influence des pôles et les couronnes des petits ou moyens pôles (7,1). Néanmoins, ces niveaux moyens de bien-être restent très proches de ceux déclarés par les habitants des grands pôles, des communes multipolarisées des grandes aires urbaines ou des autres communes multipolarisées (7,2), ainsi que de ceux des habitants des couronnes des grands pôles (7,3). Entre 2014 et 2017, aucune tendance, que ce soit à l’amélioration ou, inversement dans le sens d’une détérioration de la satisfaction, ne se dessine dans les différents types de territoires analysés.

Les métropoles et le désert français

L’ouvrage « Paris et le désert français » publié par Jean-François Gravier en 1947 a lancé le débat sur l’aménagement du territoire après la Seconde Guerre mondiale. La politique d’aménagement du territoire dans les années 50 et 60 visait à favoriser l’émergence de métropoles pouvant contrebalancer la toute-puissance d’alors de la région parisienne. Cette politique a été couronnée de succès non pas grâce aux délocalisations de services et d’entreprises publiques mais par la réalisation du réseau ferré à grande vitesse ainsi que du réseau autoroutier. L’émergence des régions comme collectivités territoriales de planification économique a également joué un rôle, d’autant plus important que leur nombre a été réduit à 13 en 2015.

Dans ses livres « la France périphérique » et « No society », le géographe Christophe Guilly a popularisé la thèse d’un pays territorialement divisé. Les cœurs de métropole dotés des services, des transports publics auxquels feraient face à des territoires délaissés constitués des banlieues périphériques et des espaces ruraux. La population française pourrait être segmentée en fonction de son rattachement territorial. Cette segmentation est censée être à l’origine du sentiment d’abandon qu’une partie de la population éprouverait.

Entre 2011 et 2016, les métropoles, hors celle du Grand Paris, sont les espaces intercommunaux les plus dynamiques démographiquement, avec une croissance en moyenne de leur population de 0,7 % par an contre une croissance moyenne nationale de 0,4 %. Le Grand Paris connaît en revanche une baisse de 0,3 % du fait de la diminution de la population dans la capitale.

Entre 2011 et 2016, les territoires qui constituent aujourd’hui les 22 métropoles françaises ont gagné chaque année 102 600 nouveaux habitants, contre 75 800 habitants en plus entre 2006 et 2011. La densité moyenne des métropoles s’y est accrue annuellement de 7 habitants par km², contre 5 habitants par km² entre 2006 et 2011. Elles abritent 29 % de la population sur 2 % de la superficie. Les métropoles ont absorbé 36 % de la hausse de la population française entre 2011 et 2016, contre 22 % entre 2006 et 2011.

Depuis 2011, le rythme de croissance de la population dépasse 1,0 % par an dans six métropoles, Montpellier, Bordeaux, Nantes, Rennes, Toulouse, et Lyon. La croissance démographique est également forte à Strasbourg, Orléans, Dijon, Toulon et Clermont-Ferrand. Ces métropoles ont des taux de croissance de leur population se situant 0,5 % et 0,6 %, contre 0,1 % à 0,2 % durant la période quinquennale précédente.

La métropole d’Aix-Marseille-Provence ne gagne en revanche que 7 900 habitants chaque année, avec un rythme de croissance égal à la moyenne nationale. Seule Metz Métropole perd de la population (– 0,1 % par an) mais de manière moins prononcée que de 2006 à 2011. Nancy, Nice, Saint-Etienne et Brest perdent des habitants ou ont des progressions inférieures à la moyenne nationale.

Le solde migratoire apparent progresse également dans 8 des 11 communautés urbaines, tirant ainsi la croissance démographique. Néanmoins, dans ces intercommunalités, la population est globalement plus âgée que celle des métropoles. Les excédents naturels sont de ce fait moins nets et se dégradent dans la moitié d’entre elles. La croissance de la population est ainsi légèrement moindre que dans les métropoles.

Les métropoles ont tendance à aspirer la population des communes se situant dans la lointaine périphérie. Depuis 2011, les villes qui sont à plus de 30 minutes en voiture du cœur de l’agglomération connaissent, en règle générale, un déclin démographique. Avant 2011, ce déclin était constaté pour les villes qui se situaient à plus de 45 minutes. Les jeunes ménages ont tendance à s’installer dans le premier cercle périphérique des métropoles. Ils délaissent les lointaines banlieues. La présence de travail, la proximité des services et celle des établissements scolaires expliquent ce choix.

Certaines communautés de communes éloignées des métropoles bénéficient aussi d’une forte croissance liée à une attractivité propre (littoral atlantique, littoral méditerranéen de Perpignan à Béziers, Corse). Le déplacement de la population vers ces zones génère des tensions sur le prix de l’immobilier mais provoque un surcroît de croissance économique. La baisse de leur population hors métropoles se diffuse le long d’une large bande du territoire allant du Nord-Est au sud du Massif central, en passant par la Bourgogne. Dans cet espace, qualifié de « diagonale du vide », les îlots de croissance se raréfient. En Normandie et dans le Centre-Val de Loire, de très nombreuses communautés de communes connaissent depuis 2006 des baisses de population. C’est aussi le cas dans le centre de la Bretagne, dans les massifs alpins du Beaufortin et de la Vanoise ainsi que dans les massifs pyrénéens.

Dans le Grand Est, les Alpes et aux Antilles, la baisse de la population est avant tout liée à solde migratoire négatif. Dans le sud, en Corse, tout particulièrement, c’est un solde migratoire positif qui explique la croissance démographique. Dans les métropoles, la croissance démographique s’explique par un excédent naturel des naissances sur les décès et par un excédent migratoire (sauf pour Paris).