Le Coin des tendances du 23 mars 2019
Des citoyens pas toujours heureux
Entre les habitants des pays occidentaux et leurs services publics, y aurait-il un désamour croissant ? À en croire une enquête de l’OCDE auprès de 22 000 personnes réparties parmi 21 pays, les sondés estiment que ces services répondent mal à leurs besoins et ne sont pas faciles d’accès. Plus de la moitié d’entre eux déclarent que les prestations qu’ils reçoivent ne sont pas à la hauteur du montant des impôts dont ils s’acquittent, et deux tiers estiment que d’autres perçoivent plus de prestations qu’ils ne le devraient.
S’ils contestent la qualité des services fournis, cela ne les empêche pas de demander aux pouvoirs publics de faire plus pour protéger leur sécurité tant sur le plan social qu’économique (75 % d’entre eux). Les habitants des pays de l’OCDE craignent par-dessus tout de tomber malade et d’être dans l’incapacité de faire face aux dépenses du quotidien. Les personnes les plus âgées s’inquiètent avant tout pour leur santé et le niveau de leurs pensions quand les plus jeunes sont plutôt préoccupées par les questions de logement. À court terme, les Français sont davantage préoccupés par la crainte de devenir malades ou handicapés. 61 % des Français citent “une maladie ou un handicap” comme l’un de leurs trois principaux soucis au cours des deux prochaines années. Les inquiétudes à faire face aux dépenses quotidiennes (51 %) et les préoccupations liées à la criminalité ou à la violence (42 %) sont les autres risques les plus cités. À long terme, ce sont les retraites qui préoccupent le plus les Français – un résultat similaire à celui de tous les autres pays étudiés.
Une minorité seulement des personnes interrogées estime être satisfaite de l’accès aux services de santé, de logement ou de prise en charge de la dépendance, par exemple. Dans une majorité de pays, les citoyens doutent de l’efficacité des systèmes de protection sociale à les prendre en charge en cas de problème. La plupart des répondants pensent que l’État ne serait pas en mesure de leur assurer un filet de protection adapté s’ils venaient à être privés de leurs revenus à la suite de la perte de leur emploi, d’une maladie ou de la vieillesse. La plupart des personnes interrogées sont prêtes à cotiser davantage pour soutenir les régimes publics de retraite. Près de 40 % en moyenne indiquent être prêtes à consacrer 2 % supplémentaires de leur revenu aux impôts afin d’améliorer les services de santé et les retraites. Ce sont les Irlandais qui sont les plus nombreux à se déclarer prêts à payer plus d’impôts en contrepartie de meilleurs soins de santé (51 %), suivis par les Portugais (49 %), les Grecs et les Chiliens (48 %). Les répondants résidant en Israël (49 %), au Chili (51 %) et en Lituanie (53 %) sont les plus susceptibles de se déclarer prêts à voir leurs impôts augmenter de 2 % en échange de meilleures retraites. En France, 67% des personnes interrogées considèrent la sécurité financière des personnes âgées comme l’une des trois principales préoccupations au-delà de la prochaine décennie, ce qui est juste en dessous de la moyenne de l’enquête (72 %). Lorsqu’on leur demande ce qui les rendrait plus en sécurité sur le plan économique, les Français ont plus tendance à citer les retraites (60 %), de meilleurs soins de santé (41 %) et une meilleure sécurité publique (34%) parmi leurs trois principales priorités politiques. Cependant, il existe une réticence à payer pour ces aides, la moitié des Français déclarant qu’ils ne paieraient pas 2 % supplémentaires de leur revenu en impôts et cotisations pour améliorer les services publics énumérés dans l’enquête.
Au sein de l’OCDE, plus de la moitié des personnes interrogées indiquent ne pas percevoir leur juste part des prestations sociales au regard du montant de leurs impôts, et cette proportion s’élève même aux trois quarts des personnes interrogées ou plus au Chili, en Grèce, en Israël et au Mexique. Dans le même temps, les personnes attendent plus d’aides de leur gouvernement. Dans presque tous les pays, pour plus de la moitié des répondants, les gouvernements devraient faire plus pour leur sécurité économique et sociale. Cela est particulièrement marqué chez les personnes les plus âgées et celles qui ont les revenus les plus modestes.
Plus de la moitié des personnes interrogées au sein de l’OCDE considèrent qu’elles ne pourraient pas accéder facilement aux prestations sociales publiques si elles en avaient besoin. Ce sentiment de défiance est largement partagé. Comme dans d’autres pays, de nombreux Français doutent de leur capacité à obtenir l’aide du gouvernement. 17 % des Français pensent pouvoir facilement accéder aux prestations publiques s’ils en avaient besoin, contre une moyenne de 20 % dans l’ensemble des pays. Les Français ont ce sentiment tout en ayant accès au système de protection sociale le plus important en termes de dépenses par PIB au sein de l’OCDE.
Dans tous les pays où le sondage a été conduit, à l’exception du Canada, du Danemark, de la Norvège et des Pays-Bas, la plupart des personnes interrogées estiment que leur point de vue n’est pas pris en compte dans l’élaboration de la politique sociale. Dans plusieurs pays, notamment en Grèce, en Israël, en Lituanie, au Portugal et en Slovénie, cette proportion peut aller au-delà des deux tiers des sondés. Plus le niveau d’études et de revenu est élevé, plus le sentiment d’exclusion du débat sur l’action publique augmente ; de la même manière, l’impression d’injustice est exacerbée parmi les ménages au revenu élevé. Les Français ont également le sentiment d’avoir peu d’influence sur les politiques publiques. 72 % des Français estiment que le Gouvernement ne prend pas en compte l’opinion des citoyens dans la conception des aides publiques, un taux similaire aux résultats obtenus dans les autres pays. Environ la moitié des Français souhaitent que le Gouvernement fasse davantage pour assurer leur sécurité économique et sociale.Dans tous les pays participant à l’enquête, plus de la moitié des répondants déclarent que l’État devrait augmenter le taux d’imposition des hauts revenus, afin de venir en aide aux plus pauvres. En Allemagne, en Grèce, au Portugal et en Slovénie, ils sont 75 % ou plus à le penser.
Inde/Chine : deux géants, deux modes de développement
La montée en puissance économique de la Chine peuplée de 1,3 milliard d’habitants constitue l’un des évènements majeurs du début du XXIe siècle. Certes, la Chine ne fait que retrouver le rang qu’elle avait avant 1750. Il n’en demeure pas moins qu’en doublant à terme le nombre de personnes pouvant accéder à un système d’économie de marché, le fonctionnement de ce dernier s’en trouve modifié. La Chine est devenue en quelques années le premier exportateur mondial et capte une part croissante des matières premières et de l’énergie de la planète. D’ici le milieu du siècle, elle pourrait absorber la moitié de la production de pétrole. D’ici 2024, la Chine pourrait perdre sa place de numéro 1 pour le pays le plus peuplé du monde. Elle sera dépassée par l’Inde qui pourrait alors compter plus de 1,4 milliards d’habitants. Depuis plusieurs années, ce pays enregistre des taux de croissance supérieurs à la Chine. L’Inde a-t-elle les capacités à doubler économiquement l’Empire du Milieu et peut-elle avoir un impact sur l’économie mondiale aussi fort que ce dernier ?
En termes économique, l’Inde est très en retrait par rapport à la Chine. Le pouvoir d’achat des habitants est celui que connaissaient les Chinois en 2008. Son taux de croissance est de 7 % en moyenne par an, soit plus que celui de la Chine d’aujourd’hui. Mais au regard des taux passés constatés en Chine, l’Inde fait moins bien à état de développement comparable. Il y a dix ans, la Chine avait un taux de croissance de 9 %. Depuis 1990, le PIB par habitant a été multiplié par neuf en Chine et par quatre en Inde. Le PIB par habitant était en 2018 de 18 000 dollars en parité de pouvoir d’achat en Chine et de 8 000 dollars en Inde.
Les deux pays ont des caractéristiques différentes rendant les comparaisons difficiles à mener. Depuis son ouverture commerciale à partir de 1978 et surtout depuis les années 1990, la Chine a opté pour un système de développement mercantiliste axé sur les exportations. La croissance est tirée par les exportations avec un taux de change réel sous-évalué. Les exportations chinoises représentent 15 % des exportations mondiales (hors Russie et OPEP) en 2018 contre 2 % en 1992. La Chine a gagné des parts de marché sur tous les autres grandes puissances économiques. Les autorités se sont constituées d’importantes réserves de change permettant de maintenir une monnaie relativement faible malgré des excédents commerciaux très importants.
Le modèle indien de croissance repose sur une croissance essentiellement tirée par la demande intérieure. Le secteur exportateur est de petite taille. L’industrie indienne représente 16 % du PIB contre 32 % en Chine. Comme cela était la règle avant le décollage des pays asiatiques, le développement économique s’accompagne, en Inde, de l’apparition d’un déficit extérieur chronique. Le déficit commercial est en Inde de plus de 6 % du PIB quand, en 2018, l’excédent chinois s’élève à plus de 4 % du PIB. Il en résulte une dépréciation continuelle du taux de change. La roupie indienne a, depuis 2009, perdu la moitié de sa valeur face au dollar.
À la différence de la Chine, l’Inde a une épargne faible, ce qui limite sa capacité à accumuler du capital dans l’industrie pour devenir un pays exportateur. Le taux d’épargne est de 45 % du PIB en Chine contre 30 % en Inde.
Cette absence d’excédents commerciaux et la faiblesse de l’épargne freine la possibilité d’accumulation de capital, qui est indispensable pour la réalisation des infrastructures qui manquent cruellement à l’Inde pour affermir sa croissance. Le développement de ce pays devrait être donc plus lent que la Chine mais il pourrait être plus stable sur longue période et moins disruptif pour l’économie mondiale. Pour le moment, il n’y a pas de gains de parts de marché. Son commerce extérieur est déséquilibré, puisque les exportations ne sont pas surdimensionnées. L’Inde peut, à plus ou moins brève échéance, être confrontée à un problème des changes du fait du caractère structurel de son déficit extérieur. Malgré tout, l’Inde est mieux placée dans certaines activités à forte croissance, les services informatiques en particulier. La recherche indienne est reconnue et est très connectée à celle des pays occidentaux. Les prises de participation indiennes dans les entreprises américaines ou européennes soulèvent, en règle générale, moins de contestations que celles émanant de Chine. L’Inde bénéficie d’une image de pays démocratique qui a veillé à rester relativement indépendant. Néanmoins, les problèmes d’infrastructures, les importantes inégalités et les problèmes religieux ainsi que des relations compliquées avec ses voisins (Bengladesh, Pakistan, Chine) constituent autant de faiblesses pour un développement harmonieux de la péninsule indienne.
Qui sont les Français qui déménagent ?
Selon l’INSEE, entre 2014 et 2017, 18 % des habitants de France métropolitaine ont déménagé au moins une fois. Parmi les principaux facteurs d’explication importants figurent un changement de composition du ménage (35 % des cas), un changement d’ordre professionnel ou l’acquisition de sa résidence principale.
Les ménages jeunes, moins installés dans la vie professionnelle et familiale, sont les plus mobiles. Plus de la moitié (54 %) des personnes appartenant à un ménage dont la personne de référence a moins de 30 ans ont ainsi déménagé, soit deux fois plus que lorsque la personne de référence est âgée de 30 à 39 ans et sept fois plus que lorsqu’elle a 50 ans ou plus.
Fort logiquement, les ménages propriétaires (accédants ou non) déménagent moins souvent que la moyenne. En particulier, les frais engagés pour un déménagement sont en général plus élevés, notamment en raison des coûts de transactions immobilières.
La mobilité chez les locataires est plus forte dans le secteur libre que dans le secteur social. Sur la période de quatre ans, visée par l’enquête de l’INSEE, le taux de mobilité est de 50 % dans le privé et de 23 % dans le social. Les locataires du secteur privé déménagent plus souvent que ceux relevant du secteur social car ils accèdent à la propriété.
Plus les personnes sont aisées, moins elles sont mobiles, ce qui tient au fait qu’elles sont généralement plus âgées et plus souvent propriétaires. 22 % des personnes modestes ont déménagé entre 2014 et 2017, contre seulement 14 % des personnes aisées. En revanche, chez les plus jeunes, les plus aisés, davantage locataires dans le privé, sont plus mobiles que leurs les détenteurs de revenus modestes.
Entre 2014 et 2017, 12 % des adultes qui n’étaient pas propriétaires le sont devenus. Devenir propriétaire de sa résidence principale motive certains déménagements. L’accès à la propriété se réalise essentiellement avant 50 ans. Dans les ménages dont la personne de référence a 50 ans ou plus, seuls 6 % des adultes sont devenus propriétaires-occupants entre 2014 et 2017. Ils sont 20 % lorsque la personne de référence est âgée de moins de 40 ans.
Durant ces quatre années, seulement 4 % des personnes modestes sont devenues propriétaires, soit cinq fois moins que les personnes aisées (23 %). Si jusque dans les années 1980, les locataires du secteur social pouvaient mettre de l’argent de côté du fait des faibles loyers dont ils profitaient afin de préparer une accession à la propriété, ce n’est plus le cas depuis. L’augmentation des prix de l’immobilier rend le franchissement de la marche de plus en plus difficile.
En quarante ans, le confort des logements s’est considérablement amélioré. Le confort sanitaire de base, c’est-à-dire l’eau courante, une baignoire ou une douche, et des toilettes à l’intérieur, est devenu la règle. Jusqu’à la fin des années 1970, un logement sur quatre ne disposait pas de salle de bain ou de toilettes à l’intérieur. Malgré tout, des difficultés persistent ou apparaissent. Les défauts d’équipement de chauffage ou d’isolation sont de plus en plus nombreux. Les problèmes de taille de logement peuvent également se poser.
La part de la population confrontée à des difficultés de logement de façon ponctuelle (c’est-à-dire au moins une année en 2014 ou en 2017) atteint 28 %. Pour plus d’un tiers d’entre elles (10 % des personnes), ces difficultés se manifestent de façon durable, c’est-à-dire en 2014 comme en 2017.
Les personnes ayant déménagé entre 2014 et 2017 connaissent plus souvent des difficultés de logement au moins une des deux années (38 %). La mobilité s’accompagne nettement plus souvent d’une amélioration des conditions de logement que l’inverse : c’est le cas pour 23 % des personnes mobiles durant cette période. Cependant, 9 % des résidents qui ont déménagé connaissent des difficultés de logement en 2017 et non 2014.
Les difficultés de logement concernent davantage les ménages les plus jeunes. Elles diminuent ensuite avec l’âge, à mesure que le niveau de vie augmente. Les habitants de la région parisienne sont plus confrontés que les autres à des problèmes de logement : nuisances sonores, surpeuplement.
Près de la moitié (45 %) des personnes modestes connaissent des difficultés de logement en 2014 ou en 2017, soit trois fois plus que les personnes aisées (16 %). La persistance de ces difficultés conforte ces inégalités. Pour 20 % des personnes modestes, elles sont durables, soit presque quatre fois plus souvent que pour les personnes aisées (6 %).
Le surpeuplement a baissé depuis le milieu des années 1980 et jusqu’au milieu des années 2000 (passant de 16 % des ménages en 1984 à 8 % en 2006, d’après l’enquête Logement), avec l’augmentation des surfaces des logements et la diminution de la taille des ménages. Les familles monoparentales vivent deux fois plus souvent dans un logement surpeuplé que les couples avec enfants, cinq fois plus que les personnes seules et quinze fois plus que les personnes en couple sans enfant. Dans l’unité urbaine de Paris, où le coût du logement est plus élevé, les logements sont également plus souvent surpeuplés (dans une proportion deux fois supérieure à la moyenne nationale). Enfin, les locataires, plus présents dans les grandes unités urbaines, sont également nettement plus concernés que les propriétaires. Les locataires du secteur social et les personnes modestes se retrouvent plus souvent durablement en situation de surpeuplement.
Les Français qui déménagent sont donc avant tout jeunes et disposent de revenus moyens à aisés. Ce sont les 18/39 ans les plus mobiles. Du départ du foyer familial à la stabilisation professionnelle et personnelle, les jeunes déménagent, en moyenne, trois fois. Le développement des colocations au sein des grandes agglomérations amplifie cette mobilité. Dans 80 % des cas, leur nouveau logement se situe à moins de 100 kilomètres de l’ancien.