Le Coin des tendances du 19 mai 2019
À la recherche de la convergence européenne
L’Union européenne fête les 40 ans de la première élection du Parlement européen et les 20 ans de l’euro. Ces anniversaires symboliques arrivent au moment même où la construction européenne fait débat voire est remise en cause. Le difficile Brexit, les tensions de plus en plus fortes entre les États membres et la montée du populisme, largement antieuropéen, sont autant de nuages dans le ciel européen. Certes, depuis plus de 70 ans, la construction européenne a connu de multiples crises qu’elle a réussies à surmonter. Cela est même devenu un savoir-faire. Les négociations qui se terminent au petit matin sur les dévaluations, la fixation des montants compensatoires agricoles ou sur le budget européen, sont légions. Mais, au fil des années, l’Europe est devenue le bouc-émissaire facile des États membres. Avec un budget qui ne dépasse pas 1 % du PIB des États membres, avec 43 000 fonctionnaires européens, l’Europe est accusée de tous les maux quand pour mémoire, l’État en France compte 2,2 millions d’agents et les dépenses publiques représentent 56 % du PIB.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe s’est construite, de manière pragmatique autour de projets concrets : l’énergie, l’industrie lourde, l’agriculture, etc. Les pères fondateurs de l’Europe, Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer, Joseph Bech, Johan Willem Beyen, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak, ont fait le pari de sceller la réconciliation des anciens adversaires en contournant les obstacles politiques. Conscients que les plaies de la guerre étaient encore vives et que le nationalisme était vivace, ils ont opté pour la coopération économique. L’Europe des marchands était à leurs yeux plus facile à réaliser que l’Europe politique. En 1945, l’économie dépendait du charbon et de l’acier. Les bombardements avaient détruit une part significative des capacités de production des pays européens. Afin de faciliter la reconstruction et de réguler le marché, la France, l’Allemagne, le Benelux et l’Italie ont décidé de s’associer pour créer la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1951. Elle s’inscrivait dans le prolongement du plan Marshall et de l’Union Européenne de Paiement. Cette coopération favorisée par les États-Unis visait à renforcer le potentiel industriel de l’Europe de l’Ouest en pleine période de guerre froide.
Après le succès de la CECA et en conservant la même philosophie, les représentants des États membres ont tenu une conférence à Messine en 1955 qui aboutira à l’élaboration et à la signature du Traité de Rome le 25 mars 1957. Ce dernier institua la Communauté Économique Européenne et Euratom. Il prévoit l’instauration d’une Union douanière prenant la forme d’un marché commun. La France, très réticente à la suppression des barrières douanières, obtient alors la mise en place d’une politique agricole unique reposant sur la libre circulation, la préférence communautaire et la garantie de prix plancher.
Le marché unique en 1986 et l’euro avec le traité de Maastricht en 1992 parachevèrent ce processus à dominante économique. Le marché unique a instauré la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. La monnaie unique prévue par le Traité de Maastricht a été, rapidement, considérée comme un outil indispensable pour garantir la pérennité du marché unique. En éliminant les risques de change, elle facilite les échanges et met fin à la problématique des dévaluations et des réévaluations des monnaies qui polluaient le débat européen en particulier au niveau de la fixation des prix agricoles. La monnaie unique avait été imaginée dès la fin des années 60 avec le plan Werner/Barre.
Les avocats de la monnaie unique mettaient en avant la force de convergence et d’harmonisation qu’aurait la monnaie sur les États membres. Vingt ans après sa création, ses défauts sont régulièrement mis en avant quand ses avantages sont tus. L’euro n’a guère de précédent. Jamais autant d’États restant indépendants n’avaient décidé de partager la même monnaie. Certes, en 1863, la France, l’Italie, la Belgique et la Suisse se sont associés pour créer l’Union latine. La Grèce rejoignit l’Union en 1868. Les objectifs de l’Union étaient ambitieux. Les États membres devaient uniformiser leurs règles de création de la monnaie. Des plafonds d’émissions étaient prévus. Si les monnaies nationales étaient maintenues, elles étaient reconnues dans chaque État membre. Le système retenu reposait sur un bimétallisme or/argent. L’Union latine ne fut jamais totalement réalisée avant d’être dissoute en 1927.
Le Traité de Maastricht pour éviter les défauts de la défunte Union latine prévoit l’abandon des monnaies nationales et la création d’une banque centrale indépendante, la Banque centrale Européenne (BCE), qui est devenue le banquier en dernier ressort et une institution de nature fédérale. Ses caractéristiques en font ses forces en lui permettant d’être un acteur économique mais aussi politique. Elles sont aussi ses faiblesses car la BCE est accusée d’être déconnectée de la population européenne.
L’organisation monétaire européenne a été influencée par l’Allemagne, première puissance économique de la zone euro qui avait le plus perdre en abandonnant le deutschemark dont la force était reconnue. Les principes fondateurs de la monnaie unique ne sont pas sans lien avec les thèses monétaires qui avaient cours à la fin des années quatre-vingt. La priorité donnée à la lutte contre l’inflation en est un des symboles. Les règles budgétaires, les fameux critères de Maastricht, ont été imposées afin d’éviter des comportements non coopératifs de la part des États membres. Du fait de l’absence de structure politique fédérale, la responsabilité de la bonne gestion de la monnaie repose sur les États membres. S’ils restent libres de leur politique économique, ils doivent veiller à ne pas mettre en difficulté la monnaie unique. Initialement, avant la crise grecque, l’échelon européen n’avait pas à intervenir en cas de défaillance d’un des États. Les Allemands ne souhaitaient pas de dispositifs automatiques qui auraient pu les amener à contribuer au renflouement d’États indélicats. La crise des dettes souveraines a amené à la création du Fonds Européen de Stabilité Financière remplacé, en 2013, par le Mécanisme Européen de Stabilité. Cette structure a la capacité de lever jusqu’à 700 milliards d’euros pour venir en aide à des États en difficulté ou pour participer à des sauvetages de banques.
La convergence des taux longs entre les États membres s’est manifestée dès le milieu des années 1990 avant même l’introduction officielle de l’euro en 1999. Les pays présentant des taux d’intérêt plus élevés ont vu ces derniers sensiblement diminuer et se rapprocher de la limite basse, représentée par les taux allemands. Le taux à 10 ans de l’État italien a ainsi enregistré une baisse de plus de 6 points entre avril 1995 et janvier 1999. Ce rapprochement s’est concrétisé par la suppression des écarts de taux longs (spreads) entre les pays de la « périphérie » et l’Allemagne en 1999. Jusqu’en 2008, ils resteront nuls ou presque. Durant cette période, l’appréciation du risque était la même pour l’ensemble des États membre de la zone euro. La solidarité de place est jugée suffisamment crédible pour supprimer les primes de risque. En raison de taux d’inflation plus importants dans les États du Sud de la zone euro que dans le Nord, ces pays ont bénéficié de taux d’intérêt réels plus faibles, ce qui a facilité l’investissement la consommation (via le recours au crédit) et donc l’endettement.
La rupture avec cette période de convergence des taux intervient en deux temps : en 2008 avec la crise des subprimes et en 2012 avec la crise grecque. Les pays d’Europe du Sud connaissent à nouveau des écarts de taux importants avec l’Allemagne. Les agents économiques ont douté des capacités de remboursement des États, des entreprises et des ménages des pays périphériques. Après la crise des subprimes, les banques ont été amenées à être plus scrupuleuses dans leur politique d’attribution des crédits. L’aversion aux risques a fortement progressé et cela d’autant plus que la croissance n’a pas retrouvé son niveau d’avant crise. Les agents économiques des États d’Europe du Nord ont cessé de prêter leur argent aux pays d’Europe périphérique. Depuis 2013, la convergence des taux longs a été réenclenchée mais dans une ampleur toutefois moindre qu’auparavant.
Le retour des écarts de taux a matérialisé également une divergence des économies et des conditions de vie des Européens en fonction de leur État. L’Italie connaît une régression du revenu par habitant l’éloignant de plus en plus des pays d’Europe du Nord. Le PIB par habitant espagnol est même supérieur à celui des Italiens. Les évolutions divergentes des États sont à l’opposé de ce qui avait prévalu durant la première décennie de l’euro. Les pays de la « périphérie » avaient réduit leurs écarts de richesse par rapport à la moyenne, mais grâce à un modèle économique difficilement soutenable. L’accumulation de déficits budgétaires et extérieurs, accompagnée de bulles immobilières, est apparue à postériori comme des facteurs de déséquilibres manifestes. Après 2008, les pays de la « périphérie » ont perdu une partie des gains engrangés durant la période où ils ont bénéficié de taux réels plus faibles que ceux du cœur de l’Europe.
La France se situe dans une position intermédiaire. Elle évolue autour de la moyenne avant et après la crise. Si de 1999 à 2003, elle a renforcé son potentiel économique, une dégradation est constatée depuis et s’est ensuite accentuée entre 2013 et 2016. La balance commerciale est devenue déficitaire à partir de 2003 pour le rester depuis. La France a perdu des parts de marché à l’exportation et des emplois industriels avant même la crise. Des éléments liés à la politique nationale explique cette évolution contrastée et déconnectée du cycle européen.
L’Allemagne accusée d’égoïsme du fait d’une politique économique rigoureuse, a contribué, durant les dix premières années de l’euro, à la croissance des pays périphériques à travers le financement de leur endettement. Certes, elle a profité de la croissance de ces pays pour augmenter ses exportations d’autant plus qu’elle avait restauré sa compétitivité. Après 1997, l’Allemagne a mis en œuvre une politique de modération salariale, menée notamment sur la base d’une décentralisation des négociations salariales. Cette modération a été accompagnée au début des années 2000 d’une flexibilisation du marché du travail. Le solde du compte courant allemand a gagné 9 points de PIB de 1999 à 2018. Les Pays-Bas ont également amélioré leurs résultats à l’exportation. Leur excédent courant est positif de plus de 10 % du PIB en 2017, en hausse de 7 points depuis 1999. L’euro a accéléré la spécialisation économique des États. L’Allemagne a renforcé ses capacités industrielles quand le Sud de l’Europe dépend avant tout de ses activités de service. La monnaie unique a, en outre, permis à l’Allemagne d’échapper à l’appréciation de sa monnaie. Un tel excédent aurait conduit à une revalorisation plus forte de sa monnaie si elle avait conservé le deutschemark. Le cours de l’euro est affaibli par les États du Sud accumulant des dettes. L’Allemagne dont la demande intérieure est faible en raison de son vieillissement a profité du rattrapage de l’Europe du Sud pour conforter ses revenus. Mais, en l’absence de mécanismes de transferts sociaux à l’intérieur de la zone euro, cette répartition des rôles ne pouvait qu’amener des déséquilibres, jugés insupportables avec la crise.
La crise des dettes souveraines en 2011/2012 a contraint les États périphériques à réduire leurs déficits extérieurs et intérieurs en pesant sur les évolutions des revenus tant professionnels que sociaux. Les ajustements au sein de la zone euro sont assez sensibles car ils passent par les revenus et la consommation. Auparavant les dévaluations avaient des effets identiques mais plus indolores. En augmentant le coût des importations, elles rognaient le pouvoir d’achat des consommateurs concernés. Par ailleurs, elles étaient fréquemment accompagnées de plans de rigueur. À l’inverse des États-Unis qui sont une république fédérale, la zone euro connaît un partage du risque très limité. 80 % des chocs qui affectent une économie donnée ne sont pas lissés ou mutualisés.
Les deux crises survenues depuis l’introduction de l’euro ont abouti à une renationalisation des marchés de financement. Les agents européens rechignent à prêter dans un autre État de la zone euro que le leur. Les Allemands ou les Néerlandais qui ont des excédents préfèrent prêter en dehors de la zone euro. Le renforcement des mécanismes de partage du risque au sein de la zone euro nécessiterait notamment une plus grande intégration des marchés des capitaux et un marché du crédit transfrontalier moins sensible aux retournements conjoncturels.
La zone euro souffre donc de l’absence d’outils de gestion des crises. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est une avancée mais son intervention n’est possible qu’en cas de crise grave et avérée. La mise en place d’instruments pouvant intervenir en amont serait salutaire pour absorber une partie des chocs.
Au niveau financier, la BCE joue un rôle moteur pour éviter la survenue d’une crise systémique. Ainsi, elle a contribué à la mise en œuvre d’une union bancaire en 2013. Cette dernière repose sur trois piliers :
- la prévention des risques, au moyen d’un mécanisme de supervision unique confié à la Banque centrale européenne ;
- la dissociation des risques, souverains et bancaires, au moyen d’un mécanisme de résolution unique comportant notamment un fonds de résolution alimenté par les banques ;
- la mutualisation des risques, au moyen d’un mécanisme unique de garantie des dépôts bancaires.
Pour assurer une plus grande convergence économique et surmonter des aléas conjoncturels asymétriques, certains dirigeants dont Emmanuel Macron demandent la mise en place d’un budget de la zone euro. Pour le moment, la zone euro n’est qu’un élément non institutionnel de l’Union européenne. Initialement, tous les États membres avaient vocation à adhérer à la monnaie unique (à l’exception du Danemark). Depuis, le Royaume-Uni, la Pologne et la République tchèque ont fait savoir que leur participation à l’Union ne saurait entraîner leur adhésion à l’euro. De ce fait, l’idée de dissocier les deux structures peut se justifier. L’existence d’un budget (serait à même d’épauler des États en difficulté. Tout en ne s’opposant pas sur le principe, Angela Merkel a signifié à la France que le budget de la zone euro devrait rester modique et ne pas donner lieu à des versements automatiques.
À défaut de politique budgétaire commune, la politique de la zone euro est essentiellement monétaire. La BCE en adoptant des taux nuls voire négatifs et en effectuant des rachats d’actifs a permis aux États de la périphérie de surmonter la crise des dettes souveraines. Elle a aussi contribué à la reprise économique constatée depuis 2016. Sous couvert de lutte contre la désinflation, elle s’est immiscée dans le débat économique. Certains demandent que la BCE intègre des critères liés à l’emploi et à la croissance dans l’élaboration de la politique monétaire sur le modèle de la FED. Dans les faits, elle prend en compte l’évolution de l’activité comme en témoigne sa décision au début de l’année 2019 de différer à la fin de l’année 2020 la hausse de ses taux directeurs. La Banque centrale européenne a endossé un rôle beaucoup plus important que prévu en 1999 en augmentant la taille de son bilan et en supervisant directement les principales banques au sein d’un mécanisme de surveillance unique. En fixant des règles de crédits, elle pourrait, influencer encore plus finement la politique économique. Elle pourrait à terme fixer des plafonds d’endettement des différents acteurs pour éviter le développement de déséquilibres. Elle pourrait, par ailleurs, imposer des contraintes accrues aux banques pour limiter le recours aux crédits de la part des entreprises et des ménages. Mais, cet interventionnisme monétaire a des limites. Une banque centrale n’a pas vocation à être un acteur dominant de la politique économique. La gestion macroéconomique ne peut pas relever que d’une instance supranationale disposant de moyens spécifiques.
La fréquentation des lieux de patrimoine, à la croisée des chemins
L’incendie de Notre Dame de Paris a confirmé l’attachement des Français à leur patrimoine national. Le succès des émissions à la télévision consacrées aux monuments et le lancement d’un loto pour financer leur restauration sont également des signes de cet engouement. Ce dernier se traduit par le développement d’un tourisme lié aux visites d’églises, de châteaux et des musées. Ainsi, selon une récente étude du Credoc, 60 % de la population ont visité au moins une fois une exposition, un musée ou un monument au cours des douze derniers mois. 14 % des Français déclarent avoir visité au cours des douze derniers mois au moins cinq monuments et 12 % de trois à quatre. 11 % ont en visité deux et 20 % un.
Si la pratique religieuse est en déclin, les monuments religieux sont les plus visités. 43 % des Français ont déclaré s’être rendus dans une église sur les douze derniers mois. Les monuments religieux ont conforté ces dernières années leur première position en tant que lieux les plus visités. 43 % des Français déclarent s’être rendus au moins une fois dans un tel monument en 2018 contre 42 % en 2016 et 37 % en 2012. La visite de châteaux progresse également. 35 % des Français s’y sont rendus contre 32 % en 2012. Il est à noter le succès croissant des bâtiments d’architecture moderne qui ont attiré 20 % des Français contre 14 % en 2012.
Les Français visitent les musées et les monuments essentiellement quand ils sont en vacances. Seuls 20 % des Français n’effectuent que des visites dans leur lieu d’habitation. Ainsi, c’est dans le cadre de leurs déplacements que les Français se rendent dans les musées ou dans les monuments. Ceux qui se rendent dans les lieux du patrimoine durant leurs vacances sont plus assidus à les fréquenter durant l’ensemble de l’année. Cette corrélation est liée au niveau des revenus. Ceux qui ne partent pas en vacances ont en règle générale des revenus inférieurs.
Les Français sont très sensibles aux prix dans le choix de leur visites culturelles. 46 % évoquent la question du coût en tête des freins à l’accès au patrimoine culturel, loin devant les autres freins proposés (manque de temps, manque d’intérêt, etc.). Ce taux est supérieur à celui observé en moyenne en Europe (34 %). Il est proche de celui observé dans en Grèce (52 %) ou en Hongrie (46 %).
La fréquentation varie en fonction des catégories sociales et du diplôme. Ainsi, ce sont les professions intermédiaires qui se rendent le plus fréquemment dans les lieux culturels (55 %) contre 40 % pour les employés, 33 % pour les classes moyennes inférieures et 48 % pour les classes moyennes supérieures. Ce taux est de 22 % pour les ouvriers. Moins de 33 % des non-diplômés ou de niveau CEP se rendent dans un lieu de patrimoine dans l’année. Ce taux est de 69 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. La visite des monuments reste moins élitiste que celle des musées. Ces derniers sont l’apanage des classes moyennes et supérieures. La visite des musées exige du temps et est plus coûteuse. Un tiers des visites des monuments s’effectue en famille avec les enfants contre 13 % pour les musées dont le public est plus âgé. Les musées d’histoire attirent en revanche plus les milieux modestes que les représentants des catégories sociales supérieures. Les musées retraçant les guerres mondiales ont un public plus populaire que ceux consacrés à l’art. Les cadres fréquentent trois fois plus les musées que les employés. De même, les habitants des agglomérations de plus de 100 000 habitants se rendent dans les lieux de patrimoine deux fois plus souvent que ceux habitants dans des agglomérations de 20 000 à 100 000 habitants. Les célibataires sont également surreprésentés parmi les adeptes des musées et des monuments.
Un engouement qui a atteint un plafond ?
Ces bons résultats masquent une rupture intervenue entre 2016 et 2018. Les Français se rendent moins nombreux dans les lieux de patrimoine depuis deux ans (repli de 4 points). Plusieurs facteurs expliquent ce recul. Ces deux dernières années, les Français sont partis moins fréquemment en vacances qu’auparavant. Le climat social a pu dissuader des visiteurs de se rendre dans certains monuments ou musées. Par ailleurs, l’allongement des files d’attente pour accéder aux monuments (musée du Louvre ou musée d’Orsay par exemple) peut décourager les résidents français.
La baisse de fréquentation ne concerne pas les jeunes de moins de 25 ans. Ils sont devenus la catégorie d’âge visitant le plus des lieux de patrimoine. Les jeunes bénéficient de nombreuses mesures de gratuité. Par ailleurs, moins contraints par les impératifs professionnels ou familiaux, ils disposent de plus de temps pour visiter. Les jeunes de 18 à 24 ans sont en effet particulièrement attirés par des spectacles, concerts, performances au sein des musées et des monuments » (35 % d’entre eux) ou par l’organisation en leur sein de « soirées festives » (36 %).
Les plus touchés par le recul de la fréquentation sont les musées. 39 % des Français déclarent s’y être rendus lors des douze derniers mois en 2018 contre 44 % en 2017. La fréquentation est en baisse de deux points pour les musées consacrées aux beaux-arts et d’art moderne. Elle recule de quatre points pour les musées consacrées à l’histoire naturelle, aux sciences et techniques et à l’industrie et de trois points pour ceux spécialisés dans l’architecture, le design ou la décoration.
La baisse concerne essentiellement le public des habitués, ceux qui avaient l’habitude de se rendre plusieurs fois par an dans les lieux de patrimoine. Ce sont les représentants des classes moyennes et supérieurs ainsi que les habitants de l’Île-de-France qui s’y rendent moins fréquemment que dans le passé (respectivement -11 points et -12 points de 2016 à 2018). Pour les musées parisiens, si les attentats de 2015 et 2016 avaient entraîné une chute, les ventes de billets ont battu des records, en 2017, grâce au retour des touristes étrangers. Les Franciliens semblent de plus en plus gênés par la forte affluence des musées et par la nécessité de réserver les billets. L’augmentation des tarifs et les difficultés de transports peuvent également expliquer cette évolution. Les évènements liés aux « gilets jaunes » en fin d’année ont également pesé sur la fréquentation des établissements culturels situés dans le cœur des grandes agglomérations.
Les lieux de patrimoine souffrent de leur succès mais aussi de la concurrence des visites virtuelles en ligne. L’accès à la culture s’effectue de plus en plus par les tablettes et par les smartphones. Pendant les vacances, les touristes privilégient les lieux naturels et les lieux de convivialité. Si les jeunes actifs sont friands d’activités culturelles, ils souhaitent qu’elles soient de plus en plus interactives et qu’elles soient moins académiques. Ces revendications valent pour le public de 13 à 18 ans qui préfigure des fréquentations à venir. Ce public, immergé depuis sa naissance dans le digital, a un regard complètement modifié vis-à-vis des musées qui sont, surtout en France, très statiques.
La baisse de fréquentation concerne les jeunes actifs (-14 points) et les seniors (-8 points chez les 60/69 ans). Les jeunes de moins de 25 ans n’ont pas changé leurs habitudes. Les seniors boudent les musées d’art dont ils étaient auparavant friands. Ce changement est lié aux contraintes générées par l’augmentation du public et de transports.
La baisse de fréquentation concerne toutes les catégories. Il convient de souligner que celle des travailleurs indépendants baisse fortement (-19 points en deux ans les monuments et -18 points pour les musées). L’augmentation du nombre d’autoentrepreneurs explique en partie cette évolution avec le manque de temps pour des professions qui ont des temps de travail élevés.