Le coin de la conjoncture du 15 juin 2019
Une croissance française sous contraintes
Selon la Banque de France, la croissance du PIB pour notre pays s’établirait à 1,3 % en 2019, puis autour de 1,4 % en 2020 et 2021. Ce rythme de croissance permettrait une baisse graduelle du taux de chômage à 8,1 % en 2021. Le taux d’inflation devrait se situer à 1,3 % cette année tout comme en 2020 et 2021. En l’absence de mesures supplémentaires de maîtrise des dépenses publiques, le ratio de dette publique sur PIB ne baisserait pas dans les prochaines années. Les prévisions de la Banque de France sont en léger retrait par rapport à sa publication du mois de mars.
Pour le deuxième trimestre 2019, le PIB pourrait croître de 0,3 %, soit un rythme comparable à celui des trois trimestres précédents. Dans les trimestres à venir, l’activité en France continuerait à être davantage soutenue par la demande intérieure, tandis que l’impulsion en provenance de l’extérieur ne serait sensible qu’à la fin de l’année. La Banque de France escompte une reprise de la consommation au cours du second semestre avec une décrue du taux d’épargne qui a atteint un sommet au premier.
Des gains de pouvoir d’achat importants en 2019
Pour la Banque de France, les gains de pouvoir d’achat des ménages en 2019 seraient, de 2,1 % par habitant en moyenne. Cette hausse serait la plus importante de ces douze dernières années. En 2020 et 2021, les gains attendus seraient de respectivement de 1,2 et 1 %. Ces gains sont générés par la baisse du prix du pétrole qui pèse sur le taux d’inflation et par les mesures prises par le gouvernement (hausse de la prime d’activité, défiscalisation des heures supplémentaires, baisse de la CSG pour certains retraités). En 2020, sont attendues la ré-indexation des retraites inférieures à 2 000 euros sur l’inflation et la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation. Les revenus salariaux devraient être également en hausse du fait de l’amélioration de la situation de l’emploi et en raison de la diffusion de la prime exceptionnelle défiscalisée versée par les entreprises.
En 2019-2021, les créations nettes d’emploi devraient se situer entre 130 000 et 150 000 emplois par an, favorisées notamment par des allégements supplémentaires de charges sur les bas salaires prévus fin 2019.
Une consommation espérée en hausse
En 2018, les mesures prises par le Gouvernement, augmentation de la CSG, relèvement de certaines taxes ainsi que l’augmentation du cours du pétrole, ont pesé sur la consommation des ménages. Les incertitudes économiques et sociales de fin d’année ont conforté cette tendance. La Banque de France estime que la hausse pourrait être de 1,7 % en moyenne annuelle d’ici 2020.
Malgré tout, la banque centrale constate que, actuellement, les ménages épargnent une grande partie de leurs gains de pouvoir d’achat. Ainsi, le taux d’épargne atteindrait un point haut à 15,3 % en 2019, en forte progression par rapport à 2018. En revanche, il reculerait en 2020 et 2021, ce qui soutiendrait la croissance sur ces deux années.
L’investissement des ménages (dépenses de construction et d’entretien des logements) ralentit depuis mi-2017 et la diminution récente des ventes et des mises en chantier de logements suggère que ce ralentissement pourrait se poursuivre sur la majeure partie de l’année 2019, freinant ainsi la demande intérieure sur l’année.
L’investissement des entreprises verrait quant à lui son rythme de croissance converger progressivement vers celui du PIB sur l’horizon de prévision, de sorte que le taux d’investissement, situé à un niveau historiquement élevé, commencerait à se stabiliser.
Une demande mondiale en berne
Pour la Banque de France, la demande mondiale en provenance à la fois de la zone euro et des partenaires hors zone euro serait en repli. Les révisions à la baisse concernent essentiellement l’Allemagne et l’Italie. Dans ce contexte international plus dégradé, la progression des exportations françaises serait plus faible en 2019 qu’en 2018. Une amélioration est escomptée pour 2020 et 2021.
Le déficit public au-dessus des 3 % du PIB en 2019
Pour la Banque de France, le déficit public s’élèverait à 3,1 % du PIB en 2019 contre 2,5 % en 2018 en raison de la transformation du CICE en allègement de charges. Son passage en-dessous des 2 % est escompté en 2021.En 2019, le taux de prélèvements obligatoires devrait être de 44,2 % du PIB en 2021, contre 45,0 % en 2018. Le ratio de dépenses publiques hors crédits d’impôt diminuerait de 54,4 % du PIB en 2018 à 53,2 % en 2021. Le ratio de dette publique ne baisserait donc pas, se stabilisant autour de 99 % du PIB.
La Banque de France souligne que ses prévisions sont
sujettes à de nombreuses incertitudes tant sur le plan interne qu’externe. Le
maintien d’un fort taux d’épargne aurait ainsi une conséquence sur la
consommation et la croissance. De même, un dérapage des comptes publics
pourrait, certes, favoriser à court terme la croissance mais fragiliserait un
peu plus le pays. Au niveau international, il faut prendre en compte les
conséquences éventuelles du Brexit et de la guerre commerciale que mènent les États-Unis.
La volatilité des cours de l’énergie peut également avoir un impact sur la
croissance des pays dits avancés.
L’Allemagne aurait-elle avantage à changer de cap économique ?
L’Allemagne est dans le collimateur de certains de ses partenaires européens en raison de la persistance d’importants excédents extérieurs et en raison d’une politique budgétaire restrictive. Le comportement allemand aboutirait à affaiblir la demande interne de la zone euro. L’Allemagne semble considérer que sa politique sert ses intérêts. Or, tel n’est pas le cas car cette dernière provoque une mauvaise allocation de la richesse produite et une faible croissance.
Puisque le secteur privé épargne beaucoup en Allemagne, elle conduit globalement à un excès énorme d’épargne de l’Allemagne, d’où l’accumulation d’actifs extérieurs très importants. Mais le rendement de ces actifs extérieurs est faible, plus faible certainement que celui d’investissements privés ou publics en Allemagne. La réduction rapide du taux d’endettement public conduit à un excès de demande pour la dette publique de l’Allemagne, d’où un taux d’intérêt à long terme d’équilibre extrêmement bas, ce. qui pose un problème sérieux dans un pays vieillissant au taux d’épargne élevé.
L’Allemagne croit s’enrichir en réduisant son taux d’endettement public. En réalité, elle s’appauvrit avec le faible rendement de ses actifs extérieurs et le rendement nul de son épargne domestique.
Depuis 2012, le solde budgétaire allemand est positif et a atteint 1 % du PIB en 2018. La dette publique qui dépassait 80 % du PIB, en 2010, n’était plus que de 57 % en 2018. La balance des paiements courants dégage depuis 2003 un excédent qui s’est élevé à 8 % du PIB en 2018.
En raison du vieillissement de la population, le taux d’épargne a tendance à progresser en Allemagne. Il est proche de 18 % du revenu disponible brut contre 15 % en 2003. Les entreprises dégagent également de fortes capacités d’épargne.
L’Allemagne dispose donc d’une épargne abondante qui, depuis la crise des dettes souveraines, n’est plus recyclée au sein des États périphériques. Ce changement dans les circuits de financement oblige les autres États de la zone euro à rééquilibrer leurs comptes extérieurs, ce qui les amène à pratiquer des politiques restrictives.
En optant pour des obligations sans risque, les Allemands contribuent à en baisser le rendement, ce qui pénalise les épargnants et les retraités Ce problème est d’autant plus important que la proportion de personnes de plus 60 ans est élevée : 28 % en 2018 et 36 % en 2040. Le taux d’intérêt à 10 ans pour les emprunts d’État est négatif en juin 2019 quand il dépassait 5 % en 2003. L’écart entre le taux d’intérêt et le PIB atteint près de deux points depuis cinq ans.
Par ailleurs, l’allocation de l’épargne est défavorable aux investissements, tant en Allemagne qu’au sein de la zone euro. Les investissements des entreprises sont, pour l’Allemagne, inférieurs d’un point de PIB en 2019 à ceux d’avant la crise de 2008. L’investissement public en 2018 est de 2,2 % du PIB en Allemagne, et de 2,75 % en zone euro hors Allemagne contre respectivement 2,5 et 4 % en 2007.
La rigueur allemande serait sur le long terme contreproductive. En effet, en n’investissant pas, le pays met en danger la croissance des prochaines années. Les Allemands en optant pour des produits de taux à faible rendement réduisent leur pouvoir d’achat et empêchent un recyclage optimal des capitaux au sein de la zone euro. De ce fait, le Gouvernement aurait tout intérêt à accroître les dépenses d’investissement et à inciter les entreprises allemandes à le faire également dans leur pays mais aussi dans les autres États membres.
Quarante ans d’austérité sauf en France et en Italie
Depuis l’arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir en 1979, l’idée d’un rééquilibrage au sein du partage de la valeur ajoutée s’est imposée. La mise en place d’une politique plus favorable à l’offre s’inscrivait à l’époque dans un contexte de stagflation, combinaison de faible croissance et de forte inflation. Les salaires étaient alors indexés sur les prix, voire anticipaient les hausses de ces derniers.
Dans les pays de l’OCDE, le salaire réel progresse moins vite que la productivité par tête depuis 1992. Les inégalités salariales ont eu tendance à s’accroître dans tous les pays. Le taux de pauvreté est passé chez les États membres de l’organisation de 20,2 à 21,2 % de 1990 à 2016. Les revenus se concentrent de plus en plus. Ainsi, 1 % des individus ayant le revenu le plus élevé bénéficient de 15 % du revenu national en moyenne au sein de l’OCDE en 2018 contre 12 % en 1990.
En France et en Italie, les salaires ont augmenté plus vite que la productivité. Dans notre pays, la productivité s’est accrue de 1990 à 2018 de 27 % quand les salaires réels ont augmenté de 35 %. Chez nos voisins italiens, les chiffres respectifs sont de 8 et 11 %. France et Italie connaissent en revanche une croissance plus faible et une dette plus importante que la majorité de leurs partenaires économiques. Ils sont conduits à subir les effets de la mondialisation avec plus d’acuité. Ce sont notamment les deux pays où le processus de désindustrialisation a été le plus violent ces quinze dernières années.
L’austérité salariale crée des conséquences en chaîne. L’inflation sous-jacente est faible du fait de l’évolution des salaires et de la consommation. Cette inflation qui était de 4 % en 1992 est désormais de 1,5 % pour l’OCDE. Pour éviter une déflation, les banques centrales sont contraintes de maintenir des politiques dites non conventionnelles et des taux bas. Les épargnants sont donc confrontés à une baisse du rendement de leurs produits de taux. Le coût de l’endettement a été divisé par deux en moins de vingt ans. Cela incite l’ensemble des acteurs économiques à recourir à l’emprunt. Cet argent facile ne concourt pas à la croissance. Il ralentirait la diffusion du progrès technique en maintenant en activité des entreprises non performantes. Il en résulterait une faible croissance qui empêcherait une augmentation des salaires. Par ailleurs, pour atténuer les effets de l’austérité salariale, dans certains pays les pouvoirs publics sont tentés d’augmenter les dépenses sociales financées soit par l’impôt, soit par endettement.
La croissance est également entravée par l’augmentation du taux d’épargne privée qui est passé au niveau mondial de 26 à 29,5 % du PIB de 1990 à 2018. Le vieillissement de la population explique en partie cette évolution. Les craintes sur la situation économique à court et moyen terme jouent un rôle majeur dans la constitution d’une épargne de précaution de plus en plus importante.
Pour certains, un cercle vicieux s’est institué reposant sur le maintien sur longue période de taux d’intérêt bas. Pour les tenants de la Théorie Monétaire Moderne (MMT), les Banques Centrales n’ont plus d’autres choix que d’imposer à l’économie des taux d’intérêt très bas, y compris en période de plein emploi et d’inflation. Cette politique empêche l’installation d’un cycle de croissance forte et durable. Selon une étude de la Banque des règlements Internationaux, les faibles taux auraient permis à plus de 12 % des entreprises de l’OCDE de poursuivre leurs activités. Cette politique conduit également à l’augmentation de certains actifs. Les prix des logements ont plus que doublé en trente ans au sein de l’OCDE. Une telle progression amène une mauvaise allocation des ressources et favorise la montée des inégalités entre ceux qui ont des biens immobiliers et les autres.
Retraite, le compte n’y est toujours pas
Est-ce véritablement une surprise ? Non ! Le retour à l’équilibre des régimes de retraites annoncé comme imminent est reporté. Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) présenté le jeudi 13 juin 2019, le déficit en 2022 atteindrait 0,4 point de PIB au lieu de 0,2 point prévu lors de la précédente estimation en 2018, soit un besoin de financement de plus de 9 milliards d’euros. Le retour à l’équilibre est renvoyé au-delà du milieu du siècle. En effet, dans le cadre du scénario central, Le COR prévoit que le déficit disparaîtrait en 2056 sous réserve d’une croissance des revenus d’activité de 1,5 % par an. Auparavant, il escomptait un retour à l’équilibre pour 2040. Si la croissance des revenus était inférieure à 1,5 %, aucun retour aux excédents n’est prévu avant 2070. En comptant sur une croissance de 1,8 %, il serait imaginable de retrouver des excédents en 2042.
D’ici à 2022, la dégradation des prévisions est liée à la faible croissance des recettes. Il faut signaler que le COR a retenu pour ses projections une suppression de 120 000 postes dans la fonction publique or a priori celle-ci ne sera pas appliquée. Il a aussi supposé que le régime des cheminots soit fermé à partir de 2020 ; les nouveaux arrivants cotisant au régime général. Comme ces régimes spéciaux cotisent plus que la moyenne, les ressources diminueront. Les dépenses de retraite par rapport au PIB devraient passer de 13,7 % du PIB en 2018 à 13,4 % en 2022, et à 12,7-12,8 % à l’horizon 2070.
Du fait de la désindexation partielle des pensions, les dépenses de retraite évoluent conformément aux évaluations antérieures.