Le Coin des Tendances du 9 novembre 2019
L’arbre, le meilleur ami de l’Homme pour le carbone ?
La planète compte 3 000 milliards d’arbres dont 26 % se situent dans les zones tropicales humides comme l’Amazonie. 24 % se trouvent dans les forêts boréales et 12 % dans les zones tempérées. Plus de 60 000 espèces d’arbres sont dénombrées. La plus importante est constituée des fabacées (mimosas), suivie par les rubiacées (caféier) et les myrtacées (goyaviers).
Un arbre de 25 mètres de hauteur pèse en moyenne 25 tonnes et contient 6 tonnes de carbone. Chaque arbre stocke l’équivalent de la production moyenne de carbone par personne durant quatre ans. Pour un Français, c’est seulement deux ans de stockage. La planète compte environ 2,8 milliards d’hectares couverts d’arbres. Avec un milliard d’hectare supplémentaire, 205 milliards de tonnes de carbone pourraient être stockées, correspondant aux deux tiers de l’excédent de carbone actuellement dans l’atmosphère par rapport à la période préindustrielle. La Russie, les États-Unis, l’Australie et la Chine disposent des espaces suffisants pour constituer de vastes forêts qui seraient autant de puits à carbone. L’Australie a engagé un programme visant à planter un milliard d’arbres d’ici 2050, soit 400 000 hectares de forêts supplémentaires. L’objectif est la capture à terme de 18 millions de tonnes de carbone supplémentaires d’ici 2030. Ce programme devrait contribuer à l’atteinte des objectifs des accords de Paris, qui prévoit une réduction des émissions de 26 à 28 % de CO2 pour l’Australie par rapport au niveau de 2005. Ces plantations compensent ainsi, en partie, les émissions de CO2 liées à l’utilisation du pour produite les deux tiers de l’électricité.
La France pourrait accroître, selon les spécialistes de l’INRA, son nombre d’arbres de 50 % et passer ainsi de 1 à 1,5 milliard d’arbres. Cette densification est envisageable dans les zones de cultures céréalières en réintroduisant des espaces boisées qui permettent une meilleure biodiversité. Des études récentes semblent indiquer que la réintroduction d’arbres peut même s’accompagner d’une augmentation des rendements et d’une moindre utilisation de produits phytosanitaires. La remise au goût du jour des haies a permis de retirer 2Gt de carbone de l’atmosphère. Une étude de l’INRA souligne qu’un champ de 100 hectares constitués de blé et de noyers a le même rendement que des parcelles de 136 hectares sur lesquels ces cultures sont séparées. Les arbres accueillent des polinisateurs et des espèces animales qui peuvent chasser des prédateurs des productions agricoles. Ils améliorent le cycle de l’eau et protègent les sols de l’érosion tout en les nourrissant. Le choix des espèces par rapport aux cultures est déterminant pour les rendements. Ainsi, le noyer a l’avantage d’avoir des pousses tardives permettant, par exemple, au blé de capter le soleil du printemps.
Le bois mort relâchant du carbone, pour éviter un jeu à somme nul, il convient d’arrêter le pourrissement et d’exploiter économiquement les forêts. Le bois peut être utilisé de multiple façon. Son usage dans la construction des logements est l’option la plus connue. Une maison individuelle en bois stocke plus de 7 tonnes de carbone. L’usage du bois s’accompagnerait d’une moindre consommation de ciments et de béton. La production du seul ciment est responsable à l’échelle mondiale de 8 % des émissions de CO2. Le bois apparaît comme un matériau résistant. Il peut désormais être utilisé même pour la construction de tours de grande hauteur. Des projets de tours de 300 mètres de haut sont à l’étude à Tokyo et à Londres. L’université du Maryland a inventé des super-bois en enlevant la lignine et à travers des processus de concentration. Le matériau ainsi obtenu s’avère plus résistant que l’acier tout en étant six fois plus léger. Il pourrait être utilisé dans l’automobile et dans l’aviation pour remplacer notamment le titane. Le bois peut être utilisé dans les peintures. À partir de la lignine, des panneaux transparents peuvent être réalisés et remplacer le verre avec, en outre, une isolation meilleure. La température nécessaire pour obtenir ce matériau est de 70 degrés contre 1500 pour le verre.
C’était un 9 novembre
Dans un télégramme adressé à Truman en mai 1945, et, une seconde fois, publiquement, lors d’un discours prononcé le 5 mars 1946 au Westminster College de Fulton dans le Missouri, Churchill déclare « de Stettin dans la Baltique jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, se lamente-t-il, un rideau de fer est descendu à travers le continent ». Pendant 44 ans, ce rideau de fer sépara l’Europe en deux. Au milieu des années 80, le rideau de fer était toujours en place mais la décrépitude du système communiste minait l’ensemble des États d’Europe de l’Est. Les dirigeants des démocraties populaires croyaient de moins en moins dans l’infaillibilité de l’URSS et dans sa capacité de gagner le combat avec l’Ouest. Le 2 mai 1989, des garde-frontières hongrois découpaient à la cisaille les barbelés qui séparaient le pays communiste de l’Autriche. Des milliers d’habitants venant de tous les États de l’Europe de l’Est se mirent à converger vers les points de passage. Ils étaient accueillis avec joie par les Autrichiens et les Allemands de l’Ouest. La fin de la coupure entre les deux mondes était intervenue au mois de mars 1989 quand le responsable hongrois, Miklós Németh, s’est rendu à Moscou pour consulter Mikhaïl Gorbatchev et mit la question du démantèlement de la clôture sur le tapis. Le responsable soviétique lui indiqua « faites ce que bon vous semble ». Officiellement, il faudra attendre le 27 juin pour la fin du rideau de fer en Hongrie. Ce jour-là, le Ministre hongrois des Affaires étrangères et son homologue autrichien s’attaquèrent à coups de cisaille au barbelé près de Sopron. Pour cette scène filmée, les autorités avaient dû remettre en place quelques centaines de mètres de grillage.
L’Allemagne de l’Est, le bon élève des États membres du Pacte de Varsovie a résisté six mois. À Berlin, le vieil Erich Honecker, à la tête de la RDA depuis 1971 et tenant de l’orthodoxie communiste, exclut la moindre ouverture de son pays mais ses habitants se rendent, durant à l’été, en Hongrie, pour les vacances, mais aussi pour essayer de s’exiler. À Budapest, l’ambassade de la RFA distribue des passeports ouest-allemands, auxquels tout citoyen de RDA a le droit. Les autorités hongroises tentent de les bloquer. À la fin de l’été 1989, on en compte plus de 60 000. Le 19 août, un pique-nique est organisé par le réformateur hongrois Imre Pozsgay sur la frontière autrichienne. Les autorités des deux pays ont accepté d’ouvrir exceptionnellement le poste-frontière désaffecté de Sopron. Une délégation doit partir de Hongrie et rallier le village autrichien le plus proche avant de revenir moins de deux heures plus tard. Plusieurs centaines d’Est-Allemands se présentent. Les gardes-frontières refusent de tirer et les laissent passer. À Berlin, au cours de l’été, la population se masse le long du mur afin d’entendre les concerts de rock qui se déroulent de l’autre côté du mur dont un des Pink Floyd. Face à la pression, Budapest décide le 10 septembre à minuit d’autoriser les citoyens de RDA désireux de se rendre dans le pays de leur choix, à passer à l’Ouest. La « grande évasion » commence avec comme symbole les Trabant, petites voitures de la RDA dotées d’un moteur deux-temps. A leur arrivée en RFA, ils sont accueillis avec un message du ministère de l’Intérieur, qui leur souhaite la bienvenue dans leur « nouveau chez eux », 50 marks et des bons d’essence. Plus de 15 000 allemands fuient ainsi leur pays dans les premiers jours de l’ouverture de la frontière. Au début du mois de novembre, ce nombre atteint 120 000.
Les autorités dépassées d’Allemagne de l’Est tentent en vain de limiter l’emballement. Elles comptent sur le Royaume-Uni et la France pour empêcher une réunification qui avance à grands pas. En refusant de tirer sur la foule qui se pressait devant le mur, elles ont permis à celle-ci, le 9 novembre 1989, de s’en emparer sans combattre et de commencer à le détruire dans une liesse surréaliste. Durant plusieurs semaines, Berlin sera un lieu de rassemblement des jeunes en provenance de l’Ouest et de l’Est souhaitant communier l’unité retrouvée du continent. Le 11 novembre à Check Point Charlie, le point de passage symbolique de l’Est à l’Ouest. Le célèbre violoncelliste Mstislav Rostropovitch avec l’aide d’Antoine Riboud, PDG alors du Groupe Danone, a décidé de donner un récital improvisé et de jouer Bach au pied du mur.
Un an plus tard, la réunification était actée avec, comme symbole fort, la décision d’Helmut Kohl d’échanger à parité un ostmark contre deutschemark. Ce taux de change aboutissait à réaliser une puissante opération de transferts financiers en faveur de l’Est. Elle fut électoralement gagnante et certainement économiquement pernicieuse. Elle revenait considérer que l’économie d’Allemagne de l’Est était aussi productive que celle de l’Ouest, or elle était inférieure de 30 %. Ce choix a contribué certainement à la fermeture de nombreuses entreprises dans les Länder de l’Est. Selon une estimation, 80 % des Allemands de l’Est se sont retrouvés au chômage à un moment donné. Un débat s’est ouvert en Allemagne sur les mesures qui ont été prises dans les années 90. La redistribution des actifs appartenant à l’État d’Allemagne de l’Est par la Treuhand est critiquée car elle aurait favorisé les entreprises de l’Ouest. Une grande partie du parc de logements de l’Est appartient à des propriétaires de l’Ouest.
Contrairement à quelques idées reçues, aujourd’hui, certaines régions de l’Allemagne de l’Est ont des taux de chômage inférieurs à ceux des régions postindustrielles occidentales telles que la Sarre ou la vallée de la Ruhr. Les transferts ont permis de réduire les inégalités et la mise à niveau des infrastructures. Chaque année, ces transferts s’élèvent encore à 30 milliards d’euros par an, principalement sous la forme de versements de sécurité sociale. Les salaires dans l’Est se situent à environ 85 % de ceux de l’ouest et le coût de la vie y est inférieur. L’écart d’espérance de vie s’est réduit.
En 2018, trois économiste, Andrea Boltho, Wendy Carlin et Pasquale Scaramozzino, ont comparé les résultats obtenus par l’Allemagne de l’Est après la réunification par rapport à ceux du Mezzogiorno en Italie, où le PIB par habitant n’est guère supérieur à la moitié de celui du Nord. En 30 ans les résultats sont plus importants qu’en Italie. La croissance par habitant de l’Allemagne de l’Est a dépassé celle de la plupart des autres pays d’Europe orientale. Il faut néanmoins reconnaître qu’elle partait d’une base plus élevée.
Le rattrapage s’est effectué mais sur fond de désertification. Plus du quart des Allemands de l’Est âgés de 18 à 30 ans ont émigré vers l’Ouest, dont les deux tiers sont des femmes. Les régions rurales de l’Est ont été particulièrement touchées. Faute de population, les villes et les villages ne disposent plus de recettes fiscales. Les écoles, les magasins, les services publics sont fermés et les blocs de logements démolis. Depuis 2017, la migration nette Est-Ouest a été pratiquement nulle, mais le nombre de personnes qui se dirigent vers l’Est est nul.
La convergence entre l’Ouest et l’Est s’est arrêtée depuis la crise. Le sentiment de déclassement important explique qu’à l’Est le parti anti-européen, l’AfD, réalise ses meilleurs scores. L’ancienne RDA accueille peu de sièges sociaux d’entreprises. Seulement 7 % des 500 premières entreprises allemandes et aucune dans les trente premières ont leur siège dans l’Est. Cela prive les municipalités de recettes fiscales et contribue à l’écart de productivité Est-Ouest, qui avoisine les 20 % depuis 20 ans.
L’intégration de l’Allemagne de l’Est dans celle de l’Ouest changea les rapports de force au sein de l’Union européenne. De manière pacifique, l’Allemagne devint de loin la première puissance démographique et économique de l’Union. Jamais depuis son unification en 1871, elle se trouvait dans une telle position. Trente ans plus tard, les dirigeants allemands ont opté pour une gestion en mode mineur de leur puissance. S’appuyant sur le parapluie américain au niveau de la défense, ils concentrent leur action au niveau international sur la protection de leurs intérêts économiques et commerciaux. L’Allemagne a recréé sa zone d’influence en Europe centrale grâce notamment aux liens économiques qui ont été retissés après la fin du rideau de fer. Cette gestion prudente semble pour le moment donner tort à la formule de François Mauriac « j’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il y en ait deux ».
Les Suisses vieillissent aussi
La Suisse se classe au troisième rang au sein de l’OCDE pour le PIB par habitant grâce à des taux d’emploi et des niveaux de productivité élevés. Ces performances économiques contribuent à de bons résultats dans le domaine de la santé et à un système d’éducation performant. La Suisse peut également se prévaloir d’indices élevés au niveau de la qualité de la vie (indicateur de bien-être subjectif, de sécurité personnelle, etc.). Ce pays doté d’une puissante industrie peut néanmoins mettre en avant une intensité carbone modérée, grâce à une production d’électricité presque totalement décarbonée.
Le problème numéro 1 de la Suisse est l’adaptation du pays à l’évolution démographique. Comme les autres pays européens, la Suisse est confrontée à l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom et à l’augmentation de l’espérance de vie. La part des personnes de 65 ans et plus dans la population atteindra 30 % dans les décennies à venir. Le taux de vieillissement sera plus rapide que dans la plupart des pays de l’OCDE. La proportion des personnes de plus de 80 ans va, elle, doubler d’ici 2045 pour représenter 10 % de la population.
Les dépenses publiques consacrées aux pensions de vieillesse et aux soins de santé augmentent rapidement. Elles s’élèvent à 6,5 % du PIB contre 5,1 % en 1990. La charge est moins lourde que dans de nombreux autres pays de l’OCDE, mais son poids devrait fortement augmenter dans les prochaines années. Malgré les récentes réformes, le régime public constituant le premier pilier du système de retraite reste confronté à des problèmes de viabilité. Compte tenu des règles budgétaires en vigueur, l’augmentation des dépenses liées au vieillissement risque d’exercer un effet d’éviction sur d’autres dépenses publiques. Le système suisse repose sur trois piliers :
- le premier par répartition qui est un système de prévoyance étatique visant à fournir un minimum vital (assurance vieillesse et survivants – AVS) ;
- le deuxième pilier est celui de la prévoyance professionnelle, loi fédérale de la prévoyance professionnelle – LPP – dont l’objectif est de fournir les revenus nécessaires pour garantir un niveau de vie correct ;
- le troisième pilier qui correspond à l’étage de l’épargne individuelle supplémentaire (3a et 3b).
Parmi les mesures avancées figurent l’alignement de l’âge légal de départ des femmes (64 ans) sur celui des hommes (65 ans) puis le report pour tous à 67 ans afin d’atténuer le coût économique du vieillissement. Cela aurait aussi pour conséquence d’augmenter l’épargne-retraite des particuliers, de réduire les besoins de financement du régime public de retraite, d’accroître les recettes publiques et de stimuler la croissance économique.
L’OCDE préconise également l’introduction de davantage de souplesse dans la fixation des salaires, d’atténuer la progressivité des taux de cotisation de retraite en fonction de l’âge et de prendre des mesures plus vigoureuses pour lutter contre la discrimination en fonction de l’âge. L’objectif serait d’allonger la durée de la carrière professionnelle.
La Suisse se classe au deuxième rang des pays de l’OCDE pour ce qui est des dépenses moyennes de santé par personne. Plus d’un cinquième des personnes de 65 ans et plus ont bénéficié de soins de longue durée en 2017. La couverture est très fragmentée en fonction des différentes catégories sociales. Les dépenses de soins à domicile restant à la charge du patient peuvent être inabordables, même pour des besoins peu importants. Cela peut inciter des patients à se tourner vers des établissements médicalisés, même si leurs besoins de soins sont modérés.
Évolution de la population suisse par strates d’âge