Le Coin des Tendances
La lutte contre les déserts médicaux, un combat actuel et de long terme
Les déserts médicaux continuent à gagner du terrain comme le confirme une récente étude de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) sur l’accessibilité des soins qui se mesure en fonction du nombre de consultations par an et par habitant auprès d’un médecin généraliste, libéral ou salarié d’un centre de santé, exerçant dans une commune à moins de 20 minutes en voiture de son lieu de résidence. Selon cet indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL), les Français ont eu accès en moyenne à 3,93 consultations en 2018, contre 4,06 consultations en moyenne en 2015, soit une baisse de 3,3 % en 3 ans. La santé et l’accès aux soins ont fait partie des préoccupations majeures des Français exprimées lors du grand débat national en 2019.L’actualité sur fond de pandémie liée au coronavirus met davantage en évidence l’importance de la médecine de ville et d’une couverture de soin sur l’ensemble du territoire.
La demande de soins progresse plus vite que l’offre
Cette situation peut paraître paradoxale alors que le nombre total de médecins salariés et libéraux, toutes spécialités confondues, continue à augmenter en France avec 226 000 praticiens en activité dont 45 % de généralistes. Soit une progression de 4,5 % par rapport à 2012. Cette hausse concerne en réalité les médecins hospitaliers et les spécialistes, alors que les effectifs de médecins généralistes en activité ne cessent de diminuer avec les départs en nombre à la retraite des praticiens installés dans les années 1970 et 1980 sans être compensés par de nouvelles installations en raison du numerus clausus. S’y ajoute l’aspiration des nouvelles générations de diplômés à une vie personnelle, familiale et professionnelle équilibrée, bien loin de l’image du médecin qui sillonnait le territoire à raison de 70 ou 80 heures par semaine. Résultat : les effectifs de médecins généralistes exerçant en ville ou à l’hôpital ont stagné entre 2015 et 2018 et ceux des médecins généralistes libéraux pris en compte dans l’étude de la DREES ont diminué de 2,1 % sur la même période (55 600). Dans le même temps, la demande de soins continue à augmenter avec une croissance démographique de 1,2 % entre 2015-2018 (hors Mayotte), le vieillissement de la population, et le développement des maladies chroniques. À population constante, l’accessibilité aux soins mesurée par la DREES aurait diminué de 2,2 % au lieu de 3,3 % entre 2015 et 2018, et de seulement 1,2 % si le nombre de médecins et leur niveau d’activité étaient restés les mêmes face à la croissance de la population sur cette période.
Près de 6 % de la population vit dans un territoire sous-doté en médecins généralistes
Face à cette évolution, les territoires ne sont pas tous dans la même situation. Sur 2 823 territoires de vie-santé français (hors Mayotte), la DREES a distingué 6 catégories :
- dans les 909 « zones demeurant bien dotées » (façade atlantique, pourtour méditerranéen et de la frontière italienne, le nord-est de la France), en moyenne, chaque habitant a accès à plus de 4 consultations chez un médecin généraliste. Le nombre de médecins y progresse en moyenne de 1,5 % entre 2015 et 2018, ce qui compense en partie la démographie dynamique de ces territoires (+1,7 % en moyenne) ;
- dans les 76 « zones devenues mieux dotées » (essentiellement à côté de territoires bien dotés, et dans le centre de la France) l’installation de nouveaux médecins (+17,1 % entre 2015 et 2018) a permis d’atteindre 3,7 consultations par an et par habitant (+14,8 %) ;
- dans les 189 « zones basculant de bien dotées à moyennement dotées » (contigus à ceux qui sont bien dotés), la diminution du nombre de médecins conduit à une dégradation de l’accessibilité de 10,8 % entre 2015 et 2018 pour descendre sous le seuil de 4 consultations par an par habitant mais demeure à un niveau légèrement supérieur à la moyenne nationale ;
- dans les 1405 « zones demeurant moyennement dotées », la population a accès à 3,2 consultations par an, compte-tenu de la baisse du nombre de médecins (-1,5 % en moyenne) et la croissance démographique moyenne (1,0 %) ;
- dans les 150 « zones demeurant sous-dotées » (centre de la France, certains départements d’outre-mer). la population accède en moyenne à moins de 2,5 consultations par an par habitant (2,0 en 2018), en raison d’une baisse moyenne du nombre de médecins (-2,8 %) et de la croissance démographique (1,3 %) ;
- dans les 94 « zones devenues sous-dotées », (Normandie, Centre, espaces frontaliers ou proches de territoires déjà sous-denses), l’accessibilité aux médecins généralistes a diminué de manière significative (-17,1 %, soit 2,4 consultations en moyenne en 2018), en lien avec la baisse importante du nombre de médecins (-17,4 %) et une légère croissance démographique (0,4 %).
La DREES évalue ainsi à 3,8 millions le nombre de personne vivant dans un territoire sous-doté en médecins généralistes en 2018, soit 5,7 % de la population française (contre 2,5 millions en 2015, soit 3,8 % de la population) ayant accès à moins de 2,5 consultations par an et par habitant. La Guyane, la Martinique et la Guadeloupe sont les plus touchées par la sous-densité médicale, suivies en métropole par l’Île-de-France et le Centre Val-de-Loire.
Les écarts entre les territoires se creusent.Les territoires où les médecins généralistes sont les plus accessibles sont aussi les plus dynamiques sur le plan démographique et économique, et les plus attractifs en termes de cadre et de qualité de vie (plateaux techniques de soins et présence de spécialistes, services et équipements scolaires, universitaires, culturels, sportifs, commerciaux et, moyens de transports). La DREES constate ainsi que l’accessibilité des 10 % de la population les mieux lotis en généralistes baisse deux fois moins que celle des 10 % les moins bien lotis. En 2015, les 10 % les mieux dotés avaient accès à 2,17 fois plus de consultations que les 10 % les moins bien dotés (rapport interdécile). En 2018, ils ont accès à 2,24 fois plus de consultations.
Inverser la tendance prendra du temps
Face aux déserts médicaux, une course contre la montre est engagée, sachant qu’il faut dix ans pour former un médecin généraliste et que l’âge moyen d’installation se situe aux environs de 39 ans. La question est d’autant plus importante si l’on ne considère que les professionnels âgés de moins de 65 ans (-6,1 % entre 2015 et 2018). Le prolongement des carrières des praticiens les plus âgés, notamment par le biais du cumul emploi-retraite, a certes permis de limiter la détérioration de l’accessibilité, mais cette solution ne pourra servir indéfiniment.
Ces dernières années, l’État et les collectivités locales ont multiplié efforts et initiatives pour tenter de stopper la désertification médicale. À commencer par l’exercice regroupé et coordonné de la médecine et le soutien à la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) appelées à devenir la norme selon le souhait du gouvernement (1 253 MSP sont en fonctionnement et 445 sont en cours de développement). Au 31 décembre 2018, 735 MSP avaient adhéré à l’accord cadre interprofessionnel (ACI) signé en avril 2017 par les syndicats, les représentants des centres de santé et l’Uncam destiné à inciter le développement de ces structures. Selon les termes de cet accord, il est prévu le versement d’une rémunération modulée en fonction de l’atteinte d’objectifs (63 500 euros par an en moyenne). Avec 3,2 millions de patients pris en charge par les MSP en 2018, les MSP montent progressivement en charge (+11,5 % par rapport à 2017). Sur les 13 096 professionnels de santé, hors vacataires, exerçant dans les MSP conventionnées en 2018, 3554 sont des médecins généralistes. Rapportés aux 102 000 généralistes en activité, cela peut paraître encore peu mais constitue une hausse encourageante (+37 % par rapport à 2017). D’autant que ce mode d’exercice, regroupé et coordonné, est plébiscité par les jeunes diplômés, comme semble le confirmer une récente enquête du Conseil national de l’Ordre des médecins sur les motivations de l’installation des futurs médecins (21 % des internes interrogés se disent favorables à l’exercice libéral en MSP).
La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé qui vise à mettre en œuvre les orientations du plan « Ma santé 2022 » présenté en 2018 par le Président de la République, s’inscrit elle-aussi dans la perspective d’une offre de soins renouvelée et adaptée. En particulier, la suppression du numerus clausus à la rentrée 2020, avec des effectifs d’étudiants fixés par les universités, en accord avec les agences régionales de santé, selon les capacités et les besoins des territoires, et des stages d’au moins 6 mois en cabinets de ville ou en maison de santé dans les zones manquant de professionnels pour les futurs médecins généralistes.
Libérer du temps de consultation fait aussi partie des pistes d’action. Cela passe notamment par la création, dans tous les territoires, de collectifs de soins au service des patients prenant notamment appui sur les hôpitaux de proximité, par les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé, par les protocoles de coopérations interprofessionnelles, et par le recrutement des assistants médicaux auprès des médecins dans les zones où la densité médicale est faible. Il en est de même avec la délégation de tâches des médecins vers les infirmières de pratique avancée (IPA) pour palier à la pénurie de médecins dans les déserts médicaux et à la surcharge des urgences. Cependant, cela suppose un accord sur la reconnaissance de leurs missions dans une logique d’équipe et une rémunération adaptée. Enfin, le recours aux nouvelles technologies pour simplifier le parcours de santé des patients, et fluidifier les échanges et la transmission d’informations entre professionnels, constitue une autre piste à développer. À ce sujet, il sera intéressant d’observer comment la crise du coronavirus pourrait constituer un accélérateur de la généralisation des téléconsultations. Le décret du 9 mars 2020 adapte déjà les conditions de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au Covid-19.
Après la crise, les cryptomonnaies remplaceront-elles les monnaies traditionnelles ?
La cryptomonnaie la plus connue, le bitcoin, avait été créée lors de la crise financière de 2008/2009. Dans un contexte de défiance financière généralisée, ses créateurs souhaitaient se soustraire aux problèmes que rencontrait notamment le marché interbancaire. À l’occasion de la crise actuelle, les cryptomonnaies pourraient-elles devenir une alternative aux devises officielles ? La monétisation des dettes à laquelle nous assistons menace-t-elle le système financier ?
Depuis Aristote, une monnaie répond à trois fonctions : elle est une mesure des valeurs, un intermédiaire des échanges et un instrument de réserve. La monnaie est un instrument universel de mesure applicable à des biens, à des services et des droits sur un territoire donné. Elle permet des comparer en outre des valeurs dans le temps passé, présent et futur. La monnaie est l’intermédiaire des échanges. Elle permet le déroulement des opérations sur les biens et les services. Elle facilite les transactions en se substituant au troc. Cette fonction repose sur la confiance. La monnaie doit être acceptée soit volontairement, soit de manière forcée. La monnaie est donc un instrument d’arbitrage indispensable pour l’équilibre général des marchés. Elle est au cœur du système des prix qui est l’expression de la rareté des ressources. La monnaie est un instrument de réserve. Elle permet de différer le paiement des achats et d’épargner. Sa valeur se doit d’être prévisible et relativement stable. Il ne faut pas confondre la monnaie avec les moyens de paiement qui sont constitués du numéraire, des chèques, des cartes de paiement, de paiements électroniques, des virements, etc.
L’essor relatif des cryptomonnaies
Entre 1600 et 3000 cryptomonnaies circuleraient au niveau mondial. Les autorités estimant qu’elles ne sont pas, en tant que telles, des monnaies, et les dénomment sous le terme de « cryptoactifs ». Les cryptomonnaies ont fait l’objet d’importants mouvements spéculatifs. Le bitcoin qui avait atteint la parité le 9 février 2011 avec le dollar avait atteint 1 250 dollars le 29 novembre 2013. Au début de 2015, il ne s’échangeait plus qu’à 250 dollars avant d’atteindre, au mois de décembre dernier, plus de 19 000 dollars. Il est redescendu atour de 3 000 dollars au mois de janvier 2019. Sa valeur a depuis doublé.
Dans les faits, ces actifs remplissent un faible rôle financier qui, dans tous les cas, est bien plus faible que leur médiatisation. Leur capitalisation globale a connu une hausse exponentielle en 2017. Elle avait alors atteint 800 milliards de dollars au début de l’année 2018 avant de redescendre le 26 janvier 2019, à 237,5 milliards de dollars. Le bitcoin représentait à lui seul 156,3 milliards de dollars soit 66 % de l’encours des cryptomonnaies. À titre de comparaison, en décembre 2018, la masse monétaire agrégée, au sens large du terme (M3), des pays de l’OCDE et de la Chine s’élevait, 88 000 milliards de dollars. Même les agrégats monétaires au sens étroit, exclusivement constitués d’actifs susceptibles d’être mobilisés instantanément pour régler des transactions ou éteindre des dettes (dépôts à vue et monnaie fiduciaire), présentent des capitalisations sans commune mesure avec celle des cryptoactifs. Au 31 janvier 2020, les agrégats correspondants (M1) s’élevaient 8 975,5 milliards d’euros dans la zone euro et à 3 968,618 dollars. Les cryptoactifs jouent donc pour le moment un rôle marginal.
Les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies, du moins pour le moment
Les cryptomonnaies ne peuvent pas être assimilées à une monnaie. Elles se caractérisent par leur nature virtuelle, leur technique de la cryptographie et également par leur caractère décentralisé. Les cryptomonnaies sont virtuelles et échappent à la réglementation. À la différence des monnaies numériques (monnaie électronique des porte-monnaie électroniques, monnaie scripturale des comptes bancaires), elles ne sont pas soumises à des règles et à des contrôles précis. À la différence des monnaies classiques, les cryptomonnaies ne sont pas gérées de manière verticale avec un émetteur unique. Pour le bitcoin, des « fermes de création » situées dans plusieurs pays et sans réelle coordination coexistent. Les algorithmes de création ne sont pas toujours publics. La gestion de la circulation repose fréquemment sur des techniques issues du blockchain avec des nœuds informatiques permettant la validation et l’enregistrement des opérations. En l’absence d’un « tiers de confiance » (banque centrale, intermédiaire financier ou banque), la sécurité des transactions est assurée par la cryptographie. Les blocs de transactions sont inscrits dans un registre public distribué, visible de tous les membres du réseau, qui recense toutes les transactions réalisées en bitcoin depuis son origine.
Le bitcoin, comme les autres cryptomonnaies, ne répond pas à toutes les fonctions assignées à une monnaie. Elles ne sont pas de réels étalons monétaires, leurs pouvoirs d’échange et de réserve sont discutables notamment en raison de leurs fortes fluctuations ne reposant pas sur des facteurs rationnels. Certes, la Cour de Justice de l’Union Européenne a, dans une décision d’octobre 2015, précisé que le bitcoin est un moyen de paiement qui n’a pas d’émetteur unique. La Cour a souligné que le bitcoin ne peut pas être considéré comme un bien objet. Il correspond à une prestation de service de paiement qui ne peut pas, et cela était le cœur du litige, être soumis à la TVA. La Cour considère que le bitcoin est assimilé à un moyen de règlement direct entre les opérateurs qui l’acceptent. Il ne peut être alors confondu avec un chèque ou un effet de commerce. Cette décision n’a pas été retenue par la BCE qui est beaucoup plus réservée au sujet des cryptomonnaies.
Une cryptomonnaie ne bénéficie pas de la force légale d’une monnaie. Elle ne constitue pas une créance de son détenteur envers son émetteur, contrairement à la monnaie officielle qui est une créance sur la banque centrale ou sur l’établissement de crédit émetteur (dépôts bancaires). Afin d’assurer en permanence la liquidité du système financier, les règles prudentielles obligent donc la banque à constituer des réserves auprès de la banque centrale dans une certaine proportion des dépôts de la clientèle (1 % dans la zone euro depuis 2012). Au contraire, les cryptomonnaies de première génération sont des actifs numériques sans aucune valeur intrinsèque et dont rien, sinon la confiance que leurs utilisateurs leur accordent, ne garantit la pérennité de la valeur dans le temps. Leur cours évolue en fonction de l’offre et de la demande.
Les « stable coins », une tentative de réponse aux critiques ?
Afin de contrecarrer ce caractère volatil et spéculatif, une nouvelle génération de cryptomonnaies a vu le jour, les stable coins, auxquelles veut se rattacher le libra. Ces actifs numériques se caractérisent par leur adossement à un panier d’actifs sûrs telle que des devises existantes. C’est ce modèle que Mark Zuckerberg a choisi pour le libra. Certaines stable coins ont misé sur la garantie de convertibilité (JPM coin).
Le projet libra souhaitait contourner cet écueil en reposant sur un panier de d’actifs sûrs. Par construction, une parité sera maintenue entre chaque unité de Libra et la combinaison d’actifs sûrs, dont le panier est un multiple. Ainsi, l’émission de toute quantité de libra supplémentaire entraînera l’achat de la combinaison d’actifs sûrs complémentaires pour un montant correspondant à la parité. Cela peut amener à des variations de change et des allocations peu efficientes de libras. Les stable coins ne sont pas directement arrimés à une devise, mais adossés à des actifs « sûrs introduisant ainsi un risque de change.
Les cryptomonnaies sont-elles l’avenir monétaire ?
La cryptomonnaie constitue pour les libéraux un des outils pour mettre un terme à la prééminence des États nations qui se caractérisent par l’exercice de la violence légitime (sécurité et défense), par le pouvoir de lever l’impôt et de battre monnaie. À la fin des années 70, Friedrich August von Hayek plaidait en faveur de la concurrence des monnaies. Les initiateurs des cryptomonnaies rêvent d’une disruption monétaire permettant de s’affranchir des banques centrales.
Avec la monétisation accélérée des dettes, les agents économiques pourraient-ils perdre confiance dans les monnaies nationales et se tourner vers les cryptomonnaies ? Tous les États usant des mêmes outils depuis plus de dix ans en matière monétaire, la défiance à l’encontre des grandes devises n’a pas été de mise. Avec la nouvelle crise en cours, la question pourrait se poser. Pour réellement concurrencer les monnaies traditionnelles, les cryptomonnaies doivent relever le défi de la confiance. En effet, le système monétaire repose sur la confiance. Les facteurs qui la composent sont les suivants :
- La qualité et le sérieux de la Banque centrale ;
- La transparence des décisions monétaires prises par l’émetteur ;
- La vitalité de l’économie du ou des pays émetteurs ;
- Le rôle international du pays ou des pays émetteurs.
La valeur d’une monnaie est assez subjective dans un système de changes flottants. Elle est la résultante du PIB du ou des pays qui l’émettent, de son évolution, de la balance des paiements courants, de la politique des banques centrales, de l’influence du pays ou des pays, etc. Une monnaie se doit d’être reconnue par un grand nombre d’acteurs et être un instrument financier. La Chine, première puissance commerciale mondiale, n’a pas réussi à imposer sa monnaie comme devise internationale car elle n’en possède pas toutes les qualités précitées et le marché financier national manque de profondeur.
Si les devises nationales sont atteintes par la succession de crises, les GAFA ont-ils la possibilité d’imposer la leur ? Ils disposent d’une sphère d’influence et de chalandise importante. L’instauration d’une devise internationale, en-dehors de toute sphère de régulation publique, apparaît en l’état une mission difficile d’autant plus que la tendance est au nationalisme. Les États-Unis pourraient être, en revanche, tentés de s’appuyer sur la puissance des GAFA pour instituer une nouvelle monnaie en cas de défiance à l’encontre du dollar. Pour le moment le scénario n’est pas à l’ordre du jour.
Afin d’empêcher l’avènement d’une cryptomonnaie privée, les banques centrales travaillent à l’élaboration d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC). Dans son discours du 4 décembre 2019, le gouverneur de la Banque de France mentionnait les trois finalités de la création éventuelle d’une monnaie digitale de banque centrale, la première est la préservation du lien entre les citoyens et la monnaie officielle, rendue nécessaire dans les sociétés dans lesquelles l’usage des espèces est en déclin (Suède) ; la deuxième est la réduction des coûts d’intermédiation de la monnaie centrale ; et la troisième réside dans « l’affirmation de la souveraineté des autorités politiques face aux initiatives privées de type libra ».
La création d’une monnaie digitale de banque centrale modifierait fortement le système monétaire avec la cohabitation de deux monnaies. À travers sa création, les banques centrales souhaiteraient reprendre la main sur l’intermédiation bancaire qui tend à lui échapper avec l’émergence de système de paiement indépendant comme PayPal.