Le Coin des tendances
La France, un bon élève en matière de prise en compte du handicap
En 2018, en France, 5,7 millions de personnes avaient un handicap, soit 14 % de la population en âge de travailler. 2,8 millions bénéficient d’une reconnaissance administrative du handicap. Leur taux de chômage est près de deux fois plus élevé que la moyenne. La loi de 2005 donne une définition en stipulant que constitue un handicap « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant ».
La France au-dessus de la moyenne en matière d’emploi des personnes handicapées
Les politiques d’insertion des travailleurs handicapés prennent différentes formes au sein des pays européens. L’Espagne, l’Italie et l’Autriche privilégient les exonérations de cotisations sociales. Le recours aux subventions et à l’aménagement des lieux de travail est une priorité en Finlande ou au Danemark. La Belgique et les Pays-Bas ont opté pour des mécanismes de compensations de salaire sous forme de subventions publiques. Le Royaume-Uni et la Suède en appellent à la responsabilité des entreprises et mettent davantage l’accent sur la sensibilisation. La pratique des recours judiciaires pour discriminations est dans ces pays courante. L’Espagne, l’Allemagne et l’Italie ont également institué des politiques de quotas qui sont assez peu respectées. La France présente un taux d’emploi des personnes handicapées supérieur de 50 % à la moyenne de l’Union européenne. Elle se situe au même niveau que la Suède. Ce résultat plus qu’honorable est la conséquence d’un cadre législatif vieux de 45 ans. En 1975, sous la Présidence de Valéry Giscard d’Estaing, le Parlement adopte la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées qui met en avant l’importance de la prévention et du dépistage des handicaps, l’obligation éducative pour les jeunes en situation de handicap, l’accessibilité des institutions publiques et le maintien dans un cadre ordinaire de travail et de vie chaque fois que possible. Les dispositifs de cette loi ont été renforcé en 1987. Les établissements assujettis du secteur privé sont alors soumis à l’obligation d’embaucher un pourcentage de travailleurs handicapés. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées maintient cette obligation et impose une sanction plus sévère aux entreprises qui ne la respectent pas. Depuis 1987, les établissements du secteur privé de 20 salariés ou plus sont soumis à une obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), à hauteur de 6 % de leur effectif. Les entreprises peuvent remplir leur obligation en la matière en :
- embauchant en direct des travailleurs handicapés ;
- embauchant en indirect (sous-traitance, et intérim) ;
- en menant des actions de formation en faveur des personnes handicapées ;
- en s’acquittant d’une contribution financière assimilable à une pénalité libératoire.
Votée en 2018 et entrée en vigueur en 2020, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a modifié certains dispositifs relatifs à l’emploi des personnes handicapées. En cas de non-respect de l’obligation d’emploi de 6 %, la compensation est déterminée en fonction de la taille de l’entreprise.
Les aides financières pour l’embauche de travailleurs handicapés
Les deux principaux acteurs sont l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) qui a financé 435,5 millions d’euros en 2018 en actions pour l’emploi des personnes handicapées, et le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) qui a financé 46 millions d’euros dans le secteur public. L’Agefiph a financé ou soutenu 223 000 interventions principalement pour l’insertion dans l’emploi mais aussi pour le maintien dans l’emploi, la compensation du handicap, la formation et la mobilisation du monde économique. Les aides aux entreprises pour l’emploi de personnes handicapées sont très largement versées par l’Agefiph et dans une moindre mesure par Cap Emploi et Pôle emploi. Sous conditions, elles sont pour la plupart cumulables et renouvelables, en particulier en cas d’évolution du handicap ou de mobilité professionnelle.
Les aides sont nombreuses. Elles couvrent de multiples situations au risque de générer de la complexité. Ainsi, les entreprises peuvent bénéficier notamment d’aides pour :
- l’adaptation du poste de travail (2000 euros au maximum) ;
- l’embauche en contrat d’apprentissage (3 000 euros au maximum) ;
- la formation (4 000 euros au maximum) ;
- l’emploi des travailleurs handicapés (AETH – 10 818 euros au maximum).
En 2016, 19 % seulement des entreprises avaient une proportion d’emploi handicapé direct ou indirect égale ou supérieure au taux légal. En 2018, 41 837 entreprises privées ont ainsi versé des compensations à l’Agefiph, pour un montant total de 426 millions d’euros.
Selon la Dares, le service statistique du Ministère du Travail, 489 100 travailleurs handicapés étaient employés dans les 103 700 établissements assujettis à l’OETH en 2017, pour un taux d’emploi direct en personnes physiques de 4,8 %. Ce taux, en progression de 0,5 point depuis 2011.
D’après les dernières statistiques établies par l’Agefiph, 2,8 millions de personnes en âge de travailler sont reconnues handicapées, soit 7 % des 15-64 ans. 988 000 sont aujourd’hui en emploi. Le taux d’emploi des personnes reconnues handicapées s’établit donc à 35 %, contre 65 % pour l’ensemble de la population. Ce taux varie avec l’âge. S’il est de 17 % pour les 15-24 ans, il monte à 48 % pour les 25-39 ans et se maintient à 45 % pour les 40-49 ans. Pour les personnes handicapées de 50 à 64 ans, il diminue à 29 % en raison des problèmes d’insertion professionnelle après 50 ans et en lien avec les possibilités de prendre une retraite anticipée. 50 % des personnes handicapées en emploi sont des femmes (48 % pour l’ensemble de la population), 44 % ont plus de 50 ans (30 % pour l’ensemble de la population) et 34 % travaillent à temps partiel (18 % pour l’ensemble de la population). 70 % d’entre elles travaillent dans le secteur privé, 22 % dans le secteur public et 8 % sont des indépendants. Le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population (18 % en 2018 contre 9 % pour l’ensemble de la population). La moitié des 500 000 travailleurs handicapés au chômage ont plus de 50 ans (contre 26 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi) et 59 % sont au chômage depuis plus d’un an (contre 48 % pour l’ensemble).
De la Covid-19 à la crise écologique
Le 6 mai 2019, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques rendait publique un rapport réalisé par 145 scientifiques en provenance de 50 pays et qui listait les perturbations et les dégradations environnementales menaçant la planète. L’idée d’une 6e extinction des espèces est retenue avec comme origine l’Homme. Ce rapport devait servir de base à la COP 15 sur la biodiversité qui devait se réunir au mois d’octobre à Kuming en Chine. En raison de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19, ce sommet a été reporté. La COP 15 était censée aboutir à la fixation d’un cadre d’actions en faveur de la biodiversité qui est placée au même niveau que le climat en tant que menace pour l’avenir de l’Humanité. Le réchauffement climatique lié aux émissions des gaz à effet de serre provoque de nombreuses disparitions d’espèces et menace ainsi les écosystèmes régionaux.
Compte tenu des conclusions du rapport Global Warning du 8 octobre 2018, le seuil de réchauffement global de la planète de 1,5°C sera atteint dès 2040. Pour éviter de dépasser ce seuil, les émissions nettes de C02 devraient être nulles en 2050, ce qui apparaît en l’état impossible à respecter. L’augmentation de 1,5°C aura des conséquences multiples. 14 % de la population sera soumise régulièrement à des chaleurs extrêmes. Avec un réchauffement de 2°C, ce ratio est de 37 %. Au niveau de la biodiversité, l’élévation de la température de 1,5° réduit de 50 % l’aire de répartition géographique pour 6 % des insectes, 8 % des plantes et 4 % des vertébrés. À 2°C, ces taux sont multipliés par trois. De 70 à 90 % des massifs coralliens sont détruits avec une élévation de 1,5°C, à 2°C, ils n’existent plus. Près de la moitié de la population risque de souffrir d’un manque d’eau. Plus de 10 millions de personnes seront, dans les prochaines années, exposés à la montée des eaux qui devrait se poursuivre au-delà de 2100 même en cas de neutralisation des émissions de carbone. La fonte des calottes du Groenland et de l’Antarctique pourrait provoquer des effets en chaîne difficilement évaluables. La disparition ou un changement du Gulf Stream font partis des scénarii étudiés par les scientifiques.
Pour certains experts, l’Humanité serait entrée au XXe siècle dans l’anthropocène, une ère géologique dominée par la présence de l’Homme. Cette ère aurait succédé ainsi à l’holocène, une période interglaciaire tempérée qui a permis depuis 14 000 ans l’essor de l’Homme. Depuis 1740, l’évolution de la planète a été extrêmement rapide avec une accélération de la croissance de la population humaine qui est passée de 700 millions à plus de 7,5 milliards de personnes. En un peu moins de 300 ans, la valeur du capital économique a été multipliée par plus de 134.
L’essor économique depuis le début de la révolution industrielle a été rendu possible par l’accès à une énergie abondante et relativement bon marché. En deux cents ans, la consommation en énergie primaire a été multiplié par plus de 30.
L’essor économique depuis le début de la révolution industrielle a été rendu possible par l’accès à une énergie abondante et relativement bon marché. En deux cents ans, la consommation en énergie primaire a été multiplié par plus de 30.
Entre 2010 et 2020, les émissions de gaz à effet de serre ont faiblement baissé à l’échelle mondiale, soit environ 1 % par an. L’objectif de réduction de 45 % en 2030 n’est pas a priori atteignable sauf à travers une augmentation de l’effort de l’ordre 7 % par an. La réalisation de l’objectif de zéro émission en 2050 nécessite une véritable révolution économique. Le seuil de CO2 à ne pas dépasser pour maintenir l’élévation de la température à 1,5°C pourrait être atteint entre 2030 et 2052.
Le confinement, un exercice involontaire et grandeur nature de réduction des émissions de gaz à effet de serre
Avec la mise à la cape de plus de la moitié de l’humanité, les émissions de CO2 ont fortement diminué au mois d’avril. Ainsi, selon l’Agence Internationale de l’Énergie, au cours de la première semaine d’avril, les émissions quotidiennes dans le monde étaient inférieures de 17 % à ce qu’elles étaient l’an dernier. Pour l’ensemble de l’année, les émissions devraient être plus faibles de 8 % à celles de 2019. Ce serait, la plus forte baisse annuelle constatée pour le CO2 depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette réduction n’en demeure pas moins faible au regard du chemin à parcourir, à peine 10 %. Cela pourrait conforter l’idée que seule une décroissance forte pourrait changer la donne au niveau environnementale, mais cela se ferait au prix d’un changement sans précédent de nos modes de vie.
L’écologie doit-elle être régressive ou coercitive ?
Les membres de la Convention pour le climat instituée par le Gouvernement d’Édouard Philippe propose des mesures de grande ampleur pour respecter l’Accord de Paris. Ainsi, il est suggéré d’interdire la vente de bus ou de car diesel dès 2023 et la circulation des véhicules utilitaires diesel en centre-ville à partir de 2024. Il est aussi prévu de limiter la consommation des véhicules à 3 litres au 100 kilomètres dès 2025. L’année d’après, le chauffage individuel au fuel devrait être interdit. En 2027, toutes les lignes aériennes pouvant être remplacées par le train seront supprimées. En 2029, il est prévu l’interdiction de construire des maisons individuelles. En 2028, la moitié de l’électricité devra être produite à partir d’énergies renouvelables. Parmi les autres propositions figurent la réduction de la taille des logements, des écrans de télévision ainsi que la diminution drastique de la consommation de viande. Ces mesures sont censées diviser par trois les émissions de CO2 entre 2020 et 2030.
Un tel scénario est régressif. Les auteurs du rapport s’en prennent à quelques symboles comme l’aviation qui n’est responsable que de 5 % des émissions des gaz à effet de serre. La vision présentée est très statique et n’anticipe pas les éventuels progrès techniques. Le point clef de la transition énergétique est l’orientation des capitaux vers des activités à faibles émissions de gaz à effet de serre. L’économie n’est pas l’ennemi de la décarbonisation. Une réduction de la consommation d’énergie est par exemple une source évidente de productivité. Il en est de même avec la mise en place de nouvelles infrastructures.
La taxe carbone et le progrès techniques, les grands oubliés de la transition énergétique
Le faible prix des énergies fossiles en raison de la crise devrait inciter les pouvoirs publics à relancer le principe d’une taxe carbone le plus large possible.
Comme le souligne l’économiste Christian Gollier dans son livre, « Le climat après la fin du mois », l’instauration d’une taxe sur les activités polluantes et donc sur les émissions de CO2 est le seul moyen pour réduire les externalités négatives. L’utilisation d’une voiture essence ou diesel, le chauffage au bois ou la production d’énergie électrique en recourant au charbon ont des incidences sur le climat et la santé des populations. Les coûts de ces nuisances ne sont pas intégrés au prix de vente. Il n’y a donc pas de mécanisme de sanction du marché. En instituant une taxe qui compense le prix des nuisances, les consommateurs sont amenés soit à renoncer à leurs achats, soit à participer financièrement à la remise en état de l’environnement ou aux dépenses de santé. Que ce soit en France ou dans une grande majorité de pays, si les citoyens veulent que les pouvoirs publics agissent en faveur de l’environnement, les consommateurs ne veulent pas en supporter le prix. En matière de taxation du carbone, plusieurs avancées sont à noter. Dans le cadre du plan vert de la Commission de Bruxelles, l’Europe prévoit d’étendre son système de tarification du carbone. La Chine a également décidé d’instaurer une taxe carbone. Aux États-Unis, la candidat démocrate, Joe Biden, soutient le principe d’un prix du carbone. Le produit d’une taxe sur le carbone pourrait financer la recherche et faciliter le désendettement des États.
L’autre voie repose sur l’innovation tant au niveau des énergies renouvelables que dans le domaine de la captation du CO2. Pour le moment, l’emprisonnement du CO2 a mauvaise presse car il admet le principe de l’émission. Par ailleurs, la création de zones de stockage est considérée pour les opposants à cette technique comme une solution visant à gagner du temps avec le risque que les futures générations aient à vivre avec des décharges de CO2. Au-delà de cette polémique, depuis une vingtaine d’années, surtout en France, la science et le progrès technique ne sont pas perçus comme des moyens permettant de réduire l’empreinte carbone des activités humaines mais comme les coupables de la dégradation environnementale.
La crise actuelle met à mal des pans entiers de l’économie des pays. Les gouvernements doivent réaliser des arbitrages complexes. Le sauvetage d’entreprises industrielles n’est pas toujours conciliable avec la décarbonisation. La Chine, tout en mettant en avant une éventuelle taxation du carbone, tend à promouvoir son industrie lourde. Aux États-Unis, le Président Donald Trump a décidé d’assouplir à nouveau les règles environnementales pendant la pandémie. Les aides à l’automobile ne seront certainement pas limitées aux seuls véhicules électriques. La crise du Covid-19 n’est donc pas intrinsèquement favorable au climat. La leçon est que des catastrophes provoquées mais non intégrées dans les modèles peuvent survenir sans avertissement, en bouleversant la vie et l’économie. Les dommages causés par le changement climatique sont a priori plus lents que la pandémie, mais peuvent être plus importants et durables.