Le Coin des tendances
La prise de pouvoir des digitales
L’indice Nasdaq qui réunit les plus grandes valeurs technologiques américaines ne connaît pas la crise. Il est supérieur de 7 % par rapport au niveau qu’il avait atteint à la fin de l’année 2019.
Les applications digitales ont été au cœur de la vie confinée qui a concerné la moitié de la population humaine entre le mois de mars et mai. Elles ont permis le maintien des liens avec l’extérieur et le télétravail. Elles ont suppléé l’absence d’activités culturelles. La consultation médicale à distance a connu réel essor. Le confinement a mis sur le devant de la scène des plateformes comme Teams, Slack, Klaxoon, Zoom ou encore House party. Ainsi, entre février et fin avril, le chiffre d’affaires de Zoom a augmenté de 169 % sur un an, à plus de 328 millions de dollars. Le nombre d’utilisateurs actifs mensuels est passé de 14 à 173 millions de la fin mars à fin mai, soit une hausse de 1 135 %.
Même si les pouvoirs publics ont conseillé de dégrader la qualité des transferts de données, en France, comme à l’étranger, les réseaux ont eu la capacité de gérer la progression du trafic. Le caractère décentralisé du réseau Internet a facilité l’absorption de cette hausse sans précédent. Par rapport à 2019, le trafic Internet a, en effet, augmenté de 30 % durant les deux mois du confinement.
La France s’est distinguée de ses partenaires par une demande de contenus en très forte progression (+63 % en mars et +86 % en avril) quand moyenne européenne a augmenté de 20 %. Le confinement strict, avec l’essor du télétravail, explique cette spécificité.
La bonne tenue du e-commerce
Le confinement a, dans un premier temps, freiné les achats en ligne du fait des interrogations sur les capacités de distribution. La Banque de France a mesuré des baisses de ventes de 54 % pour l’habillement en mars, de 58 % pour les chaussures, et même de 15 % pour l’alimentation. Jusqu’au 31 mars, les achats ont globalement baissé aussi sur Internet. Les ménages ont dans un premier temps vécu sur les stocks, ce qui les a conduits à ne pas réaliser d’achats de la mi-mars à début avril. Le confinement a, au début, certainement généré un effet de stupeur dissuadant les ménages d’acheter. À partir du début avril, une hausse est constatée ; elle a été, par exemple, de 14 % pour le textile.
Les produits techniques ont été les grands gagnants de la vente en ligne. Avec les cours en ligne et le télétravail, les ménage se sont équipés en ordinateurs et en matériel de bureautique. La vente de produits informatiques a ainsi progressé de 46 % en avril. Les articles de sport et de bricolage ont connu une augmentation de 20 %. L’hygiène-beauté a connu une augmentation de ses ventes en ligne de 72 %. En revanche, les ventes de meubles et de décoration terminent la période du confinement en baisse de 6 %. Ils ont souffert de leur caractère non essentiel. Des enseignes comme Fnac, Boulanger ou Décathlon ont plus que doublé leurs ventes en ligne. Amazon n’a gagné que 4 %, pénalisé par la fermeture de ses entrepôts et la polémique qui s’en est suivie.
Dans tous les pays, les achats en ligne ont progressé en fin de confinement. L’augmentation la plus forte a été enregistrée au Royaume-Uni. Ce pays est celui qui compte le plus de personnes ayant un compte pour des achats d’épicerie, plus de 62 %. Avec la crise sanitaire, ce taux a progressé de 15 points. À Londres, 71 % de la population a recours à ce type de service avec livraison à domicile ; 37 % des personnes ont créé un compte depuis la crise. Cela souligne l’augmentation de l’utilisation des achats en ligne, en particulier dans la capitale.
Après une phase d’attentisme, le secteur de la restauration a développé des offres en ligne en liaison avec les plateformes de livraison à domicile (Uber Eats ou Deliveroo). 5 % des ménages ont ouvert un compte en ligne pour se faire livrer des repas. Le taux de couverture du territoire pour ce type de service reste encore limité mais il devrait s’améliorer dans les prochains mois.
En 2020, les ventes en ligne dépasseront sans problème celles enregistrées en 2019. Elles avaient atteint plus de 100 milliards d’euros contre 92 milliards d’euros en 2018. La part de marché des achats en ligne s’élevait à 9,5 % en 2019 et devrait donc dépasser 10 % cette année. La France rattrape son retard sur les pays d’Europe du Nord et sur le Royaume-Uni. Près de 40 millions de Français effectuent chaque année des achats en ligne. La proportion des plus de 65 ans continuent à augmenter. Parmi les personnes connectées, le taux d’achat atteint 87 %. Le recours au smartphone pour effectuer des achats est de plus en plus fréquent. Dans les premiers mois de 2020, un tiers des acheteurs en ligne auraient utilisé leur smartphone pour réaliser une commande contre 25 % en 2018 (source FEVAD).
Au niveau du divertissement, le streaming et les jeux vidéo en ligne poursuivent leur ascension. Ils sont aidés par le déploiement de la fibre. Ils devaient également être les principaux gagnants de la 5G qui devrait encore plus déporter la consommation en ligne vers le smartphone. La consultation des réseaux sociaux a, de son côté, durant les mois de confinement logiquement augmenté. Le taux d’utilisation a progressé de 121 % en mars et de 155 % en avril.
En France, le canal de la distribution en ligne devrait s’arroger assez rapidement 15 % des ventes de détail. La crise du Coronavirus ne fait qu’accélérer une tendance en cours. Les centres commerciaux périphériques ne disposant que d’une attractivité moyenne ainsi que des commerces à faible image de marque devraient enregistrer une baisse de leurs chiffres d’affaires. L’évolution de la demande sur Internet n’a pas été linéaire. Durant la première partie du confinement, les vidéos à la demande et les jeux ont été plébiscités avant de connaître une légère diminution. Les Français se sont lassés ou ont épuisé les films à regarder. La rupture est intervenue dans la deuxième quinzaine d’avril. La musique en streaming n’a pas profité de la crise pour se développer. Elle est avant tout écoutée durant les transports. Les consommateurs de musique se sont reportés sur les chaînes de vidéos en ligne comme YouTube. Les artistes l’ont bien compris et ont multiplié les concerts à domicile.
Les collectivités locales entre crise et reprise
La crise du Covid-19 a mis un terme au processus d’amélioration des comptes des collectivités locales. Depuis le mois de mars, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions ont été confrontés à une contraction de leurs recettes et à une augmentation de leurs charges comme un certain nombre d’autres acteurs, Etat, régimes sociaux, assureurs. Avec le déconfinement, les collectivités locales entendent être des acteurs de la reprise et cela d’autant plus qu’au mois de mars de l’année prochaine sont prévues les élections départementales et régionales.
Une amélioration des comptes sur fonds de réduction des dépenses d’investissement
En 2019, les dépenses des collectivités locales ont progressé moins vite que leurs recettes. Ces dernières ont profité du nombre élevé des transactions immobilières, de la revalorisation des bases et de la stabilisation des dotations de l’Etat. Par ailleurs, en fin de mandat, les élus locaux diminuent traditionnellement leurs dépenses d’investissement. Les collectivités disposent ainsi d’une capacité d’autofinancement record en 2019 de 39,4 milliards d’euros. Mais la situation financière des collectivités locales n’est pas homogène. Les départements enregistrent plus de difficultés du fait de la progression constante des dépenses sociales et de la moindre élasticité de leurs recettes. De nombreuses communes rencontrent des difficultés de manière structurelle. Selon l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), en 2018, 17,4 % des communes présentaient une épargne nette négative, soit la même proportion qu’en 2014.
Les dépenses d’équipement ont servi de variables d’ajustement. Les contraintes financières imposées depuis une dizaine d’années ont ainsi conduit les communes et les intercommunalités à diminuer leurs investissements. La baisse atteint 16 milliards d’euros entre 2014 et 2019 selon une étude de la Banque des territoires et de l’Association des maires de France (AMF).
Les conséquences encore difficilement mesurables de la crise sanitaire sur les finances locales
Avec la crise sanitaire, certaines collectivités pourraient être confrontées à un problème d’équilibre budgétaire dès 2020, et plus probablement 2021 ou 2022. De Bercy aux associations d’élus, en passant par le Parlement et les experts, les estimations chiffrées varient fortement, de 5 à 20 milliards d’euros. Chargé par le gouvernement d’une mission sur l’impact de la crise sur les finances locales, le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, estime que les collectivités dans leur ensemble devraient voir leurs recettes diminuer d’environ 7,5 milliards d’euros en 2020.
Toutes ne seront pas impactées de la même manière :
- 3,2 milliards d’euros pour le bloc communal avec la fermeture des services publics locaux entraînant une baisse des recettes tarifaires (8 % de leurs recettes de fonctionnement), la diminution de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la contribution foncière des entreprises (CFE) ;
- 3,4 milliards d’euros pour les départements avec une chute des droits de mutations à titre onéreux (DMTO) et de la CVAE ;
- 0,9 milliard d’€ pour les régions avec les pertes de TVA (même s’il existe un mécanisme de garantie), de la CVAE et de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
Les collectivités locales ont, par ailleurs, engagé des dépenses pour faire face à la crise sanitaire (achats de masques de protection et autres équipements médicaux, accueil des enfants du personnel soignant dans les écoles par les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, mesures sanitaires pour la réouverture des écoles), économique (aides aux entreprises complémentaires au fonds de solidarité avec les TPE et les indépendants, etc.), et sociale (notamment le RSA pour les départements). A la différence du secteur privé, les collectivités locales n’ont pas pu placer une partie de leur personnel en chômage partiel. Les effets de la crise sur les finances locales seront certainement plus marqués en 2021 du fait notamment du décalage d’une année de la perception de certains impôts et de l’engagement dans le temps de certaines dépenses.
4,5 milliards d’euros de mesures d’urgence
Dès la fin du mois de mai, le Gouvernement a annoncé un plan de soutien afin de venir en aide aux collectivités locales portant sur 4,5 milliards d’euros. Les mesures d’urgence de ce plan seront intégrées dans le troisième projet de loi de finances rectificative présenté au conseil des ministres du 10 juin prochain. Parmi les mesures figurent :
- une enveloppe de 2,7 milliards d’euros pour permettre aux départements de faire face à la baisse des droits de mutation et qui prendra la forme d’avances sur trois ans et dans la limite de la perte estimée entre 2020 et la moyenne des trois années précédentes ;
- une clause de sauvegarde pour les recettes fiscales et domaniales du bloc communal (droits de terrasses, de stationnement, etc.), mécanisme de compensation évalué à 750 millions d’euros. 12 000 à 13 500 communes seraient concernées et les pertes de recettes intégralement compensées par l’État si celles-ci sont inférieures à la moyenne de leurs trois derniers budgets. Cela concerne en particulier les communes touristiques dépendantes des taxes de séjour ou des « taxes casino ». L’État compensera par ailleurs à hauteur de 110 millions les baisses de recettes pour les communes d’Outre-mer, très dépendantes de l’octroi de mer (taxe sur les produits importés qui peut parfois représenter jusqu’à 60 % des recettes d’une commune) et de la taxe sur les carburants, et de 40 à 50 millions d’euros les pertes des régions ultramarines ;
- une augmentation de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui passera de 0,6 à 1,6 milliard d’euros pour encourager les investissements des communes vers les secteurs de la transition énergétique et de la santé.
Les collectivités locales pourront lisser sur trois ans les dépenses spécifiques liées à la crise covid-19 qui seront inscrites dans un budget annexe.
Le gouvernement a clairement indiqué qu’il n’était pas envisagé de compenser l’intégralité des dépenses des collectivités liées à la crise, soulignant que la fermeture de services avait aussi généré des économies et que l’Etat assurait 50 % du coût des masques commandés par les collectivités après le 13 avril.
En attendant la loi de finances pour 2021
Dans l’ensemble, les responsables des communes et des intercommunalités se sont déclarées plutôt satisfaits par ces mesures d’urgence. Les exécutifs des départements soulignent qu’ils devront faire face à une forte augmentation des dépenses sociales. Pour 2021 et 2022, l‘augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA est estimée à +5 %. Cette situation pourrait provoquer le retour de la question de la renationalisation du RSA. Les régions, elles, ne sont pas prises en compte dans ce plan d’urgence. Le gouvernement a considéré qu’elles bénéficient déjà d’une garantie d’un socle de ressources pour la fraction du produit de la TVA qui leur est transférée chaque mois depuis 2018 en remplacement de la dotation globale de fonctionnement. Les Régions peuvent également comptabiliser leurs participations au fonds national de solidarité pour les TPE comme des dépenses d’investissement, leur permettant de libérer des marges de manœuvre financières en vue du plan de relance auquel elles souhaitent prendre une part active. L’Association des Régions de France a indiqué qu’elle redoutait une baisse de -21 milliards d’euros de leurs investissements d’ici à 2026 s’il n’y a pas de garantie sur la CVAE et la TICPE.
Le gouvernement a précisé que le
chiffrage des mesures d’urgence est provisoire et sera affiné dans le projet de
loi de finances 2021 en fonction de la reprise économique et des rentrées
fiscales des collectivités cette année.