Le Coin de la Conjoncture
Le FMI en mode oiseaux de mauvais augure
Le FMI a publié le 24 juin de nouvelles prévisions économiques révisant à la baisse celles du mois d’avril. Malgré la reprise économique au sein des pays avancés, l’organisation internationale estime que la perte de PIB sera très importante qui nécessitera du temps pour être compensée. Compte tenu des incertitudes sur la crise sanitaire et sur une éventuelle deuxième vague, le FMI reste très prudent sur la valeur de ses prévisions.
Une crise planétaire sans précédent
La crise économique liée au covid-19 est planétaire et s’est traduite dès le premier trimestre de cette année par des contractions du PIB historiques. Certains pays ont été moins touchés. Il s’agit en particulier de la Chine, du Chili, de l’Inde, de la Malaisie, de la Thaïlande, de l’Australie, de l’Allemagne ainsi que du Japon et de la Corée du Sud. Les pays qui n’ont pas appliqué de confinement strict ou qui ont été touchés plus tardivement par le virus ont enregistré, assez logiquement, de moins mauvais résultats au cours des trois premiers mois de l’année.
Pour le FMI, le deuxième trimestre devrait être, pour l’économie mondiale, encore plus mauvais que le premier sauf en Chine où le redémarrage s’est amorcé en mai. La baisse des prix des matières premières ainsi que de l’énergie ont touché les pays producteurs. La chute du commerce international a lourdement pénalisé de nombreux pays émergents. Si dans les pays avancés, l’augmentation des prestations sociales a permis de compenser les importantes baisses de revenus provoquées par la diminution de la production, ce ne fut pas le cas dans les pays émergents et en développement, obligeant les familles à puiser dans leur épargne. Avec la raréfaction de leurs ressources, l’absence de visibilité, les entreprises ont reporté voire annulé leurs investissements amplifiant ainsi la diminution de la demande globale.
Le marché du travail a, en relation avec la chute de la production, connu une dégradation sans précédent à l’échelle mondiale. La baisse du nombre d’heures travaillées entre le dernier trimestre 2019 et le premier trimestre 2020 équivaut à la disparition de 130 millions d’emplois à plein temps selon le Bureau international du travail. celle du deuxième trimestre 2020 devrait représenter l’équivalent de plus de 300 millions d’emplois à plein temps. Le point bas dans les pays avancé a été atteint au mois d’avril. Depuis, une reprise de l’emploi est constatée mais elle demeure modeste. Par ailleurs, elle est fragile en raison de la situation délicate de nombreuses entreprises. Le choc du marché du travail concerne essentiellement les actifs les moins qualifiés, ceux qui étaient en CDD ou en mission d’intérim. Les femmes seraient, selon le Bureau International du Travail, plus exposées au risque de perte d’emploi. Dans les pays émergents et en développement. 80 % des deux milliards de travailleurs du secteur informel au niveau mondial auraient perdu leur travail.
Les échanges commerciaux ont baissé de près de 3,5 % en glissement annuel au cours du premier trimestre, en raison de la faiblesse de la demande, de l’effondrement du tourisme international, et des ruptures d’approvisionnement provoquées par les mesures de confinement. Plusieurs États ont pris des mesures protectionnistes qui ont accentué la chute du commerce international.
Dans un contexte de faible demande, l’inflation recule. Dans les pays avancés, elle est passée, de 1,7 à 0,4 %, en glissement annuel, de décembre 2019 à avril 2020, tandis que dans les pays émergents, elle a perdu 1,2 point de pourcentage pour s’établir à 4,2 %. Les prix diminuent avant tout en raison de la faible demande. Les diminutions sont bien nombreuses et importantes que les hausses qui sont enregistrées sur certains biens en raison de l’application des nouvelles normes sanitaires. Le marché du pétrole après avoir connu des prix négatifs sur des contrats à terme a renoué avec une certaine stabilité en raison de la signature d’un accord entre l’OPEP et la Russie. Le FMI parie sur un prix du baril autour de 40 dollars soit environ 20 % de moins qu’en 2019.
Plusieurs secteurs dont le tourisme pourraient mettre plusieurs années avant de retrouver leur niveau de production de 2019. D’autres secteurs, en particulier dans l’industrie, sont confrontés à des baisses de productivité en raison de la mise en œuvre de règles sanitaires contraignantes.
L’organisation internationale prévoit une contraction du PIB mondial de 4,9 % en 2020, soit de 1,9 point de pourcentage de plus que prévu au mois d’avril. La révision à la baisse est imputable à un retour à la normale plus lente de la consommation et à un report massif des investissements. L’organisation souligne que les mesures publiques de soutien à l’économie compensent partiellement la baisse de la demande intérieure privée.
L’artillerie lourde pour sauver l’économie
Les États ont mis en œuvre des moyens sans précédent pour faire face à la crise sanitaire, plus de 11 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale, soit 13 % du PIB mondial. De nombreux pays, en particulier européens ont adopté des dispositifs d’activité partielle et d’aide financière aux travailleurs mis au chômage technique. Un soutien financier aux entreprises et des mesures réglementaires visant à maintenir l’accès au crédit ont limité, pour le moment, le nombre de faillites.
Les banques centrales sont également intervenues à travers des taux bas et des rachats d’obligations des États et des entreprises. Une coordination internationale s’est instituée notamment pour éviter une crise des pays émergents. Des accords de swap au bénéfice de leur banque centrale a permis de remédier à des pénuries de liquidités en dollars. Les flux d’investissements de portefeuille à destination des pays émergents ont repris après les sorties records de février–mars. Les variations de change qui étaient fortes au début de la crise sanitaire se sont stabilisées depuis un mois.
Après la chute abyssale de 2020, un rebond modéré en 2021
Après un recul en 2020, de 4,9 % le PIB pourrait augmenter en 2021 de 5,4 %. La consommation augmenterait progressivement l’année prochaine ainsi que l’investissement. Ce dernier devrait rester inférieur à son niveau antérieur. Le PIB mondial pour l’ensemble de l’année 2021 devrait à peine dépasser son niveau de 2019.
La situation diffère en fonction des zones économiques. Dans le groupe des pays avancés, le PIB devrait se contracter de 8,0 % en 2020. L’activité semble avoir été plus touchée que prévu au cours du premier semestre. La chute du PIB serait aux États-Unis de -8 %, au Japon de -5,8 %, au Royaume-Uni de -10,2 %, en Allemagne de -7,8 %, en France de -12,5 % et en Italie ainsi qu’en Espagne de -12,8 %. En 2021, le la croissance devrait atteindre 4,8 %, le PIB, l’écart par rapport à 2019 serait encore de 4 points de PIB. En 2021, la croissance des pays avancés est attenue à 5,4 %. Aux Etats-Unis, elle pourrait être de 4,8 % quand pour la zone euro, elle pourrait dépasser 6 %. En France qui figure parmi les pays les plus touchés, la reprise, en 2021, serait insuffisante pour compenser le manque à gagner de cette année. Les pays méditerranéens sont confrontés à une baisse du tourisme après avoir été contraint d’appliquer un strict confinement.
Les prévisions du FMI
Source : FMI
Le groupe des pays émergents et des pays en développement pris dans son ensemble devrait connaître une contraction de son PIB de 3 % en 2020. Le PIB des pays en développement à faible revenu devrait se contracter de 1,0 % en 2020, mais avec des différences entre les pays. En excluant les grands pays pré-émergents, le reste du groupe des pays en développement à faible revenu devrait connaître une contraction de 2,2 % en 2020. En Chine, où l’économie se redresse après la forte contraction du premier trimestre, la croissance devrait atteindre 1,0 % en 2020, en partie grâce à des mesures de relance. L’économie indienne devrait se contracter de 4,5 %, à l’issue d’une période de confinement plus longue et d’une reprise plus lente que ce qui avait été prévu en avril. En Amérique latine, où la plupart des pays ont encore du mal à maîtriser l’épidémie, les deux plus grandes économies, le Brésil et le Mexique, devraient se contracter respectivement de 9,1 % et 10,5 % en 2020. Pour la Russie, la récession serait de -6,6 % quand le PIB, en Arabie saoudite, reculerait de 6,8 %. Au Nigéria, la baisse du PIB serait de -5,4 %. L’Afrique du Sud, fortement touchée par la crise sanitaire, enregistrerait une contraction de 8,0 % de son PIB. En 2021, le taux de croissance du groupe des pays émergents et des pays en développement devrait monter à 5,9 %, en grande partie du fait du rebond prévu en Chine (8,2 %). Le PIB du groupe, hors Chine, après une contraction de 5,0 % en 2020, devrait connaître un rebond de 4,7 % en 2021.
Le commerce mondial diminuera nettement cette année ; le FMI parie sur une baisse de 11,9 %, en raison de la forte chute de la demande de biens et services, dont le tourisme. Avec le redémarrage de l’économie mondiale, il renouerait avec la croissance en 2021, avec un gain de 8 %.
Une progression de la pauvreté au niveau mondial
Le FMI s’attend à une forte augmentation du taux de pauvreté au niveau mondial et en particulier au sein des pays émergents et en développement. La proportion de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1,90 dollar par jour, était passée sous la barre des 10 % au cours des dernières années (contre plus de 35 % en 1990). Ce taux pourrait rapidement se situer entre 15 et 20 % dans les pays où la part de l’emploi informel est élevée. L’organisation souligne que dans 150 pays, près de 1,2 milliard d’écoliers (environ 70 % du total mondial) ont été privés d’école à la fin mai. Ce phénomène sans précédent aura des effets négatifs en particulier au sein des pays les plus pauvres. Le taux de décrochage devrait progresser dans les prochains mois. Ce risque de décrochage existe également pour des travailleurs dont les liens professionnels ont disparu ou se sont estompés notamment à travers le télétravail.
Un niveau d’incertitudes élevé
Le FMI estime qu’une reprise plus rapide de la croissance est possible en lien avec les mesures que les différents États prennent pour soutenir l’activité. Cette reprise serait d’autant plus forte si les tentations protectionnistes reculaient au profit d’une coopération internationale. L’organisation reconnaît, en revanche, qu’une deuxième vague de covid-19 pourrait avoir de graves conséquences financières.
Rebond encourageant du climat des affaires en France
Si les perspectives du FMI sont sombres, plusieurs indicateurs confirment néanmoins que la reprise est bien réelle. Ainsi, après la chute du mois d’avril, avec le déconfinement, le moral des chefs d’entreprise est en nette hausse au mois de juin. Il demeure néanmoins nettement inférieur à la moyenne des douze derniers mois.
Cercle de l’Épargne – données INSEE
L’indicateur qui synthétise le climat des affaires, calculé à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité marchands, a gagné, selon l’INSEE, 18 points ce qui constitue sa plus forte remontée mensuelle depuis le début de la série (1980). Cette hausse remarquable fait suite au léger frémissement constaté dès la sortie du confinement au mois de mai. À 78, le climat des affaires dépasse le niveau du creux atteint en mars 2009 (70) constaté lors de la crise financière. Il reste malgré tout et fort logiquement en deçà de sa moyenne de long terme (100).
Cette forte hausse de l’indicateur synthétique global s’explique notamment par le regard plus optimiste que portent les entreprises sur leurs perspectives d’activité, dans tous les secteurs, sous l’effet du déconfinement. Inversement, les soldes d’opinion relatifs à l’activité des trois derniers mois restent très bas.
En juin, toujours selon l’INSEE, le climat de l’emploi continue de se redresser. L’indicateur synthétique gagne 13 points, sa plus forte progression mensuelle depuis le début de la série (1991), amplifiant le rebond entamé en mai après une chute d’ampleur historique en avril. À 66, le climat de l’emploi reste tout de même très en deçà du creux de mai 2009 (73), et de sa moyenne de long terme (100).
Cercle de l’Épargne – données INSEE
L’indicateur de retournement qui mesure l’appréciation par les chefs d’entreprise de l’évolution de la conjoncture se rapproche du zéro marquant la limite entre récession et croissance. Cela signifie qu’un nombre croissant mais pas encore majoritaire de chefs d’entreprises croient en la reprise.
Avec le déconfinement, les ménages retrouvent presque le moral
La proximité des vacances, la volonté de tourner la page, les consommateurs français veulent croire au retour des temps anciens. Ils sont plus nombreux à avoir foie en l’avenir. Au mois de juin, selon l’INSEE, la confiance des ménages dans la situation économique s’améliore. L’indicateur qui la synthétise gagne 4 points. À 97, il reste néanmoins en dessous de sa moyenne de longue période (100). Au regard de la crise que la France traverse, la baisse de confiance des ménages apparaît très limitée. L’engagement massif de l’État afin de réduire les effets de la crise sur le niveau de vie des ménages peut expliquer cette faible diminution de l’indicateur.
Après deux mois de sevrage, les ménages estiment qu’il est opportun de faire des achats importants. Le solde correspondant gagne 31 points et rejoint sa moyenne de longue période après cinq mois consécutifs de baisse. Plus de ménages sont confiants, en juin, concernant leur situation financière future qu’en mai. L’indicateur augmente de 12 points mais demeure légèrement inférieur à sa moyenne. Le solde relatif à leur situation financière passée perd quant à lui 2 points mais se maintient au-dessus de sa moyenne de longue période. En juin, le solde d’opinion des ménages sur le niveau de vie futur en France est en net progrès. Il gagne 17 points mais reste en-dessous de sa moyenne de longue période. Il avait perdu 34 points en avril. En revanche, la part des ménages qui considèrent que le niveau de vie en France s’est amélioré au cours des douze derniers mois diminue. Le solde correspondant perd 7 points et reste en dessous de sa moyenne de longue période. Les ménages sont en mode « épargne ». Le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne future augmente nettement. Il gagne 9 points et reste au-dessus de sa moyenne de longue période. Le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne actuelle progresse pour le septième mois consécutif. Il convient de souligner que cette augmentation avait augmenté bien avant la crise sanitaire. L’indicateur qui le mesure a gagné 4 points en juin le plaçant à son plus haut niveau depuis que la série existe (1970). En juin, la part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner augmente légèrement. Le solde correspondant gagne un point mais reste inférieur à sa moyenne de longue période. Les craintes des ménages concernant l’évolution du chômage augmentent légèrement en juin. Le solde correspondant gagne 2 points : il atteint le niveau du pic de juin 2013, sans rejoindre son niveau historique du printemps 2009.