Le Coin des tendances
Mobilisation générale en faveur de la transition énergétique
Le respect de l’accord de Paris signé en 2015 sur le climat et le réchauffement climatique suppose l’obtention d’une neutralité carbone des activités humaines d’ici la fin du siècle. L’atteinte de cet objectif nécessite une profonde mutation des systèmes de production et de consommation. Les investissements à réaliser se chiffrent en milliers de milliards de dollars. De nombreuses avancées technologiques seront également nécessaires pour contenir le réchauffement de la planète à deux degrés. Sur ce terrain, de nombreuses start-ups se positionnent avec l’appui de nombreux investisseurs institutionnels ou pas. Une mobilisation générale prend forme autour de plusieurs grands secteurs dont la finance, l’industrie ou l’agriculture.
L’Agence internationale de l’énergie prédit que 40 % des réductions d’émissions indispensables pour être en conformité avec les Accords de Paris, d’ici 2070, passeront par le déploiement de technologies relativement nouvelles déjà connues à ce jour. Le solaire, l’éolien en mer devraient jouer un rôle croissant dans la production d’électricité. Un quart des réductions sera lié à l’amplification d’énergies traditionnelles non polluantes comme l’hydroélectricité et le nucléaire. Les technologies de pointe qui sont actuellement au stade du prototype ou de démonstration (navires ou avions alimentés par batteries par pile à hydrogène, etc. ) permettront de réaliser 17 % des réductions d’émission de gaz à effet de serre. Le passage à l’industrialisation est le point clef pour les investisseurs. Pour le moment, de nombreuses inventions ne donnent pas les résultats escomptés car elles ne sont pas commercialisables à grande échelle ou leurs résultats en mode non expérimental sont décevants.
La finance au service de la transition énergétique
La mobilisation de tous les acteurs du secteur financiers est de plus en plus réelle. Elle concerne non seulement les assureurs, les banquiers et les fonds d’investissement mais aussi les « family offices ». Les investisseurs ont été à plusieurs reprises échaudés en ce qui concerne les investissements dans le développement durable. La rentabilité n’a pas toujours été au rendez-vous. Ce fut le cas notamment avec le premier cycle d’investissements massifs intervenus entre 1995 et 2008. Les projets concernaient essentiellement la construction de parcs éoliens, l’installation de panneaux solaires et les biocarburants. De nombreux projets ont été sacrifiés assez rapidement, entrainant des pertes pour les investisseurs chiffrées à 25 milliards de dollars. Depuis ce premier cycle, une certaine prudence est de mise pour les investisseurs privés. Ils redoutent les longs délais d’attente pour la validation des innovations. L’obtention des premiers retours sur investissement intervient au mieux après dix ans avec, en outre, une probabilité d’échecs importante. Les acteurs financiers qui investissent dans les technologies de la transition énergétique ont de ce fait changé de nature. Les fondations dont celle de Bill Gates ou du Massachusetts Institute of Technology jouent un rôle plus important. Mais au-delà de ces fondations, le montant total des investissements augmente depuis la signature des accords de Paris. En 2019, plus de 36 milliards de dollars ont ainsi été investis dans les technologies liées au climat, contre 17 milliards de dollars en 2015. La moitié de l’argent a bénéficié à des startups nord-américaines. Si les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, ont décidé de sortir des accords de Paris, les entreprises américaines ont continué à investir massivement au point d’occuper des positions de force dans de nombreux secteurs en première ligne pour la transition énergétique. 30 % des capitaux destinés à la transition énergétique sont allés à des entreprises chinoises et 15 % à des entreprises européennes. Malgré un réel volontarisme sur le plan réglementaire, l’Europe accuse un véritable retard par rapport aux deux premières puissances mondiales. Le vieux continent est pénalisé par la forte segmentation de son marché en particulier financier. Les supports d’investissement restent encore nationaux en Europe.
Sur le plan des financements, les assureurs sont des acteurs clefs dans la transition énergétique. Spécialistes de la gestion du risque, ils ont assez rapidement pris en compte la nécessité d’adapter leur politique d’investissement. De plus en plus, leurs actifs sont gérés en tenant compte des impératifs du développement durable. Par ailleurs, ils participent à de nombreux fonds finançant des entreprises innovantes dans le domaine de la réduction des émissions du CO2. A titre d’exemple, depuis l’an 2000, AG2R LA MONDIALE a créé un fonds ISR. En 2019, l’encours des OPC ISR gérés par ce groupe atteint 10 milliards d’euros. La finance innove pour faciliter la transition énergétique. Des sociétés comme « Lane Capital » et « Generate Capital » prêtent de l’argent à des startups travaillant à la réduction des émissions des CO2 avec des modalités particulières pour le remboursement. En 2019, « Generate » a prêté 100 millions de dollars à « Plugpower » pour installer ses chariots élévateurs à hydrogène dans les entrepôts d’Amazon et de Walmart. Ces derniers paient « Plugpower » en fonction du nombre de rotations dans les entrepôts, permettant ainsi un remboursement du prêt. Le recours à ces élévateurs diminue l’empreinte carbone des entreprises les utilisant ce qui est une source d’économies de droits. Elles peuvent même en revendre en cas d’excédents.
Les « family offices » des milliardaires participent de plus en plus directement au financement de la transaction énergétique. Ils assurent 8 à 10% des apports financiers, contre 4 % en 2010. Bill Gates joue un rôle important sur ce créneau. Il a lancé en 2015, un fonds d’un milliard de dollars qui n’investit que dans des startups dont l’objectif est de réduire les émissions annuelles de gaz à effet de serre d’au moins l’équivalent d’une demi-gigatonne de CO2, soit environ 1% du total mondial. Pour ce programme, Bill Gates a convaincu une vingtaine de milliardaires dont Jeff Bezos (Amazon), Jack Ma (Alibaba) et Mukesh Ambani (Reliance Industries, la première entreprise privée d’Inde). Le fonds soutient actuellement 40 entreprises. Bill Gates a également créé TerraPower, une société développant des réacteurs nucléaires avancés. Il a enfin investi dans Carbon Engineering, une entreprise qui construit des machines aspirant le dioxyde de carbone de l’air. The Emerson Collective, une fondation fondée par Laurene Powell Jobs, l’ex-épouse de Steve Jobs, a investi dans une douzaine de startups de technologie climatique.
Plusieurs secteurs industriels en pointe
La bataille des batteries géantes
Dans le secteur de l’énergie, des progrès importants ont été réalisés, ces dernières années, dans le solaire et l’éolien. Actuellement, les recherches se focalisent sur le stockage de l’énergie. L’objectif est la fabrication de batteries géantes permettant de délivrer durant plusieurs jours de l’électricité. L’entreprise « Form Energy », fondée en 2017, travaille sur des batteries pouvant délivrer de l’énergie en forte quantité sur plus d’une semaine. Cette entreprise a conclu un accord avec « Great River Energy », une entreprise publique d’énergie électrique du Minnesota aux États-Unis. Le passage du stade expérimental au stade industriel n’est néanmoins pas prévu avant 2025. L’entreprise française Neoen s’est associé à Tesla pour développer une batterie d’une capacité de 300 mégawatts (33 % de la puissance d’un réacteur nucléaire) en Australie. Cette batterie sera branchée sur le réseau australien et se chargera quand le prix de l’électricité sera faible. Cette électricité sera revendue quand les prix seront plus élevés. L’Australie, qui a misé sur les énergies renouvelables, doit faire face à de fortes fluctuations des prix en fonction des aléas météorologiques.
La course aux pools verts dans l’automobile
Le secteur automobile est également engagé dans une lutte contre les émissions de CO2 avec le recours croissant à l’énergie électrique. La réglementation de plus en plus stricte impose des changements dans les procédés de production et se traduit également par des alliances entre constructeurs. Dans ce secteur, la moitié des investissements est destinée à la réduction des émissions de CO2. Pour respecter les nouvelles normes européennes contraignants (95 g/km en moyenne, en normes NEDC), les constructeurs ont la possibilité de se rassembler au sein de « pool CO2 ». Les autorités vérifient le respect des normes pour le pool et non pas constructeur par constructeur. Ceux qui sont les plus vertueux vendent cher le droit d’intégrer leur pool. Le prix à payer est moins important que celui des amendes qui sont logiquement dues à ceux qui ne respectent pas la réglementation européenne. Ainsi, le groupe Fiat (FCA) a acheté un droit d’adhésion au pool de Tesla pour 1,8 milliard d’euros sur trois ans. Honda qui vend peu de véhicules électriques a également choisi de participer à ce pool. Le groupe d’Elon Musk écoulera 100.000 bolides en Europe de l’Ouest sur l’année (62.600 sur de janvier à septembre). Tesla fait désormais figure de référence. En 2004, Elon Musk a acheté une participation de 14 % dans le constructeur de voitures électriques, Tesla, pour 6,5 millions de dollars. Six ans plus tard, ce constructeur est la première capitalisation de ce secteur, près de 400 milliards de dollars La participation de Elon Musk vaut peut-être 72 milliards de dollars, soit juste un peu moins que la capitalisation de General Motors et de Ford réunis. Ford et Volvo se sont également associés. Ford bénéficiera des droits de Volvo qui s’est spécialisée dans la vente d’hybrides rechargeables sur le Vieux Continent, avec ses modèles XC40 et XC60 (52 300 unités sur les neuf premiers mois de 2020).Le Groupe Volkswagen a décidé de se marier avec le premier constructeur chinois, SAIC qui possède notamment la marque Rover et MG. Il pourra ainsi bénéficier des retombées de la vente de la MG ZS électrique (8 600 unités sur 9 mois en 2020). Le groupe Volkswagen pense néanmoins devoir s’acquitter d’une amende de plusieurs centaines de millions d’euros. Même si Porsche et Audi, deux marques du Groupe, ont mis en vente des modèles électrique, le bilan carbone des modèles proposés entraine un net dépassement de la norme européenne. Il en est de même pour Mercedes. Le groupe indien Jaguar Land Rover, qui pour le moment n’est membre d’aucun pool, a indiqué avoir provisionné 100 millions d’euros pour s’acquitter des amendes. De son côté, le groupe Renault a lancé mi-octobre un appel à rejoindre le « pool » qu’il doit former avec Nissan et Mitsubishi. Compte tenu de ses ventes de voitures électriques (ZOE), le groupe peut espérer vendre des droits importants.
L’agriculture sur le terrain de l’innovation
L’agriculture est également un secteur qui intéresse de nombreux acteurs de la décarbonisation. La réduction des émissions concerne en premier lieu les activités d’élevage. Sur ce sujet, la start-up, « Impossible Foods », propose des solutions pour développer des protéines végétales. Elle est soutenue par le fonds de Bill Gates et par Google. Sa capitalisation est passée en quelques mois de 2 à 7 milliards de dollars prouvant que sur le marché des start-ups vertes, la présence de Bill Gates suffit pour enflammer les cours. La gestion des entrants dans la production agricole fait l’objet de plus en plus d’études fines afin de réduire les quantités. Il en est de même de l’eau. Le recours à des sondes connectées et la culture croisée ont pour objectifs de limiter les apports artificiels et réduire l’empreinte carbone des exploitations.
Le conseil aux entreprises de plus en plus vert
Le secteur du conseil est engagé sur le terrain de la décarbonisation. Le cabinet PWC estime que 60 % de ses missions intègrent désormais une logique environnementale. La pression est forte, par ailleurs, au niveau de l’immobilier de bureaux et des entrepôts afin de pouvoir réduire les émissions de CO2.
Sur le terrain de la transition énergétique, les deux premiers pays émetteurs de CO2, la Chine et les États-Unis, développent un secteur de pointe capable de proposer des solutions technologiques. L’Europe tend à s’organiser notamment dans le cadre du plan vert décidé en 2019 par la Commission européenne, plan vert qui dans lequel devrait s’inscrire le plan de relance en cours de discussion.
Quand l’innovation et l’exportation s’associent
Les entreprises les plus innovantes sont celles qui exportent. L’exigence de compétitivité pour maintenir ses parts de marché à l’exportation impose un effort permanent de recherche. Dans une étude publiée au début du mois de novembre, l’INSEE démontre que le lien entre innovations et exportations est très marqué. Une progression de 1 % de la demande étrangère entraînerait 52 brevets prioritaires supplémentaires dans le secteur manufacturier français.
Les innovations sont réalisées, en France, par un très petit nombre d’entreprises. La concentration en la matière est encore plus marquée que celle qui prévaut pour les entreprises qui exportent. 1 % des entreprises déposant des brevets en possèdent 91 %. 1 % des entreprises réalisant des exportations) sont responsables de 70 % de celles-ci. Dans un même secteur, les entreprises exportatrices génèrent un chiffre d’affaires plus élevé et ont plus d’employés que les non-exportatrices. Au sein d’un même secteur, une entreprise exportatrice réalise un chiffre d’affaires supérieur à celui d’une entreprise non exportatrice, avec une valeur ajoutée par travailleur supérieure de 18 %.
Seules 5 % des entreprises ayant déposé au moins un brevet entre 1995 et 2012 n’ont jamais exporté sur cette période. Une hausse de la demande étrangère entraîne une augmentation de l’effort de recherche dans les deux à cinq ans après. Si les ventes et l’emploi augmentent en phase avec l’obtention de marchés à l’exportation, un délai de latence est constaté pour la recherche et le dépôt de brevets. La conservation des parts de marchés suppose la poursuite de l’effort d’innovation. La forte concurrence sur les marchés internationaux oblige les entreprises qui y participent à consacrer une part plus importante de leurs chiffres d’affaires à l’innovation. Cet effort se justifie par le fait que leur présence sur ces marchés est, en règle générale, la conséquence d’un niveau initial de productivité élevé.