Le Coin de la conjoncture – Etats-Unis – France – investissement – taux d’intérêt et égalité
États-Unis, un nouveau Président pour quelle politique économique ?
Aux États-Unis, pour au moins deux ans, le nouveau Président, Joe Biden, bénéficiera d’un Congrès à majorité démocrate. Cette situation est censée faciliter l’adoption des engagements présidentiels même si, pour certaines décisions, une majorité qualifiée des deux tiers est exigée au Sénat, supposant le soutien d’un nombre non négligeable de Républicains. Après l’élection en Géorgie au mois de janvier, le Sénat, compte autant de Démocrates que de Républicains, la majorité n’étant obtenue que grâce à la voix de la Présidente qui est la Vice-Présidente des États-Unis. C’est grâce à sa voix que le plan de relance a été adopté par le Sénat vendredi 5 février dernier.
La faible majorité démocrate au Sénat met un terme au régime de cohabitation qui est devenue la norme aux États-Unis. Depuis 1996, la Maison-Blanche et les deux chambres du Congrès n’ont été alignées politiquement que pendant huit ans, quatre ans sous George W. Bush, deux sous Barack Obama et deux sous Donald Trump. Au bout de deux ans de mandat présidentiel, l’opposition remporte fréquemment les élections au Congrès. Par ailleurs, le fait de disposer d’une majorité parlementaire n’est pas toujours un gage de tranquillité aux États-Unis. Le pouvoir législatif dispose de pouvoirs bien plus importants qu’en France sur le plan budgétaire et même dans le domaine des affaires étrangères. Il défend ses prérogatives avec beaucoup d’énergie. Par ailleurs, les deux grands partis ayant tendance à s’extrêmiser, les Présidents sont conduits à accepter de nombreux compromis pour l’adoption de leurs projets.
Des déficits publics abyssaux
Joe Biden arrive dans un contexte politique, économique et social sans précédent. Même si les États-Unis ont plutôt mieux résisté sur le plan économique par rapport aux autres pays de l’OCDE, le pays enregistre le plus grand nombre de décès liés au Covid-19 à l’échelle mondiale. Pour endiguer les effets de la crise, les pouvoirs publics ont accru le déficit public et la dette qui atteint un niveau historique en temps de paix. D’octobre 2019 à septembre 2020, le déficit public a atteint 3 132 milliards de dollars, quand la dette publique a dépassé 26 900 milliards de dollars à fin septembre. Le plan que Joe Biden s’était engagé à faire adopter porte sur 1 900 milliards de dollars, soit l’équivalent de 9 points de PIB. Ce plan prévoit une augmentation des soutiens directs aux familles, des fonds pour faciliter la réouverture des écoles, une augmentation du nombre de tests et de vaccins gratuits, des aides aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’une assistance alimentaire renforcée. Une augmentation des dépenses publiques est également attendue en faveur de la réalisation d’infrastructures, de la transition énergétique et de la défense. Le nouvel exécutif s’est engagé à n’augmenter qu’avec parcimonie les prélèvements obligatoires. Une faible hausse de l’impôt sur le revenu est donc attendue. Au niveau de l’impôt sur les sociétés, le taux d’imposition des bénéfices serait augmenté de sept points mais cette augmentation serait compensée pat des déductions fiscales applicables aux investissements. Le déficit qui était resté élevé durant le mandat de Donald Trump (autour de 6 % de PIB) devrait être plus élevé encore dans les prochaines années. La dette publique américaine a progressé de 16 points depuis le début de la crise sanitaire pour atteindre plus de 100 % du PIB. Avant la crise financière de 2008, elle était inférieure à 40 % du PIB. Compte tenu des mesures annoncées par Joe Biden, cette dette devrait se rapprocher de 105 % du PIB en 2021.
Pour financer leur imposant déficit public, les États-Unis ne pourront pas compter sur la seule épargne nationale. En 2020, celle-ci s’élevait à 18 % du PIB, contre 20 % en 2014. Si, l’année dernière, comme dans tous les pays occidentaux, le taux d’épargne des ménages a fortement augmenté, passant de 11 à 30 % du revenu disponible brut au plein milieu de la première vague, il est déjà revenu à moins de 20 % et devrait continuer sa décrue dans les prochains mois. Cette baisse sera d’autant plus marquée que les pouvoirs publics inciteront les ménages à consommer afin de relancer l’économie. La croissance des transferts publics et la hausse du salaire minimum devraient conduire à un rebond assez rapide de la consommation.
La contrainte extérieure
Les plans de relance engagés pour lutter contre la crise devraient conduire à une augmentation de la consommation, accroissant le déficit commercial américain qui est l’un des plus importants au sein de l’OCDE. Tant pour équilibrer leur balance commerciale que pour financer ces déficits publics, les États-Unis devront faire appel à l’épargne étrangère. Le solde de la balance courante devrait ainsi passer de -2 à -4 % du PIB. La dette extérieure nette des États-Unis pourrait atteindre plus de 65 milliards de dollars quand elle ne s’élevait qu’à 10 milliards de dollars en 2007. Cette dégradation des comptes extérieurs ne sera pas sans conséquence sur la politique économique et monétaire.
L’augmentation du déficit commercial pourrait accentuer les tentations protectionnistes. Même si Donald Trump s’en est fait une spécialité, le recours aux mesures restrictives pour les échanges commerciaux est traditionnellement l’apanage des démocrates. Si dans un premier temps, le Président Joe Biden opte pour une approche multilatérale, il n’est pas interdit de penser que, dans un second temps, le pouvoir américain se raidisse à nouveau sur ce sujet sensible. Les élections de mi-mandat arrivant dans à peine deux ans, elles ne laissent pas beaucoup de latitude au nouveau pouvoir sur ce sujet sensible.
Les États-Unis, le protectionnisme en bannière
L’arrivée de Joe Biden à la Présidence ne met pas un terme aux sirènes du protectionnisme. Dès le 25 janvier 2021, le nouveau Président a signé un décret destiné à garantir que 600 milliards de dollars de dépenses annuelles fédérales seront réservées à des commandes aux États-Unis. Cette volonté de privilégier la production nationale est une constante dans la politique américaine. En 1933, Herbert Hoover avait signé le « Buy American Act » (BAA) qui subordonnaient la passation des marchés publics de plus de 10 000 dollars à un minimum de 50 % de production nationale et sous réserve qu’elle ne soit pas plus chère de 6 % que les alternatives étrangères. Sous les présidences de Bill Clinton, d’Obama et de Trump, des mesures protectionnistes avaient été également adoptées.
La dépréciation du dollar est-elle inéluctable ?
Le besoin de capitaux pour financer les dettes contraindra les États-Unis à offrir un taux de rendement des obligations plus élevé. Le taux d’intérêt sur les obligations à 10 ans qui avoisinait les 2 % fin 2019 est passé en-dessous de 1 % au cœur de la crise sanitaire. Les taux pourraient remonter autour de 1,5 à 2 % d’ici 2022. L’écart de taux entre les États-Unis et l’Allemagne qui est de 1,5 point à fin janvier pourrait retrouver des niveaux élevés dans les prochains mois, d’autant plus que la Banque centrale européenne pourrait diminuer à nouveau son taux de dépôt. La hausse des taux aux États-Unis pourrait freiner la reprise en pénalisant l’investissement. Plusieurs acteurs économiques pourraient rencontrer également des problèmes de solvabilité. Afin d’éviter ce problème, la monétisation de la dette devrait se poursuivre, ce qui pourrait conduire à une dépréciation du dollar. La base monétaire des États-Unis est déjà passée en deux ans de 4 500 à 7 000 milliards de dollars. Cette forte augmentation a déjà eu des effets sur la valeur du dollar qui a perdu du terrain tant vis-à-vis de l’euro que des monnaies des pays émergents. La dévaluation de la monnaie américaine augmenterait la facture des importations et augmenterait la compétitivité des exportations.
La politique de Joe Biden devrait concourir à relancer l’inflation du fait de la revalorisation du salaire minimum, de l’augmentation des prestations sociales, de la poursuite de la monétisation de la dette, ainsi que de la dépréciation du dollar qui augmente le prix des importations. Néanmoins, depuis une dizaine d’années, l’inflation se fait toujours attendre. Le point saillant par rapport à la politique qui avait été mise en place lors des mandatures précédentes, est l’accent mis sur les revenus des populations les plus modestes. Le surplus de la consommation serait susceptible de générer une remontée de l’inflation.
Pour la zone euro, cette politique pourrait avoir des conséquences sur le flux de capitaux et la compétitivité des exportations. Les investisseurs pourraient être tentés de privilégier les États-Unis compte tenu des rendements promis mais ils devront de plus en plus se couvrir face à la possible dépréciation du dollar. Au niveau des échanges de bien, une revalorisation de l’euro pourra peser sur les exportations et donc la croissance.
Les taux bas sont-ils inégalitaires ?
Depuis une dizaine d’année, la politique monétaire est devenue très expansionniste. La baisse des taux directeurs et les rachats d’obligations par les banques centrales ont conduit à une forte croissance du bilan de ces dernières et de la base monétaire qui est passée de 10 à 55 % du PIB de 2007 à 2021. Cette politique initialement instituée à titre exceptionnelle pour lutter contre la déflation est devenue la norme. Le soutien de l’activité et le maintien de la solvabilité d’États surendettés sont désormais les objectifs, plus ou moins affichés, poursuivis par les banques centrales. Cette politique est en rupture avec le monétarisme qui avait cours dans les années 1980/2007 en vertu duquel la progression de la masse monétaire était fixée par avance en lien avec le taux prévisionnel d’inflation. La neutralité de la monnaie était recherchée avec l’indépendance des banques centrales comme symbole. Le monétarisme s’était imposé comme une solution à la stagflation des années 1970.
Des effets sur la composition des revenus
Les politiques monétaires expansives ont des effets économiques et financiers évidents. Ils en ont aussi sur la composition et la répartition des revenus. La baisse des taux et l’augmentation des liquidités n’ont pas joué avant la crise sanitaire contre l’emploi. Le plein emploi était de mise dans un nombre important d’États dont les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou le Japon. Dans les pays à fort taux de chômage comme l’Espagne, l’Italie ou la France, une amélioration se dessinait. D’autres facteurs entrent en ligne de compte comme le vieillissement de la population. En France, 800 000 personnes partent à la retraite chaque année, ce qui conduit à une très faible progression de la population active. L’augmentation du nombre d’emplois est favorable à celle des revenus. Depuis 2009, les salaires n’ont progressé que de 5,7 % en valeur réelle au sein de l’OCDE. Après la crise des subprimes, le partage des revenus se déforme au détriment des salariés. Les gains de productivité sont moins redistribués aux salariés après 2009 qu’avant, sauf dans deux pays : la France et l’Italie. Les profits après impôts, intérêts, et avant dividendes, sont passés lors de ces dix dernières années de 12 à 15 % du PIB au sein de l’OCDE. Cette répartition des revenus effectuée au détriment des salariés est-elle la conséquence de la politique monétaire ou d’autres facteurs ? L’augmentation de l’aversion aux risques impose aux entreprises de mieux rémunérer leurs actionnaires. Par ailleurs, dans une économie mondialisée, les investisseurs peuvent déplacer facilement leurs capitaux. Pour stabiliser leur capital, les entreprises sont contraintes d’accroître les dividendes distribués. Comme l’aversion au risque a eu tendance à augmenter ces dix dernières années, les investisseurs ont demandé à être mieux rémunérés. La désindustrialisation a, par ailleurs, érodé le pouvoir de négociation salariale des salariés, ce qui a pu favoriser les détenteurs de capitaux. L’indice de Gini avant redistribution sociale, indice qui mesure les inégalités de revenus, se dégrade depuis 2014 pour l’ensemble de l’OCDE.
La baisse des taux a un effet direct sur les revenus financiers versés aux ménages. Les intérêts reçus par les ménages de l’OCDE sont passés de 3,5 à 1,8 % du PIB de 2007 à 2020. Sur la même période, les intérêts payés par les ménages pour leurs emprunts ont également connu une baisse marquée. Ils s’élevaient à 2 % du PIB en 2020, contre 3,8 % en 2007. Les pertes et les gains sont assez équilibrés. Les épargnants qui ont, en moyenne, plus de 50 ans, sont perdants. En France, leur patrimoine financier est constitué à plus de 60 % de produits de taux. Ils acceptent cette répression financière car ils sont bénéficiaires de la valorisation du patrimoine. Plus de 60 % du patrimoine des ménages est constitué de biens immobiliers.
Des effets patrimoniaux évidents
La valorisation des actifs immobiliers et « actions » a accru les inégalités. La baisse des taux a cristallisé les positions acquises à la fin des années 80. Si la spirale inflationniste qui concernaient dans les années 1970 les salaires, les biens et les services, elle s’est, depuis une dizaine d’années, logée dans certains actifs. Le doublement de la valeur des biens immobiliers a peu de conséquences sur le niveau de vie de son propriétaire tant qu’il ne monétise pas son bien et sous réserve qu’il ne réemploie pas l’argent issu de la vente pour racheter un bien immobilier de même nature. Il en est tout autre pour les primo-accédants qui doivent franchir une marche bien plus importante qu’auparavant. La multiplication par deux de la valeur des actions n’a pas d’incidence automatique sur le chiffre d’affaires des entreprises cotées. Elle a un aspect patrimonial.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le patrimoine ne représentait que quelques mois de revenus des ménages. En 2002, il représente plus de huit ans de revenus. Cette évolution est le fruit de l’accumulation du capital pendant la période des Trente Glorieuses qui s’est accompagnée d’une forte inflation diminuant le coût des emprunts. Avec la mise en place de politique désinflationniste à partir des années 1980, les détenteurs de capitaux ont bénéficié d’un important processus de valorisation. Ces vingt dernières années, au sein de l’OCDE en moyenne, le prix de l’immobilier a été multiplié par plus de deux et les indices boursiers par 2,5. Les faibles taux d’intérêt des obligations ont conduit par ricochet à une appréciation du cours des autres actifs. Pour compenser la perte de revenus sur les produits de taux, les investisseurs ont opté pour les actions et les biens immobiliers. Par ailleurs, le poids relatif des différentes classes d’actifs est assez constant dans le temps. Comme celui des obligations augmente depuis une dizaine d’années, celui des actions et de l’immobilier suit non pas en volume mais en valeur.
Le patrimoine est plus inégalement réparti que les revenus. L’écart entre les détenteurs de capitaux les mieux et les moins bien dotés s’accroît de ce fait quand la valeur de ces derniers augmente. Si la crise de 1929, la Seconde Guerre mondiale ainsi que la hausse des prélèvements fiscaux avaient arrêté la concentration du capital qui avait été très importante au XIXe siècle, celle-ci est de retour depuis une vingtaine d’années. En 1914, les 10 % les mieux dotés des ménages français possédaient alors plus de 80 % du patrimoine total. Ce taux s’est abaissé autour de 45 % dans les années 1980. Au niveau de l’OCDE, les 1 % les mieux dotés détenaient 33 % du patrimoine national en 2020 contre 29 % en 2002.
Cette concentration est fonction des revenus et de l’âge. Pour ce dernier point, elle est l’expression du processus d’accumulation. Elle tend néanmoins à s’accroître car les jeunes actifs éprouvent des difficultés plus importantes que leurs aînés à se constituer un patrimoine. En raison du prix élevé des logements, la marche de la primo-accession est élevée malgré les très faibles taux d’intérêt. L’avantage « taux d’intérêt » est plus que compensé par l’augmentation du prix des actifs. En outre, la stagnation des salaires et la précarité ne facilitent pas la constitution d’un patrimoine surtout dans un environnement déflationniste. De ce fait, plus de la moitié des biens immobiliers et financiers en France sont détenus par les plus de 55 ans. Le patrimoine net moyen (déduction faite des emprunts en cours) passe de 38 500 euros pour les ménages dont la personne de référence a moins de 30 ans à 315 200 euros pour les ménages de sexagénaires. Ce phénomène est logique. Il est le produit du processus d’accumulation lié au cycle de la vie.
La politique monétaire expansive n’est pas la seule raison de la montée des inégalités au niveau patrimonial. Il n’en demeure pas moins que, contrairement à certaines affirmations, elle y contribue en favorisant la hausse des actifs. Cette politique monétaire contrairement aux attentes n’a pas amené à une augmentation de l’investissement et des gains de productivité. Ses effets sur l’économie réelle ont été assez décevants de 2014 à 2020. Pour certains, cela confirme que la monnaie est sans effet sur l’activité. Les taux d’intérêt bas et les rachats d’obligations sont comme la morphine ; ils créeraient une illusion de bien-être. Ils permettent un endettement à faible coût qui autorise l’augmentation des prestations sociales. Les déficits qui en résultent peuvent être aisément financés à la condition que les taux restent irrémédiablement bas, ce qui est le cas au Japon depuis 1990. Les inégalités de patrimoine qui en résultent seraient le prix à payer pour maintenir voire développer le système d’État providence.
Face à cette montée des inégalités patrimoniales, le délégué général de la République en Marche propose le versement d’un capital sous forme d’un emprunt à taux zéro de 10 000 euros aux jeunes d’un capital de 10 000 euros. Une autre solution serait de peser sur le montant de l’immobilier en desserrant la contrainte foncière. La création monétaire se concentre en partie dans le capital déjà possédé et dans le déficit public en grande partie généré par les dépenses sociales. Elle pourrait être plus utile en étant affectée plus directement à la construction de logements ou à la réalisation d’infrastructures.
Investissement, les chefs d’entreprise français optimistes pour 2021
Interrogés par l’INSEE, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière estiment qu’ils ont réduit leurs investissements de 13 % en valeur en 2020 par rapport à 2019. Pour 2021, ils sont optimistes et prévoient une hausse de 10 % de leur investissement.
Par rapport au mois d’octobre, et malgré la poursuite de l’épidémie sur le premier semestre 2021, les chefs d’entreprise réhaussent leurs prévisions d’investissements. La progression serait nette dans la fabrication de biens d’équipement. En revanche, elle serait fragile dans la fabrication de matériels de transport, un secteur qui subit de plein fouet le choc de la transition énergétique.
Pour cette année, l’investissement pourrait augmenter de 9 % dans l’agro-alimentaire (contre -6 % en 2020). Pour les secteurs du textile, de la chimie, de la pharmacie ou de la métallurgie, l’augmentation pourrait atteindre +9 % prévu en 2021 (contre -12 % en 2020). Dans la fabrication de biens d’équipement, les entreprises sont très optimistes en relevant leurs anticipations d’octobre de 16 points. La croissance de leur investissement pourrait atteindre 25 % en 2021, après -9 % en 2020. L’investissement du secteur de la fabrication de matériels de transport ne connaîtrait qu’une hausse de 3 % après un recul de 23 % en 2020.
Les chefs d’entreprises de l’industrie manufacturière sont bien plus nombreux à prévoir une hausse plutôt qu’une baisse de leur investissement au premier semestre 2021. Le solde d’opinion sur l’évolution de l’investissement lors du semestre en cours rebondit à +14, après +3 à l’enquête de juillet, et dépasse sa moyenne de longue période (+4). Ce solde est à son plus haut depuis 2011.
L’économie française, un équilibriste sur un fil
En période de paix, l’économie mondiale n’avait jamais connu un arrêt sur image, une mise en cap. La crise économique n’en est pas réellement une car elle n’est pas le fruit d’un déséquilibre. Elle est la conséquence d’une décision humaine de privilégier la vie quitte à dégrader l’exercice des activités marchandes afin de ne pas saturer les services de réanimation des établissements de santé. Dans ce contexte, les schémas d’analyse issus des précédentes crises sont, en grande partie, inopérants. Ils le sont d’autant plus que les gouvernements ont décidé de mettre en place un arsenal sans précédent destiné à soutenir l’économie. La singularité de cette situation économique explique sans nul doute le fait que les experts éprouvent les pires difficultés pour apprécier l’évolution de la croissance. L’exercice est d’autant plus délicat que l’épidémie connaît plusieurs vagues qui obligent les pouvoirs publics à pratiquer des stop and go. Ces derniers doivent arbitrer en permanence entre la santé, l’économie et le bien-être de la population. Au fil des semaines, face au coût croissant du « quoi qu’il en coûte » et au vu de l’état moral de l’opinion, l’idée d’une gestion plus fine de la crise sanitaire de l’épidémie en évitant de recourir au confinement semble s’imposer au sein de plusieurs pays occidentaux dont en particulier la France et l’Espagne.
Depuis le mois de mars, l’économie française a démontré à deux reprises sa forte capacité de rebond après un confinement avec un taux de croissance de plus de 18 % au troisième trimestre et un mois de décembre marqué par un rapide et important rebond de la consommation. Les prévisionnistes ont, par deux fois, été surpris par la vigueur de la reprise.
L’écart du PIB à son niveau d’avant-crise était, selon l’INSEE, de -8 % en novembre, soit quatre fois moindre qu’en avril. L’écart a été réduit de moitié en décembre. La production industrielle n’a quasiment pas été affectée, et les services ont mieux résisté que prévu. Le déficit d’activité a essentiellement concerné les secteurs affectés par les fermetures administratives, les commerces, les loisirs, la restauration, etc. L’hébergement et les transports ont, par ricochet, également été concernés. L’investissement et le commerce extérieur ont mieux résisté qu’attendu.
La consommation des ménages s’est contractée de 15 % novembre avant de connaître un fort rebond en décembre. Le mois dernier, elle était seulement de 4 % inférieur à son niveau d’avant crise malgré la fermeture des restaurants et des lieux de loisirs. Au cours du dernier trimestre de l’année dernière, les ménages ont accru leurs achats de biens d’équipements électriques et électroniques (+13 % au-dessus du niveau d’avant crise). Ils continuent à se doter d’ordinateurs et de tablettes qui peuvent être utilisés dans le cadre du télétravail. Ils réalisent également des dépenses pour l’amélioration de leur logement. Dans les services aux ménages, même si la consommation est restée fortement déprimée au quatrième trimestre, la perte de consommation s’est révélée moins forte que prévu (-27 % par rapport au niveau d’avant-crise contre une prévision de -36 %). Les Français étant en télétravail ou en chômage partiel recourent moins à des employés à domicile pour garder les enfants ou réaliser le ménage.
Les couvre-feux et le report des soldes ont, en revanche, entraîné un nouveau recul. La consommation serait inférieure pour le premier mois de janvier de 7 % à son niveau d’avant crise. La consommation de services marchands en janvier serait 14 % en deçà de son niveau d’avant-crise. Dans la construction, les dépenses des ménages auraient rejoint leur niveau d’avant-crise, tout comme dans les services principalement non marchands. Par ailleurs, les ménages estiment qu’il est opportun, au vu des incertitudes économiques et sanitaires, de renforcer leur épargne de précaution, ce qui pénalise, par nature, la consommation.
De son côté, l’activité industrielle a mieux résisté que prévu en novembre, en particulier dans la fabrication d’équipements et de machines et dans le textile-habillement-chaussure, la chimie ou encore la métallurgie. Elle a cependant reculé en décembre, peut-être en lien avec une situation sanitaire qui s’est alors dégradée chez nombre de nos partenaires. Sur l’ensemble du trimestre, la perte d’activité industrielle par rapport au quatrième trimestre 2019 s’est établie à -5 %. La construction a connu repli de -6 %. En janvier, la production se situerait à environ -4 % par rapport à son niveau d’avant-crise (quatrième trimestre 2019), stable par rapport au mois de décembre. Les nouvelles mesures sanitaires auraient peu d’effet sur la production. Une légère progression est notée dans l’industrie. Dans les services non affectées par les fermetures administratives, la production serait sur un palier.
Avec un durcissement des mesures sanitaires dans l’ensemble de l’Europe, les échanges extérieurs se seraient contractés au mois de janvier. Le Brexit a également réduit les exportations avec le Royaume-Uni d’autant plus que les entreprises de ce pays avaient constitué d’importants stocks en amont.
Si le gouvernement maintient un pilotage sans confinement
d’ici la fin du mois de mars, la croissance du premier trimestre serait, selon
l’INSEE, de l’ordre de 1,5 %. En cas d’un confinement d’un mois, le PIB
stagnerait. En cas de confinement plus dur, le PIB renouerait avec la baisse
(environ -1 %). L’institut statistique espère le retour au deuxième
trimestre du PIB à son niveau du troisième trimestre 2020 permettant de
garantir un acquis de croissance se situant autour de 4 à 5 %.