Le Coin des Tendances – prestations sociales – e-commerce – transition énergétique
Les prestations sociales, des amortisseurs efficaces ?
En France, les dépenses sociales jouent un rôle important dans la constitution des revenus. Elles permettent également d’amortir les chocs sociaux en période de récession. Le système repose sur quatre piliers : les prestations de solidarité, les prestations familiales, les prélèvements avec notamment les crédits d’impôt et l’assurance chômage.
Les dépenses sociales permettent de réduire la forte instabilité des revenus que connaissent les 10 % des personnes les plus modestes. Leurs revenus, avant transferts, sont, Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de Santé et des Solidarités (DREES), en moyenne près de quatre fois plus volatile que celui des 10 % les plus aisés. Après redistribution, le niveau de vie final des 10 % les plus modestes est 1,4 fois plus variable que celui des 10 % les plus aisés. Les transferts publics compensent ainsi 70 % des chocs annuels de niveau de vie
Ce phénomène de correction s’explique par la conditionnalité des prestations en fonction des revenus. Les allocations chômage qui représentent une proportion déterminée de l’ancien salaire (en général 57 %) atténuent ainsi les conséquences de la perte d’un emploi. Les prestations de solidarité ne peuvent être reçues par un ménage que si ses ressources se situent en deçà d’un seuil d’éligibilité et leurs montants sont définis selon un barème décroissant avec les ressources du ménage. Certaines prestations familiales telles que les allocations familiales, l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ou le complément familial sont également versées sous conditions de ressources. La retenue à la source de l’impôt sur le revenu s’adapte en temps quasi réel au niveau des rémunérations. Les primes d’activité et les crédits d’impôt donnent lieu également à des versements de plus en plus rapides.
L’assurance chômage absorbe plus du tiers des variations de niveau de vie initial des 20 % les plus modestes, près de la moitié pour les 20 % suivants et encore un cinquième parmi les 20 % les plus aisés. Les personnes aux ressources les plus faibles touchent moins souvent les allocations chômage que les individus médians, tandis que les plus aisés sont plus rarement au chômage. Les premières disposent de moins de droits au chômage du fait de l’enchainement de travail en temps partiel ou en intérim. Elles épuisent du fait de leur précarité professionnelle plus forte leurs droits pour l’assurance chômage que les autres catégories de la population.
Les prestations familiales et les prestations sociales de solidarité jouent également un rôle stabilisateur essentiel pour les premiers déciles de niveau de vie, puisque le cumul de leurs contributions rejoint celle de l’assurance chômage pour les 20 % des personnes les plus modestes. Ces dernières appartiennent plus souvent à des familles monoparentales et des familles nombreuses. La suppression de la taxe d’habitation devrait atténuer les effets des prélèvements sur le pouvoir d’achat des ménages en cas de choc social. Les dispositifs d’abattement ou d’exonération étaient accordés avec une année de décalage, ce qui pouvait avoir de fortes conséquences sur la situation des personnes enregistrant une forte baisse de leurs revenus.
La possession de la résidence principale est corrélée à la stabilité des revenus. Fort logiquement, les ménages connaissant des fluctuations importantes de ressources sont plus souvent locataires que les autres. Avant transferts, quel que soit le niveau de vie moyen, les revenus des locataires sont environ 1,5 fois plus variables que ceux des propriétaires, accédants ou non. Les transferts publics réduisent cet écart, voire l’annulent pour les plus modestes . Les locataires bénéficient ainsi d’un effet amortisseur nettement plus marqué que les propriétaires. Parmi les 10 % les plus modestes, les transferts publics absorbent ainsi 67 % des variations de niveau de vie chez les propriétaires et 84 % chez les locataires. Les allocations logement permettent de lisser les fluctuations de niveau de vie des locataires, leur assurant ainsi une stabilité comparable à celle des propriétaires. Cette situation rend complexe toute réforme des allocations logement qui ont, par ailleurs, un effet négatif en contribuant à la hausse des loyers.
Les prestations sociales au sens large du terme représentent un quart du PIB. Elles contribuent, selon l’INSEE, pour 62 % à la réduction des inégalités en 2019, contre 38 % pour les prélèvements. Elles comprennent en effet deux types de transferts particulièrement progressifs, car dotés d’un barème très ciblé sur les ménages disposant de faibles revenus. Les aides au logement, d’une part, apportent un soutien financier important aux ménages qui les perçoivent : elles représentent 12 % du niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus modestes (et même 19 % de celui des 10 % les plus modestes) et contribuent pour 14 % à la réduction des inégalités. Les minima sociaux, d’autre part, sont par nature les prestations sociales les plus ciblées. Avec la prime d’activité, ils représentent20 % du niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus modestes (33 % de celui des 10 % les plus modestes) en 2019, et contribuent pour 26 % à la réduction globale des inégalités.
Les révolutions du commerce en ligne
Selon la Fédération de la vente à distance (FEVAD), le chiffre d’affaires du e-commerce en France a atteint 112 milliards d’euros en 2020, représentant 13,4 % du commerce de détail. La crise de la Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur dans la croissance de la vente en ligne pour laquelle la France était en retard par rapport au Royaume-Uni ou aux Etats d’Europe du Nord, tout en ne le comblant pas totalement. La forte densité de commerce de détail, de centres commerciaux et magasins de la grande distribution, les problèmes de distribution ainsi que la réticence d’une partie de la population française à acheter par Internet, ont freiné l’essor du commerce en ligne. En Europe du Nord, il représente 20 % du commerce de détail, au Royaume-Uni, 25 % et en Chine près de 40 %. L’épidémie a provoqué plusieurs inflexions au niveau du commerce en ligne avec notamment la présence de plus en plus importante des représentants de la grande distribution qui ont transformé leur site en place de marché et qui ont privilégié le « drive ». Les commerçants, avec les confinements, ont développé leur propre de site de vente et le « click and collect ». Ils ont, par ailleurs, intégré les places de marché généralistes ou spécialisées, nationales ou locales.
En valeur absolue, la France est le quatrième marché de l’e-commerce au niveau mondial. Malgré une population plus faible, elle devance l’Allemagne. le Royaume-Uni demeure de loin le premier marché pour la vente en ligne en Europe. L’essor du marché français attire un nombre croissant d’acteurs internationaux. Alibaba pour la Chine ou Wildberries pour la Russie tentent de gagner en surface de vente dans un marché très concurrentiel.
La France se caractérise par un niveau élevé de personnes disposant d’un abonnement à Internet (plus de 75 %). En dix ans, la proportion de Français réalisant des achats en ligne a presque doublé. Le pays se retrouve désormais dans la moyenne haute de l’Union européenne. La crise sanitaire a accéléré la montée en puissance des achats en ligne.
En 2020, 41,6 millions de Français ont réalisé au moins un achat en ligne, soit une hausse de 1,5 million. Les achats en ligne ont augmenté de plus de 8 % l’année dernière. Ceux concernant des biens ont connu une forte croissance de +32 % quand ceux de services sont en nette baisse (-10 %). Cette contraction d’activité est imputable en grande partie au recul des dépenses de transports et de voyages (-47 %) provoquée par les confinements. En un an, ces achats ont augmenté de 30 % pour l’ensemble des Français et de 40 % pour les télétravailleurs. Les achats en ligne ont fortement progressé pour les produits de la beauté-santé (+52 %), pour les produits de grande consommation (+42 %), les produits électroménagers et électroniques (+34 %) et pour le mobilier ainsi que la décoration (+24 %). En 2020, les Français ont davantage passé commandes avec leur ordinateurs et leurs tablettes qu’avec leur smartphone du fait des confinements. Avant la crise sanitaire, les commandes par Smartphone augmentaient de plus de 15 % par an au détriment de l’ordinateur.
Quand la grande distribution se met au e-commerce
Avec la crise sanitaire, la croissance de la vente en ligne a été portée par les sites de la grande distribution avec le drive. En 2020, leur chiffre d’affaires en ligne a augmenté en moyenne de +50 %. Les consommateurs par crainte de l’épidémie ont déserté les rayons mais ont maintenu leurs habitudes en passant commandes sur les sites des enseignes de la grande distribution. En 2020, le drive a représenté plus de 7 % du commerce de détail. Un ménage sur quatre s’est rendu à un point de retrait de courses au moins une fois au cours de l’année passée. Ce succès est une spécificité française liée aux difficultés rencontrées avec la livraison (lotissement fermé, digicode à l’entrée des immeubles, respect des horaires) et à la méfiance de faire venir un livreur à domicile. Plus de 4 400 sites de drive existent en France avec une hausse de près de 10 % du chiffre d’affaires en 2020. Plus de 90 % des grands hypermarchés (points de vente de plus de 7 500 m²) proposent la solution drive à leur clientèle. Les supermarchés de taille réduite sont en train de s’y mettre également. La proportion de ce ceux qui proposent du drive est de 44 %. Le drive devance la livraison à domicile. Huit achats sur dix pour les produits alimentaires s’effectuent en drive en France. Le drive en produit frais a augmenté de 50 % en un an.
Les commerces de proximité de plus en plus en ligne
Avec la crise sanitaire, des commerces de détail ont créé leur site de vente ou ont intégré les places de marché. 26 % des acheteurs en ligne ont opté pour des achats de proximité. Ce taux est de 32 % pour les télétravailleurs.
Des marketplaces de plus en plus nombreuses et spécialisées
Le commerce en ligne se structure de plus en plus autour des places de marché qui agglomère un grand nombre de vendeurs sur un même site. Près du tiers du chiffre d’affaires du commerce en ligne a été réalisé par l’intermédiaire de leurs sites en 2020, contre 8 % en 2012. Ces places de marché jouent un rôle d’agrégateur de la demande et organise un certain nombre de services dont le paiement et la livraison en contrepartie de commissions.
Les places de marché peuvent être généralistes (Amazon, Cdiscount ou EBay), spécialisés (FNAC – Darty, Leroy Merlin) ou issues de la grande distribution (Carrefour). Des sites comme Ouisncf.com peuvent être considérés comme une place de marché car l’Internaute peut acheter des services proposés par des partenaires de la SNCF (location de voiture, hôtels, etc.). Des places de marché comme Vinted se sont également spécialisées dans la revente de biens d’occasion.
Les sites les plus consultés sont en France les places de marché. Amazon arrive en tête avec plus de 36 millions de visiteurs. Elle devance la FNAC-Darty et Cdiscount. Avec un catalogue de plus de 300 millions de produits et plus de 35 millions de visiteurs par mois, l’Américain est incontestablement leader des places de marché en France. Avec le développement des sites de la grande distribution et des plates-formes locales et après la fermeture durant quelques jours de certains centres logistiques en 2020, la part de marché d’Amazon est passé de 22 à 19 % de 2019 à 2020. Près de la moitié des internautes achetant en ligne effectuent au moins un achat par sur Amzon (45 %,soit 22,2 millions de personnes 18 ans et plus). Le groupe FNAC Darty a décidé de créer une plateforme unique qui pourra compter sur 36 millions de clients actifs qui se positionne N°2 en 2021. Elle est en tête des ventes pour l’électroménager et pour les livres, devant Amazon. Sur la troisième marche, figure un autre groupe français, Cdiscount qui réalise 8 % des ventes des marketplaces. avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros en France. Il est une filiale du groupe de grande distribution Casino. Ce site agglomère les produits en provenance de 13 000 commerçants extérieurs. Les ventes de ces commerçants affiliés au site représentent 43,6 % de son volume d’affaires. La commission de Cdiscount est comprise entre 12 % et 13 %. La plateforme lituanienne, Vinted connait un essor croissant. 16 millions de Français ont réalisé des vente sou des chats de biens d’occasion. La France est son premier marché. Elle s’est hissée au quatrième rang des sites d’e-commerce les plus consultés. Elle devance Carrefour, selon Médiamétrie et la Fédération du e-commerce et de la vente à distance.
Avec les confinements, les ménages ont commandé de plus en plus des repas en ligne en passant également par des places de marché spécialisés comme Ubereats ou Delivero. Par ailleurs, les confinements et les couvre-feux ont conduit de nombreux commerçants à intégrer des plateformes de vente en ligne qu’elles soient nationales ou locales. Le plus souvent positionnées sur l’alimentaire comme Epicery, Pourdebon, Tekkers, ces plateformes mettent en relation des producteurs locaux (bouchers, maraîchers, fabricants de confitures…) avec les acheteurs. La grande distribution suit l’évolution des sites locaux qui pourraient remettre en cause leur modèle. Monoprix est ainsi entré dans le capital d’Epicery en 2017. Carrefour et Leclerc tentent également de capter ce commerce local à travers leur marketplace.
La délicate bataille de la transition énergétique
En vue de la COP-26 qui doit avoir lieu au mois de novembre prochain à Glasgow, le Président américain, Joe Biden, a organisé, le jeudi 22 avril dernier, un sommet réunissant les dirigeants des principales économiques mondiales. Ce sommet vise à souligner le retour à part entière des Etats-Unis dans les Accords de Paris et la volonté de ce pays de participer activement à la décarbonation des activités humaines. Les Etats signataires des accords de Paris ont pris l’engagement de limiter la hausse de la température à 1,5 degré avec une neutralité mondiale d’ici la fin du siècle, sachant que les pays riches doivent l’atteindre d’ici 2050.
Dans cette bataille, l’implication des Etats-Unis est jugée indispensable du fait du rôle de ce pays au sein du concert des nations et de son empreinte environnementale élevée. Avec 4 % de la population mondiale, les Etats-Unis contribuent à près de 15 % des émissions mondiales, plaçant le pays à la deuxième place des plus importants émetteurs de de gaz à effet de serre au monde derrière la Chine. Washington entend réduire de 50 % les émissions américaines en 2030, comparé à celles de 2005. Pour l’Accord de Paris en 2015, l’administration Obama s’était alors engagée à réduire les émissions américaines de 26 à 28 % à l’horizon 2025. En 2018, les émissions avaient diminué de 10,2 % comparées à 2005. Joe Biden s’est engagé pendant la campagne présidentielle à atteindre la neutralité carbone en 2050 et à décarboner totalement la production d’électricité d’ici 2035. L’Union européenne a annoncé son intention de réduire ses émissions de 55 % d’ici à 2030 (comparé à 1990). Le respect de la neutralité carbone en 2050 suppose la suppression de la consommation de charbon, la réduction de 85 % de celle de pétrole et de 55 % de celle de gaz naturel. De 1990 à 2020, sur le plan énergétique, la zone euro a réduit sa consommation de charbon de 60 % et celle de pétrole de 5 %. En revanche, la consommation de gaz a augmenté de 55 %. Sur la même période, la part de l’énergie renouvelable est passée de 1 à 11 % de l’énergie totale produite. Le Premier Ministre japonais, Yoshihide Suga, a relevé l’objectif de son pays avec une réduction des émissions de CO2 de 46 % d’ici 2030 par rapport à 2013. Initialement, la cible retenu était de 26 %. Il a, par ailleurs, indiqué que son pays essaierait de franchir la barre des 50 %. Le Premier Ministre canadien Justin Trudeau a décidé que la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici dix ans baisserait de 40 à 45 % par rapport à leur niveau de 2005 (l’objectif initial était de 30 %). La Corée du Sud n’a pas fixé de nouveaux objectifs mais a souligné qu’elle ne financerait plus de centrales électriques à charbon à l’étranger. Ces différentes annonces ne suffiront pas à contenir l’augmentation de la température à 1,5 degré mais elles constituent en revanche une inflexion des pratiques gouvernementales des dernières années. Elles traduisent la volonté des pays riches de se battre pour respecter les accords de Paris. La Chine est placée sous pression des pays occidentaux. Pour le moment, le Président de Xi Jinping maintient les objectifs de neutralité carbone en 2060 fixés en 2020, le niveau maximum d’émissions étant prévu en 2030. Il a simplement fait savoir que son pays veut limiter la consommation de charbon dès 2025.
Selon l’édition 2021 du rapport « Fostering Effective Energy Transition », seulement treize pays respecteraient le calendrier de décarbonation de leur économie pour être en conformité avec les Accords de Paris. Les pays d’Europe du Nord sont les mieux placés avec en tête la Suède suivie de la Norvège et du Danemark. Le Royaume-Uni se classe 7e et la France 9e parmi les pays les plus avancés en matière de transition énergétique. L’Allemagne figure à la 18e place. Les Etats-Unis sont bien plus loin en occupant la 24e place.
Un travail de longue haleine
La crise sanitaire a révélé que la transition énergétique est un exercice complexe et coûteux. En effet, malgré le recul du PIB mondial de plus de 3 %, l’arrêt du transport aérien et la réduction de celui de véhicules terrestres, la réduction des émissions des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale n’a été que 5 % en 2020. Deux à trois milliards de tonnes n’ont pas été émises mais 49 milliards l’ont été. La reprise attendue devrait effacer le gain de 2020. Elle pourrait avoir un effet contreproductif sur l’environnement provoquant une accélération des programmes de construction et de la consommation de biens en provenance de Chine.
La neutralité carbone à l’échelle planétaire est un enjeu qui apparaît impossible à atteindre pour de nombreux experts. Chaque année, les activités humaines rejettent 51 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. Près d’un cinquième de ces émissions seront encore présentes dans 10 000 ans. Jusqu’au XVIIIe siècle, le cycle du carbone était un peu près à l’équilibre, les émissions étaient absorbées par la flore et les océans. Si les Etats limitaient leurs actions à une simple réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre, la température continuerait à augmenter et pourrait dépasser l’objectif des 1,5/2 degrés affichés en 2015 à Paris. Compte tenu de l’évolution des émissions, d’ici 2050, la hausse devrait, selon les experts du GIEC, se situer entre 1,5 et 3 et entre 4 et 8 d’ici la fin du siècle, augmentation pouvant provoquer des enchainements environnementaux importants et difficilement évaluables. Depuis 1780, la température moyenne de la terre n’a augmenté que d’un degré. Une progression de plus de quatre degrés apparaît de ce fait difficile à modéliser de manière certaine. L’augmentation de la température ne sera pas uniforme. Elle sera plus importante au niveau des pôles entraînant la fonte des glaces, ce qui accélèrera le processus de réchauffement.
Le réchauffement est accusé de favoriser les tempêtes, l’assèchement de sols, les incendies de forêts, l’élévation du niveau des mers. Aux Etats-Unis, la fréquence des incendies a été multiplié par deux depuis 1970 malgré une surveillance accrue des massifs forestiers. La montée des eaux pourrait atteindre un mètre d’ici à 2100 mettant en danger de nombreuses grandes villes et des territoires fortement peuplés comme au Bangladesh. Ce pays pourrait perdre de 20 à 30 % de sa superficie. Les surfaces agricoles pourraient diminuer de près de 16 %. Si dans certaines régions le réchauffement pourrait améliorer les rendements agricoles (Russie par exemple), dans un très grand nombre de pays, l’effet sera inverse. En Europe du Sud, une baisse de 50 % de la production de céréales pourrait survenir. En Afrique subsaharienne comme en Chine, des millions d’hectares pourraient devenir incultivables. L’augmentation de la température a des conséquences exponentielles en raison des effets cumulatifs. Le changement climatique devrait aboutir à une augmentation de la mortalité selon Bill Gates, comparable à l’épidémie de covid-19.
Des besoins énergétiques croissants
La croissance économique repose sur la production et la consommation de l’énergie. Pour fabriquer (des maisons aux biens de consommation courant), pour se déplacer, pour se chauffer, pour communiquer, il faut de l’énergie. Toute la vie humaine tourne autour de cette notion. Un pays riche est celui où l’énergie est abondante et peu coûteuse. Avec la convergence des économies, Les besoins en énergie de la planète sont amenés à augmenter avec le passage de la population de 7,5 à 10 milliards d’habitants d’ici la fin du siècle. Au niveau mondial, plus d’un milliard de personnes dont la moitié vivent en Afrique n’ont pas accès à des sources d’énergie stables comme de l’électricité.
Actuellement 40 % des émissions de CO2 proviennent de 16 % des pays les plus riches. Le mode de vie des pays émergents et en développement convergent sur celui des pays avancés. La demande en énergie devrait augmenter de plus de 50 % d’ici 30 ans. La seule solution est de décarboner mais non pas espérer réduire réellement la production d’énergie. Pour la seule électricité, la demande devrait être multipliée par trois. L’électrification du parc automobile accélèrera cette progression.
Le système énergétique mondial, plus de 5000 milliards de dollars par an, devrait connaître une expansion importante d’ici la fin du siècle même si son efficience sera accrue. En 2019, 15 milliards de litres de pétrole sont consommés par jour. Ce produit coûte peu cher à produire et est relativement facile à transporter sur longue distance. Un litre de pétrole revient hors taxe à moins de 0,3 dollar quand un litre de soda coûte plus de deux fois plus.
La première source d’émission de gaz à effets de serre est la construction et la fabrication d’objets (31 %). Arrivent après la production d’électricité (27 %), la production agricole (26 %), les transports (16 %) et le chauffage (7 %). Les domaines les plus énergivores sont la construction (la fabrication du ciment en premier lieu), les déplacements, le chauffage (y compris la climatisation) et l’alimentation. Au cours des quarante prochaines années, chaque mois, l’équivalent de New York sera construit. D’ici 2060, le parc immobilier devrait doubler. Le parc d’automobiles mondial devrait passer de 1 à 3 milliards d’ici 2050. Les voitures sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Le ciment, le béton et l’acier sont responsables du tiers de toutes les émissions. Les Etats-Unis produisent 96 millions de tonnes de ciment par an. La Chine de son côté a utilisé autant de béton de 2000 à 2016 que les Etats-Unis durant tout le XXe siècle. Les matériaux de construction nécessitent pour leur fabrication de l’énergie en très grande quantité. En l’état actuel, les procédés permettant de décarboner leur production n’existent pas ou sont très coûteux. L’élevage est responsable de l’émission de méthane qui a un pouvoir de réchauffement 265 fois supérieur à celui du CO2. L’augmentation de la consommation de viande à l’échelle mondiale pose donc un véritable problème écologique. De 1957 à 2017, elle est passée, selon la FAO, de 67 à 323 millions de tonnes en 2017. Elle devrait augmenter de plus de 15 % par an d’ici 2030, 75 % de cette progression étant imputable aux pays émergents. La montée en puissance des classes moyennes au sein de ces pays et la poursuite de l’augmentation de la population portent cette consommation. Compte tenu de l’écart de prix entre la production d’électricité à partir du charbon et celle issues des énergies renouvelables, les pays pauvres n’ont guère d’autres choix actuellement d’opter pour la première solution avec comme risque de provoquer un réel emballement climatique.
La question sensible du changement de mix énergétique
Jusqu’à maintenant, les substitutions d’énergie ont toujours été très lente en raison des modifications d’infrastructures qu’elles imposent. Le pétrole a commencé à être réellement exploité en 1860. En 1910, il représente 10 % de l’énergie consommée. Ce taux atteint 25 % à la veille de la Seconde Guerre mondiale. En 1900, le gaz naturel assurait 1 % des besoins énergétiques de la planète. En 1970, ce taux 20 %. Le nucléaire a connu une progression plus rapide mais stagne depuis une vingtaine d’années. les substitutions se sont toujours réalisées au profit d’énergie plus abondantes, moins chères, plus faciles à transporter et plus puissantes. Les énergies fossiles ont une capacité à produire de l’énergie pour un coût faible et en nécessitant peu de surfaces. La densité énergétique des combustibles fossiles est 500 fois plus élevée que celle du solaire. Selon Bill Gates, le coût des énergies non émettrices de CO2 est au minimum deux fois plus élevé que celui des énergies fossiles.
Au niveau mondial, selon le Statistical Review of World Energy, les combustibles fossiles assurent les deux tiers de la production d’énergie électrique. Le seul charbon est à l’origine de 36 % de la production d’électricité. L’hydroélectricité représente 16 %, le nucléaire 11 % et les énergies renouvelables 10 %. En cent ans, le prix de l’électricité a été divisé par 200. Au sein des pays avancés, les dépenses d’électricité pèsent moins de 5 % du PIB ce qui est faible au regard de son rôle dans l’économie. De 2000 à 2018, la Chine a triplé sa production d’électricité à partir du charbon. Une décarbonation de l’électricité suppose la réalisation de nouvelle centrales électriques et l’adaptation des réseaux de distribution. Le surcoût est évalué à 20 % par kilowattheure vendu pour les pays pouvant compter sur d’importantes sources d’énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien) et pouvant basculer une partie de leur production sur le nucléaire. A défaut, l’augmentation du prix peut dépasser 50 %. L’amélioration du rendement des énergies renouvelables constitue un défi. Un panneau solaire convertit en électricité au mieux 33 % l’énergie reçue par le solaire et leur prix a été divisé par dix entre 2010 et 2020.
Le problème intrinsèque des énergies renouvelables est leur intermittence qui oblige à la création de centrales de substitution ou à l’acquisition de batteries coûteuses. Le taux d’utilisation réelle des panneaux solaires ou des éoliennes varie selon leur lieu d’implantation entre 20 et 40 % quand une centrale nucléaire fonctionne 90 % du temps. Compte du prix des batteries et de leur durée de vie, le stockage de l’électricité coûte deux fois celui de sa production. Des recherches sont en cours pour diviser par deux ou trois le prix des batteries et améliorer leur efficacité.
L’énergie nucléaire stagne depuis l’accident de Fukushima stagne au sein de la production énergétique. Le durcissement des normes de sécurité et la prise en compte des coûts de démantèlement des anciennes centrales ainsi que le problème récurrent des déchets ont entravé le développement de cette énergie. Les difficultés rencontrées par la France pour la construction des centrales de 3e génération, les EPR, incitent certains acteurs de cette filière à privilégier des unités de plus petite taille. Les Etats-Unis comme la Russie se sont engagés dans cette voie. Les centrales nucléaires ont l’avantage de pas générer de gaz à effet de serre et sa construction nécessite par unité d’électricité moins de matériaux comme le ciment, le verre, l’acier ou le verre que les autres sources de production. En moyenne, les pertes humaines provoquées par les centrales nucléaires sont bien plus faibles que celles des autres types de centrale. Le nombre de morts par Twh est de 24,6 pour le charbon, 18,4pour le pétrole, 4,6 pour la biomasse, 2,8 pour le gaz et 0,07 pour le nucléaire. Le nombre de morts réduit pour cette dernière source d’énergie est imputable à la grande capacité de production des installations et aux mesures de sécurité drastique qui les entourent. Des études sont en cours pour construire des centrales créant moins de déchets radioactifs et moins coûteuses. Par ailleurs, les recherches sur la fusion nucléaire qui dispose d’un potentiel de production important sans générer peu de déchets radioactifs se poursuivent en particulier dans le cadre du projet ITER à Cadarache.
Le stockage de l’énergie est un véritable problème qui a nui pendant des années aux moteurs électriques. Son concurrent thermique avait l’avantage de pouvoir compter sur le fort pouvoir énergétique de l’essence ou du gas-oil qui peuvent être facilement transportés et stockés. Les batteries sont chères, lourdes, lentes à recharger et limitées en capacité de stockage. Elles sont, en outre polluantes à fabriquer et difficiles à recycler. L’espoir des chercheurs est de multiplier les capacités de stockage par trois ou quatre dans les prochaines années.
Le stockage des énergies renouvelables peut prendre la forme de pompage hydraulique permettant de remonter l’eau provenant des barrages. Dans les faits, ce pompage permet d’alimenter un pays comme les Etats-Unis pendant une heure par an. La réalisation de nouveaux barrages rencontre l’hostilité croissante des populations. Le stockage thermique est une autre solution de mise en réserve de l’énergie. Des recherches sont menées pour stocker de la chaleur dans du sel fondu.
La captation du CO2 afin d’en réduire la présence dans l’atmosphère est une autre solution. Elle peut consister à son stockage au moment de son émission ou à sa captation après émission. L’enfouissement de ce gaz dans des galeries étanches pose des problèmes identiques à ceux des déchets radioactifs. Pour limiter ce désagrément, certains étudient la possibilité de valoriser le CO2. Les coûts de captage dépassent actuellement 200 dollars la tonne. Le coût global de captation serait de plus de 10 000 milliards de dollars sous réserve de pouvoir généraliser des techniques qui sont encore expérimentales. Leur large diffusion aboutirait à une réduction sensible du cout mais qui resterait néanmoins élevé. Pour le moment, les techniques de captation de masse ne sont pas encore opérantes. Il n’en demeure pas moins que comparé au coût de la tonne de CO2 émise sur l’économie, entre 2000 et 4000 dollars, le stockage du CO2 est promis à un bel avenir. Cette captation n’est actuellement possible qu’avec le CO2 ; en revanche, les autres gaz à effet de serre n’ont pas réussi à être emprisonnés.
L’hydrogène vert est aujourd’hui une voie qui fait l’objet de l’attention des pouvoirs publics. L’hydrogène offre l’avantage de permettre une production d’électricité en n’émettant que de l’eau. Il a un inconvénient, la production décarbonée d’hydrogène coûte chère. Elle exige de recourir à des matériaux pour l’électrolyse onéreux. Le prix de cette énergie est au moins quatre fois plus élevé que celui de l’essence.
La transition énergétique peut être punitive et signifie un profond nivellement par le bas des économies conduisant à des tensions politiques, sociales et géopolitiques. La limitation des moyens de transports, les surcoûts de construction des bâtiments, les prix croissants de l’énergie pourraient favoriser la réédition de mouvements de révolte tels que la France a connus avec les gilets jaunes. Les pays vertueux seront incités à multiplier des barrières douanières devenues environnementales, ce qui conduira à l’émergence d’un nouveau protectionnisme. Compte tenu des besoins en énergie dans les prochaines décennies, la solution passe par l’innovation, que ce soit au niveau de la production de l’énergie, des matériaux ou de la captation du CO2. Depuis la fin du XVIIIe siècle, la croissance a été tirée vers le haut par les gains de productivité, par les innovations. Face au défi du réchauffement, cette voie apparaît la seule envisageable.