Le Coin des tendances – vaccins – suicides – covid
Vacciner la planète, un combat de tous les instants
Mi-avril, un milliard de doses de vaccins anti-covid ont été produites. La montée en puissance des capacités de production en six mois est sans précédent. Logiquement la barre du deuxième milliard de doses sera franchie le 27 mai selon Airfinity, une société d’analyse. De nombreuses chaines de production sont en cours d’installation afin de répondre à une demande mondiale inédite, vacciner au plus vite la plus grande partie de la population. Cette ambition est menacée par la multiplication des contrôles des exportations de matières premières et d’équipements de la part des pays fournisseurs. Vacciner est pour les pays un enjeu stratégique qui incite au protectionnisme. Les lignes de production en Inde, produisant au moins 160 millions de doses de vaccin anti-covid par mois, risquent d’être à l’arrêt du fait de la pénurie de 37 composants critiques. Les autorités indiennes ont demandé aux Etats-Unis de lever tous les embargos sur les matières premières afin de permettre la fabrication, en Inde, des vaccins d’AstraZeneca et de Novavax. Cette demande fait suite à l’annonce de l’administration américaine, le 5 février dernier, d’appliquer le Defence Production Act (dpa) – une loi datant des années 1950 accordant au Président de larges pouvoirs économiques. Elle permet de restreindre les exportations afin de renforcer la fabrication de vaccins au profit des Etats-Unis. Cette législation permet aux sociétés pharmaceutiques américaines de sécuriser leurs approvisionnements (composants et équipements spéciaux). Les exportations américaines liées à la santé étant soumises à autorisation et contrôle, les clients à l’étranger ont tendance à augmenter leurs stocks, ce qui accroît la pénurie et génèrent des goulots d’étranglement.
Les vaccins comme les autres produits industriels nécessitent l’intervention d’un grand nombre d’acteurs. Celui de Pfizer implique 280 composants provenant de 86 fournisseurs issus de 19 pays. La chaine de production est bloquée dès qu’un fournisseur est dans l’impossibilité de produire. Les laboratoires européens éprouvent des difficultés à maintenir les cadences de production du fait des retards de livraison qui s’accumulent. Les entreprises américaines se retrouvent prise entre l’étau et l’enclume. Ayant signé des contrats avec les pays européens afin de fournir des millions de dose, elles font l’objet de contentieux pour non-respect des contrats signés sachant qu’elles sont dans l’impossibilité juridique de les honorer. Elles sont également confrontées à des problèmes de transferts de technologie dans le cadre de la mise en place de chaine de production en France, en Italie ou en Afrique du Sud. Les autorités américaines rechignent à accepter ces transferts. Compte tenu des obstacles de toute nature liés aux positions des différents Etats, la progression de la production de vaccins pourrait se ralentir dans les prochaines semaines avec un risque de rupture d’approvisionnement qui se ferait ressentir pendant des mois. Quand la grande majorité de la population américaine sera vaccinée, la situation pourrait se détendre. Afin d’éviter la multiplication des variants certains pouvant être résistants aux vaccins, des propositions visant à régler les problèmes d’approvisionnement à l’échelle internationale sont avancées. Les laboratoires pourraient être obligés d’abandonner leurs brevets et de mettre en place des vaccins génériques. L’abandon des brevets nécessiterait une indemnisation des laboratoires. Cette mesure pourrait dissuader les laboratoires de poursuivre leurs recherches. L’instauration d’un code de conduite internationale est l’autre voie préconisée avec l’interdiction de mesures protectionnistes.
L’Organisation mondiale du commerce a été ainsi saisie afin de contrôler le respect des règles commerciales au niveau de l’approvisionnement des composants des vaccins. Les Etats membres de plus en plus schizophrènes sont face à la vaccination. Ainsi l’Inde se plaint des Etats-Unis qui bloquent l’accès des matières premières tout en interdisant de son côté l’exportation de vaccins contrairement aux engagements pris vis-vis de plusieurs Etats.
D’ici fin 2022, l’objectif reste la production de 14 milliards de doses de vaccins anti-covid-19. L’éradication du virus passe par une vaccination du plus grand nombre d’habitants sachant que l’idée d’une troisième dose, voire d’une vaccination régulière comme la grippe, s’impose de plus en plus. Le Président de Pfizer a déclaré qu’une troisième dose serait certainement proposée d’ici l’automne afin de mieux contrer les éventuels variants. Le retour à une vie aussi normale que possible passe par une réduction des foyers infectieux. Le tourisme international ne pourra retrouver son niveau d’avant-crise qu’à la condition que l’épidémie soit réellement maitrisée. La mise en place de protocoles sanitaires au niveau mondial apparaît incontournable au niveau de la vaccination.
Epidémie et suicide, des liens complexes
Les périodes troubles génèrent au sein des populations des problèmes psychologiques qui peuvent être graves. L’historienne, Laure Murat, en 2011, dans son livre « L’Homme qui se prenait pour Napoléon » soulignait que la Révolution et le Premier Empire avaient été marqués par une augmentation du nombre de personnes atteintes de troubles psychiques. L’épidémie de covid-19 avec ses confinements, ses mesures de contrôle de la population, et l’augmentation du nombre de décès, ont tout pour être une source potentielle de problèmes d’ordre psychiatrique. Il avait été déjà noté que lors de l’épidémie de sars de 2003, le taux de suicide avait augmenté tout particulièrement chez les femmes âgées de Hong Kong. De nombreuses études ont prouvé que le nombre de suicides augmente pendant les récessions. Sur la base de ces précédents, une étude australienne, au début de l’épidémie, avait évoqué un risque d’augmentation du nombre de suicides de 25 % en raison de l’épidémie de covid-19. Pour le moment, les faits contredisent les prévisions. Le nombre de suicides n’aurait augmenté que de 2 à 5 %. En Australie, pays certes peu touché par la pandémie, le nombre de suicides a même diminué. En revanche, au Japon, une hausse a été constatée non pas au début de la première vague mais au mois de décembre. La lassitude ou l’impuissance seraient plus dangereuse que le confinement ou que la peur de la maladie. Le Premier Ministre japonais a nommé un ministre en charge de la solitude pour faire face à ce problème. Au premier trimestre de 2021, le taux de suicide du Japon est revenu à son niveau d’avant la pandémie. Les chiffres récents d’autres pays ne montrent pas non plus de signes d’un pic de suicides. Au Royaume-Uni, une baisse des suicides de 12 % en 2020 a été constatée. Aux Etats-Unis, selon un article d’universitaire du Center for Disease Control and Prevention, le suicides auraient diminué de 6 % en 2020.
Cette stabilité du nombre de suicides pourrait s’expliquer par le fait que les angoisses liées à l’épidémie sont largement partagées. Le suicide nait du désespoir individuel, du sentiment d’incompréhension, d’une défaillance totale de l’altérité. L’engagement massif des pouvoirs publics, les polémiques multiples relayées par les médias et les réseaux sociaux transforment cette pandémie en drame collectif permanent. Un transfert de responsabilité est réalisé sur les dirigeants devenus responsables de la santé de chacun. Si une partie de la population a été confrontée à un stress plus important, l’autres dans le cadre du télétravail ou ayant migré en-dehors des agglomérations a bénéficié de conditions de vie plus agréables. La maintien du pouvoir d’achat a, en outre, jusqu’à maintenant, permis d’éviter de nombreux drames financiers. La situation serait tout autre au sein des pays en développement, qui sont moins en mesure d’amortir les chocs économiques. Peu ont des statistiques sur le suicide. Le Malawi a néanmoins signalé une augmentation de 52 % des suicides l’année dernière. Plusieurs pays africains seraient également confrontés à une progression du nombre de suicides essentiellement provoqués par la montée de la pauvreté.
Les pouvoirs publics face à la détresse de certaines catégories de la population, en France comme dans d’autres pays européens, ont adopté des dispositifs de soutien d’accompagnement psychologique sans précédent. A la fin du mois de janvier, Emmanuel Macron a annoncé la création d’un « chèque psy » en faveur des étudiants. Selon la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal, chaque semaine 3 000 étudiants consultent un psychiatre dans la cadre de ce dispositif.