Le Coin des Tendances mobilité – covid
Le Covid-19 et ses batailles
L’épidémie de Covid-19 donne lieu à de nombreuses batailles politiques et géopolitiques concernant notamment le nombre décès et les vaccins. Le nombre de décès par pays traduit tout autant la virulence du virus que l’efficacité des systèmes de santé nationaux. Les gouvernements peuvent avoir intérêt à sous-estimer le nombre de décès. Cette sous-estimation n’est pas sans poser des problèmes pour l’endiguement de l’épidémie. Cette bataille se double de celle des vaccins. Les États occidentaux, face à des opinions de plus en plus réactives et défiantes, entendent parer à tout risque de rupture d’approvisionnement en surachetant des doses. La transformation en générique des vaccins a été proposée même si sa mise en œuvre semble être illusoire.
Une sous-évaluation des conséquences de l’épidémie
Selon des chercheurs américains et britanniques cités par « The Economist », le nombre de morts se situerait entre 7,1 et 12,7 millions à la mi-mai au lieu des 3,5 millions officiellement dénombrés. Les organisations internationales constatent, en effet, des incohérences dans les résultats de la mortalité communiqués par les États. Les 7 millions de décès non comptabilisés comme victimes du Covid-19 proviendraient de pays en développement ou émergents. La Russie a ainsi déclaré 100 000 morts du Covid-19 tout en reconnaissant, pour 2020, un excès de décès de près de 300 000. En Roumanie et en Iran, le surcroît de décès constatés en 2020 représente plus du double du nombre officiellement attribué au Covid-19. En Egypte, le rapport est de 13. Le taux de mortalité estimé pour l’Afrique subsaharienne est 14 fois supérieur au nombre officiel. En Afrique du Sud, 55 000 décès du mois de mars 2020 à mai 2021 ont été décomptés mais le nombre de morts a augmenté de 158 500, laissant entrevoir une sous-évaluation de l’épidémie. En Amérique centrale et latine, le nombre de décès serait également minoré. Aux États-Unis, la morbidité du Covid-19 aurait été sous-évalué de 7 % depuis le mois de mars 2020. Pour l’Europe, la sous-évaluation serait entre 10 et 17 % des taux déclarés selon les pays. Avec l’épidémie, le traçage des causes de moralité est compliqué. Le nombre de décès liés à la grippe a fortement diminué tout comme les morts violentes (accidents de la route, activités sportives dangereuses, etc.) compensant en partie l’excès de mortalité provoqué par le Covid. Des décès ont été officiellement causés par le coronavirus. Or ces derniers seraient intervenus en raison de l’âge des personnes et des maladies dont elles pouvaient souffrir. Malgré tout, au milieu du mois de mai, à l’échelle mondiale, la mortalité serait toujours en progression, rendant compliqué un retour à la normale. La seule issue pour le moment est la vaccination de masse pour éviter la multiplication de mutants dont certains pourraient résister aux vaccins. Du fait de la proportion plus élevée de personnes de plus de 60 ans, les taux de mortalité ont progressé plus fortement dans les pays riches que dans les pays pauvres. Pour l’Asie et l’Afrique, les décès moyens estimés par million de personnes sont inférieurs de moitié à ceux de l’Europe (y compris la Russie). En revanche, les chiffres recensés en Inde sont comparables à ceux la Grande-Bretagne. La structure démographique n’explique pas tout. Ainsi, le pays le plus âgé, le Japon connaît un des plus faibles taux de mortalité provoqué par le Covid-19. La pauvreté et l’accès aux soins jouent un rôle majeur dans l’évolution de l’épidémie. Le taux de mortalité des jeunes au sein des pays pauvres est beaucoup plus élevé que celui des jeunes des pays avancés. Les personnes âgées des pays pauvres sont plus exposées au risque de mortalité que ceux des pays riches. L’Afrique du Sud a enregistré 120 000 décès supplémentaires parmi les plus de 60 ans. La durée de l’épidémie dans les pays en développement pourrait être plus longue que dans les autres pays du fait, selon les études de l’Organisation Mondiale de la Santé, que le virus se propage plus rapidement chez les jeunes. Ce constat a été confirmé par des enquêtes de séroprévalence, soulignant des taux d’infection passée bien plus élevés en Afghanistan, en Inde qu’en Europe ou en Amérique. Le nombre de personnes asymptomatiques dans les pays en développement et émergents serait très élevé, laissant entrevoir un fort risque de mutation du virus.
En 2020, les décès par jour ont augmenté pendant 33 semaines sur 52. Après une brève accalmie début 2021, ils progressent, à nouveau, depuis le printemps en raison des foyers épidémiques indiens. Les experts de la santé publique estiment que l’Inde est dans une situation préoccupante. Le pays enregistrerait entre 6 000 et 31 000 décès supplémentaires par jour, bien au-delà des chiffres officiels qui les évaluent à 4 000. Le nombre de décès s’établirait à un million. Selon The Economist, l’épidémie pourrait provoquer, dans les prochains mois, entre 2,4 et 7,1 millions de décès supplémentaires en Asie, entre 1,5 et 1,8 million en Amérique latine et les Caraïbes, entre 0,1 et 1 million en Afrique, atour de 1,6 million en Europe et autour de 0,6 million en Amérique et au Canada. À l’échelle mondiale, entre 8,2 et 10,5 millions de personnes pourraient encore perdre la vie à cause du virus.
La bataille des vaccins
Pour tenter de limiter la diffusion du virus, la bataille des vaccins est engagée. Elle nécessite la mobilisation des laboratoires pharmaceutiques avec la réalisation de nombreuses chaînes de production. Avant la pandémie, 3,5 milliards de doses de vaccins étaient produites toutes maladies confondues. Avec le Covid, les capacités de production des laboratoires devraient être portées à 11 milliards de doses d’ici la fin d’année. En cinq mois, plus de 1,5 milliard de doses ont été produites, une accélération de la production étant attendue durant l’été avec le lancement de nouvelles chaînes de fabrication.
Pour accélérer la vaccination, l’abandon des brevets a été proposé notamment par le Président Joe Biden. Dans les faits, un tel projet relève avant tout de la communication politique ou diplomatique, la chute des brevets nécessitant du temps sur le plan juridique. L’Organisation Mondiale du Commerce qui est censée donner un accord a indiqué que dans tous les cas, ce dernier ne pourrait pas intervenir avant le mois de décembre. En outre, le transfert de technologie prendrait au minimum six mois sur le plan technique. Peu de pays disposent du savoir-faire pour gérer les nouveaux vaccins à ARN messager de Pfizer ou de Moderna. Ces vaccins exigent des intrants complexes, 280 pour celui de Pfizer en provenance de 19 pays, également protégés par des brevets. Ils nécessitent une maîtrise des chaînes du froid et donc la possession d’équipements adaptés. Le désengagement des grands laboratoires serait contreproductif pour la diffusion des vaccins. La décision de faire tomber dans le domaine public les brevets pose, par ailleurs, le problème de la poursuite des recherches dans la lutte contre le virus. Avec l’apparition de nombreux variants, les laboratoires sont condamnés à faire évoluer leurs vaccins. Certes, ils ont bénéficié de l’argent public pour leur élaboration, ce qui pourrait les obliger à mettre en libre accès leurs découvertes, mais il convient de trouver la solution adéquate entre la juste rémunération de l’esprit d’innovation et la nécessité de vacciner au meilleur prix l’ensemble de la population mondiale. Pour le moment, la concurrence entre les différents laboratoires semble avoir donné les résultats escomptés avec plusieurs vaccins compétitifs, obtenus en moins d’un an. Les laboratoires ont décidé de diffuser largement leur savoir-faire. Ils ont conclu 214 accords de transfert de technologie en moins d’un an. Sanofi produira ainsi, à compter du mois de juillet, plus de 125 millions de doses du vaccin Pfizer. Les pays pauvres ne sont pas exclus du marché : leurs vaccins passent par le Covax, un système de distribution mondial financé par des donateurs. Les États-Unis pourraient accroître leurs dons de vaccins à Covax. Or, ils ont jusqu’à maintenant plutôt fait l’inverse. Les pays avancés ont, ces dernières semaines, faut preuve de surenchère en commandant un nombre de doses supérieur à la taille de leur population. L’Union européenne vient de commander 1,8 milliard de doses Pfizer pour une population de 400 millions, doses qui s’ajoutent à celles déjà achetées depuis le mois de janvier. La Grande-Bretagne a commandé plus de neuf doses pour chaque adulte, le Canada plus de 13. Ces achats visaient initialement à se prémunir de l’échec de certains vaccins en cours de fabrication. Actuellement, ils ont pour objectif de garantir l’approvisionnement des États. Une partie non négligeable de ces doses devrait être revendue ou donnée à partir du moment où la population des pays riches sera immunisée. La France a annoncé le 21 mai qu’elle prévoyait de donner aux pays en développement d’ici la fin de l’année 2021 au moins 30 millions de doses. Dans le cadre de la Conférence mondiale sur la santé organisée par le G20, plusieurs pays ont également confirmé des dons. Les Etats-Unis ont ainsi annoncé céder à la Covax 80 millions de doses, dont 60 millions d’AstraZeneca, la Suède a prévu de faire de même pour un million de doses. L’Allemagne a également prévu de céder 30 millions de doses.
En lieu et place de faire tomber les brevets, les Etats avancés et les laboratoires pharmaceutiques pourraient contribuer à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement et de stockage. Au sein des pays en développement, au-delà de l’accès aux vaccins, se pose le problème de l’organisation des campagnes de vaccination. Les insuffisances en matière logistique et en personnel constituent des handicaps sérieux pour atteindre les personnes qui ne résident pas dans les grands centres urbains. En Inde, pour se faire vacciner, il faut pouvoir se connecter à Internet. Or la couverture de la population demeure imparfaite. 500 millions d’Indiens ne disposeraient d’aucun accès à Internet.
La mobilité en question
L’épidémie de Covid-19 a remis en cause les schémas de croissance du secteur de transports. Depuis une trentaine d’années, la mobilité était devenue le facteur clef de la croissance. L’éclatement des chaînes de production repose sur la capacité de transporter en grande quantité et rapidement de biens intermédiaires comme des biens finis. Le porte-conteneur est devenu le symbole de la mondialisation. L’essor du tourisme de masse n’a été rendu possible que par la multiplication des liaisons aériennes notamment à bas coûts. La métropolisation des pays entraîne des temps de transports croissants entre le lieu de travail et le domicile. La société de loisirs qui caractérise les pays avancés est également celle de la mobilité. La crise sanitaire, tout comme la question du réchauffement climatique, semblent remettre en cause cette mobilité. La crise du Covid a souligné la dépendance des pays avancés vis-à-vis des pays émergents dont la Chine, accentuant le souhait d’une part croissante de la population de relocaliser la production de certains biens industriels. Elle a provoqué un arrêt brutal du tourisme international qui est accusé d’accélérer la diffusion du virus. Par ailleurs, les transports sont accusés de contribuer de plus en plus au réchauffement de la planète. La limitation des déplacements devient un objectif afin d’aboutir à la neutralité carbone. L’interdiction par le projet de loi sur le climat, en France, des trajets en avion en cas d’une alternative en train de moins de 2 heures 30, mesure issue de la Convention citoyenne, constitue une première ; jusqu’à maintenant les pouvoirs publics jouaient sur les taxes pour infléchir les comportements.
Transport, la crise n’interdit pas le retour de la croissance
Avant la crise sanitaire, plus de 3 milliards de touristes internationaux étaient attendus pour 2030. Les carnets de commandes d’Airbus ou de Boeing dépassaient huit années de production. La crise sanitaire a remis en cause les prévisions de trafic et les carnets de commandes. Au début de l’année 2021, le trafic aérien n’avait retrouvé que 30 % de son niveau d’avant crise. L’année dernière, Airbus n’a livré que 566 avions sur les 800 prévus et Boeing 184 au lieu de 500. À la différence de son concurrent direct, Boeing a dû faire face à la suspension de l’autorisation de vol du 737 max après la perte de deux avions. Le maintien de nombreux foyers épidémiques et les contraintes sanitaires devraient encore peser sur les déplacements internationaux durant l’ensemble de l’année 2021. Les experts de l’OCDE s’attendent à un redécollage de l’activité des transports à compter du second semestre avec un retour à la normale pour 2023. Ils estiment que l’activité totale du secteur des transports devrait plus que doubler d’ici à 2050 par rapport à 2015. Le transport de personnes serait multiplié par 2,3 tandis que le transport de marchandises sera multiplié par 2,6. L’épidémie, les engagements pris en matière de décarbonation ainsi que la montée du protectionnisme ne réduiraient que légèrement la pente de la progression. La montée en puissance des pays émergents et l’augmentation de la population mondiale porteront néanmoins cette activité dans les prochaines années.
Aérien, des équations bouleversées
Avant la crise sanitaire, le monde de l’aviation était déjà sous tension avec les difficultés croissantes des compagnies aériennes traditionnelles et les mauvais choix opérés par les deux principaux constructeurs. Les compagnies traditionnelles Air France/KLM, British Airways ou Lufthansa avec de larges réseaux qui répondent à des objectifs autant politiques qu’économiques devaient face à une concurrence croissante de la part des low-cost sur les liaisons moyen-courrier.
Les compagnies traditionnelles ont tenté d’imposer un modèle de hubs avec l’appui des grands constructeurs. L’objectif était de concentrer sur quelques grands aéroports le maximum de passagers avant de les redispatcher. Le développement du A380 répondait à cette vision de tourisme de masse. Ce choix était remis en cause depuis plusieurs années en raison du coût d’exploitation de cet avion et de la saturation des aéroports. En outre, les passagers n’apprécient guère les correspondances imposées. Ils préfèrent les vols directs.
La crise sanitaire et la transition énergétique ont confirmé les doutes sur le modèle de développement du transport aérien. Airbus a été contraint d’arrêter la fabrication de l’A380. Air France a décidé de les retirer du service quand British Airways faisait de même avec ses Boeing 747. Les avions monocouloirs ont vocation à dominer le marché en ayant des coûts d’exploitation moins élevés et en étant moins émetteurs de CO2. Le A 321 Neo pourra être exploité sur les lignes transatlantiques en étant moins coûteux et plus souple que les gros porteurs. La réduction des passagers d’affaires qui assuraient une grande partie des recettes des compagnies traditionnelles n’est pas sans conséquence dans le changement de modèle. Ces derniers plébiscitaient les avions confortables, spacieux, silencieux et bien équipés. Avec la volonté des entreprises de réduire leurs coûts et de respecter leurs engagements « carbone », avec l’essor des visio-conférences et avec le risque sanitaire accru, les déplacements d’affaires devraient se restreindre. Il sera donc moins intéressant de disposer d’une flotte de A350, B777 ou B787. Cette remise en cause pourrait handicaper le lancement du Boeing 777X qui avait vocation à concurrencer feu le A380. S’il a l’avantage, par rapport à l’avion d’Airbus, d’être un biréacteur, son gigantisme ne plaide pas néanmoins en sa faveur. Les compagnies low-cost ayant des flottes récentes, essentiellement constituées de monocouloirs pourraient ressortir gagnantes de la crise.
La limitation des déplacements de courte distance en avion met, par ailleurs, en danger certains aéroports locaux comme Lorient ou Quimper en France tout comme la fabrication d’avions comme les ATR dont le champ d’action était des vols de 1 heure à 1 heure 30. Dans ce contexte, les compagnies low-cost, en ayant des flottes plus récentes, homogènes, et n’ayant pas ou peu d’obligations de services publics à satisfaire, risquent d’être très compétitives en sortie de crise. L’aspiration des populations à voyager demeure comme l’a prouvé la saison estivale 2020 ou le week-end de l’Ascension de 2021 en France.
La crise sanitaire a souligné néanmoins le rôle croissant de l’avion dans le fret. L’approvisionnement en masse des masques et du matériel de santé a été rendu possible grâce aux flottes de fret. Air France/KLM Cargo Fret est le premier opérateur mondial pour le transport de marchandises par avion avec un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros qui a augmenté de 23 % en 2020.
Les transports maritime et terrestres n’échappent pas à la remise en cause
Si la crise sanitaire doit entraîner un mouvement de relocalisation, dans l’immédiat, l’Occident est confronté à des goulots d’étranglement en lien avec l’éclatement des chaînes de production.
Depuis le début de l’année, le conteneur qui est un des produits symboles de la mondialisation a connu un quadruplement de son prix. Le prix d’un conteneur équivalent quarante pieds, unité standard, se négocie autour de 4 100 euros en moyenne, soit une hausse de 234 % en douze mois. En 2020, avec les confinements, les transporteurs de conteneurs réduisent de 30 % leur flotte sur les routes commerciales. Les conteneurs s’accumulent vides, dans les grands ports de fret. La forte reprise de l’économie américaine depuis la fin de l’année 2020 entraîne une forte demande en biens en provenance d’Asie et d’Europe. Les conteneurs disponibles sont ainsi acheminés vers les ports américains. Faute de produits à pouvoir exporter, ces conteneurs ont tendance à y rester empêchant les autres pays d’en disposer. Avec le retour de la croissance en Europe, la pénurie s’accroît. Elle est d’autant plus forte qu’un déficit de production de conteneurs est intervenu l’année dernière. Compte tenu des besoins croissants en conteneurs et des mises au rebut, il en a manqué un million. En 2020, 2,8 millions ont été fabriqués et 1,5 million ont été retirés du service par obsolescence, la durée de vie d’un conteneur est de 15 ans. L’accélération de la production est rendue difficile par la pénurie d’acier et d’aluminium, le marché est, en outre, contrôlé par trois fabricants chinois. Le manque de conteneurs s’accompagne d’une désorganisation du transport routier. Le manque de chauffeurs et les contrôles accrus aux frontières ralentissent la livraison des conteneurs. Des dizaines de navires porte-conteneurs stationnent au large du port d’Anvers ou de Los Angeles dans l’attente d’y être déchargés ou chargés. L’accumulation des retards pourrait générer des surcoûts qui, selon les biens, pourraient atteindre pour le consommateur final entre 10 et 20 %.
Pour permettre l’approvisionnement des chaînes de production et des consommateurs finaux, plus de 5 000 porte-conteneurs sillonnent les mers. Maersk, le numéro un mondial des porte-conteneurs, réalise un chiffre d’affaires supérieur à Microsoft. Le Groupe français CMA CGM, basé à Marseille, figure parmi les plus grands groupes mondiaux de transports de conteneurs. Il est présent dans plus de 160 pays et emploie plus de 30 000 personnes.
Si la crise sanitaire met l’accent sur la dépendance de l’économie mondiale en conteneurs, depuis 2011, ce secteur était néanmoins en perte de vitesse en raison de la montée du protectionnisme et de la tertiarisation de l’économie. Les pressions en faveur des circuits courts en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre concourent également à un moindre développement des échanges internationaux de conteneurs.
Plusieurs transporteurs avaient réduit leurs investissements depuis le milieu de la décennie 2010 dont le conglomérat danois AP Moller-Maersk qui assure 16 % du transport maritime mondial de conteneurs via sa filiale Maersk Lines. Entre 2015 et 2019, plus de 30 porte-conteneurs de grande capacité avaient été retirés de la circulation, car les capacités de transports augmentaient alors plus vite que la demande. Ce sous-investissement explique également l’actuelle pénurie.
Si une démondialisation aussi rapide que fut la mondialisation n’est pas à l’ordre du jour, le commerce international devrait, après un fort rebond en 2021 et 2022, renouer avec une croissance plus modeste avec une tendance à la régionalisation des échanges. Avant la crise sanitaire, le poids du commerce international était passé de 61 à 58 % de 2007 à 2018. Les importations intermédiaires qui avaient augmenté rapidement jusqu’en 2008 sont en retrait. Elles sont passées de 19 % du PIB mondial à 17 % de 2008 à 2018. La capacité de produire à moindres coûts et à moindre risques à proximité des centres de consommation grâce à la robotisation des chaînes devrait conduire à une certaine forme de relocalisation. Les consommateurs de biens industriels se concentrent de plus en plus en Asie, demain ils se situeront essentiellement en Afrique. Les Européens et les Américains seront de moins en moins consommateurs du fait du vieillissement et de changement de comportement.
La croissance du transport routier
Plus de 85 % du transport de marchandises en France s’effectue par camions quand le fret ferroviaire et le fluvial se partage le reste. Ces vingt dernières années, le ferroviaire a fortement diminué en France au profit des camions. La France ne respecte pas l’objectif européen de limitation du transport routier à 75 %. Ce transport est réalisé à 60 % par des entreprises françaises et à 40 % par des entreprises étrangères majoritairement issues de l’Union européenne. Le développement du e-commerce qui induit des livraisons plus importantes à domicile tend, par ailleurs, à accroître le recours aux camions. Les difficultés de la SNCF pour relancer sa filière fret favorise également les transports routiers. La France n’est pas un cas unique en la matière. L’éclatement des chaînes de production et le recours croissant aux importations ont été des facteurs de croissance pour les entreprises de transports. Du fait du rebond de la croissance depuis le début de l’année 2021, elles enregistrent des taux d’activité très élevés. La décarbonation de leurs activités et les éventuelles contraintes environnementales constituent évidemment une menace importante à moyen terme pour leurs activités.
La mobilité des particuliers entre plusieurs feux
Les achats de véhicules neufs par des particuliers tendent à diminuer. Les achats proviennent majoritairement de gestionnaires de flottes qui les louent soit à des particuliers ou à des entreprises. La pratique des voitures de fonction exclusive recule tant au nom de la protection de l’environnement que dans le cadre de la réduction des coûts.
De moins en moins d’urbains, moins d’un sur deux à Paris, possèdent de voitures, contre plus de 60 % il y a encore une trentaine d’années. L’offre abondante de transports publics et le coût de possession d’un véhicule expliquent cette évolution qui a permis également l’essor de la location en ligne, de VTC ou des taxis. Le bannissement des voitures des centres-villes et le développement de flottes de véhicules sans conducteur d’ici une à deux décennies devraient changer radicalement le marché de la mobilité individuelle. Des offres de taxi-drones volants sont également à l’étude.
La pandémie de Covid-19 pourrait néanmoins remettre en cause ces tendances. Avec la crainte du virus, les habitants des grandes agglomérations ont privilégié leur voiture par rapport aux transports en commun. Le souhait de certains de s’installer en périphérie, au sein de villes moyennes suppose la possession d’une ou plusieurs voitures au sein du ménage. La possibilité de se déplacer sans contrainte constitue une valeur qui demeure forte au sein de la population. Malgré de longs embouteillages, de nombreux urbains profitent du congé de fin de semaine pour se rendre au bord de la mer ou à la campagne. Avant même la saison estivale, le marché des locations de véhicules est tendu que ce soit sur la côte atlantique ou en Corse.
la problématique de transition énergétique
Du fait de l’augmentation des déplacements nationaux et internationaux, les émissions de CO2 qu’ils génèrent devraient augmenter de 16 % d’ici 2050. Les réductions d’émissions attendues seront en effet plus que compensées par l’augmentation de la demande de transport. Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, une réduction des émissions de 70 % serait nécessaire.
De nombreuses grandes villes ont pris l’engagement de supprimer au moins 80 % de leurs émissions au titre des transports d’ici le milieu du siècle. La suppression des moteurs diesels devrait intervenir pour plusieurs d’entre-elles d’ici 2025 et celle des moteurs thermiques d’ici 2030. Une diminution des transports mécanisés en ville de près d’un quart est également attendue avec le développement du vélo et de la marche à pied. L’interdiction des véhicules particuliers dans les centres-villes devrait se généraliser.
La décarbonation du transport aérien, des longs trajets routiers ou des trains régionaux sera un exercice plus complexe. Avec la croissance des pays en développement, les émissions absolues de CO2 générées par le transport de marchandises seront, en 2050, de 22 % supérieures à celles de 2015, et leur part dans les émissions liées au transport continuera de croître. Une meilleure gestion des transports de marchandises en exploitant mieux les avions, les bateaux et les camions ainsi qu’un recours à l’hydrogène permettrait, selon l’OCDE, une réduction de 72 % des émissions.
La crise sanitaire a souligné l’appétence des ménages à la mobilité. Les restrictions de déplacement ont été durement ressenties. Dès leur suppression, nombreux ont été ceux qui se sont offerts une escapade. Quand les Français veulent fuir les grands centres urbains, ils choisissent des villes dotées d’infrastructures modernes en termes de transports. La voiture a peut-être perdu de son aura mais au vu des résultats des marques premium, Audi BMW ou Mercedes, elle n’a pas perdu toute valeur tant sur le plan social que technologique. Si les messages écologiques sont de plus en plus intégrés par les ménages, ils n’empêchent pas ces derniers de privilégier les SUV ou les voitures premium à forte cylindrée. La contestation des transports aériens est avant tout politique. Ils symbolisent tout à la fois la mondialisation, le tourisme de masse d’essence capitaliste et un moyen de transport clivant socialement. Dans les vingt prochaines années, les transports connaîtront une profonde mutation avec le passage aux motorisation électrique par batterie ou par hydrogène (pile à combustible). Ce dernier carburant pourrait remplacer le kérozène pour les avions et le gazole pour les camions. Des systèmes de voies électrifiées sur les autoroutes comme le teste l’Allemagne près de Francfort, pourraient se généraliser.