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L’Ukraine, un destin contrarié
L’Ukraine a toujours été un territoire convoité. Carrefour commercial important, doté d’un sous-sol et de terres riches, ayant un débouché maritime, ce pays a connu de nombreuses invasions et guerres lors de ces milles dernières années. Issu du slave, le mot « Ukraine » signifie «frontière» ou «marche» et souligne bien la fragilité intrinsèque du pays dont l’histoire a été façonnée par les Turcs, les Russes, les Autrichiens, les Suédois, les Finlandais, les Polonais et les Lituaniens. Pour les Russes, l’Ukraine est le berceau de leur État, pour les Polonais et les Lituaniens, elle est le cœur de l’Europe de l’Est et pour les Turcs, elle est un des maillons clef de l’Europe orientale.
L’Ukraine dans ses frontières de 1991 est plus grande que la France 603 549 km2, contre 543 940 km2 pour une population moindre, 45 millions d’habitants, contre 68 millions.
Une histoire chahutée
Le territoire actuel de l’Ukraine a été le foyer du premier État slave oriental, fondé par des Scandinaves aux Xe et XIe siècles. Les Vikings orientaux bâtissent progressivement un État qui s’étend de la Baltique à la Mer Noir et de la Volga aux Carpates septentrionales. L’Etat de Kiev était un des plus puissants d’Europe après l’Empire byzantin. Il comprenait l’actuelle Ukraine, la Biélorussie et une partie de la Russie occidentale. Du fait de l’importance de son royaume, le Grand Prince d’Ukraine, Iaroslav le Sage, peut en 1051, marier sa fille Anne de Kiev au roi Henri Ier de France, preuve de l’influence de son pays jusqu’à l’Ouest de l’Europe. À partir du XIIe siècle, des divisions internes aboutissent au fractionnement de l’État kiévien et à son invasion par les Tatars Mongols. La dureté de ces derniers, incite les populations autochtones à fuir vers d’autres pays comme la Pologne, la Hongrie ou la Moldavie.
Au XIVe siècle, les Polonais et les Lituaniens prennent progressivement le contrôle de l’Ukraine. La Pologne imposa sur les territoires qu’elle contrôle le catholicisme qui s’est maintenu sur une partie de l’Ukraine d’aujourd’hui. Durant cette domination lituano-polonaise, à partir du XVe siècle, les Cosaques apparaissent. Il s’agit de paysans ruthènes orthodoxes refusant la servitude et l’assimilation aux Polonais catholiques. Les Cosaques mènent une guerre contre les Tatars, puis, à partir du XVIe siècle, contre les Turcs ottomans, devenus suzerains des Tatars de Crimée. Le territoire de l’Ukraine est déjà à l’époque divisé avec une partie au Nord-Ouest tournée vers l’Europe et une partie au Sud-Est qui regarde soit du côté de la Turquie, soit du côté de la Russie.
À partir du milieu du XVIIe un État autonome cosaque est créé, le Hetmanat. À la suite du traité d’Androussovo en 1667, il est partagé en deux, une partie est placée sous le protectorat de la république des Deux Nations (Pologne et Lituanie), l’autre sous un protectorat moscovite. Au XVIIIe, Catherine de Russie, supprime le Hetmanat, le partage de la Pologne lui permettant de récupérer la quasi-totalité du territoire ukrainien à l’exception de la Galicie, passée sous administration de l’Autriche. Les mouvements indépendantistes renaissent au milieu du XIXe siècle, en phase avec ceux des autres régions de l’Empire Austro-Hongrois. Le terme Ukraine commence à apparaître dans le débat public. Face au renouveau indépendantiste, les autorités russes décident, en 1876, l’interdiction de la langue ukrainienne dans les écoles, dans les journaux et la littérature, provoquant de multiples révoltes.
Après la révolution de février 1917, en Russie, l’Ukraine est brièvement indépendante jusqu’en 1920. Cette indépendance est toute relative. Le territoire est, en effet, envahi d’abord par les Allemands puis, à leur retrait, il devient un champ de bataille entre le Parti bolchevique, les Russes blancs et les forces de la Triple-Entente. Le 20 novembre 1917, soit treize jours après que le Parti bolchevique russe ait renversé le gouvernement social-démocrate de Saint-Pétersbourg, l’assemblée législative, la Rada centrale ukrainienne, proclame la république populaire d’Ukraine et sa séparation de la Russie. L’indépendance totale de l’Ukraine est confirmée le 22 janvier 1918. Pour combattre l’Armée rouge qui contrôle alors une partie de l’Ukraine, la Rada centrale obtient le soutien des Allemands qui organisent un coup d’État en renversant le gouvernement pro-soviétique le 29 avril 1918. La défaite de l’Allemagne au mois de novembre 1918 provoque la chute des nouvelles autorités ukrainiennes et le rétablissement de la république populaire d’Ukraine avec à sa tête son ancien dirigeant pro-russe, Vynnytchenko. De 1918 à 1922, une partie importante du territoire ukrainien au sud est contrôlée par une armée paysanne insurrectionnelle d’inspiration communiste libertaire. Face aux armées blanches (constitués d’opposants au pouvoir bolchevique) et rouges, l’armée noire installe dans les territoires contrôlés un système de collectivisation des terres et de démocratie directe et décentralisée. À la fin de 1918, les Alliés (France, Royaume-Uni) interviennent dans le sud de l’Ukraine pour soutenir les Blancs de Dénikine dans la guerre civile russe. Odessa, Sébastopol et d’autres localités côtières sont occupées par les Français, mais l’intervention tourne court en raison du manque de moyens engagés et de l’hostilité de la population (mars-avril 1919). L’Ukraine est alors envahie par l’Armée rouge et passe sous le contrôle des Soviétiques. Le 30 décembre 1922, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) naît du traité qui réunit la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie (RSFSR), la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie. Staline décide de faire de l’Ukraine tout à la fois le Grenier de la Russie et une région de production d’électricité. Les mines du Donbass alimentent la sidérurgie soviétique en charbon et en fer. Staline réprimera à plusieurs reprises les tentatives de réveil nationaliste ukrainien, interprétées comme un rejet du pouvoir bolchevik et une menace à l’intégrité de l’URSS. Entre 1931 et 1933, une série de famines et l’intensification de la « dékoulakisation » frappent l’Union soviétique et ravagent particulièrement l’Ukraine. Plusieurs millions de personnes perdirent la vie. Le souvenir de ces famines perdure au sein de la population ukrainienne. De 1937 à 1939, plusieurs millions d’Ukrainiens sont exécutés ou envoyés vers des camps de travail soviétiques. Les églises sont fermées et les catholiques sont pourchassés. En septembre et octobre 1939, après le partage de la Pologne entre l’Allemagne nazie et l’URSS stalinienne, conformément aux protocoles secrets du pacte germano-soviétique, les régions polonaises à forte minorité ukrainienne (comme la Galicie et Lwow) sont annexées par l’URSS et incorporées à l’Ukraine. En juin 1940, cette dernière intègre également la Bucovine du Nord et du Boudjak, pris à la Roumanie. À l’été 1941, l’Ukraine est envahie par les armées allemandes. À leur arrivée, les Allemands sont reçus en libérateurs par une partie de la population ukrainienne, surtout par la population de la partie anciennement polonaise. Rapidement, la situation se retourne. Les mauvais traitements infligés à la population provoquent une forte résistance. La population juive d’Ukraine est anéantie par l’application de la solution finale. En 1944, l’Armée rouge libère la plus grande partie de l’Ukraine. En juin 1945, la Ruthénie subcarpathique, prise à la Tchécoslovaquie, rejoint à son tour l’Ukraine soviétique, formant l’oblast de Transcarpatie. À la fin du conflit, le bilan des pertes ukrainiennes est de huit millions de morts dont 1,377 million étaient des militaires. Le 26 juin 1945, l’Ukraine devient l’un des membres fondateurs de l’ONU, en y obtenant, en raison de son rôle dans la victoire sur le nazisme, avec la Biélorussie, une place distincte de l’URSS. Cette disposition particulière permet à l’Union soviétique de bénéficier de voix supplémentaires dans les votes de l’assemblée générale de l’ONU. En 1954, le 1er secrétaire du Parti communiste d’Union soviétique, Nikita Khrouchtchev qui a passé sa jeunesse en Ukraine, transfère la péninsule de Crimée à la République soviétique socialiste d’Ukraine pour marquer le 300e anniversaire du traité de Pereïaslav marquant l’union entre la Russie et les provinces formant l’Ukraine d’alors. Plus tard, Léonid Brejnev, d’origine ukrainienne, deviendra le principal dirigeant de l’URSS, qu’il gouvernera pendant 18 ans entre 1964 et 1982. Ce dernier dotera l’Ukraine de centrales nucléaires dont la plus célèbre est malheureusement Tchernobyl. La catastrophe nucléaire liée à cette centrale a créé un fort ressentiment antirusse au sein de la population. La chute de l’URSS entre 1989 et 1991 permet aux mouvement indépendantistes de renaître en Ukraine. En 1989, le Mouvement national ukrainien, Roukh, est créé. Lors des élections de mars 1990, les partis ukrainiens du bloc démocratique obtiennent alors environ 25 % des sièges au Parlement. Sous l’influence des députés démocrates, le Parlement adopte, le 16 juillet 1990, la Déclaration sur la souveraineté politique de la République d’Ukraine. L’indépendance complète de l’Ukraine est proclamée le 24 août 1991 et confirmée par le référendum du 1er décembre 1991. 90,5 % des électeurs votent en faveur de l’indépendance. L’Ukraine devient l’un des membres fondateurs de la Communauté des États indépendants dirigée par la Russie. Par le Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité, signé le 5 décembre 1994, l’Ukraine abandonne son arsenal nucléaire en échange de la garantie de son intégrité territoriale par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie.
L’Ukraine est tiraillée entre le souhait de certains d’intégrer l’Union européenne et l’Otan quand d’autre estiment que la Russie est leur seconde patrie voire la première. En 2004, avec la Révolution orange, les pro-européens estiment que le gouvernement pro-russe de Viktor Ianoukovytch, a truqué l’élection présidentielle. La mobilisation de la population contribue à l’annulation par la Cour suprême du scrutin et l’organisation d’un nouveau vote le 26 décembre 2004 qui voit la victoire de Viktor Iouchtchenko, qui aurait fait l’objet d’une tentative d’empoisonnement par la Russie. Sa présidence sera marquée par une forte instabilité. En 2010, son opposant pro-russe, Victor Ianoukovytch, est élu président. À la suite du refus du gouvernement de signer des accords de rapprochement avec l’Union européenne, le mouvement Euromaïdan provoque un renversement du pouvoir. L’arrivée des pro-européens au pouvoir entraîne la sécession des régions du Donbass. Le 11 mars 2014, la Crimée proclame son indépendance, puis à la suite d’un référendum est rattachée à la fédération de Russie le 18 mars. Depuis le début des combats près d’un million et demi de personnes ont été déplacées, 850 000 à l’intérieur de l’Ukraine, 600 000 en dehors dont 350 000 vers la Russie et 250 000 vers les pays de l’Union européenne. Le 11 mars 2014, la Crimée proclame son indépendance, puis à la suite d’un référendum est rattachée à la fédération de Russie le 18 mars. Le 27 mars 2014, l’Assemblée générale de l’ONU a voté la résolution 68/262 sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Le 21 février 2022, le président russe Vladimir Poutine a reconnu l’indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk et a ordonné à ses troupes de se rendre dans ces parties de l’est de l’Ukraine dans le cadre de ce que le Kremlin a qualifié de « mission de maintien de la paix ». Cette opération est la troisième du genre pour la Russie après la guerre en Géorgie et l’annexion de la Crimée, mais elle est d’une ampleur sans précédent.
L’Ukraine, un important potentiel économique
L’Ukraine a été longtemps une des régions les plus riches de l’URSS grâce à la puissance de son industrie sidérurgique et de la richesse de son sous-sol. Avec l’indépendance en 1991, écartelée entre l’Europe et la Russie, l’économie a rencontré de nombreuses difficultés d’adaptation. La guerre qui sévit depuis 2014 handicape la croissance, d’autant plus qu’elle se déroule dans une des régions les plus riches.
L’Ukraine a sur son territoire des terres agricoles jugées comme les plus fertiles du monde. Le pays est par ailleurs traversé par plusieurs grands fleuves (Dniestr, Dniepr) qui lui fournissent d’importantes ressources en eau douce. L’Ukraine est un des principaux pays producteurs mondiaux de céréales, de sucre, de viande et de produits laitiers, que transforment une importante industrie agro-alimentaire, avec des entreprises comme Roshen. L’Ukraine est également un des États européens le mieux dotés en matières premières. Elle possède des gisements de fer, de manganèse d’uranium, de potasse, de terres rares, de charbon, etc.
En lien avec ses richesses naturelles, l’Ukraine a développé une industrie métallurgique importante, produisant de la fonte, de l’acier et des tuyaux. L’Ukraine était le 7e producteur d’acier au monde. ArcelorMittal y possède une de ses plus importantes usines sidérurgiques. Le groupe a préféré sortir du marché russe pour concentrer ses investissements en Ukraine. Le pays possède une importante industrie chimique, produisant du coke (charbon), des fertilisants et l’acide sulfurique. Le pays a développé également un secteur de production de matériels de transports (locomotives, tracteurs, automobiles). Le pays possède aussi plusieurs entreprises d’électronique, d’armement et de matériaux pour les programmes spatiaux.
Avant les tensions avec la Russie, l’Ukraine était devenue la 8e destination touristique d’Europe. Le secteur touristique représentait en 2014 plus de 2 % du PIB. Plus de 23 millions de touristes internationaux se rendaient alors chaque année en Ukraine. L’invasion de la Crimée par la Russie et la sécession du Donbass en 2014 ont privé l’Ukraine du quart de son PIB. Elle a été contrainte de privilégier ses relations commerciales avec l’Occident et notamment l’Union européenne. L’Ukraine continue néanmoins de dépendre de la Russie pour son énergie.
Les relations entre la France et l’Ukraine
En 2019, la France était le 9e fournisseur de l’Ukraine avec une part de marché de 2,8 %, en hausse constante par rapport à son niveau d’avant crise (2,2 % en 2013).
En 2019, la part de marché de l’ensemble des pays de l’Union européenne représentait 39,85 %, contre 35 % en 2013. Un accord de libre-échange est entré en vigueur en 2017.
Parmi les pays de l’Union, en 2019, la France était le 4e fournisseur de l’Ukraine, loin derrière l’Allemagne (1er fournisseur européen, 9,9 % de part de marché globale) et la Pologne (6,7 %). Elle est également devancée par l’Italie (3,4 %). La France dégageait un excédent commercial traditionnellement important avec l’Ukraine
La France exportait en Ukraine des produits chimiques, parfums et cosmétiques (35,4 % des exportations en 2019), des équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique (19,1 %, dont plus des deux tiers correspondant à des machines agricoles et forestières), des matériels de transport (9,2 %), des produits pharmaceutiques (8,8 %) et des produits agricoles (8 %). Les biens importés en France en provenance d’Ukraine sont essentiellement des produits agricoles et agroalimentaires (66,2 %).
La France était l’un des principaux investisseurs européens en Ukraine. En 2019, elle était le 6e investisseur étranger en Ukraine, avec 2,2 % du stock d’investissement direct d’origine étrangère (IDE). La France était en outre le 4e investisseur européen, derrière l’Allemagne (4,9 % du stock d’IDE), l’Autriche (3,7 %) et le Royaume-Uni (4,2 %).
Près de 160 entreprises françaises sont implantées en Ukraine, employant 30 000 personnes et faisant de la France le premier employeur international en Ukraine. Elles sont présentes notamment dans la grande distribution .
Les sanctions contre la Russie
La reconnaissance par la Russie des deux républiques sécessionnistes du Donbass et l’invasion de l’Ukraine ont provoqué l’adoption de nouvelles sanctions de la part des Occidentaux qui s’ajoutent à celles prises avec le rattachement de la Crimée en 2014.
Les sanctions américaines
Joe Biden a annoncé mardi 22 février une « première tranche » de sanctions qui doivent empêcher l’accès de la Russie aux financements occidentaux en particulier en matière de dette publique. Cette mesure ne devrait pas avoir d’effets importants, la Russie réduisant, depuis plusieurs années, sa dépendance financière aux États occidentaux et au dollar.
Les États-Unis ont également pris des sanctions vis-à-vis de plusieurs dirigeants russes qui ne pourront plus avoir de relations financières aux États-Unis. Ces sanctions confirment celles prises depuis 2014.
Jeudi 23 février, le Président américain a décidé d’interdire quatre banques russes supplémentaires de toutes opérations avec les États-Unis, dont les deux plus grandes du pays, Sberbank and VTB Bank. Les exportations technologiques de la Russie seront fortement limitées. Le président américain a annoncé par ailleurs que plusieurs grandes entreprises russes (13 au total), dont le géant de l’énergie Gazprom, ne pourront plus se financer sur le marché financier américain, une sanction qui avait déjà été prise contre le gouvernement russe lui-même.
Les États-Unis ont aussi rallongé la liste des dirigeants privés et publics russes interdits d’accès aux États-Unis et qui verront leurs avoirs gelés. 24 personnes et organisations biélorusses accusées d’avoir soutenu et aidé l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont également concernées.
Les sanctions de l’Union européenne
L’Union Européenne a décidé de prendre des mesures concernant 555 personnes et 52 entités ayant contribué à la reconnaissance des deux républiques indépendantes ou y ayant des intérêt.
Les 351 députés russes de la Douma, qui ont voté la reconnaissance de l’indépendance des deux territoires sont interdits de visas dans l’Union européenne. Vingt-sept personnalités ou entités sont également sanctionnées pour leur rôle dans la violation de l’intégrité de l’Ukraine. Les acteurs du secteur de la défense qui jouent un rôle dans l’invasion du pays, ceux qui ont lancé une campagne de « désinformation contre l’Ukraine » et « les banques qui financent les responsables russes et d’autres opérations dans ces territoires » du Donbass sont interdits de visas. L’Union a également décidé d’entraver la capacité de la Russie à accéder aux marchés de capitaux et services financiers européens, en particulier pour refinancer sa dette.
Les mesures restrictives comprennent un gel des avoirs et l’interdiction de mettre des fonds à la disposition des personnes et entités figurant sur la liste. En outre, une interdiction de voyager applicable aux personnes figurant sur la liste les empêche d’entrer ou de transiter par le territoire de l’UE.
L’interdiction faite aux banques et aux institutions financières européennes d’acheter de la dette russe ou émise par des organismes publics russes ne devrait pas être très significative pour la France. Les banques françaises achètent peu de dette russe, sauf la Société générale via Rosbank.
Jeudi 25 février, l’Union européenne a adopté de nouvelles sanctions contre la Russie. Elles visent les secteurs de la finance, de l’énergie et des transports. L’objectif est de limiter radicalement l’accès de la Russie aux marchés de capitaux européens. L’accès aux biens technologiques sera limité au maximum. La Russie n’aura plus accès aux composants électroniques ni aux logiciels. L’exportation d’avions, de pièces et d’équipements de l’industrie aéronautique et spatiale est interdite. Les biens d’équipement pour l’industrie pétrolière ne peuvent plus être exportés.
De nouvelles sanctions contre des personnalités proches de Vladimir Poutine doivent s’ajouter à celles déjà entrées en vigueur mercredi 24 février. Un gel des avoirs et une interdiction de visas sont prévus. La Biélorussie, accusée d’être impliquée dans les opérations russes, fera l’objet de sanctions supplémentaires, selon la déclaration commune des Vingt-Sept.
Berlin a annoncé mardi 22 février suspendre l’autorisation du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Allemagne via un tube de 1 230 kilomètres sous la mer Baltique. Ce gazoduc en grande partie financé par les Européens (pour la France, Engie) était fortement condamné par les Américains depuis de nombreuses années. Par ailleurs, l’Ukraine y était opposée car il privait ce pays d’importantes recettes de transit, le gaz russe passant par le gazoduc qui traverse son territoire.
Les sanctions britanniques
Le Royaume-Uni a annoncé que les mesures de rétorsion visant les « intérêts économiques russes qui soutiennent la machine de guerre russe » seraient adoptées Ces sanctions concernent trois milliardaires considérés comme proches du président russe : Guennadi Timtchenko, déjà sanctionné par les États-Unis, Boris Rotenberg, dont le frère Arkadi est déjà sanctionné, et son neveu Igor Rotenberg. Leurs actifs au Royaume-Uni seront gelés et leurs détenteurs ne pourront plus se rendre sur le territoire britannique. Sont également sanctionnées cinq banques russes dont Rossiïa et Promsviazbank. Des mesures a minima pour Londres, la place forte financière des grandes fortunes russes.
La compagnie aérienne russe Aeroflot, membre de l’alliance internationale SkyTeam avec Air France-KLM, ne pourra plus desservir le Royaume-Uni. En plus des cinq banques déjà sanctionnées mardi 22 février, la banque VTB est ajoutée à la liste et voit ses actifs sur le sol britannique gelés. L’objectif est d’exclure toutes les banques russes du secteur financier britannique. Elles ne pourront plus lever des fonds au Royaume-Uni. Les sommes que les Russes peuvent détenir sur leurs comptes bancaires britanniques seront limitées. 100 nouvelles entités économiques dont Rostec (défense, aérospatial, technologies…) sont interdites d’activité sur le sol britannique. Cinq hommes et femmes d’affaires, Kirill Chamalov (pétrochimie), , Iouri Sliousar (aéronautique), Piotr Fradkov (banque), Denis Bortnikov (banque) et Elena Guéorguieva (banque) sont ajoutés à la liste des personnalités ne pouvant plus se rendre au Royaume-Uni et dont actifs sont gelés.
Les sanctions infligées par l’Australie, le Japon et la Suisse
L’Australie, le Japon ont pris des sanctions comparables à celles des États-Unis et de l’Union européenne.
La Suisse a décidé de ne pas s’aligner sur les Européens mais le Président de la Confédération suisse Ignazio Cassis a souligné que son pays évitera que les Russes puissent contourner les sanctions de l’Union européenne en recourant à sa bienveillante neutralité. Certaines opérations seront soumises à autorisation.
La majorité du pétrole russe est négocié à Genève, ainsi que les céréales et les métaux, et la société gérant le gazoduc Nord Stream 2 (dont l’Allemagne vient de suspendre les travaux) a aussi son siège en Suisse.
La tragédie sans fin de l’Ukraine
L’Ukraine, berceau historique de la Russie et aux marges de ce pays, a toujours été tiraillée par ses multiples origines. Moscou considère que ce pays fait partie intégrante de sa sphère d’influence, qu’il est un des maillons lui permettant d’éviter l’encerclement, qui la hantise des Russes depuis des siècles. Il offre aussi l’accès à la mer Noire. Pour la Roumanie ou la Pologne, l’Ukraine est un État tampon mettant de la distance par rapport à la Russie. Depuis l’extension à l’Est de l’Union européenne, l’Ukraine a renforcé ces liens économiques avec cette dernière au point qu’elle aurait tout avantage à intégrer le marché unique pour pouvoir échanger sans droits de douane avec les États membres. Pour la Russie, l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne constitue un précédent inacceptable car ce pays était membre de feu l’URSS jusqu’en 1989, et a participé à la création de la Communauté des États Indépendants à la chute de celle-ci. Les Russes agitent comme un chiffon rouge l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, un scénario qui n’a pas été réellement imaginé même si le gouvernement de Kiev en a fait la demande. Les Russes estiment que cette alliance est avant tout dirigée contre leur pays. Avec l’affaire ukrainienne, Vladimir Poutine tente de revenir sur le démantèlement de l’URSS en 1991 vécu par une partie des Russes comme un affront. De l’affaire géorgienne au Donbass en passant par la Crimée et la Biélorussie, le Président russe souhaite créer aux marges de la Russie un chapelet d’États satellites. La reconnaissance des républiques du Donbass intervient en sortie de crise sanitaire et après le départ des Américains d’Afghanistan et du recul des Occidentaux en Afrique. Les Pays Baltes, la Pologne et la Roumanie craignent que la Russie remette en cause les frontières actées en 1991. Ces pays, appartenant à l’Union européenne et membres de l’OTAN, demandent aux autres États membres une forte solidarité qu’ils obtiennent pour le moment. La dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie qui est forte pour les anciens pays d’Europe de l’Est et pour l’Allemagne pourrait néanmoins peser sur la cohésion de l’Union. Les États-Unis pourraient en profiter pour renforcer leurs positions au sein de l’Union en contribuant directement ou indirectement à la livraison de pétrole et de gaz en cas d’enveniment de la crise. Si cela était le cas, une augmentation du prix du pétrole au-delà de 140 dollars du baril pourrait intervenir provoquant une baisse sensible de la croissance, autour d’un point en 2022, avec à la clef une accélération de l’inflation pouvant amener un durcissement plus rapide que prévu de la politique monétaire.
La révolution des cours en ligne fait des vagues
En Inde, un professeur de mathématiques a eu l’idée dès 2011 de développer des cours en ligne. En 2019, des dizaines de millions d’enfants indiens s’étaient inscrits pour obtenir une application proposant des cours en ligne destinés à compléter la scolarité régulière. L’entreprise de Byju devenue rentable est même devenue le sponsor de l’équipe nationale de cricket de l’Inde. Avec la crise sanitaire, les écoles indiennes ont passé plus de temps fermées qu’ouvertes. Le nombre d’enfants dont les parents paient pour qu’ils utilisent pleinement son application a plus que doublé. À la fin de l’année 2021, des investisseurs ont évalué son entreprise à plus de 20 milliards de dollars, soit une multiplication par trois depuis l’époque pré-covid. En janvier, Bloomberg a annoncé que Byju avait l’intention d’entrer en bourse à New York. Certains estiment que sa valorisation pourrait dépasser 48 milliards de dollars.
Les cours en ligne sont un secteur d’activité en plein essor attirant un nombre croissant de capital-risqueurs. À l’échelle mondiale, ces derniers y ont investi plus de 20 milliards de dollars en 2021, soit trois fois plus qu’en 2019 et 40 fois plus qu’il y a dix ans. Dix-sept startups « ed-tech » sont devenues des «licornes» (entreprises privées évaluées à plus d’un milliard de dollars), soit trois fois plus que celles qui avaient franchi cette étape au cours des années précédentes. Coursera, une place de marché pour les cours en ligne a une capitalisation boursière de près de 3 milliards de dollars, et Duolingo, une application pour les apprenants en langues est évaluée à plus de 4 milliards de dollars. Les revenus mondiaux des start-up de de l’éducation pourraient presque doubler, passant de 227 milliards de dollars en 2022 à près de de 400 milliards de dollars en 2025, soit un cinquième de plus que ses prévisions prépandémiques.
Les écoles et les universités dépensent chaque année 6 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale pour l’éducation. En 2019, seulement 3 % étaient consacrés aux logiciels ou à l’enseignement en ligne. Le secteur de l’enseignement est traditionnellement conservateur et doit faire face à des coûts de main-d’œuvre importants limitant les capacités d’investissement. La fermeture des écoles durant les confinements a obligé les éducateurs à innover et à recourir à de nouvelles techniques. Dans plusieurs pays, les pouvoirs publics ont favorisé la diffusion des ordinateurs et des tablettes. Le législateur américains a affecté environ 200 milliards de dollars supplémentaires aux écoles depuis le début de la pandémie afin de procéder à une digitalisation rapide de l’enseignement. Cette somme équivaut à environ un quart de ce qui est dépensé pour ces institutions au cours d’une année typique.
En Asie, le recours aux cours en ligne était fréquent avant même la pandémie. Les parents prenaient des abonnements afin d’améliorer le niveau scolaire de leurs enfants. En revanche, le marché en Europe et aux États-Unis était limité. Avec la crise sanitaire, un changement d’état d’esprit est intervenu. Les parents ont pu apprécier l’utilité des applications en ligne. Les entreprises qui proposent des cours après l’école, telles que Outschool, une licorne américaine, et GoStudent, une société autrichienne, connaissent une croissance rapide.
Les adultes recourent également de plus en plus aux cours en ligne dans le cadre de la formation professionnelle. Durant les confinements, les entreprises ont été nombreuses à demander à leurs salariés de se former en ligne. Les demandeurs d’emploi suivent de plus en plus de formation à distance dans le cadre de projets de reconversion. Le secteur de la formation professionnelle en ligne connaît un essor rapide. Des professeurs de langue proposent des séances via Team ou Zoom à leurs clients. Walmart ou Disney a mis en place des cours pour leurs salariés à faible qualification. Au-delà de la formation, le coaching de salariés en ligne se développe également.
Le secteur de la formation initiale et professionnelle en ligne est dominé par des entreprises privées qui entrent en concurrence avec le secteur public traditionnel. Des oppositions à la marchandisation de l’enseignement apparaissent. En Chine, le Parti communiste a déclaré en juillet dernier que les entreprises n’avaient pas le droit de tirer profit de la fourniture de cours particuliers après l’école aux enfants des écoles primaires et secondaires. Le régime craint depuis des années que les applications privées génèrent des inégalités et que l’enseignement délivré ne soit pas conforme aux directives du Parti. En quelques jours, le cours des actions des entreprises concernées s’est effondré. En Inde, le ministre de l’Éducation a déclaré que le gouvernement envisageait une nouvelle réglementation afin d’encadrer les cours en ligne. Depuis, au moins 15 entreprises indiennes « ed-tech », dont Byju’s, ont créé un groupe afin d’élaborer un nouveau code de conduite. Aux États-Unis, des débats se font jour sur les cours privés en ligne et sur leurs conséquences sur les inscriptions dans les universités. Certains les accusent de renforcer les inégalités quand d’autres soulignent qu’ils dissuadent des jeunes de s’inscrire à l’université, ces derniers préférant avoir leur diplôme en ligne.
Le secteur du textile à la croisée des chemins
Les Américains ont repris le chemin de la consommation. Le 15 février dernier, le département du Commerce a annoncé qu’ils avaient dépensé 3,8 % de plus en janvier qu’en décembre, sans se laisser impressionner par la flambée de l’inflation et l’incertitude liée au covid. Cette augmentation est la plus importante de ces douze derniers mois. En janvier, les consommateurs ont notamment acheté plus de vêtements que d’habitude. En Grande-Bretagne, l’habillement a été le seul segment à voir ses ventes en ligne augmenter continument depuis plusieurs années. Le secteur de la mode semble se jouer de l’épidémie, de l’inflation et des tensions internationales. Les Fashion Week ont repris leurs rondes infernales, de New York à Paris en passant par Londres et Milan. Les résultats de LVMH ont atteint 12 milliards d’euros en 2021 avec un chiffre d’affaires en hausse de 36 %. Le groupe ouvre de nouvelles boutiques et de nouveaux ateliers de production comme à Vendôme. Ralph Lauren, une marque américaine qui pourrait intégrer LVMH, a inauguré 40 nouveaux magasins au cours du seul troisième trimestre de l’année dernière, dont un magasin phare à Milan, ainsi que des magasins à Atlanta, Chicago, Detroit et Miami. Son directeur général, Patrice Louvet, pense que les consommateurs auront envie de nouveautés dans les prochaines années. Sur le marché de gamme moyenne, les ventes de H&M sont revenues à leurs niveaux d’avant la pandémie, la rentabilité étant au plus haut. Helena Helmersson, la directrice générale de cette entreprise suédoise, a annoncé que ses ventes devraient doubler d’ici 2030 et atteindre une marge opérationnelle supérieure à 10 % d’ici trois ans, contre moins de 2 % en 2020 et 7,7 % en 2021.
Pour autant, plusieurs autres entreprises du textile rencontrent d’importantes difficultés. Les entreprises de gamme moyenne doivent faire face à l’essor du e-commerce qui a profondément modifié les comportements des consommateurs.
La pandémie a accentué les déclin de certaines marques. Le rebond économique depuis le milieu de l’année 2021 s’accompagne de goulets d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement, des coûts d’expédition en forte croissance et de pénuries de travailleurs. Le marché chinois tend à se refermer pour de nombreuses marques occidentales dont H&M après que la société ait exprimé ses inquiétudes concernant des allégations de travail forcé dans la région du Xinjiang.
Le marché de l’habillement a bénéficié, surtout outre-Atlantique, d’un effet de rattrapage après les confinements. Cet effet s’estompe depuis la fin de l’année 2021. Par ailleurs, le développement du télétravail modifie les habitudes d’achat de la part des ménages. La vente de costumes qui était déjà en forte baisse s’effondre. Le sportswear conquiert les cadres dirigeants. De plus en plus de PDG s’affichent désormais en tenue décontractée. Pour les chaussures, les sneakers s’imposent. Les ménages comparent de plus en plus les prix et n’hésitent plus à acheter d’occasion des vêtements. Le succès du site Vinted en est la preuve. Seul le marché de luxe arrive à maintenir ses marges voire à les augmenter. Chanel a réussi à augmenter le prix de ses sacs de 60 % en trois ans, le Classic Flap passant de 5 000 à 8 000 dollars.
La numérisation est devenue un impératif pour les marques. La capacité à connaître en temps réel les besoins et les attentes des clients et à produire rapidement plusieurs lignes dans l’année est une obligation. Des entreprises comme Shein, Asos ou Zalando ont développé des solutions informatiques pointus couvrant l’ensemble des étapes de la conception jusqu’à la distribution. Zara qui a été en pointe dans les années 2000 semble être distancée. La création d’évènements en lien avec les réseaux sociaux, TikTok en particulier, sont indispensables pour capter les consommateurs les plus jeunes. Le rôle des influenceurs est de plus en plus important dans le monde de la mode. Les boutiques éphémères jouent un rôle croissant dans la vente avec la mise en scène d’évènements. Les séries en streaming deviennent également des vecteurs importants de vente.
Constitué d’un côté par le luxe qui résiste et, de l’autre, du mass-market qui doit s’adapter à une évolution de la demande et des comportements de l’autre, le secteur du textile connaît à l’échelle mondiale une rapide mutation accélérée par l’épidémie,
au-delà de l’augmentation des coûts de production en lien avec la hausse du prix des matières premières.