Le Coin de la conjoncture – inflation – FMI – croissance – climat – économie de guerre
L’objectif d’une inflation à 2 % est-il encore atteignable pour la zone euro ?
Les États-Unis et le Royaume-Uni, avec l’arrivée comme Premier Ministre de Rishi Sunak, se sont engagés dans une politique de lutte réelle contre l’inflation qui s’accompagne d’une politique budgétaire restrictive. La réduction du déficit public est plus rapide aux États-Unis et au Royaume-Uni qu’en zone euro. Le déficit devrait être stable à 5 points de PIB en 2022 et 2023 en zone euro, contre 4 % du PIB aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pays dans lesquels il a dépassé 10 % du PIB durant la crise sanitaire. Les taux d’intérêts sont outre-Manche et outre-Atlantique deux fois plus élevés que sur le « vieux continent ». Différence notable, les États de la zone euro, plus exposés à la crise énergétique, ont mis en œuvre dès le printemps 2022, des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises afin de réduire les effets de la hausse des prix. Compte tenu des spécificités européennes, fort endettement de certains Etats, la BCE mène une politique monétaire pour le moment prudente. La hausse des taux directeurs reste modérée au vu de la hausse des prix qui dépasse 10 %. Sur ce sujet, les investisseurs ne croient pas à un changement de cap de la banque centrale. Ils parient sur un plafond autour de 3 % en 2023 pour les taux directeurs, bien en-deçà de ceux qui pourraient advenir aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
Dans ce contexte, la correction de l’inflation pourrait être faible du fait d’une politique budgétaire expansionniste et du maintien d’une forte pression sur les prix des importations. Depuis 2021, les prix des produits importés ont augmenté de 30 % pour la zone euro. Le pari des pouvoirs publics, en Europe, est qu’un retournement se produise au cours de l’année 2023 permettant un infléchissement de l’inflation. Ils espèrent ainsi éviter une récession longue et violente. A la différence des États-Unis, la zone euro a connu une sortie difficile de la crise financière de 2007/2009, les stigmates n’ayant disparu qu’en 2016/2017. Le fort endettement public en Europe, qui varie d’un État à un autre, explique également la prudence de la BCE. Cette dernière est contrainte de modérer ses ardeurs dans la lutte contre l’inflation afin d’éviter une fragmentation de la zone euro et l’apparition d’une crise des dettes souveraines.
La persistance de la hausse des prix dans les prochains mois pourrait mettre à mal cette stratégie. Si l’inflation ne recule pas, des mécanismes d’indexation des salaires pourraient se généraliser. Jusqu’à maintenant, la progression du salaire nominal est de trois à quatre points inférieure à celle des prix. Les revendications salariales commencent à se multiplier. En Allemagne, le syndicat IG Metall a obtenu une revalorisation de 8,5 % des salaires de l’électrométallurgie. La hausse des salaires provoquera celle de l’inflation sous-jacente. Elle atteint déjà plus de 6 % en zone euro. Les intervenants intégreront certainement dans les prochains mois que le retour de l’inflation dans la zone cible sera lent. Les swaps d’inflation à deux ans sur les marchés financiers qui traduisent les anticipations d’inflation s’élèvent à 4 %.
Les dirigeants de la BCE semblent stoïques face à la montée de l’inflation. Les tensions entre États d’Europe du Nord et Europe du Sud apparaissent limitées. Les autorités allemandes qui, en règle générale, sont promptes à mettre en œuvre des politiques anti-inflationnistes, ont opté pour une politique proche de celle de la France en augmentant le montant des soutiens aux entreprises et aux ménages. Malgré tout, si l’inflation ne redescend pas dans les prochains mois, la BCE pourrait changer de braquet et être plus agressive. Elle serait alors contrainte de recourir à des outils anti-fragmentation prenant la forme de rachats sélectifs d’obligations d’État.
La panne de la croissance, un bienfait pour le climat ?
En 2020, avec la récession mondiale provoquée par la crise sanitaire, les émissions de CO2 avaient reculé de 5,4 %. Le rebond économique a conduit ces émissions à dépasser, en 2022, leur niveau de 2019 et à établir ainsi un nouveau record. Selon le Global carbon project, l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C est devenu impossible à respecter. En l’état actuel des investissements, la neutralité carbone pour les pays occidentaux ne sera pas atteinte pour 2050. S’inspirant de la crise covid, certains préconisent un fort ralentissement de la croissance. D’autres considèrent que la panne des gains de productivité et le vieillissement de la population sont des aubaines pour la lutte contre le réchauffement climatique.
La croissance potentielle du Monde ralentit beaucoup plus vite que prévu en raison de l’affaiblissement des gains de productivité et de la moindre progression de la population active. La productivité mondiale par tête lissée sur trois ans n’augmente plus que de 1 % par an sur la période 2019/2021, contre 4 % entre 1995 et 1998. La croissance de la population active mondiale qui atteignait près de 2 % par an en 1995 ne croît plus que de 0,7 % en 2022. Compte tenu des données, la croissance potentielle de l’économie mondiale recule. Elle est passée de 4,6 % par an dans la décennie 2000 à 3,0 % par an dans la décennie 2010 puis à 2,2 % par an dans la décennie 2020.
Depuis le début des années 2000, les émissions de CO2 ont augmenté en moyenne deux fois moins vite que le PIB mondial du Monde. L’obtention d’un point de croissance réclame moins d’énergie en 2022 qu’en 1990 en raison de la plus grande efficience des processus de production et de la tertiarisation de l’économie. Les services sont moins consommateurs d’énergie et de matières premières que l’industrie et génèrent par conséquent moins d’émissions de gaz à effet de serre. Le ralentissement de la croissance devrait donc accentuer celui des émissions de CO2. Avec une croissance potentielle mondiale de 2,2 % durant la décennie 2020-2030, les émissions de CO2 du Monde n’augmenteront que de 1 % par an en moyenne. Sachant que la croissance potentielle ralentira essentiellement dans les pays occidentaux qui sont les principaux pays gros émetteurs de CO2 et que ces derniers réalisent importants efforts de réduction de leurs émissions, celles-ci pourraient donc décroitre dans les prochaines années. La croissance potentielle ne devrait pas dépasser 0,7 % dans les prochaines années au sein de l’OCDE. En Chine, la décélération de la croissance est rapide. Celle-ci devrait passer de 7,1 % par an entre 2000 et 2019 à 2,0 % par an dans la décennie 2020. Ce ralentissement devrait avoir des effets réels sur les émissions de CO2. La Chine est en effet le premier émetteurde CO2, 30 % du total mondial, soit un montant équivalent à celui de l’ensemble des États de l’OCDE, 31 %. La Chine est confrontée à un vieillissement accéléré de sa population qui s’accompagne d’un nette réduction de ses gains de productivité.
À défaut de connaître une réelle décroissance, l’économie mondiale devrait croître à un rythme plus lent dans les prochaines années du fait d’une moindre progression des gains de productivité et de la population active. Cette diminution de la croissance potentielle pourrait contribuer à la réalisation de l’objectif de réduction de 55 % des émissions de CO2 par rapport à leur niveau de 1990 d’ici 2030. Cela nécessite néanmoins une réduction de moitié de la progression enregistrée entre 1990 et 2022. Par ailleurs, un ralentissement de la croissance induit des capacités d’investissement moindres et une aggravation des tensions sociales. Les États pourraient être incités à multiplier les mécanismes de soutien au pouvoir d’achat qui, au mieux, n’ont pas d’effets et, au pire, aggraveront les émissions de CO2. Face à la résurgence de l’inflation, les gouvernements occidentaux ont pris des mesures de soutien du pouvoir d’achat qui prennent la forme de subvention en faveur des énergies carbonées. Face au risque de pénurie de gaz, les États ont été contraints de mettre en service des centrales au charbon.
L’économie de guerre en Europe est-elle évitable ?
La guerre en Ukraine, la transition énergétique, le vieillissement de la population contraignent les États européens à accroître les dépenses publiques et, par voie de conséquence, leur endettement. Cet accroissement est peu compatible avec le maintien de politiques budgétaire et monétaire orthodoxes. Face aux défis à relever, l’Europe n’est-elle pas en train d’entrer dans une économie de guerre se traduisant par une inflation plus élevée, une augmentation des prélèvements obligatoires, une taxation des épargnants (répression financière) et un retour du protectionnisme ? Les gouvernements européens et la Banque Centrale Européenne semblent hésiter sur la voie à prendre.
La guerre en Ukraine en augmentant les factures énergétiques a conduit les États à multiplier les mesures de soutien en faveur des entreprises et des ménages. Ce soutien atteint en France plus de 40 milliards d’euros et près de 200 milliards d’euros en Allemagne. La transition énergétique suppose des investissements d’une ampleur importante, plus de 4 points de PIB en cumulant les investissements dans la production et le stockage d’énergies renouvelables, la décarbonation de l’industrie et du transport, la rénovation thermique des bâtiments et logements. À cela s’ajoute une augmentation des dépenses publiques en lien avec le vieillissement (retraite, santé, dépendance, etc.). Cette concomitance de dépenses pourrait obliger les États européens à sortir du cadre des politiques économiques classiques.
La résurgence de l’inflation conduit logiquement les banques centrales à resserrer durement leur politique monétaire. Or, une augmentation de taux directeurs pourrait mettre en danger la solvabilité des États et freiner la transition énergétique. Le retour de taux d’intérêt plus élevés s’accompagne d’un retour d’une contrainte budgétaire, impliquant la nécessité de faire disparaître les déficits budgétaires primaires (hors intérêts sur la dette). Cela supposerait également une réduction des dépenses d’intervention (soutien aux ménages et aux entreprises).
Les gouvernements, y compris celui de l’Allemagne, semblent au contraire enclin à soutenir financièrement leur population, à accroître leur effort de défense, à augmenter les dépenses en matière de santé et à réaliser des investissements en faveur de la transition énergétique. Le gouvernement français a ainsi décidé de lancer un programme de construction de centrales nucléaires, de moderniser sa défense tout en maintenant un volant de sécurité pour la population face à l’augmentation des prix.
Pour financer le surcroît de dépenses publiques, le maintien de taux d’intérêt réels faibles est une condition sine qua non. Faute de quoi la sanction des marchés sera inévitable. Ce maintien est d’autant plus nécessaire que la croissance potentielle tend à baisser en l’absence de gains de productivité et en raison de la stagnation de la population active. La conséquence serait une faible rémunération de l’épargne. Celle-ci aurait, surtout quand elle investit en produits de taux, à souffrir d’une inflation qui restera plus élevée que durant les années 2000/2020. Les agents économiques pourraient-ils dans ces conditions réduire leur effort d’épargne ? L’exemple japonais semble prouver l’inverse. Ce pays confronté à une forte progression de l’endettement public sur fond de vieillissement accéléré de sa population enregistre un fort taux d’épargne qui sert à financer un imposant déficit public. Ce dernier est par ailleurs rendu supportable par la pérennisation depuis vingt ans de taux d’intérêt bas.
En économie de guerre, les gouvernements ont également tendance à recourir à l’arme fiscale. L’augmentation des prélèvements pourrait s’imposer pour financer notamment la transition énergétique et pour faire face aux dépenses de santé ou de dépendance. Dans un certain nombre de pays, les marges de manœuvre sont faibles. C’est le cas en particulier de la France où le taux de prélèvements obligatoires est de 45 % du PIB. L’augmentation pourrait concerner en premier les épargnants et les détenteurs de patrimoine immobilier (à travers la hausse des taxes foncières par exemple).
L’autre tentation de l’économie de guerre, tentation pernicieuse, est l’usage du protectionnisme. Des voix se font entendre pour relocaliser certaines productions et pour interdire ou taxer des importations en provenance de pays ne respectant pas certaines normes environnementales. Par ailleurs, la guerre en Ukraine a conduit à imposer un blocus vis-à-vis de la Russie. Une telle exclusion du commerce internationale d’un État membre du G20 et acteur majeur sur les marchés de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles n’avait pas été organisée depuis la Seconde Guerre mondiale. Les embargos concernant Cuba, la Corée du Nord, l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid ou l’Iran étaient ou sont d’une moindre ampleur. Les mesures protectionnistes sont inflationnistes et pèsent sur la croissance. Elles amènent les États à intervenir dans le fonctionnement de l’économie (nationalisations de certaines entreprises, soutien dans le développement de productions nationales, taxation des importations, etc.).
L’économie de guerre est une source d’inflation et n’est guère souhaitable sur longue durée. Elle se traduit rarement par une allocation optimale des ressources. L’effacement des dettes des périodes de guerre s’effectue bien souvent par l’inflation. Ce fut le cas pour la France après la Seconde Guerre mondiale. La banqueroute est une voie également utilisée mais bien plus dangereuse encore. Elle aboutit à annuler tout ou partie des titres obligataires détenus directement ou indirectement par les épargnants. La dernière grande banqueroute française date de 1797 (banqueroute des deux tiers). Elle avait été provoquée par la multiplication des assignats, logiquement gagés sur la vente des biens du clergé et des aristocrates qui avaient émigré. Compte tenu des investissements à réaliser et des dépenses sociales à financer à l’échelle mondiale, des tensions financières sont susceptibles de se produire de manière rapide comme l’a prouvé le précédent britannique en octobre dernier. Une coordination européenne et internationale semble indispensable pour éviter que la pratique de l’économie de guerre se transforme en anarchie financière généralisée.
État de la France, le FMI s’inquiète
Comme chaque année, le Fonds monétaire international (FMI), avec l’appui des autorités françaises a publié un rapport sur la situation de la France comportant des recommandations pour notre économie. Le FMI souligne que la France a connu un rebond économique important après la crise sanitaire, rebond plus rapide que dans la plupart des autres pays européens. Même si la France est moins directement exposée à la crise énergétique que ses partenaires européens, elle subit un choc de pouvoir d’achat et une crise de défiance, celle-ci étant persistante depuis des années. Les services du FMI prévoient une croissance du PIB d’environ 2,5 % pour 2022 et avoisinant 0,75 % pour 2023 sachant que le Gouvernement a retenu un taux de 1 % pour établir ses projets de loi de finances. Le taux de croissance potentiel serait désormais de 1,3 % en France. Les séquelles de la pandémie et du choc énergétique provoquant une perte nette d’environ 2 points de pourcentage par rapport à la tendance prépandémie.
Une lente décrue de l’inflation
Pour le FMI, après avoir atteint 7,1 % en octobre, l’inflation devrait rester élevé dans les mois à venir. En raison essentiellement des contrôles des prix de l’énergie et des subventions, qui ont limité les hausses de prix à des niveaux inférieurs d’environ 2 à 3 points de pourcentage, la France resterait en-dessous de la moyenne européenne. Les hausses de salaires sont pour le moment inférieures à l’inflation totale. L’indexation automatique du salaire minimum et dans une moindre mesure des retraites et des prestations sociales pourrait générer des effets de second tour. L’inflation devrait atteindre un pic dans les mois à venir, mais restera proche de 5 % en 2023 en moyenne avec l’assouplissement des contrôles des prix. Elle resterait persistante en 2024 et ne diminuerait que lentement après pour se rapprocher de l’objectif des 2 %. Le FMI indique que les incertitudes sur ses prévisions sont élevées. (prolongation de la guerre en Ukraine, escalade des sanctions, réparation des centrales nucléaires, etc.). Les prix du gaz et de l’électricité pourraient continuer à augmenter et provoquer un nouveau rebond de l’inflation. Plus la vague inflationniste perdurera, plus le risque d’une boucle prix-salaires augmentera. La banque centrale pourrait être amenée à durcir plus fortement sa politique monétaire conduisant à un ralentissement plus marqué de la croissance.
Le FMI demande une décrue des aides budgétaires
Les mesures mises en œuvre en 2021-22 pour contrecarrer les effets de la crise énergétique ont représenté au total plus de 2 % du PIB. Ces mesures comprennent le les gels des prix du gaz et de l’électricité (bouclier tarifaire), les transferts monétaires aux ménages (chèque énergie, indemnité inflation), la remise sur le prix des carburants (remise carburant), et le soutien aux entreprises. Les deux tiers d’entre elles n’ont pas été ciblées en fonction des revenus. Pour 2023, la suppression de la remise sur le prix du carburant et le relèvement des plafonds au titre du bouclier tarifaire constituent des mesures salutaires pour le FMI qui néanmoins mentionne que les ajustements des prix du gaz et de l’électricité restent modestes par rapport aux tarifs de l’énergie qui ont plus que doublé hors contrôle des prix. La France pratique des prix administrés, système dont il sera difficile de sortir, tant la pression de l’opinion sera forte pour les maintenir. Les services du FMI préconisent de recentrer l’aide en matière énergétique en accélérant l’élimination progressive des contrôles des prix tout en augmentant l’aide ciblée aux personnes les plus impactées. Le FMI demande au gouvernement de privilégier le chèque énergie prévu d’ici à la fin de cette année pour les ménages à revenus modestes. Il propose un mécanisme de tarification différenciée, avec un bouclier tarifaire ne couvrant que les besoins énergétiques de base.
Le FMI s’alarme du fait que la France est certainement le pays européen qui a réalisé l’effort public le plus important pour faire face aux deux crises successives. Il s’inquiète du fait que la France n’a pas encore réussi à stabiliser son endettement et que l’écart avec ses partenaires s’accroît dangereusement en matière de gestion des finances publiques. La succession des élections en 2022 n’a pas facilité l’atterrissage budgétaire. Dans son rapport, le FMI s’inquiète que le projet de loi de finances pour 2023 ne prévoie pas de réduction du déficit, reportant l’ajustement budgétaire à 2024. En plus du ciblage des mesures de soutien au pouvoir d’achat, l’organisation internationale demande la réduction des subventions aux producteurs d’énergie renouvelables et le report des réductions d’impôts sur la production. La priorité devrait être donnée aux économies de dépenses et non à l’augmentation des prélèvements. Pour inverser l’écart d’endettement avec les partenaires et assurer la viabilité budgétaire à long terme, les services du FMI préconisent un ajustement soutenu pour ramener le déficit à 0,4 % du PIB d’ici à la fin de la décennie, conformément à l’objectif à moyen terme (OMT) de la France avant la crise. La trajectoire d’ajustement sous-entend un effort cumulé d’environ 5 points de pourcentage du PIB sur 7 à 8 ans, moyennant un effort annuel moyen de 0,7 % du PIB. Selon le FMI, la France ne pourra pas échapper à des réformes structurelles importantes. Une réforme globale des retraites est jugée indispensable. Elle devrait accroître le taux d’activité des travailleurs les plus âgés en relevant progressivement l’âge effectif de départ à la retraite tout en prenant en compte les situations particulières (carrières morcelées, pénibilité, etc.). Le FMI souligne la nécessité d’achever la réforme de l’assurance-chômage. L’introduction d’un caractère contracyclique dans les allocations de chômage est considérée comme une mesure pouvant contribuer le taux d’emploi en faisant varier les conditions d’admissibilité et/ou de durée des prestations en fonction de la situation du marché du travail. Le FMI demande la rationalisation des dépenses fiscales, notamment celles en faveur des combustibles fossiles et du logement dont l’efficacité est plus limitée ou qui entrent en contradiction avec la transition énergétique. Le crédit d’impôt recherche qui constitue une des plus importantes dépenses fiscales en France devrait être repensé. Il est accusé d’être peu performant et de générer des effets d’aubaine.
Le FMI attend une rationalisation des effectifs de la fonction publique avec la réduction des doublons entre les différents niveaux des administrations publiques. Il souhaite la simplification des régimes des minima sociaux.
Un secteur financier à surveiller
Le FMI s’inquiète de la solidité du secteur financier. Si les banques françaises ont affiché une hausse des bénéfices au début de l’année 2022, elles sont confrontées à des perspectives plus délicates en raison de la détérioration de la croissance et de l’accentuation des risques de crédit dans les secteurs touchés par l’inflation et la crise énergétique. Ces effets pourraient être en partie compensés par une hausse des marges d’intérêt nettes générée par le relèvement des taux d’intérêt. Le FMI appelle l’autorité de régulation, l’APCR, à suivre de près l’évolution de chaque établissement. Les services du FMI soutiennent l’intention des autorités européennes d’accroître progressivement le coussin de fonds propres contracyclique. En France, l’écart du ratio de crédit sur le PIB reste supérieur à son niveau d’avant la crise ce qui constitue un risque pour la stabilité financière de la place. Les économistes du FMI souhaitent un assagissement de la demande de prêts en France et soutiennent la décision du Haut Conseil de la Sécurité Financière de relever le taux du coussin de fonds propres contracyclique (actuellement de 0,5 %) de 0,5 % vers la fin de l’année. Compte tenu de la concentration des facteurs de vulnérabilité de la dette dans le secteur des entreprises, les autorités pourraient également envisager de mettre en place un coussin pour le risque systémique sectoriel pour les expositions aux entreprises.
Le problème récurrent de la formation
Le FMI note que la France est confrontée à un problème persistant en matière de formation initiale et continue. Les faibles résultats scolaires sont pointés du doigt d’autant plus que les dépenses sont relativement élevées, laissant entrevoir des possibilités de réaliser des gains d’efficience. Des économies pourraient être réalisées sur le deuxième cycle du secondaire au profit de l’enseignement primaire. Une rationalisation des dépenses relatives au personnel non enseignant pourrait être menée. Le FMI préconise que les professeurs soient en partie rémunérés en fonction des résultats. Les disparités liées au statut socio-économique pourraient être réduites en incitant les enseignants à travailler dans des zones défavorisées, notamment à travers la rémunération. Le FMI recommande également d’accroître les responsabilités et l’autonomie des administrations scolaires afin de favoriser les innovations pédagogiques.
Une accélération du programme de transition énergétique
Le FMI souligne que des progrès conséquents pourraient être obtenus en matière d’économies d’énergie. La France pourrait aussi augmenter le poids des énergies renouvelables afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le FMI se prononce en faveur de l’augmentation de la tarification carbone qui devra s’accompagner de mesures de soutien aux ménages modestes.
Le FMI a dressé un état des lieux sombre de l’économie française et appelle de ses vœux à des réformes structurelles. L’organisation internationale est dans son rôle d’aiguillon des pouvoirs publics qui ont été, par ailleurs, associés à la rédaction du rapport annuel. Il n’en demeure pas moins que la trajectoire des finances publics ainsi que l’inefficience des dépenses d’éducation constituent des faiblesses inquiétantes qui pourraient handicaper le pays dans les prochaines années.