Le coin des tendances – chocolat – apple – retraite
Qui veut croquer la pomme ?
Apple, connaît un début d’année 2024 difficile. Elle a été contrainte de supprimer des fonctionnalités sur deux modèles de montres intelligentes à la suite d’un litige en matière de brevets. La société américaine est poursuivie par le ministère américain de la Justice pour non-respect de la loi anti-trust. Elle perd des parts de marché en Chine qui représente son deuxième marché pour les smartphones. Plusieurs analystes de Wall Street ne manquent pas de souligner que le cours de l’action Apple est nettement surévalué rappelant que cette dernière est avant tout un fabriquant de téléphones. Le 11 janvier, face à l’accumulation de mauvaises nouvelles, Apple a cédé temporairement sa place de première capitalisation mondiale à Microsoft. Elle a un réel besoin de se réinventer pour maintenir son avance sur ses concurrents. Le 2 février, la firme de Tim Cook a lancé la commercialisation de Vision Pro, un casque de réalité augmentée sur lequel elle travaille depuis des années. Ce gadget haut de gamme, vendu 3 499 dollars, représente un pari important permettant de développer une nouvelle « plate-forme » technologique visant à remplacer, à l’avenir, le smartphone comme noyau de l’expérience numérique des consommateurs. Le pari est risqué comme en témoigne l’échec des lunettes connectées lancées il y a quelques années par Google. Pour le moment, les réactions face au casques d’Apple sont mitigées. Netflix, Spotify et YouTube ont annoncé qu’ils n’adapteraient pas leurs applications de streaming populaires sur le casque jugeant les coûts de développement onéreux au vu du potentiel de diffusion de ce produit.
Apple, une société de plus en plus services
Apple a toujours connu des hauts et des bas depuis sa création même si, depuis 2010, sa capitalisation boursière figure parmi les dix premières mondiales. Longtemps considérée comme un fabricant de matériel informatique, son cours était faiblement attractif car son ratio cours/bénéfice était inférieur à 20. Ce niveau est comparable à celui d’entreprises d’ordinateurs comme HP ou Lenovo qui enregistrent de faibles croissances et des marges réduites. Ce ratio était, dans les années 2010, inférieur à la moyenne des grandes entreprises américaines de l’indice S&P 500. À la fin des années 2010, la situation a évolué avec la montée en puissance des revenus de l’activité « services ». Apple tire 24 milliards de dollars de revenus de son service d’accès aux applications, App Store. Les recettes publicitaires s’élèvent également à 24 milliards de dollars. Apple Music et Apple TV génèrent par ailleurs des flux financiers de plus en plus importants. Tous les services ont représenté, en 2023, 85 milliards de dollars de chiffres d’affaires contre 24 milliards de dollars en 2016. Ils assurent désormais 10 % du chiffre d’affaires global et sont la deuxième sources de revenus, derrière les iPhone (200 milliards de dollars sur un total de 380 milliards de dollars). La marge bénéficiaire brute pour la branche services d’Apple est de 71 %, contre 37 % pour les appareils. Ces revenus offrent l’avantage d’être récurrents. Au fur et à mesure de la montée en puissance des services dans le chiffre d’affaires, la rentabilité globale d’Apple a également augmenté, passant de 38 % en 2018 à 44 % en 2023. Cette réorientation des activités avec, en parallèle, la montée en gamme des iPhone a permis une augmentation du cours de l’action. Le ratio cours/bénéfice d’Apple a été ainsi porté à 30, au-dessus de la moyenne du S&P 500 et supérieur à celui d’Alphabet (la société mère de Google). Il demeure néanmoins inférieur à celui de Microsoft (38) et d’Amazon (72), deux sociétés qui ont misé, il y a de nombreuses années, sur le service.
Un modèle de croissance menacé
Apple doit aujourd’hui faire face à des menaces d’importance variable. En octobre dernier, la Commission du commerce international, une agence fédérale américaine, a statué qu’Apple avait violé le droit des brevets en utilisant un capteur de mesure d’oxygène appartenant à Masimo, un fabricant d’appareils médicaux. Apple a arrêté de vendre les modèles contenant la technologie incriminée. Elle a repris les ventes quelques jours plus tard en ayant réussi à désactivé le capteur litigieux. Le problème juridique le plus important concerne son activité de services. En mars, l’entrée en vigueur de nouvelles règles européennes obligeront Apple à autoriser l’installation d’applications sur ses appareils sans passer par son App Store. Or, actuellement, elle prélève 30 % sur tous les achats effectués sur son application. Elle pourra difficilement maintenir un tel montant de frais. Apple a intenté une action en justice contre ces règles, preuve qu’elles remettent en cause son activité de services. Aux États-Unis, l’administration tente à prouver qu’Apple recourt à des pratiques anticoncurrentielles. À cette fin, elle cherche à savoir si la montre intelligente d’Apple fonctionne mieux avec l’iPhone qu’avec d’autres smartphones et pourquoi son service de messagerie n’est pas disponible sur les appareils concurrents. Globalement, 20 milliards de dollars de chiffres d’affaires sont en jeu.
La principale source de vulnérabilité pour Apple réside dans l’évolution de ses ventes de produits physiques. En 2023, Apple a vendu 220 millions d’iPhones, soit à peine plus que les 217 millions vendus en 2017. En 2024, ce chiffre pourrait être plus faible. Depuis plusieurs années, la marque à la pomme a compensé la stagnation de ces ventes par une augmentation des prix mais cette politique a atteint ses limites. La croissance annuelle des revenus est tombée à 2 % au cours des deux dernières années, contre une moyenne de 10 % entre 2012 et 2021. Plusieurs de ses concurrents tentent de lui prendre des parts de marché dans le haut de gamme en offrant l’accès à des applications d’intelligence artificielle « générative » de type Chatgpt. Samsung a lancé en début d’année une nouvelle gamme de téléphones intelligents. Ces nouveaux appareils incluent la traduction vocale en temps réel et l’édition photo et vidéo pouvant être exploitées automatiquement sur les réseaux sociaux ou sur les sites web. Les appareils sont en vente huit mois avant les prochains iPhone. Par ailleurs, Apple communique peu sur les nouvelles technologies en-dehors de ses grandes conférences de presse. Les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis handicapent de plus en plus Apple. La Chine représente, en effet, 17 % de son chiffre d’affaires. Le concurrent chinois, Huawei, a augmenté ses parts de marché de six points environ en 2023. En août dernier, Huawei, ne pouvant plus accéder aux technologies américaines pour des raisons de sécurité nationale a réussi à lancer son premier appareil 5G contenant des microprocesseurs de dernière génération fabriqués en Chine. Le gouvernement de l’Empire du Milieu incite, de plus en plus, ses habitants à acheter chinois. Apple reste dépendante, par ailleurs, de la Chine en matière de production, 90 % des iPhones y sont toujours fabriqués. Il en est de même pour la plupart des ordinateurs Mac et des iPad. Apple serait exposée de manière importante en cas de tensions géopolitiques liées à des tentatives d’invasion de Taiwan par le gouvernement de Pékin. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche représente également une menace pour Apple. Le candidat à la présidence entend augmenter les droits de douane pouvant donner lieu à des mesures de rétorsion. Le gouvernement chinois prendra-t-il néanmoins le risque d’aller jusqu’à l’interdiction des ventes d’Apple sur son territoire sachant que plus de 3 millions de salariés chinois travaillent pour cette dernière.
L’intelligence artificielle, porte de salut ?
Apple est confrontée à un problème de renouvellement de ses produits qui jusqu’à maintenant ont réussi à concilier technologie de pointe, esthétisme et simplicité d’usage. En recourant aux techniques du secteur du luxe, Apple a un positionnement unique dans le secteur de la haute technologie. Sa place n’en demeure pas moins fragile. Apple a refusé d’innover au niveau de ses ordinateurs en ne les dotant pas d’écran tactile. Sur ce créneau, elle est de plus en plus concurrencée par Microsoft. Apple ne reste pas inactive en matière de recherche technologique. Des avancées sont attendues en matière d’intelligence artificielle. En octobre dernier, des chercheurs de l’entreprise et de l’Université de Columbia ont publié un modèle d’IA open source appelé Ferret pouvant être intégré à terme sur des smartphones. Au mois de juin prochain, une mise à jour du système d’exploitation d’Apple, devrait inclure des améliorations de l’IA pour Siri, son assistant vocal. Une IA générative devrait être prochainement intégrée dans le moteur de recherche d’Apple afin de concurrencer celui de Microsoft. Sur le terrain commercial, Apple entend se développer dans les pays émergents et en développement en-dehors de la Chine.
Même si ses positions sont fragiles, Apple fait toujours rêver les consommateurs comme les investisseurs. Microsoft qui est la deuxième capitalisation mondiale a opté pour un développement axé essentiellement sur les services avec des revenus récurrents. Son succès avec ChatGPT a favorisé l’augmentation du cours de son action. Ses ordinateurs sont certainement plus performants que ceux d’Apple mais ils sont moins tendance.
Le chocolat, le café et la pâtisserie, otages du climat
Le déclanchement de la guerre en Ukraine a provoqué une augmentation forte et rapide du cours d’un grand nombre de denrées alimentaires dont les céréales. Pour les ménages, en France, l’augmentation des cours s’est traduite, en deux ans, par une hausse d’environ 20 % des produits alimentaires. Si depuis, la grande majorité des produits agricoles a retrouvé des cours plus traditionnels, certains résistent. Le prix du cacao a ainsi, au cours des douze derniers mois, augmenté de 82 % en 12 mois et est à son plus haut niveau depuis 46 ans. Le prix de gros de l’huile d’olive dépasse 9 000 euros la tonne et a atteint un niveau historique, le précédent record était de 6 200 dollars et datait de 2006. À New York, les contrats « oj », pour les futures livraisons de jus d’orange concentré congelé, se négocient à 3,07 dollars la livre, soit 50 % de plus qu’en janvier 2023. Sur le marché du café, les prix des grains Arabica, les plus fins, sont en hausse de 44 % depuis 2021. Le prix du sucre a plus que doublé entre 2019 et 2023.
Ces augmentations ne sont pas la conséquence de la guerre en Ukraine ou d’un changement de comportement des consommateurs. Elles sont avant tout provoquées par des phénomènes climatiques. El Niño a entraîné des sécheresses en Australie, en Inde et en Thaïlande, trois des quatre plus grands exportateurs de sucre à l’échelle mondiale. Le Brésil, un des principaux producteurs de café, a subi des pluies torrentielles quanf, en Espagne, une vague de chaleur a conduit à une réduction de moitié de la production mondiale d’olives. Les ouragans ont détruit environ 10 % des orangers en Floride, où sont cultivées neuf oranges américaines sur dix. Les fortes pluies de l’été dernier au Ghana et en Côte d’Ivoire ont permis à la maladie de la cabosse noire de se développer et limitant fortement le rendement des cacaotiers. La hausse des cours se répercutent sur les produits finis. Aux États-Unis, le prix du sucre et des friandises a augmenté de près de 9 % en 2023. De nouvelles hausses sont attendues en 2024. Le prix des pâtisseries est également en forte hausse. Celles-ci avaient déjà subi l’augmentation des prix de l’énergie en 2022 et 2023. Le prix des pâtisseries a augmenté de plus de 25 % en deux ans en France.
Le prix des produits agricoles sont en augmentation également en raison des réglementations adoptées par l’Union européenne ou les États-Unis. Le « Règlement sans déforestation » de l’Union Européenne impose de nouvelles contraintes aux pays exportateurs de cacao, de café ou d’huile de palme. Ils devront prouver que leurs exportations n’est pas la conséquence de déforestation. Ce règlement entrera en vigueur à la fin de l’année 2024. Il incite les importateurs à augmenter leurs stocks ce qui contribue à la hausse des cours. Il est surtout perçu comme une ingérence de l’Europe dans la gestion des surfaces agricoles de pays émergents ou en développement. Ce règlement contribue à dégrader les relations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur, sachant que les tensions actuelles en France ne favorisent par les discussions sur le projet de Traité commercial. Les États d’Amérique latine comme ceux d’Afrique reprochent la montée du protectionnisme en Europe comme les États-Unis sous couvert de protection de l’environnement. Avec ou sans El Niño, les consommateurs devront payer plus cher dans les prochaines années leur chocolat, leur café ainsi que leurs pâtisseries.
La fin de la retraite couperet a-t-elle sonné ?
Avec le vieillissement démographique, le nombre de départs à la retraite augmente. En France, il s’élève à environ 800 000. Souvent désirée, la retraite constitue néanmoins une véritable rupture pour de nombreuses personnes tant sur le plan social que financier. En France, selon une étude de la DREES, plus d’un nouveau retraité sur cinq, en 2022, indiquait qu’il regrettait son ancienne vie professionnelle.
Au Japon, en Corée du Sud, en Allemagne ou aux États-Unis, de plus en plus de personnes de plus de 65 ans continuent à travailler par nécessité ou par plaisir. À 80 ans, Mick Jagger entamera cet été une nouvelle tournée avec les Rolling Stones. Giorgio Armani refuse de renoncer à son rôle de directeur général de sa maison de couture à l’âge de 89 ans. Le fait d’être le deuxième homme le plus riche d’Italie n’a pas entamé son goût pour le travail. Charlie Munger, l’acolyte de Warren Buffett chez Berkshire Hathaway, a travaillé pour la centrale d’investissement jusqu’à sa mort à la fin de l’année dernière, à l’âge de 99 ans. Warren Buffett lui-même est toujours actif à 93 ans. Un sondage réalisé aux États-Unis, au mois de janvier, a révélé que près d’un Américain sur trois déclare qu’il ne prendra peut-être jamais sa retraite. La majorité d’entre eux ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’abandonner un emploi à temps plein pour des raisons financières. Les retraités sont courtisés dans ces pays en raison de la multiplication des pénuries de main-d’œuvre.
La vie s’est découpée longtemps en trois temps étanches : la formation, le travail et la retraite. Aujourd’hui, ces temps deviennent poreux. Avec l’évolution des techniques, la formation doit s’effectuer durant toute la vie. La vie professionnelle n’est plus linéaire. La mobilité s’accroît tant sur le terrain des emplois occupés que géographiquement. Dans les entreprises américaines de la haute technologie, les responsables prennent leur retraite à un âge précoce afin de profiter de leur fortune et pour laisser la place à des jeunes afin de permettre à leur entreprise de rester compétitive. À l’image de Bill Gates, les anciens dirigeants des entreprises américaines continuent de travailler mais différemment. Ils s’investissent dans l’action sociale à travers des fondations. Des chefs d’hôpital s’engagent de leur côté de plus en plus dans des organisations humanitaires comme Médecins sans frontières pour des missions occasionnelles, enseigner ou pour venir en aide à établissements locaux. Le manque d’enseignants devrait amener également des seniors à venir, même de manière épisodique, transmettre leur savoir dans les écoles.
Longtemps, retraite a rimé avec inactivité, avec l’idée que le temps du travail était révolu. Or, tant pour la santé physique que morale, le maintien d’un minimum d’activités apparaît indispensable. Être utile devient un leitmotiv pour de nombreux retraités qui n’ont pas envie d’être enterrés avant l’heure.