Le coin de l’économie – politique monétaire – télétravail – transition écologique
Les banques centrales au cœur du débat économique !
La chute des marchés « actions » lundi 5 août, a été, en partie, occasionnée par les décisions des banques centrales américaine et japonaise. Le maintien du statu quo par la FED de ses taux directeurs au moment où l’économie américaine semble ralentir. De son côté, la Banque centrale du Japon a relevé ses taux directeurs afin d’endiguer l’inflation avec comme risque une diminution de la croissance. Cet épisode souligne le rôle des politiques monétaires, rôle d’autant plus important que le niveau de l’endettement au sein des pays de l’OCDE n’a jamais été élevé en période de paix. Les banques centrales devront dans les prochains mois concilier des objectifs parfois contradictoires : l’inflation, l’emploi, la croissance, l’endettement public, la stabilité financière et le taux de change.
Les banques centrales et la lutte contre l’inflation
La lutte contre l’inflation constitue le premier des objectifs des banques centrales. Face à la hausse des prix générée par la crise Covid et la guerre en Ukraine, elles ont relevé leurs taux directeur mettant fin à une longue période de politique monétaire accommodante appelée également non-conventionnelle. Leur objectif est de ramener le taux d’inflation dans la zone cible des 2 %. Celui-ci est-il pertinent compte tenu des facteurs inflationnistes qui transcendent les économies : transition écologique, vieillissement démographique, réarmement, baisse de la productivité en zone euro. La transition écologique est inflationniste avec une hausse de l’amortissement du capital et le caractère intermittent de la production des énergies renouvelables. Le vieillissement démographique l’est également car il se traduit par une forte demande en services (santé, aides à la personne, etc.) et s’accompagne d’une diminution du nombre d’actifs. La baisse de la productivité ne permet pas de compenser l’augmentation des coûts salariaux. Spontanément, l’inflation peut donc être supérieure à 2% dans le futur. Les banques centrales pour respecter cet objectif serait alors contrainte de maintenir des taux d’intérêt plus élevés ce qui irait à l’encontre de la croissance et pourrait un problème de solvabilité pour les agents publics endettés.
Les banques centrales et la stabilité financière
Les banques centrales au-delà de la lutte contre l’inflation se doivent d’assurer la stabilité financière. Avec la mise en place en place des politiques monétaires non conventionnelles dans les années 2010, elles ont délaissé en partie cette mission. Elles ont accepté une forte hausse de l’endettement global et celle de certains actifs. En zone euro, le prix de l’immobilier a été multiplié par deux sur vingt ans tout comme l’indice « actions » Euro Stoxx. La dette totale (ménages, entreprises administrations publiques) est passée de 160 % à 230 % du PIB de 2002 à 2021 avant de redescendre à 190 % en 2024.
Pour éviter la poursuite de l’appréciation de la valeur des actifs financiers et immobiliers, des taux d’intérêt seraient souhaitables mais ces derniers poseraient des problèmes de solvabilité aux différents agents économiques. L’autre moyen pour tenter de limiter l’appréciation des actifs est de recourir aux politiques macroprudentielles : ajustement des ratios des réserves obligatoires, augmentation des fonds propres des établissements financiers, utilisation plus stricte des normes d’endettement maximal, taxation des plus-values en capital.
L’irréversibilité des politiques de quantitative easing
Depuis la fin des années 2000, les bilans des banques centrales ont fortement augmenté avec la mise en place des politiques de quantitative easing. Celles-ci se sont traduites par l’achat d’obligations de la part des banques centrales auprès des banques et des assureurs amenant à une création de la création de monnaie de banque centrale. La base monétaire de la zone euro est passée de 500 à 6000 milliards d’euros de 2000 à 2022 avant de redescendre légèrement à 5000 milliards d’euros. Les banques centrales ont légèrement réduit la taille de leur bilan depuis 2022 mais n’entendent pas revenir au niveau d’avant 2015. Une baisse rapide poserait des problèmes de liquidités aux établissements financiers. Cette irréversibilité de la hausse de la masse monétaire génère un biais durable à l’augmentation des prix des actifs et à la baisse des taux d’intérêt à long terme. Le risque est la constitution de bulles spéculatives. Cette situation empêche une réelle normalisation de la situation financière.
La contrainte de la dette publique
Les banques centrales agissent, en règle générale, de manière indépendante des gouvernements. Or, leur politique monétaire est de plus en plus contrainte en raison de la progression de l’endettement public. Une hausse rapide des taux d’intérêt pèse sur les finances publiques et peut poser des problèmes de solvabilité. Les débats aux Etats-Unis sur la fixation des taux directeurs témoignent de la pression croissante des autorités politiques.
Les banques centrales et la transition écologique
Les banques centrales sont appelées à intégrer parmi leurs objectifs la transition écologique. La Banque Centrale Européenne pourrait ainsi fixer des taux d’intérêt différents afin de faciliter le financement ou le refinancement de créances vertes. Est-ce que cet objectif est-il de la compétence d’une banque centrale ? N’y a-t-il pas un dévoiement de leur rôle ? Le risque pour les banques centrales serait de perdre leur indépendance. En étant complice de l’endettement public, elle se priverait de moyens pour assurer la stabilité financière.
Les banques centrales et le digital
Face à l’essor des cryptoactifs, les banques centrales travaillent à la mise en place de monnaies digitales. Ces monnaies qui reposent sur la blockchain pourraient totalement transformer les relations financières en réduisant le rôle actuellement dévolu aux banques commerciales. Avec la blockchain, la mission d’intermédiation joué par les banques n’a plus lieu d’être étant assuré par le réseau.
Les banques centrales sont confrontés à de nombreux objectifs contradictoires. Elles peuvent ainsi être amenées à échouer dans leur principale mission, la lutte contre l’inflation. En décidant au mois de juin, de baisser ses taux, la BCE a répondu aux attentes des décideurs privés comme publics. Pour autant, les salaires et les coûts salariaux unitaires augmentent rapidement – plus de 5% sur un an en ce qui concerne les coûts salariaux unitaires -, les prix des services également – plus de 4% par an. Si les prix des produits industriels ont fortement ralenti, cela est dû au recul de ceux des matières premières importées.
Télétravail et la transition écologique
En 2022, selon le Crédoc, en France, 49 % des actifs en emploi aimeraient continuer ou pouvoir télétravailler. 28 % ont recours régulièrement à ce type de travail. 38 % jugent que leur poste s’y prêterait. En réduisant le recours au transport pour se rendre sur lieu de travail, cette nouvelle forme d’organisation professionnelle aurait un effet positif sur les émissions de gaz à effet de serre. Les déplacements domicile-travail représentent en France 4 % de ces émissions.
Le télétravail s’est installé dans le quotidien de nombreux Français. 8 % le pratiquent totalement (cinq jours sur cinq), 16 % le pratiquent régulièrement (au moins une fois par semaine), et 4 % le pratiquent de manière plus occasionnelle (moins d’une fois par semaine). La crise sanitaire marque une véritable rupture dans cette pratique. Avant ; 2019, seulement 4 % des salariés pratiquaient le télétravail.
Selon l’Institut économique allemand IFO, en Grèce, le nombre moyen de jour de télétravail par actif est de 0,5. Il est de 0,6 en France et au Danemark quand la moyenne des pays de l’OCDE est de 0,9. Les pays européens pratiquant le plus sont le Royaume-Uni (1,5 jour), l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande (1 jour). Au Canada, ce ratio atteint 1,7 jour et 1,4 jour aux États-Unis.
En France, la pratique du télétravail est quasi identique entre les hommes et les femmes. La population des télétravailleurs est plutôt jeune, avec un taux de recours au télétravail décroissant avec la classe d’âge. Ce taux est de plus 40 % chez les moins de 34 ans, contre moins de 25 % chez les plus de 35 ans. Le taux de télétravail est plus élevé dans les pôles urbains, où les populations sont plus jeunes que dans le reste du territoire et où l’activité est plus tertiaire, plus propice au télétravail. Plus le niveau de diplôme est élevé, plus le recours au télétravail est important. Parmi les actifs en emploi ayant un diplôme au moins égal à la licence, un sur deux pratique le télétravail, contre un sur six pour ceux n’ayant pas le baccalauréat. Plus d’un cadre sur deux pratique le télétravail, contre moins d’un ouvrier sur sept.
Selon le Crédoc, la voiture est le mode principal de déplacement le plus utilisé pour les déplacements domicile-travail avant les transports en commun et les modes doux (vélo, marche). Les télétravailleurs résidant essentiellement dans les grandes agglomérations recourant avant tout aux transports en commun.
Les émissions sont ainsi près de quatre fois plus élevées pour les actifs en emploi qui utilisent la voiture que pour ceux qui utilisent les transports en commun comme mode principal de déplacement. Le gain en termes d’émission du télétravail est plus important quand la voiture est le mode principal de transport. Une journée de télétravail permet ainsi d’éviter en moyenne 4,5 kgCO2 d’émissions liées aux trajets domicile-travail. Pour avoir un bilan complet, il faut prendre en compte les émissions générées par le télétravail. Pour évaluer globalement, le bilan carbone du télétravailleur, plusieurs facteurs doivent être pris en compte : réduction des émissions liées à la diminution des déplacements, émissions supplémentaire au sein du logement (chauffage, utilisation d’équipements informatiques, etc.). Par ailleurs, les actifs en télétravail peuvent également se déplacer durant leur temps de travail. Enfin, des télétravailleurs ont changé de domicile pouvant être plus éloigné qu’auparavant de leur lieu de travail. Selon le Crédoc, lors d’une journée sur site, les télétravailleurs émettent en moyenne légèrement plus de CO2 lié aux déplacements domicile-travail que les non-télétravailleurs (4,5 kgCO2 contre 4,3 kgCO2 par journée). En moyenne, leur trajet domicile/travail est de 42 kilomètres, contre 32 pour les non-télétravailleurs.
Le développement du télétravail permettrait de réduire de 2 à 10 % les émissions de gaz à effet de serre émis dans le cadre des déplacements domicile/travail. Dans une augmentation d’un jour du télétravail pour ceux qui y ont déjà recourent, la réduction atteindrait 2 %. En cas d’extension du télétravail aux actifs qui pourraient y avoir accès, la réduction pourraient atteindre 10 %.
Le télétravail en limitant le recours aux transports peut contribuer à la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Le bilan est néanmoins relativement modeste car le télétravailleur génère de manière individuelle des émissions. Il a besoin d’un poste informatique à domicile qui est une source d’émissions. Il peut recourir au chauffage ou à la climatisation au sein de son logement qui peut être moins bien isolé que son bureau. Par ailleurs, même si les entreprises peuvent en profiter pour réduire leur surface de bureaux, elles doivent en maintenir un nombre suffisant pour accueillir plusieurs fois par semaine les télétravailleurs. Cela peut conduire à des surfaces inoccupés dont le bilan carbone sera mauvais. Enfin, la question de la productivité du télétravail se pose et n’a pas pour le moment reçu de réponse certaine.