16 août 2024

Le Coin des Tendances – prévisions – la rencontre digitale

La rencontre digitale, une industrie en mutation ?

Quand l’application mobile de rencontres, Tinder, a été lancée sur les campus américains en 2012, elle a rapidement rencontré un succès, surclassant  Match.com (qui a racheté en France Meetic), lancé en 1995.  Le succès de Tinder repose sur la possibilité donnée aux utilisateurs de parcourir facilement d’innombrables photos en vue de rendez-vous potentiels d’un simple glissement quand Match.com exige des Internautes de remplir un questionnaire avant de pouvoir trouver l’âme sœur ou le rendez-vous d’un jour.

Selon un rapport du Pew Research Center, un centre de recherche américain,  a révélé que 30 % des adultes, aux Etats-Unis, avaient utilisé un service de rencontres en ligne, dont plus de la moitié des personnes âgées de 18 à 29 ans. Un couple sur cinq de cet âge s’est rencontré grâce à un tel service. L’utilisation a augmenté pendant la pandémie, alors que les célibataires solitaires et enfermés recherchaient des partenaires.

Les applications de rencontres en ligne sont des succès en bourse comme en témoigne la capitalisation boursière de Bumble, un rival de Tinder, qui a bondi à 13 milliards de dollars dès son premier jour de cotation en février 2021. La valeur de l’ensemble de ce secteur dépasse, à la bourse de New York, plus de 50 milliards de dollars. Aujourd’hui, environ 350 millions de personnes dans le monde disposent d’une application de rencontres sur leur téléphone, contre 250 millions en 2018, selon le cabinet d’études, Business of Apps. En juin, la commune Tokyo a même annoncé qu’il lancerait sa propre application de mise en relation pour mettre en relation des célibataires de la ville. Le Japon, confronté à un déficit de naissances entend ainsi inciter les habitants à se rencontrer….

Si durant les confinements liés à l’épidémie de covid, en 2020 et 2021, les sites de rencontres en ligne ont connu un réel essor, depuis elles enregistrent une baisse sensible de leurs activités. Les applications ont été téléchargées 237 millions de fois dans le monde en 2023, contre 287 millions en 2020. Selon la société d’études, Sensor Tower, le nombre de personnes qui les utilisent au moins une fois par mois est passé de 154 millions en 2021 à 137 millions en 2023. Bumble a annoncé, au début du mois d’août, une croissance de son chiffre d’affaires de seulement 3 % sur un an pour le trimestre d’avril à juin. La société a abaissé ses prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année à 0,5 %. La valeur de l’action a perdu 33 % le 7 août. Match Group a indiqué que son chiffre d’affaires pour le même trimestre n’avait augmenté que de 4 %.

La magie des applications de rencontres ne fonctionne plus. Elles sont devenues, pour beaucoup, une source de frustration. Les effets de réseau qui ont initialement propulsé des services comme Tinder, dans lesquels un choix élargi de partenaires attirait toujours plus d’utilisateurs, les ont aujourd’hui rendus exaspérants. Les utilisateurs se plaignent de passer des heures à trier des dizaines de milliers de profils. La moitié des femmes interrogées par ma Pew Research Center, ont déclaré se sentir dépassées par le nombre de messages qu’elles recevaient. La surreprésentation des hommes sur les sites ne facilite pas les rencontres. Sur Tinder, ces derniers représentent 84 % des utilisateurs. La multiplication des escroqueries et des actes violents nuit aux sites. Les jeunes adultes se lassent rapidement des applications. Une enquête commandée l’année dernière par Axios, un site d’information américain, a révélé que seulement un cinquième des étudiants américains les utilisaient au moins une fois par mois. « Ce n’est pas amusant, c’est tellement superficiel et c’est aussi vraiment épuisant », déplore un jeune influenceur sur TikTok.

Le prix d’accès aux applications de rencontres  explique également leur moindre succès. Certains abonnements peuvent atteindre près de 500 dollars comme sur Tinder. Avec la vague inflationniste qui érode le pouvoir d’achat, le nombre d’utilisateurs payants de Tinder a diminué, entre 2022 et 2023, pendant sept trimestres consécutifs.

Les célibataires semblent être de plus en plus disposés de quitter l’univers du digital pour rencontrer quelqu’un. Aux Etats-Unis, en 2023, une start-up, Pear, a commercialisé une bague de couleur turquoise symbolisant que son titulaire est disponible pour être courtisé. Les jeunes privilégient les évènements ludiques pour se rencontrer. La romance ne se limite pas aux bars. Les clubs de course à pied sont devenus un lieu de rencontre pour les sportifs. Les cours de cuisine sont également devenus un lieu de recherche de partenaires. La fréquentation de ses événements pour célibataires a augmenté de 42 % entre 2022 et 2023. Les applications de rencontre en ligne tentent de réagir en multipliant les évènements mais ils apparaissent bien souvent artificiels. Les applications qui demeurent attractives sont celles qui sont spécialisées. Grindr, une application destinée aux hommes homosexuels, enregistre toujours de bons résultats. Match Group multiplie les sites ciblés sur des segments de la population : Archer pour les hommes homosexuels, Stir pour les parents célibataires, BLK ou Chispa destinés aux minorités ethniques, The Leagues pour les personnes aisées. Le chiffre d’affaires de ces sites ont progressé entre la mi 2023 et la mi 2024 de de 17 %.

La population au sein des pays occidentaux se segmentent de plus en plus. Les personnes à la recherche de partenaires souhaitent que ces derniers partagent leurs idées et leurs valeurs. Les applications spécialisées répondent à cette demande avec des messageries en ligne et des services. Grindr permet l’accès à une agence de voyage et à es conseils en matière de santé à destination des homosexuels.

Les applications de rencontres en ligne sont contraintes de se réinventer pour maintenir leur chiffre d’affaires. Elles deviennent des sociétés de services avec axe de développement les relations publiques.

De l’art difficile de la prévision

Prédire le taux de croissance à trois, six, douze ou vingt-quatre mois relève bien souvent de l’art divinatoire même si les économistes recourent à des modèles de plus en plus sophistiqués. Les prévisions sont réalisées toute chose étant égale ailleurs, en prenant en compte les données du passé et extrapolant des tendances. Le problème est que la vie économique est remplie d’aléas.

Selon le prix Nobel d’Économie, Esther Duflo, se fondant sur des calculs réalisés par l’hebdomadaire The Economist, à deux ans, l’écart d’erreur du FMI sur le taux de croissance du PIB entre 2000 et 2014 a atteint 2,8 points. L’économiste souligne dans son livre cosigné avec Abhijit V.Banerjee, Économie utile pour des temps difficiles, que l’art de la prévision économique a peu d’intérêt. Elle souligne à juste titre que « le monde est si incertain et si compliqué, que ce que les économistes ont de plus précieux à partager n’est pas leur conclusion mais le chemin qu’ils empruntent pour y parvenir ». Les deux auteurs mentionnent que l’économie comme la physique doit admettre le doute, récuser les certitudes absolues. Avec humour, ils admettent que bien souvent les économistes sont non pas des physiciens mais plutôt des plombiers qui « résolvent les problèmes par un mélange d’intuition faite de science, de conjecture fondée sur l’expérience et d’une bonne dose d’essais et d’erreurs ».

Les économistes tendent à être en moyenne plus optimistes que le reste de la population. Certes, certains se rangent néanmoins du côté des pythies de mauvais augure après une cruelle expérience. En matière d’économie, un divorce ancien existe entre les conjoncturistes et l’opinion. Cette dernière ne croit guère aux analyses économiques et aux statistiques. Même en période de croissance, rares sont ceux qui considèrent que la situation leur est favorable. La population américaine en 2023 comme en 2024 estime que la situation économique s’est dégradée par rapport à la période d’avant crise sanitaire ; or le PIB comme le pouvoir d’achat ont augmenté. Il en est de même en France. La population est sensible aux augmentations de prix et beaucoup moins à leur baisse.

Ces dernières années, les erreurs de prévision sont légion car les aléas sont nombreux. En 2008, peu d’économistes avaient pronostiqué la crise des subprimes, la plus importante, alors, depuis 1929. De même, la crise des dettes souveraines, en Europe, n’avait pas été anticipée. Les statistiques faussées de la Grèce ont créé un voile empêchant de percevoir les défaillances de l’économie de ce pays. Ni l’épidémie Covid, ni la guerre en Ukraine en 2022 malgré certains signaux annonciateurs n’ont été anticipées.

Les prévisions économiques qu’elles soient nationales ou internationales (FMI, Banque mondiale, OCDE, Union européenne) peuvent inférer sur les politiques économiques des Etats et sur les réactions des investisseurs. En 1997, une note de la Direction de la Prévision du Ministère de l’Economie, en France, soulignait qu’un risque de fort ralentissement de la croissance était possible en 1998. Cette note a incité le Président de la République a anticipé les élections législatives. Or, nulle récession n’est survenue, bien au contraire, la croissance s’est accélérée. En matière d’endettement, les écarts en matière de prévision nt ne sont pas sans incidence. Ainsi, une majoration erronée de 0,5 point du taux de croissance sur vingt ans peut provoquer le quasi doublement du poids de la dette publique au sein du PIB (une dette de 50 % du PIB en année 1 passe à 90 % en année 20). Selon une étude de Paul Beaudry de l’Université de la Colombie-Britannique et de Tim Willems du FMI, l’optimisme excessif des économistes favoriserait les crises financières. Ils constatent qu’une croissance annuelle moyenne surestimée d’un point de pourcentage sur trois ans, comme le fait le FMI dans 40 % des cas, réduit la croissance trois ans plus tard d’un point de pourcentage. L’optimisme ne semble donc pas payer.

Au mois d’août 2024, la simple publication du rapport de mois de juillet de l’emploi aux États-Unis a donné lieu de la part des investisseurs à une brutale révision. Ils ont estimé que la première puissance économique mondiale se dirigeait vers une récession tant bien même que la croissance en rythme annuel a atteint 2,8 % au deuxième trimestre 2024. Cette crainte a provoqué la chute des indices actions. Cette réaction peut apparaître exagérée. Depuis la crise des subprimes, périodiquement, les investisseurs croient à la survenue d’une récession ; or, en règle générale, ils sont démentis par les faits. Un examen des dernières données suggère que l’économie américaine n’est pas en danger. Le taux de chômage américain est passé de 3,4 % en avril 2023 à 4,3 % en juillet 2024. Les expériences passées suggèrent qu’une augmentation de cette ampleur est prémonitoire d’une récession. En effet, une hausse du chômage signifie une production et des revenus en baisse. Cette corrélation pourrait ne pas se vérifier. La hausse du chômage intervient alors que les marchés de l’emploi étaient sous pression avec de nombreux secteurs confrontés à des pénuries de main d’œuvre. Depuis quelques mois, les entreprises peuvent sélectionner un peu plus leurs salariés. Les gains de productivité qui avaient disparu entre 2020 et 2023 tendent à revenir ce qui permet de maintenir voire d’accroître la production. la progression du taux de chômage ne s’accompagne pas de destruction d’emplois. Au cours du dernier trimestre, l’emploi a augmenté de 0,8 % en Australie et de 0,6 % au Canada. La hausse du chômage est avant tout provoquer par l’arrivée de nouvelles personnes sur le marché du travail. Le taux d’activité, au sein de l’OCDE, atteint des niveaux inconnus.  

Preuve de la vitalité de l’économie américaine, les entreprises y réalisent des profits en hausse. Selon une étude de la Deutsche Bank, au premier trimestre de cette année, la croissance des bénéfices demeure à son plus haut niveau depuis sept trimestres. Sur un an, les bénéfices des entreprises américaines ont progressé de plus de 10 % sur un an.

De nombreux indicateurs américains et mondiaux témoignent non pas d’un ralentissement mais d’une accélération de la croissance. L’indicateur de la Banque fédérale de réserve de Dallas qui suit de manière hebdomadaire, l’activité économique américaine, ne montre que peu de signes de faiblesse. L’indice composite mondial des directeurs d’achats (PMI) reste solide. L’indicateur d’activité réalisé par la banque Goldman Sachs semble prouver une amélioration de la situation de l’économie mondiale. Seuls deux pays pourraient connaître un ralentissement, l’Autriche et la France. L’inflation est en baisse dans un grand nombre d’Etats. Après avoir atteint 10 % fin 2022, elle se rapproche de la cible des 2 %. En juin, les prix au sein de l’OCDE ont augmenté de 2,6 % sur un an. Un quart des pays de l’OCDE ont désormais rune inflation inférieure à 2 %.

Les craintes des investisseurs et des analystes peuvent être auto-réalisatrices, c’est leur principal danger.  La baisse des cours des marchés « actions » pourraient conduire les ménages et les entreprises aux Etats-Unis à opter pour l’attentisme. Celui conduirait à une réduction des dépenses de consommation et au report des projets d’investissement. Les incertitudes électorales pourraient également favoriser un tel scénario aux Etats-Unis. Mais au-delà de ces considérations, toute chose étant égale par ailleurs, l’économie mondiale se porte mieux en cette fin été 2024 que l’année dernière.