1 novembre 2024

Le coin de l’économie – Espagne – Etats-Unis – Trump

L’Espagne, un modèle de croissance ?

Après avoir dû faire face à une grave crise entre 2010 et 2012, l’Espagne connaît, ces dernières années, un rebond économique. Son taux de croissance a été de 2,5 % en 2023, contre 0,4 % pour la zone euro. En 2024, il pourrait être proche de 3 % contre moins de 1 % en zone euro. Cette performance surprend compte tenu des fondamentaux de l’économie espagnole. Certains économistes doutent de la pérennité du modèle de croissance quand d’autres estiment que le pays sait exploiter ses avantages comparatifs.

Entre 2010 et 2012, le PIB de l’Espagne s’était contracté de plus de 5 points. En 2015, le pays avait réussi à compenser ce recul. Depuis 2017, la croissance espagnole est toujours supérieure à celle de la zone euro (hors période covid). Depuis 2012, elle est même deux fois plus élevée que lamoyenne européenne. Au premier semestre 2024, la croissance annualisée de l’Espagne sur le premier semestre était de 3,2 % en Espagne, contre 1,2 % en zone euro.

L’Espagne connaît une forte progression de son PIB grâce au dynamisme de son secteur touristique. Le pays a su profité du rebond post covid. En 2023, il a accueilli 85,1 millions de touristes internationaux, soit une augmentation de 18,7 % par rapport à 2022. Parmi les principales régions visitées figurent la Catalogne (21,2 millions), les Baléares (16,9 millions), les Canaries (16,4 millions) et l’Andalousie (14,3 millions). Les recettes tirées du tourisme sont plus élevées en Espagne qu’en France. Sur les 100 millions de touristes étrangers en France, 20 sont simplement en transit. Par ailleurs la durée des séjours est plus longue, en moyenne, en Espagne qu’en France. La dépense moyenne par touriste par séjour est de près de 1 200 euros pour la première contre 650 euros pour la seconde. De ce fait, les recettes globales atteignent 100 milliards d’euros pour l’Espagne contre 64 milliards d’euros pour la France. (données 2023, sources Egatur pour l’Espagne et INSEE et Atout France pour la France). La contribution au PIB du tourisme est de 12 % du PIB en Espagne, contre 3 % en France. Chez la première, la reprise touristique a permis la création de plus d’un million d’emplois dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration. Le tourisme assure 13 % de l’emploi total.

Un soutien européen majeur

L’Espagne est l’un des plus grands bénéficiaires du plan de relance européen, avec plus de 69,5 milliards d’euros de subventions approuvées jusqu’en 2026. À la fin de 2023, environ 35 % de ces fonds avaient déjà été déboursés, alimentant des projets stratégiques dans les infrastructures, la digitalisation et la transition verte. De son côté, la France devrait percevoir, au total,  37 milliards d’euros sachant que le premier bénéficiaire en Europe est l’Italie avec 80 milliards d’euros. Selon les estimations de la Banque d’Espagne, le plan NextGenerationEU pourrait augmenter le PIB espagnol de 2 % d’ici à 2024 grâce à l’investissement public. Environ 50 % des fonds sont alloués à des projets de transition énergétique, confortant la position de l’Espagne en tant que principal producteur d’énergies renouvelables d’Europe. En France, l’usage des fonds européens a été moins structurants qu’en Espagne en raison d’une politique de saupoudrage. Une part non négligeable des crédits a été utilisée pour financer des projets de réhabilitation déjà programmés. En 2023, l’Espagne disposait de 68 GW de capacité installée en énergies renouvelables, avec une augmentation annuelle moyenne de 10 % depuis 2020. L’énergie solaire et éolienne représente plus de 40 % de la production électrique, permettant de réduire la dépendance aux importations d’énergie. Les investissements dans le secteur des énergies renouvelables ont dépassé 15 milliards d’euros entre 2021 et 2023. Ils sont à l’origine de la création d’environ 100 000 emplois directs et indirects. Cette politique a permis à l’Espagne d’économiser 5 milliards d’euros en importations de gaz et de pétrole en 2023.

Le gouvernement espagnol a mené des reformes du marché du travail permettant une réduction des contrats temporaires, passant de 24 % en 2021 à 19 % en 2023. En conséquence. Le taux de chômage en Espagne, historiquement élevé, est passé de 15,5 % en 2021 à 11,3 % en août 2024. Le salaire minimum a fortement progressé ces derniers mois, une augmentation qui a soutenu la demande intérieure. Entre 2018 et 2023, le salaire minimum interprofessionnel a, en effet, progressé de 47 %.

L’Espagne a réussi à maintenir la compétitivité de son économie ce qui lui permet d’accroître ses exportations en particulier de voitures et de produits agroalimentaires ainsi que de produits chimiques. L’Espagne produit 2,2 millions de voitures contre 1,4 million pour la France. L’Espagne exporte une grande majorité des voitures produites, quand la France se contente d’en vendre à l’étranger 350 000.

Les atouts de l’Espagne ne sauraient masquer plusieurs faiblesses

Comme la France, l’Espagne souffre, depuis 2017, d’un recul de la productivité du travail. De 2019 à 2024, celle-ci a diminué de 5 % ce qui pèse négativement sur la croissance. Cette baisse de la productivité est imputable à une spécialisation sur des activités à faible valeur ajoutée. Les gains de productivité sont faibles dans les services, tout particulièrement dans le tourisme.

L’Espagne est également pénalisée par la faiblesse de son système éducatif ce qui contribue également au déclin la productivité.

Cercle de l’Épargne – données OCDE

Les compétences de la population active sont également faibles. Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur y est plus faible qu’en moyenne au sein de la zone euro.

Cercle de l’Épargne – données OCDE

Les dépenses de Recherche-Développement sont faibles en Espagne. En 2023, elles s’élevaient à 1,3 % du PIB, contre 2,3 % en France et 3,1 % en Allemagne.

Même si l’Epagne a conservé un secteur industriel plus important que la France, elle est confrontée au déclin de ce dernier. Le poids de l’industrie automobile recule tout comme celui de l’industrie des biens intermédiaires. La production de l’industrie automobile a diminué de plus de 5 % entre 2019 et 2024. Ce recul est pour le moment est compensé par les activités touristiques. La balance commerciale de celles-ci est excédentaire de plus de 4 % du PIB mais la croissance de ce secteur n’est pas sans limite. Le surtourisme est dénoncé par un nombre croissant d’Espagnols. À Barcelone, des mesures ont été prises pour réduire le nombre des locations saisonnières. À Málaga, des autocollants hostiles aux touristes sont apparus. Aux Baléares, des manifestations contre la sur-fréquentation des plages et l’exploitation des ressources naturelles se sont multipliées. À Saint-Sébastien, les groupes touristiques sont désormais limités à 25 personnes dans les zones sensibles. Séville envisage aussi de faire payer l’accès à la Place d’Espagne aux visiteurs non-résidents.

Donald Trump : la fin des Accords du Gatt ?

La hausse des droits de douane sur les importations des États-Unis depuis la Chine ou une hausse globale des droits de douane sur l’ensemble des produis importés par les États-Unis n’ont pas les mêmes effets. Donald Trump s’il est élu et s’il applique son programme pourrait modifier en profondeur les relations commerciales mondiales.

Les États-Unis, depuis 2018, ont fortement accru les droits de douane sur leurs importations en provenance de Chine. Mais cette hausse a eu des effets assez faibles sur le commerce mondial ou sur l’inflation aux États-Unis parce qu’elle a été contournée. On observe bien une baisse des importations des États-Unis depuis la Chine, mais elle est compensée par une hausse des exportations de la Chine vers l’Inde, les pays d’Asie du Sud-Est et le Mexique, et par une hausse des importations des États-Unis depuis l’Inde, les pays d’Asie du Sud-Est et le Mexique.

Mais si, dans le futur, il y avait hausse des droits de douane sur l’ensemble des produits importés par les États-Unis, le contournement des droits de douane, spécifiques aujourd’hui aux importations de produits chinois par les États-Unis, ne serait plus possible. Cela conduirait à un ralentissement marqué du commerce mondial et à une poussée d’inflation aux États-Unis.

Depuis 2018, les États-Unis ont accru de manière importante leurs droits de de douane sur de nombreux produits chinois. Avant les hausses, les droits de douane étaient, en moyenne de 10 %. Ils s’élèvent à la fin du premier semestre 2024 à :

  • 25% sur les batteries électriques ;
  • 25% sur le graphite et les minerais critiques ;
  • 25% sur les grues portuaires ;
  • 25% sur l’acier et l’aluminium ;
  • 25% sur les gants médicaux et les masques chirurgicaux.
  • 50% sur les cellules solaires ;
  • 50% sur les seringues et les aiguilles ;
  • 50% sur les semi-conducteurs ;
  • 100% sur les véhicules électriques ;

Les droits de douane sur les produits chinois ont rapporté 84 milliards de dollars aux États-Unis. Ces recettes sont inférieures aux prévisions. Les producteurs chinois contournent les droits de douane en exportent leurs produits vers des pays tiers qui les réexportent vers les États-Unis (Vietnam, Cambodge, Philippines, Inde etc.). Depuis 2018, les importations des Etats-Unis en provenance de la Chine baissent quand celles en provenance de l’Inde et du reste de l’Asie du Sud-Est augmentent.

Donald Trump propose, s’il est élu président, d’ajouter aux taxes existantes, une taxe sur tous les produits importés par les États-Unis à un taux de 10 à 20 %, et une taxe sur tous les produits chinois importés par les États-Unis à un taux de 60 à 100 %. Des droits de douane globaux portant sur les importations des États-Unis seront plus difficiles à être contournés. Une telle mesure ralentirait fortement le commerce international, sachant que les États-Unis sont, pour la Chine comme pour l’Europe, le principal client. Des mesures de rétorsions sont à attendre ce qui ne fera qu’accentuer le caractère récessif du durcissement des droits de douane qui, par ailleurs, augmenteront l’inflation Outre-Atlantique d’un à deux points.

La mesure générale de hausse des droits de douane de Donald Trump mettrait un terme à la politique instituée après la Seconde Guerre mondiale avec les Accords du GATT. Les signataires avaient, à l’époque, souhaité réduire les barrières tarifaires et non tarifaires afin d’éviter le retour des pratiques autarciques des années 1930 qui avaient aggravé la crise et alimenté le nationalisme au sein de nombreux États.