3 janvier 2025

Le Coin des tendances – informatique quantique – luxe

Fin de partie pour le Luxe ?

En 2024, l’industrie du luxe n’a pas connu une année faste. Le ralentissement de la croissance chinoise et la stagnation de la zone euro ont stoppé net une expansion sans précédent. En 2023, les ventes mondiales de produits de luxe personnels avaient atteint 400 milliards de dollars, contre un peu plus de 100 milliards de dollars en 2000. La capitalisation boursière combinée des dix plus grandes entreprises occidentales du luxe avoisine les 1 000 milliards de dollars, contre environ 300 milliards de dollars en 2013. Au cours des 12 derniers mois, cette valeur a toutefois chuté de plus d’un dixième, marquant un retournement de tendance.

L’essor du secteur du luxe au cours des dernières décennies s’est construit sur la mondialisation et un marketing offensif. Les grandes marques, qui s’adressaient initialement aux élites occidentales, se sont progressivement tournées vers celles de l’Asie pour croître. Le nombre de millionnaires en dollars en Chine est passé de 2000 à 2023 de 39 000 à 6 millions, soit plus que dans tout autre pays à l’exception des États-Unis. Ils sont, en Chine deux fois plus qu’au Royaume-Uni, troisième pays en termes de nombre de millionnaires. Le marché chinois représentait environ 15 % des ventes mondiales de produits de luxe personnels en 2023, soit cinq fois sa part en 2000.

Les grandes marques ont également élargi leur clientèle en proposant des produits à des prix plus accessibles. Gucci, par exemple, vend des chaussettes blanches à 200 dollars, bien moins coûteuses qu’un sac pouvant atteindre des dizaines de milliers d’euros. De nombreuses marques, de Valentino à Armani, ont lancé des sous-marques moins chères, souvent axées sur des tenues décontractées. Selon le Boston Consulting Group, les consommateurs dépensant 2 000 euros ou moins par an en produits et services de luxe représentent près des deux tiers des ventes totales.

Les moteurs de croissance en panne

Ces deux moteurs de croissance sont désormais en panne. Les consommateurs de la classe moyenne occidentale hésitent à dépenser et préfèrent renforcer leur épargne de précaution. En Chine, les dépenses de luxe ont été freinées par la crise du logement et une campagne gouvernementale visant à limiter l’étalage ostentatoire de richesse. De nombreux jeunes Chinois transportent leurs affaires dans des sacs en plastique pour afficher leur frugalité et privilégient désormais les marques locales. Les dépenses de produits de luxe des Chinois dans leur pays auraient diminué de 26 % en 2024.

Le luxe est également pénalisé par la hausse des coûts de production, répercutée sur les prix de vente. Selon HSBC, les produits de luxe étaient, en 2024, 54 % plus chers qu’en 2019. Par exemple, un sac Dior Lady de taille moyenne coûte désormais 5 900 €, contre 3 200 € en 2016.

Une consolidation plus qu’une crise

Le secteur du luxe est en phase de consolidation, mais parler de crise serait excessif. Si les Chinois achètent moins de produits de luxe dans leur pays, ils continuent à se rendre dans les boutiques des grandes marques à Paris, Milan, New York ou Londres. Avec un nombre croissant de Chinois voyageant à l’étranger, les dépenses en produits de luxe augmentent. Par ailleurs, le nombre de millionnaires devrait continuer à progresser dans les années à venir. Selon UBS, le monde comptera 86 millions de millionnaires d’ici 2027, contre environ 60 millions actuellement. Le magazine Forbes a dénombré 2 781 milliardaires dans son édition 2024, battant le précédent record de 2021. Ces acheteurs fortunés sont peu sensibles aux fluctuations économiques et maintiennent leurs niveaux de dépenses. Brunello Cucinelli, par exemple, a enregistré une hausse de 12 % de ses ventes de pulls en cachemire à 6 000 dollars sur les neuf premiers mois de 2024. Hermès, fabricant des sacs à main les plus convoités au monde, a vu son chiffre d’affaires progresser de 14 % sur la même période.

Une réorientation stratégique

Les grandes marques, soucieuses de maintenir leur haut niveau de créativité, réalisent d’importants investissements. Bottega Veneta, Celine, Chanel et Givenchy ont récemment embauché de nouveaux directeurs artistiques. Les bénéfices d’une marque atteignent généralement leur apogée cinq ans après l’arrivée d’un nouveau directeur ou d’une nouvelle directrice artistique.

Par ailleurs, les entreprises du luxe révisent leur stratégie. L’élargissement de la clientèle, qui avait permis une croissance rapide, n’est plus d’actualité. Elles ont réalisé que cette approche pouvait nuire à leur image de marque. Le luxe repose sur des valeurs telles que la rareté et l’exclusivité. La priorité est donc désormais de préserver ces fondamentaux pour continuer à séduire une clientèle fortunée et fidèle.

Informatique quantique : la bataille fait rage

Dans une petite boutique de la ville de Hefei, dans l’est de la Chine, est exposée l’une des pièces de technologie les plus rares au monde : un ordinateur quantique fabriqué par Origin, une start-up chinoise. Seuls 20 appareils de ce type sont produits chaque année. Ce produit n’est pas censé être vu par des étrangers, compte tenu de son caractère jugé stratégique par les autorités chinoises. Peu d’industries, en dehors de la fabrication d’armes, sont aussi sensibles. Les ordinateurs quantiques peuvent effectuer en quelques minutes des calculs qui prendraient des milliards d’années, voire plus, aux supercalculateurs les plus sophistiqués du monde. Les communications utilisant des bits quantiques, ou qubits, sont ultra-sécurisées. Bien que les opportunités commerciales restent incertaines, les forces armées du monde entier s’intéressent vivement à la technologie quantique. Le gouvernement chinois masque les informations sur le fonctionnement de sa chaîne d’approvisionnement en composants et a restreint les exportations de certaines technologies connexes. Les États-Unis appliquent une politique similaire. En octobre dernier, le département du Trésor a imposé des restrictions strictes sur les investissements américains dans l’industrie quantique chinoise.

Les États-Unis et la Chine sont en pointe dans l’informatique quantique. Ces deux pays se sont spécialisés dans certains domaines de ce secteur émergent. La Chine est en avance sur les communications quantiques. Dans le domaine de la détection de faibles changements dans les champs magnétiques, les deux pays sont au coude à coude. Les États-Unis dominent toujours pour la gestion des données de manière quantique. Les ordinateurs des sociétés américaines disposent d’un nombre de qubits, un indicateur important pour évaluer leur puissance, bien plus élevé que ceux conçus en Chine. En décembre, Google a fait sensation avec une nouvelle puce quantique capable de corriger de nombreuses erreurs produites par les ordinateurs. La Chine, cependant, pourrait combler son retard dans les prochains mois. Bien que le pays dépende encore de fournisseurs occidentaux pour de nombreux composants nécessaires au fonctionnement des ordinateurs quantiques, comme les lasers spécialisés, cette situation évolue rapidement. Les entreprises chinoises réalisent de réels progrès dans la fabrication des équipements nécessaires. Les fournisseurs occidentaux prévoient de vendre moins en Chine, tant en raison des restrictions qu’en raison de la capacité croissante de la Chine à se passer de leurs produits. Les réfrigérateurs à dilution, indispensables pour produire les températures ultra-basses nécessaires au fonctionnement des ordinateurs quantiques, en sont un exemple. En 2024, plusieurs entreprises et laboratoires chinois ont annoncé des avancées dans ce domaine. Étant donné les mesures de sécurité prises par les autorités chinoises, les informations restent toutefois parcellaires, rendant difficile l’évaluation des progrès réalisés. Jusqu’en 2023, la Chine ne pouvait pas se passer des équipements occidentaux pour fabriquer ses ordinateurs quantiques. Depuis de nombreuses années, BlueFors, une entreprise finlandaise, fournit la plupart des réfrigérateurs utilisés dans les ordinateurs quantiques du monde. Pour l’instant, cette entreprise reçoit encore des commandes de la part de la Chine.

La rivalité entre la Chine et les États-Unis dans le domaine quantique oppose deux modèles d’innovation radicalement différents. Aux États-Unis, les grandes entreprises technologiques, dont Google, Intel, IBM et Microsoft, sont les moteurs de l’innovation dans l’informatique quantique, aux côtés de start-ups soutenues par le capital-risque. La recherche universitaire joue un rôle important, mais l’implication de l’État reste limitée. En Chine, en revanche, les investissements du secteur privé sont modestes, mais l’État est omniprésent. Une grande partie de la recherche est réalisée dans les laboratoires des universités contrôlées par l’État. La moitié des publications sur le quantique sont financées par la National Natural Science Foundation of China, un organisme rattaché au gouvernement central. Les start-ups les plus en vue dans ce domaine sont toutes contrôlées ou soutenues par l’État. L’Université des sciences et technologies de Chine à Hefei investit dans de nombreuses start-ups, dont Origin. Elle joue un rôle clé en assurant le lien entre les laboratoires, les entreprises et les décideurs politiques. Parallèlement, les géants technologiques chinois, dont Alibaba et Baidu, ont abandonné leurs recherches dans ce domaine, confiant leurs équipements au gouvernement.

Selon une récente enquête menée auprès d’experts par l’Information Technology and Innovation Foundation (ITIF), un groupe de réflexion basé à Washington, le recours à l’investissement public pourrait être plus efficace en matière d’informatique quantique que le financement par le secteur privé. Les participants à l’enquête de l’ITIF ont déclaré que la fragmentation des sources de financement aux États-Unis entraîne un manque de coordination et ralentit l’innovation. Le modèle chinois n’est cependant pas sans inconvénients. Ce système a favorisé une concurrence moindre, les entreprises étant peu incitées à prendre des risques. La coordination étatique signifie que les ressources sont concentrées sur des approches spécifiques de la technologie quantique jugées prioritaires par le gouvernement. Cependant, ce caractère bureaucratique peut être sclérosant et freiner la diffusion des innovations.