Le Coin de l’économie – transition écologique – récession aux Etats-Unis – inflation ou désinflation
Union européenne, le financement de la transition écologique en question
Dans un rapport publié au début du mois de janvier, la Banque centrale européenne (BCE) s’inquiète de l’insuffisance des financements nécessaires pour réaliser la transition écologique dans les délais impartis. Elle appelle à une mobilisation plus importante du secteur privé, notamment du capital-risque, pour compenser la faiblesse de l’investissement public.
L’Union européenne est censée atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. En 2030, 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) devront déjà avoir été réduites. Pour respecter ces engagements, une transformation radicale de l’économie est indispensable. Ce changement requiert des investissements importants dans des secteurs clés tels que l’énergie, les transports et les bâtiments. La mobilisation des ressources financières publiques et privées devient de plus en plus compliquée en raison des tensions économiques et sociales qui affectent les pays européens depuis plusieurs années.
La BCE évalue les besoins d’investissements à 1 200 milliards d’euros par an d’ici 2030, soit 8,9 % du PIB de l’Union européenne (UE). La réussite de la transition suppose une transformation profonde du secteur de l’énergie, avec le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire). Les besoins en électricité devraient augmenter fortement. L’Union européenne prévoit d’ajouter 10 GW de capacité éolienne offshore flottante d’ici 2030. La refonte du secteur des transports, principal émetteur de gaz à effet de serre, constitue un véritable défi. Les besoins d’investissement sont évalués à 205 milliards d’euros par an pour l’électrification du parc automobile, le développement des infrastructures de recharge et la modernisation des réseaux de transport public. Un autre secteur crucial est celui des bâtiments : la rénovation énergétique et la modernisation des systèmes de chauffage sont estimées à 180 milliards d’euros par an, notamment pour installer des technologies comme les pompes à chaleur.
La BCE souligne que, dans les prochaines années, les capacités de financement des pouvoirs publics seront en diminution. Le dispositif NextGenerationEU (NGEU) et le fonds de relance européen financent une partie importante des projets climatiques jusqu’en 2026. À compter de 2027, 54 milliards d’euros par an manqueront à l’appel en raison de l’expiration de ce mécanisme. Le budget de l’UE n’a pas la capacité de répondre à ces besoins d’investissement. La BCE insiste sur la nécessité pour le secteur privé d’assumer une part plus importante du financement de la transition. Elle exhorte les institutions financières à se mobiliser, notamment en émettant des prêts verts aux entreprises à faibles émissions de carbone. Les obligations vertes et les fonds de capital-risque pour les technologies innovantes émergent comme des instruments clés. Cependant, la BCE constate que le financement de l’innovation représente encore une faible part des investissements en Europe.
En 2023, les investissements dans les énergies propres ont atteint 341 milliards d’euros, soit un déficit annuel moyen de 66 milliards d’euros par rapport aux besoins (403 milliards d’euros selon le scénario net zéro). Les investissements dans les infrastructures critiques (transports, énergies renouvelables) accusent également des retards, notamment en raison de la lente absorption des fonds européens.
Parmi les freins à la réalisation des investissements, les entreprises signalent des coûts élevés d’emprunt et un manque d’incitations fiscales. L’absence d’une méthodologie uniforme pour calculer les besoins d’investissement engendre une fragmentation des efforts au sein de l’UE et une dispersion des ressources. Les incertitudes liées aux politiques climatiques et fiscales sont également dissuasives. Par ailleurs, la montée des courants climatosceptiques au sein des populations freine la mise en œuvre des projets de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Pour accélérer la transition écologique, la BCE recommande un renforcement du système européen d’échange de quotas d’émission (ETS), avec une augmentation du prix de la tonne de carbone, qui a atteint 64 dollars en 2024. Elle préconise également des mesures de simplification administrative pour les projets verts, notamment au niveau des autorisations d’urbanisme. La transition verte nécessitera la formation de millions de travailleurs dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie et de l’innovation. La BCE estime que les États membres doivent intensifier leurs efforts dans ce domaine.
La mise en œuvre de l’Union des marchés de capitaux (UMC) pourrait augmenter la liquidité des placements verts et diversifier les sources de financement. Les produits d’épargne verte et les initiatives de capital-risque doivent être élargis et rendus plus accessibles. La BCE plaide également pour une augmentation des dépenses de recherche, en particulier dans les domaines de l’hydrogène, des carburants synthétiques et du stockage d’énergie.
Au-delà de 2030, les besoins d’investissements continueront d’augmenter pour atteindre la neutralité carbone. Le coût des retards accumulés ces dernières années est élevé, tant sur le plan économique qu’écologique. Les difficultés financières de certains États, comme la France ou l’Italie, risquent de peser sur la réalisation des investissements dans ces pays. La question du lancement d’un nouveau projet d’emprunt européen se pose, tout comme celle de la création de canaux verts de financement par la BCE.
Une récession aux Etats-Unis est-elle possible ?
Depuis la crise financière de 2007-2009, de nombreux économistes ont anticipé la survenue d’une récession aux États-Unis. Une récession a effectivement eu lieu en 2020 avec l’épidémie de Covid-19, mais elle a été rapidement compensée. Depuis, les États-Unis ont repris un rythme de croissance relativement élevé (entre 2 et 3 %). La hausse des taux d’intérêt en 2022 et 2023 ne s’est pas accompagnée d’une crise économique. Le retour de Donald Trump a été bien accueilli par les investisseurs, qui espèrent une baisse des prélèvements et une déréglementation favorable à la croissance. Cependant, l’application de son programme pourrait s’avérer moins bénéfique que prévu. Une hausse des prix pourrait résulter de la majoration des droits de douane et de la limitation de l’immigration. Après avoir été en tête au sein de l’OCDE, les États-Unis pourraient-ils connaître une récession dans les prochains mois ?
Dans le passé, les récessions aux États-Unis ont eu pour origine :
À l’heure actuelle, une récession causée par une politique monétaire restrictive ou une crise financière ou immobilière semble peu probable. La Réserve fédérale gère avec prudence l’outil des taux d’intérêt afin d’éviter un recul brutal de l’activité. Elle a augmenté ses taux directeurs durant l’épisode inflationniste de 2021 à 2023 avec modération. Malgré une inflation atteignant 9 %, les taux n’ont pas dépassé 5,5 %.
La forte augmentation des cours des actions, en particulier dans le secteur technologique, suscite des inquiétudes quant à une éventuelle crise financière.
Le PER des valeurs de l’indice S&P 500 est, au début de l’année 2024, de 22, contre 15 en 2016. Les PER prévisionnels sur les résultats futurs sont de 27 et 17 respectivement. Cependant, les PER de 2024 restent inférieurs à ceux observés durant la bulle Internet. Par ailleurs, la profitabilité des entreprises s’est améliorée : les profits après impôts et intérêts des sociétés non financières représentaient 16 % du PIB en 2024, contre 12 % en 1997. Les taux d’intérêt réels à long terme sont inférieurs à la croissance potentielle en volume. Ainsi, une correction brutale à la baisse des indices boursiers américains semble peu probable.
Une nouvelle crise immobilière est-elle envisageable ? Le ratio entre les prix de l’immobilier résidentiel et les salaires par tête est élevé. Entre 2013 et 2024, il a augmenté de 60 %. Cependant, le taux d’endettement des ménages en crédits immobiliers est beaucoup plus faible qu’en 2007. L’encours des crédits hypothécaires des ménages est passé de 100 % à 60 % du revenu disponible entre 2004 et 2024. De plus, depuis la crise de 2008, la titrisation des crédits immobiliers par des institutions financières privées, qui représentait un peu plus de 50 % de l’encours total, a pratiquement disparu.
Sur le plan géopolitique, les États-Unis sont aujourd’hui moins vulnérables aux variations des prix du pétrole et du gaz, car ils sont redevenus autosuffisants. En tant qu’exportateurs, ils bénéficient même des hausses des cours de l’énergie. Une crise extrême avec la Chine pourrait néanmoins entraîner des répercussions économiques en raison de l’importance des échanges entre les deux pays. Jusqu’à présent, les deux nations ont su maîtriser leurs différends malgré l’augmentation des tensions. Quant à une nouvelle épidémie, elle pourrait bien sûr provoquer une récession, mais ce risque semble actuellement peu probable.
Les États-Unis ne sont pas à l’abri d’une récession, mais ils disposent d’atouts majeurs pour continuer à enregistrer une forte croissance dans les années à venir : l’importance de la recherche, leur positionnement dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, et leur capacité à attirer les capitaux du monde entier. Seule une application brutale du programme de Donald Trump, entraînant une vague inflationniste, pourrait provoquer une crise économique.
Inflation ou désinflation : à vous de choisir !
Depuis plusieurs mois, la baisse de l’inflation semble ralentir, l’effet de base lié à la diminution des prix de l’énergie perdant de son impact. Pour l’année 2025, des facteurs contradictoires influencent l’évolution des prix, compliquant l’élaboration des prévisions.
Les facteurs déflationnistes
Ces facteurs sont à la fois conjoncturels et structurels. Parmi les premiers, on retrouve le ralentissement des économies chinoise et européenne. La faible croissance de la Chine, liée au vieillissement démographique et à la crise immobilière, exerce une pression à la baisse sur les prix. La demande en énergie progresse moins rapidement que prévu. Par ailleurs, les entreprises chinoises, faute de pouvoir écouler leur production sur le marché intérieur, augmentent leurs exportations, quitte à réduire leurs prix. Les exportations de biens industriels chinois ont ainsi progressé de plus de 10 % sur les derniers mois de 2024.
En Europe, la demande reste relativement atone, ce qui ne favorise pas la hausse des prix. Les ménages, tant en Chine qu’en zone euro, privilégient l’épargne au détriment de la consommation.
Sur le plan structurel, plusieurs éléments limitent également la hausse des prix. Le vieillissement démographique s’accompagne d’une diminution de la demande en biens industriels. Les pays où la population diminue, comme le Japon, la Corée du Sud ou l’Italie, sont naturellement enclins à la déflation.
La transition écologique, en encourageant une modération de la consommation, peut avoir un effet désinflationniste. De plus, le développement massif des équipements d’énergie renouvelable pourrait entraîner une surproduction, tendant à faire baisser le prix de l’électricité.
L’essor de l’intelligence artificielle (IA) est également une source potentielle de réduction des coûts. Elle peut, en effet, accroître la productivité globale des facteurs. Aux États-Unis, la productivité a progressé de 6 % depuis 2019. En Europe, elle est stable, mais un rattrapage pourrait se produire dans les prochaines années. L’IA devrait améliorer la productivité du travail, mais celle du capital pourrait s’éroder en raison de son caractère hautement capitalistique. Toutefois, compte tenu de la dualité de l’IA, des incertitudes persistent quant à ses effets sur l’inflation.
Les facteurs inflationnistes
Plusieurs forces pourraient, à l’inverse, favoriser une reprise de l’inflation.
La diminution de la population en âge de travailler, combinée à des restrictions sur l’immigration, pourrait entraîner une hausse des salaires non compensée par des gains de productivité suffisants, en particulier en Europe. En zone euro, la population âgée de 16 à 64 ans devrait diminuer de 0,5 % en 2025, et cette baisse atteindra 0,8 % d’ici 2030. Les pénuries de main-d’œuvre risquent de se multiplier. Aux États-Unis, l’arrêt de l’immigration pourrait rapidement entraîner une hausse des salaires, l’économie étant déjà en situation de plein emploi. Par ailleurs, le vieillissement démographique augmente la demande en services à la personne, un secteur fortement consommateur de main-d’œuvre.
Dans de nombreux pays, les revendications salariales se multiplient. Les salariés, ayant dû faire face à une série de chocs économiques récents, réclament des augmentations. La faiblesse des gouvernements, souvent soutenus par des coalitions fragiles, pourrait favoriser la multiplication des hausses de salaires.
La concentration des entreprises en monopoles ou oligopoles, surtout aux États-Unis, contribue également à la hausse des prix. En Europe, de nombreux marchés sont réglementés, comme ceux de l’électricité ou des transports, ce qui peut conduire à des augmentations de tarifs. Les politiques protectionnistes, de plus en plus fréquentes, entraînent une hausse des prix des produits importés. Le protectionnisme freine la diffusion du progrès technique, limitant les gains de productivité, et se révèle donc inflationniste par nature. Enfin, les prix des matières premières nécessaires à la transition énergétique pourraient augmenter, notamment en raison de l’opposition des populations occidentales à l’ouverture de nouvelles mines.
Une forte dose d’incertitudes Les facteurs inflationnistes sont nombreux : situations de monopole ou d’oligopole, protectionnisme, stagnation de la productivité, baisse de la population active, restrictions à l’immigration, et hausse des prix des matières premières. Ils pourraient l’emporter sur les forces désinflationnistes, rendant l’évolution de l’inflation en 2025 incertaine.