3 juillet 2025

Economie – crise financière – Etats-Unis

Les Etats-Unis : une dépendance aux investissements étrangers

Depuis le début de son second mandat, Donald Trump a pris des mesures susceptibles de réduire l’attractivité des États-Unis pour les non-résidents, en raison de leurs effets sur l’inflation, la valeur du dollar et l’évolution de la croissance. La politique de Donald Trump est ainsi de nature à ralentir les flux de capitaux étrangers investis aux États-Unis. Or, ces flux sont indispensables pour équilibrer le déficit de la balance des paiements courants et le déficit budgétaire.

La hausse des droits de douane, qui constitue une taxe sur la consommation des ménages américains, est par nature inflationniste. En réduisant le pouvoir d’achat des Américains, elle pèsera sur la croissance et sur la création d’emplois. La réduction des flux migratoires aura également des effets similaires. Par ailleurs, la volonté de Donald Trump d’abaisser la valeur du dollar en exerçant des pressions sur la Réserve fédérale est également susceptible d’alimenter l’inflation.

Dans ce contexte, la demande d’actions, d’obligations et de parts d’entreprises américaines par les non-résidents pourrait reculer. Depuis le début de l’année, elle est déjà en retrait par rapport à l’année précédente.

Parallèlement, les besoins en capitaux des États-Unis ont tendance à augmenter. La politique budgétaire proposée par l’administration républicaine est expansionniste. Les baisses d’impôts (prolongation du Tax Cuts and Jobs Act, exonérations sur les pourboires et les heures supplémentaires) ne sont que faiblement compensées par des diminutions de dépenses publiques. Le déficit public des États-Unis atteindra probablement 6,9 % du PIB pour l’exercice fiscal 2025, et plus de 7 % pour les années suivantes. Or, les États-Unis ne peuvent pas compter sur l’épargne intérieure pour corriger ces déséquilibres, d’autant que la balance courante reste fortement déficitaire : en 2025, son solde devrait rester négatif à hauteur de 4 points de PIB.

En cas de recul de la demande d’actifs américains de la part des non-résidents, les taux d’intérêt risquent d’augmenter aux États-Unis, d’autant plus que les déficits jumeaux – de la balance courante et du budget fédéral – resteront importants. Le pays ne peut pas s’appuyer sur l’épargne des ménages, qui reste faible, inférieure à 5 % du revenu disponible brut. Une hausse des taux aurait pour conséquence une accélération du ralentissement de la croissance, voire l’éventualité d’une récession. Le service de la dette publique augmenterait, réduisant les marges de manœuvre de l’État. La situation de l’emploi se dégraderait, de même que le pouvoir d’achat des ménages. Ce scénario, s’il venait à se réaliser, pourrait avoir des conséquences funestes pour les Républicains à l’occasion des élections de mi-mandat prévues en novembre 2026.

Réduction du déficit public en France : quelles conséquences pour la France ?

La France enregistre depuis 50 ans un déficit public, qui a atteint près de 6 % du PIB en 2024. Le pays n’a jamais réellement réussi, depuis les années 1980, à rétablir ses comptes. Le déficit est censé repasser sous la barre des 3 points de PIB d’ici à 2029. Pour y parvenir, les collectivités publiques devront consentir à des efforts vertigineux, lesquels pourraient également avoir pour effet de freiner la croissance. Si de nombreux partis adhèrent au principe d’une résorption, au moins partielle, des déficits, aucun ne souhaite en assumer l’impopularité des mesures.

Le gouvernement français, en coordination avec les autorités européennes, a fixé comme objectif une réduction du déficit public à 5,4 % du PIB en 2025, 4,6 % en 2026 et 3 % en 2029. Ce programme est ambitieux, compte tenu de l’évolution spontanée des dépenses et des recettes. Les premières augmentent depuis plusieurs années plus rapidement que le PIB et devraient poursuivre sur cette trajectoire, sauf mesures exceptionnelles, sous l’effet du vieillissement démographique et de la transition écologique. Par ailleurs, les dépenses liées à la défense devraient fortement augmenter d’ici à 2030. Les recettes, quant à elles, hors mesures nouvelles, progressent globalement au même rythme que le PIB, voire légèrement en deçà. En 2024, les dépenses publiques s’élèvent à 57 % du PIB, contre 51 % pour les recettes.

Pour respecter le programme de réduction du déficit, et en prenant comme base une croissance potentielle de 1 %, les dépenses devraient diminuer de 0,6 point de PIB par an jusqu’en 2029, ou les recettes progresser d’un montant équivalent.

Cette contraction des dépenses ou ce relèvement de la pression fiscale aurait des conséquences sur la croissance. Celle-ci serait affectée par une baisse de la demande publique ou une diminution du pouvoir d’achat des ménages. Cette dernière pourrait être partiellement compensée par une réduction du taux d’épargne, qui se maintient à un niveau élevé depuis plusieurs années. Toutefois, une telle baisse n’est pas garantie. Au contraire, par crainte de futurs prélèvements, les ménages pourraient être incités à accroître leur effort d’épargne, ce qui pèserait une nouvelle fois sur la croissance. Celle-ci pourrait être amputée de 0,5 point par an du fait du programme de réduction des déficits.

La France risque ainsi de connaître une stagnation économique dans les prochaines années, alors que d’autres pays européens pourraient bénéficier d’une amélioration de leur conjoncture. L’économie française pourrait néanmoins tirer parti du plan de relance allemand de 500 milliards d’euros, qui permettrait d’atténuer les effets récessifs du programme de redressement des finances publiques.

Une crise financière est-elle imaginable ?

Malgré les annonces fracassantes de Donald Trump, les indices boursiers ont enregistré des résultats corrects au premier semestre. La hausse des droits de douane, la remontée de l’inflation aux États-Unis et le ralentissement de la croissance mondiale sont autant de facteurs d’inquiétude qui, pour l’instant, n’ont pas entamé le moral des investisseurs. Le second semestre jouera sans nul doute le rôle de juge de paix pour déterminer si la résilience du premier semestre était fondée.

Au cours du premier semestre 2025, les mauvaises nouvelles se sont accumulées : projet de relèvement des droits de douane, revirements constants de la politique américaine, anticipations négatives en matière d’inflation et de croissance, aggravation des déficits publics aux États-Unis, poursuite de la guerre en Ukraine, tensions au Moyen-Orient. Dans un tel contexte, les indices boursiers auraient dû reculer. Or, s’ils ont cédé du terrain au mois d’avril, à la suite des déclarations de Donald Trump sur les droits de douane, ils ont rapidement repris leur trajectoire ascendante. L’indice S&P 500 a progressé de plus de 5 % sur les six premiers mois de l’année, tout comme le Nasdaq. En Europe, le DAX allemand a enregistré une hausse de près de 20 %. Certes, l’augmentation du CAC 40 est plus modeste, autour de 3 %. De leur côté, les taux d’intérêt à long terme américains n’ont pas augmenté de manière significative, malgré les anticipations d’inflation et les prévisions de creusement du déficit budgétaire. Depuis décembre, ces taux restent relativement stables, tant en zone euro qu’aux États-Unis.

Les investisseurs se sont habitués aux foucades de Donald Trump et ont intégré le fait que ses annonces tonitruantes sont souvent suivies d’autres, plus mesurées. La volatilité des cours, forte après le 2 avril, tend à s’atténuer, signe que le comportement du président américain est désormais partiellement anticipé dans la fixation des prix.

Les investisseurs pourraient-ils néanmoins commettre une erreur d’appréciation en sous-estimant les effets délétères de la politique économique américaine ?

Plusieurs facteurs pourraient fragiliser la résilience des marchés. Le premier concerne l’inflation et la consommation des ménages américains. La hausse des droits de douane pourrait provoquer une poussée inflationniste. Si celle-ci s’avère marquée, elle réduira le pouvoir d’achat des ménages, entraînant un recul de la consommation, donc de la croissance. Les perspectives de résultats des entreprises se dégraderaient, ce qui pourrait provoquer une forte baisse des marchés actions. Pour l’instant, la hausse des prix demeure contenue. Pour y voir plus clair, il convient d’attendre l’issue des négociations commerciales entre les États-Unis et leurs partenaires.

Deuxième facteur susceptible d’entraîner une révision brutale des anticipations : la reprise des hostilités au Moyen-Orient. Un tel événement signerait l’échec du cessez-le-feu négocié par les États-Unis. Le conflit pourrait alors s’intensifier, avec une menace de flambée des prix du pétrole. Ce scénario reste peu probable, aucun acteur n’ayant intérêt à un embrasement de la région. Par ailleurs, avec la fin de l’accord de régulation de la production de l’OPEP+, le marché pétrolier adopte une tendance plutôt baissière.

La réduction des entrées de capitaux aux États-Unis constitue un troisième risque. Ce pays a besoin de financements extérieurs pour couvrir son déficit courant (4 % du PIB) et son déficit public (7 % du PIB). Si les flux de capitaux étrangers diminuent, un ajustement s’imposera, via une hausse des taux d’intérêt et une correction des marchés actions.

Jusqu’à présent, les États-Unis conservent leur statut incontournable en matière d’investissement, offrant sécurité et rentabilité. Mais les incertitudes sur la politique économique et la dérive des comptes publics pourraient réduire les flux entrants. Cette moindre attractivité provoquerait une remontée des taux, renforçant la pression à la baisse sur les marchés actions.

Une forte dépréciation du dollar pourrait également entraîner un repli des indices américains. Selon la thèse de Stephen Miran, la désindustrialisation des États-Unis s’explique en partie par le rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale. Ce statut entretient une demande structurelle élevée de dollars, contribuant à son appréciation, et donc à la perte de compétitivité de l’économie américaine. La réindustrialisation nécessiterait une dépréciation du dollar. Si cette idée était mise en œuvre – par exemple via une taxation des pays refusant de vendre leurs avoirs en dollars – ou si le successeur de Jerome Powell à la Réserve fédérale adoptait une politique monétaire résolument expansionniste, une chute du dollar pourrait dissuader les investisseurs étrangers d’acheter des actifs américains, avec pour effet une baisse des indices actions.

Une autre source possible de correction boursière réside dans une déception sur le potentiel de l’intelligence artificielle. Les marchés ont misé massivement sur la rentabilité future de cette technologie. Les valeurs du Nasdaq ont bénéficié de cet engouement. L’indice boursier des « sept magnifiques » a doublé entre 2022 et 2025, faisant craindre la formation d’une nouvelle bulle Internet. Les entreprises liées à l’IA absorbent chaque année plusieurs centaines de milliards de dollars, sans que leurs profits suivent la même dynamique.

En Europe, les investisseurs ont salué la décision des gouvernements d’augmenter les dépenses militaires, ce qui a fortement soutenu l’indice allemand. L’action de Rheinmetall, spécialiste de l’armement, a été multipliée par quatre en un an. Thales, Dassault et Leonardo ont également vu le cours de leurs actions s’envoler. Si les États européens venaient à ne pas tenir leurs promesses de réarmement, les investisseurs pourraient revoir à la baisse leurs anticipations de croissance pour le secteur de la défense, entraînant une chute des valeurs concernées.

La solidité apparente des marchés financiers au premier semestre 2025 ne saurait occulter les vulnérabilités sous-jacentes. Les déséquilibres structurels américains, la montée des incertitudes géopolitiques, le poids croissant de l’intelligence artificielle dans les valorisations et le risque d’un tarissement des flux de capitaux étrangers composent un environnement instable. La résilience observée pourrait ainsi se révéler transitoire. À court terme, le comportement des investisseurs dépendra largement de l’évolution des politiques commerciales et budgétaires américaines, des tensions énergétiques et des résultats tangibles des promesses technologiques. La seconde moitié de l’année jouera un rôle décisif pour valider – ou invalider – les anticipations optimistes intégrées dans les cours.