11 septembre 2025

Conjoncture – Australie

L’Australie à la recherche d’un nouveau souffle

Avec l’augmentation des droits de douane aux États-Unis, l’Union européenne se doit de trouver de nouveaux partenaires commerciaux. Parmi ceux-ci figurent le Canada mais également l’Australie. L’éloignement rend certes les échanges plus complexes avec ce pays — Sydney étant située à 16 950 kilomètres à vol d’oiseau de Paris — mais l’Australie a tout autant besoin que l’Europe de diversifier ses clients et ses fournisseurs afin de renouer avec une croissance forte.

Avec +0,6 % de croissance au deuxième trimestre 2025 et +1,8 % sur un an, le pays a échappé à la récession redoutée l’année précédente. Mais derrière ces résultats encourageants, les défis des prochaines années s’accumulent.

L’Australie a été confrontée entre 2022 et 2024 à une vague inflationniste qui a durement touché le pouvoir d’achat des ménages. Avec une inflation revenue autour de 2 % au printemps, les ménages ont accru leur consommation, d’autant plus que les salaires progressent de 3,4 % sur un an. À la différence des Français, les Australiens réduisent leur taux d’épargne (4,2 % au deuxième trimestre contre 5,2 % au premier). Les ventes au détail, en juin, ont augmenté de 1,2 %.

Une décrue des taux directeurs pour relancer l’économie

La progression de la demande intérieure est encouragée par la baisse des taux directeurs de la Banque de réserve d’Australie. Deux baisses de taux ont été décidées au premier semestre, ramenant le taux directeur à 3,85 %. La banque centrale demeure néanmoins prudente afin d’éviter une reprise de l’inflation.

Le marché immobilier a renoué avec la hausse, avec des records battus à Sydney et Melbourne. Le marché locatif reste tendu, mais la progression des loyers s’est légèrement ralentie. Le spectre d’une bulle n’est pas écarté, mais le réajustement monétaire a permis de stabiliser la situation.

L’Australie est confrontée depuis des années à une pénurie de logements, liée à l’augmentation rapide de la population. Le pays comptait 27,4 millions d’habitants fin 2024, avec plus de 340 000 migrants nets en un an. Le secteur de la construction peine à répondre à la demande : les chantiers manquent de main-d’œuvre et les coûts sont élevés. Pour limiter les tensions sur les logements, le gouvernement réduit déjà les flux migratoires (260 000 en 2025), au risque de priver l’économie de main-d’œuvre qualifiée et d’enclencher un cercle vicieux.

Un taux d’investissement toujours faible

Le véritable talon d’Achille de l’économie australienne demeure l’investissement. Hors secteur minier, les entreprises hésitent à accroître leurs dépenses. Celles-ci n’ont progressé que de 0,2 % au deuxième trimestre. Certes, les grands chantiers d’ingénierie liés aux mines et aux infrastructures continuent, mais l’investissement productif, celui qui prépare la productivité de demain, reste insuffisant.

L’Australie vit toujours de sa rente minière : le minerai de fer, le charbon et le gaz naturel liquéfié dominent ses exportations. Or, les termes de l’échange ont reculé de 1,1 % au printemps. La Chine, qui absorbe à elle seule un tiers des exportations australiennes, freine ses achats et diversifie ses approvisionnements.

Le pays doit concilier la rente de ses exportations fossiles avec la promesse d’une économie décarbonée. Le lithium, le cuivre, le nickel offrent des perspectives de développement, mais l’Australie doit passer du statut de simple fournisseur de minerais bruts à celui de producteur de valeur ajoutée (raffinage, hydrogène, acier vert). Faute de quoi, elle restera dépendante de cycles mondiaux qu’elle ne maîtrise pas.

Comme les États européens, l’Australie est confrontée à une stagnation de la productivité. La reprise des salaires réels ne pourra durer sans gains de productivité. Or les entreprises hésitent à investir dans le numérique, la robotique et les infrastructures logistiques.

La menace protectionniste

L’Australie est une économie ouverte, dont la prospérité repose sur l’accès aux marchés mondiaux. Or, depuis plusieurs années, le protectionnisme fait son retour.

Si l’Australie se voit appliquer le tarif de base de 10 % sur ses exportations, elle doit malgré tout supporter un taux de 50 % pour l’acier, l’aluminium, le cuivre et les produits dérivés, ainsi que 25 % sur les automobiles et pièces détachées. L’exonération de droits sur les petits envois de moins de 800 dollars a été supprimée.

Les États-Unis représentent le troisième marché d’exportation de l’Australie (après la Chine et le Japon). Le secteur minier et l’agriculture sont particulièrement touchés. La suppression de l’exemption pour les petits envois frappe durement les PME australiennes du e-commerce et les marques de mode : chaque colis expédié doit désormais supporter des droits, parfois assortis de frais fixes (80 à 200 USD), ce qui réduit drastiquement la rentabilité des ventes en ligne vers les États-Unis.

Les producteurs australiens devront trouver d’autres débouchés (Inde, Asie du Sud-Est). Les marques de vêtements, cosmétiques et accessoires, très présentes sur le marché américain, doivent revoir leur mode de distribution. La viande bovine et le vin, produits australiens appréciés aux États-Unis, deviennent moins compétitifs face à l’Argentine, au Chili ou à l’Union européenne.

Les États-Unis et l’Australie sont liés par l’accord de sécurité AUKUS et une coopération militaire très forte. Le relèvement des tarifs douaniers apparaît comme une humiliation diplomatique, affaiblissant la confiance dans l’alliance. Canberra pourrait chercher à rééquilibrer ses partenariats commerciaux en accélérant ses accords avec l’Union européenne, l’Inde et l’Asie du Sud-Est.

La baisse des exportations vers les États-Unis pourrait retrancher 0,2 à 0,4 point de PIB selon les premières estimations d’économistes australiens en 2025. Les recettes d’exportation, qui avaient atteint 415 milliards AUD en 2023-24, pourraient descendre vers 350 milliards d’ici 2026.

L’Australie se trouve donc à la croisée des chemins. Portée par une consommation intérieure encore dynamique, mais fragilisée par un déficit d’investissement et la dépendance à sa rente minière, elle doit repenser son modèle. Les tensions protectionnistes mondiales, notamment avec les États-Unis, rappellent la vulnérabilité d’une économie trop ouverte et trop concentrée sur quelques débouchés. Le défi est clair : diversifier ses partenaires commerciaux, mais surtout transformer ses atouts en valeur ajoutée durable, en misant sur l’innovation, la productivité et la transition énergétique. C’est à ce prix que l’Australie pourra rester l’un des acteurs économiques majeurs de l’Asie-Pacifique.