10 octobre 2025

Tendances – politique extérieure américaine – jeunes

Politique extérieure : la grande rupture américaine

Le président Donald Trump a décidé d’apporter son soutien à son homologue argentin, Javier Milei, avec lequel il partage un goût affirmé pour la disruption. En visite officielle le 14 octobre prochain à Buenos Aires, le chef de l’État américain a accordé une ligne financière de 20 milliards de dollars, soit l’équivalent de la moitié des réserves de change de l’Argentine, afin de rassurer les investisseurs sur la solidité des réformes monétaires engagées. Ce soutien vise à enrayer la dépréciation du peso argentin. Le Trésor américain envisage même de mobiliser l’Exchange Stabilisation Fund, un fonds en dollars qui n’avait plus été utilisé pour venir en aide à un pays étranger depuis 2002.

Huit mois après le début de son second mandat, Donald Trump a profondément remodelé la diplomatie financière américaine. Pendant des décennies, celle-ci visait à réduire la pauvreté tout en consolidant l’influence des États-Unis. Les financements passaient par l’aide bilatérale, le FMI ou la Banque mondiale, dont Washington demeure le principal actionnaire. Désormais, la Maison-Blanche a coupé la moitié des flux financiers sortants, provoquant l’inquiétude des institutions multilatérales. Les États-Unis ne se retirent pas du développement international : ils en redéfinissent les règles. La diplomatie financière américaine devient plus sélective et instrumentalisée. Les ressources sont réservées aux alliés idéologiques, aux dirigeants jugés stratégiques par Donald Trump et aux pays qu’il souhaite soustraire à l’influence de Pékin. Le soutien américain est désormais explicitement politique.

En avril, Scott Bessent, secrétaire au Trésor, avait cherché à apaiser le FMI et la Banque mondiale en promettant de maintenir l’appui américain, sous condition d’une réforme de leurs pratiques. Depuis, il leur demande de réduire leurs engagements globaux. L’administration affiche une volonté claire de désarticulation progressive des institutions multilatérales.

Dans le même temps, trois grandes agences américaines ont été réorganisées pour servir cette nouvelle orientation. En juillet, l’USAID, principale agence d’aide, a transféré ses derniers crédits au département d’État, chargé de leur trouver de nouveaux usages. La Millennium Challenge Corporation, organisme de prêts aux infrastructures, gelée au printemps, a été autorisée à reprendre ses activités, mais son budget a été réduit de 75 %. En 2026, le département d’État devrait contrôler la quasi-totalité du budget des affaires internationales (31 milliards de dollars), soit deux fois moins qu’en 2025.

Troisième pilier, la Development Finance Corporation (DFC), créée par Donald Trump lors de son premier mandat, dispose d’un portefeuille de prêts plafonné à 60 milliards de dollars, financé en partie par des investisseurs privés. La Maison-Blanche souhaite relever ce plafond à 250 milliards, ce qui nécessiterait l’approbation du Congrès. Dans ces trois institutions, la ligne directrice est désormais claire : moins de subventions, davantage de prêts à des conditions proches du marché et d’investissements en capital. Tout projet non rentable devra répondre à des priorités très ciblées, sous peine d’être rejeté.

Les fonds ainsi économisés doivent être redirigés vers les partenaires jugés loyaux. Alors que les États-Unis évitaient traditionnellement les plans de sauvetage bilatéraux, préférant les confier au FMI, cette approche est désormais privilégiée. L’Argentine en est l’un des premiers bénéficiaires. Malgré son tropisme isolationniste, Donald Trump n’hésite pas à mobiliser les ressources publiques pour se constituer de nouveaux alliés. Fidèle à la doctrine Monroe, il entend faire de l’Amérique latine son arrière-cour. Faute de pouvoir compter sur le président brésilien Lula, il a jeté son dévolu sur Javier Milei. Mais Washington prend un risque.  Buenos Aires puise rapidement dans ses réserves de change pour soutenir le peso, condition essentielle à la maîtrise de l’inflation. Même avec l’appui américain, les besoins de l’Argentine en devises restent considérables pour financer ses importations et honorer ses remboursements.

À travers cette nouvelle stratégie d’aide aux pays émergents, Washington cherche avant tout à contrer la Chine, devenue le premier créancier bilatéral mondial. Depuis 2016, Pékin a accordé quelque 185 milliards de dollars de prêts de sauvetage, se plaçant juste derrière le FMI. Les gouvernements bénéficiaires de ces fonds se montrent généralement peu enclins à soutenir les positions américaines, notamment lorsqu’il s’agit de relever les droits de douane à l’encontre de la Chine.

La rivalité sino-américaine s’intensifie. Donald Trump a ainsi demandé à Javier Milei de mettre fin à la ligne de swap de 18 milliards de dollars conclue avec les banques chinoises, et de cesser la vente de soja à Pékin.

Les États-Unis s’engagent également dans le financement d’infrastructures à l’étranger, imitant la stratégie chinoise. Un nouvel instrument, l’America First Opportunity Fund, doté de 3 milliards de dollars et confié à Marco Rubio, secrétaire d’État, pourrait financer des projets jugés stratégiques, tels que des réseaux de télécommunications en Asie du Sud-Est ou des programmes d’exploitation halieutique dans le Pacifique Sud. Des prêts pourraient aussi être accordés à certains gouvernements latino-américains prêts à refuser l’accès à leurs ressources minières stratégiques aux groupes chinois.

Pour Donald Trump, toute aide extérieure doit avant tout servir les intérêts nationaux américains. Le département d’État place désormais au cœur de ses priorités les ressources rares, les composants électroniques de pointe et les équipements de défense. La Maison-Blanche a offert à la Zambie des incitations pour accélérer l’exploitation de ses mines, conditionné une partie de l’aide militaire à l’Ukraine à l’accès à ses minerais, et prépare un accord du même type avec la République démocratique du Congo.

Ce programme extérieur est coûteux. Si, dans un premier temps, la Maison-Blanche avait promis de réduire l’aide internationale, rivaliser avec Pékin sur le terrain du crédit extérieur demeure une gageure. Selon le Council on Foreign Relations, les deux principales banques publiques chinoises totalisaient à elles seules plus de 500 milliards de dollars de prêts en 2024. Même avec le soutien du Congrès, Donald Trump ne pourrait mobiliser qu’environ 300 milliards de dollars. En Chine, certains appels à une réduction de ces aides émergent, ce qui constituerait une aubaine pour Washington.

Jusqu’à présent, Donald Trump a agi sans réelle considération pour le coût de sa stratégie. Ses conseillers espèrent que, confronté à l’ampleur des financements requis, il modérera ses ambitions. Dans ce cas, les plans de sauvetage bilatéraux et les contre-mesures anti-Chine pourraient céder la place à des projets miniers plus ciblés. Mais si l’extension du mandat de la DFC se concrétise, la Maison-Blanche pourrait paradoxalement devenir un bailleur de fonds plus généreux encore que sous Joe Biden — une orientation qui risquerait de heurter une partie des partisans du mouvement « MAGA ».

Les jeunes, la confiance malgré tout

Depuis 2016, le baromètre DJEPVA–INJEP du Crédoc étudie le moral, les attentes et les formes d’engagement de la jeunesse en France. L’édition 2025 repose sur un échantillon de 4 504 jeunes âgés de 15 à 30 ans et de 1 024 adultes de plus de 30 ans, interrogés en ligne en France métropolitaine et par téléphone dans les territoires ultramarins.

Une tendance longue : la stabilisation du moral, la fatigue de l’engagement

Depuis près d’une décennie, la jeunesse française évolue dans un contexte marqué par une série de crises – économiques, sanitaires, géopolitiques, environnementales. Malgré cet environnement, les jeunes conservent une certaine forme d’optimisme. Les premières éditions du baromètre (2016-2018) mesuraient déjà une satisfaction de vie oscillant entre 62 % et 65 % et une confiance dans l’avenir supérieure à 70 %. Les données de 2025 s’inscrivent dans cette continuité.

L’euphorie post-crise sanitaire, perceptible en 2022-2023 avec la reprise de la vie collective et associative après l’épisode du Covid, a cédé la place à un sentiment d’équilibre instable. La satisfaction recule, la confiance se maintient et l’engagement se fragmente. Cette combinaison traduit moins une désaffection qu’une adaptation.

Une satisfaction de vie en retrait, signe d’un désajustement générationnel

Au printemps 2025, 67 % des jeunes déclarent que leur vie correspond à leurs attentes. Ce taux est en baisse de quatre points par rapport à 2024. Surtout, pour la première fois depuis 2016, le taux de satisfaction des 15-30 ans passe en dessous de celui des plus de 30 ans (72 %).

L’analyse par sous-groupes confirme que les facteurs travail et revenus restent décisifs. Parmi les demandeurs d’emploi, seuls 48 % estiment que leur vie est conforme à leurs attentes, contre 70 % des jeunes en emploi et 69 % des étudiants ou élèves. Dans les ménages à faibles revenus, le taux de satisfaction n’est que de 58 %. Pour les jeunes n’ayant comme seul diplôme le baccalauréat, le ratio est de 60 %. Les hommes sont un peu plus satisfaits que les femmes, 69 % contre 65 %. Cet écart peut surprendre, car les jeunes femmes s’insèrent mieux professionnellement que les hommes. En revanche, elles sont plus sensibles aux questions liées à l’insécurité et se déclarent davantage victimes d’inégalités sociales et culturelles.

L’effet territorial, souvent invoqué, reste secondaire. La satisfaction varie peu entre grande ville et campagne (66 % à 69 %), mais chute à 62 % dans les agglomérations intermédiaires, ces villes moyennes où la perception du déclassement est la plus vive.

Un état d’esprit en demi-teinte : la positivité recule lentement

Pour définir leur état d’esprit, en 2025, 55 % des jeunes optent pour un terme positif (–3 points par rapport à 2024), 28 % pour un mot négatif et 17 % pour une formule neutre. Les adultes, eux, sont plus sombres : 47 % emploient des mots positifs et 40 % des mots négatifs.

Le taux de positivité est de 60 % chez les jeunes hommes contre 50 % chez les jeunes femmes. Il s’élève à 53 % chez les jeunes actifs ayant un faible niveau de qualification et à 50 % dans les foyers à faibles revenus. Il est de 45 % chez les chômeurs.

La confiance dans l’avenir : une endurance discrète

En 2025, 69 % des jeunes se déclarent confiants dans les trois années à venir : 51 % sont plutôt confiants et 18 % très confiants. Le taux est stable depuis deux ans et nettement supérieur à celui des adultes (53 %).

Le taux de confiance atteint 72 % chez les hommes contre 65 % chez les femmes. Il est de 73 % chez les jeunes en emploi et de 68 % chez les étudiants. Pour les chômeurs, il est de 56 %. Le diplôme et le revenu accentuent ces écarts : 67 % de confiance parmi les actifs titulaires d’un diplôme inférieur au baccalauréat et 65 % dans les foyers modestes.

La corrélation entre satisfaction présente et confiance future reste linéaire. Parmi ceux qui jugent leur vie insatisfaisante, la confiance chute à 41 %. Les jeunes ruraux affichent une confiance légèrement inférieure (65 %), reflet d’un horizon professionnel plus étroit.

L’engagement associatif : la stabilité dans la contrainte

Le bénévolat régulier concerne 28 % des jeunes. 14 % consacrent chaque semaine du temps à des activités associatives et 15 % une à trois fois par mois. L’écart entre hommes (30 %) et femmes (26 %) se réduit d’une enquête à l’autre, tandis que les différences selon l’âge se resserrent. Le taux d’engagement dans les activités bénévoles est de 25 % chez les 15-17 ans, 30 % chez les 18-24 ans et 28 % chez les 25-30 ans.

L’engagement augmente avec le niveau d’études et la stabilité économique. 36 % des actifs diplômés du supérieur sont bénévoles réguliers, contre 30 % des jeunes actifs en moyenne. La vie de couple et la parentalité semblent également jouer un rôle d’ancrage. 44 % des jeunes vivant en couple avec enfants s’impliquent bénévolement, contre 26 % des célibataires. La participation à la gestion d’associations est souvent liée aux activités des enfants (sports, culture, etc.).

32 % des jeunes satisfaits s’impliquent régulièrement, contre 22 % des insatisfaits ; 31 % des confiants, contre 23 % des inquiets. L’engagement nourrit le sentiment d’utilité sociale, qui lui-même entretient la confiance.

Les domaines d’action traduisent une hiérarchie stable. Le sport reste premier (32 %), devant la jeunesse et l’éducation (18 %), la culture et les loisirs (17 %), l’environnement (15 %) et l’humanitaire (14 %).

La participation citoyenne en question

La signature de pétitions ou la prise de position en ligne reste la pratique la plus répandue : 40 % des jeunes y ont eu recours au cours de l’année. Les femmes y sont plus actives (43 %) que les hommes (38 %), les 18-24 ans davantage que les 25-30 ans (44 % contre 36 %), et les diplômés du supérieur (46 %) plus que les autres.

Les fonctions de représentation — élus ou désignés pour représenter leurs pairs — concernent 24 % des jeunes. La participation aux manifestations et aux grèves est en forte baisse, à 22 % (–8 points par rapport à la précédente enquête). Les plus jeunes (15-17 ans) sont les moins présents (14 %), les 18-24 ans les plus actifs (24 %). Les jeunes en emploi (24 %) et ceux issus de foyers modestes (25 %) demeurent les plus mobilisés. La concertation publique recule à 19 % (–4 points), l’adhésion à un parti ou à un syndicat à 15 % (–3 points). Les taux observés excèdent toutefois les estimations d’adhésion effective : le baromètre saisit davantage une sympathie déclarée qu’une inscription réelle.

Une jeunesse en quête de cohérence

Le tableau d’ensemble qui ressort du baromètre 2025 est celui d’une jeunesse réaliste, ni désenchantée ni militante, mais en quête de cohérence : deux tiers des jeunes se disent satisfaits de leur vie, sept sur dix confiants dans leur avenir et trois sur dix engagés régulièrement. Loin des clichés sur le désintérêt politique, elle manifeste un engagement sélectif, conditionné par la crédibilité des dispositifs et la lisibilité des résultats. La participation en ligne ou ponctuelle ne remplace pas l’action collective, mais elle constitue une adaptation aux contraintes de la vie étudiante ou professionnelle. Les jeunes privilégient les formes d’implication à faible coût temporel, sans pour autant renoncer au principe de solidarité. Leur engagement se déplace : moins durable, mais plus ciblé ; moins idéologique, mais plus concret. Malgré un contexte économique morose et une offre politique peu mobilisatrice, sept jeunes sur dix continuent de croire en leurs trois prochaines années. Cette confiance, plus individuelle que collective, repose sur la conviction qu’il existe encore des marges d’action, à condition que l’effort personnel soit reconnu.