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La guerre des batteries : quand la Chine et les États-Unis jouent avec le feu
Fabriquer une batterie lithium-ion, destinée à un véhicule électrique, relève presque de l’art culinaire. Le processus nécessite de mélanger une poudre riche en ions jusqu’à obtenir une pâte homogène qui est étalée ensuite sur une fine feuille métallique. Un passage au four est nécessaire avant empilement des structures. La chimie sous-jacente est relativement bien maitrisée mais elle nécessite néanmoins un savoir-faire. Pour le moment, les meilleurs maîtres-artisans se trouvent en Chine. Celle-ci entend préserver son avantage en la matière. Ainsi, le 9 octobre dernier, le ministère du Commerce a annoncé que les fabricants de batteries devraient désormais obtenir une licence pour exporter leurs produits, leurs équipements ou leurs composants. Cette mesure s’inscrit dans une refonte globale du régime de contrôle des exportations, qui inclut aussi de nouvelles restrictions sur les terres rares. Ces annonces ont provoqué l’inquiétude des partenaires commerciaux de Pékin et la colère du président Donald Trump. En réponse, ce dernier a menacé d’imposer un droit de douane supplémentaire de 100 % sur les produits chinois, assorti de contrôles sur les exportations américaines à destination de la Chine.
Cette montée aux extrêmes reste encore maîtrisée. Les deux superpuissances sont persuadées qu’elles éviteront une nouvelle guerre commerciale. Pékin a dénoncé les menaces tarifaires américaines mais sans présenter des mesures de représailles. Des délégations des deux pays se sont rencontrées le 13 octobre dernier, puis de nouveau en marge des réunions de la Banque mondiale et du FMI le 15. L’espoir demeure que Donald Trump et Xi Jinping puissent trouver un terrain d’entente le 29 octobre, avant un sommet prévu en Corée du Sud.
L’expérience de la première guerre commerciale en début d’année entre la Chine et les Etats-Unis a prouvé que la forte hausse des droits de douane avait paralysé les échanges forçant Washington à négocier une trêve dès le mois de mai. Le retour de la hausse des cours boursiers n’a été rendu possible que par la signature d’accords commerciaux. . Après avoir chuté le 10 octobre après la déclaration sur la fixation de droits à 100 %, les marchés ont vite rebondi, les investisseurs étant persuadés que le Président américain reculerait encore. Si les acteurs de Wall Street ne craignent plus Donald Trump, il est possible qu’il en soit de même de la part des Chinois. Les responsables américains sont, par ailleurs, persuadés que l’économie chinoise est en difficulté. Ils estiment qu’elle est confrontée à une déflation de grande ampleur en lien avec des excès de production importants. En septembre, les prix à la sortie des usines ont baissé pour le trente-sixième mois consécutif. Sa croissance, cette année encore, repose largement sur les exportations, mais depuis l’année dernière, la Chine a réussi à réorienter ses ventes vers d’autres destinations. Sur les douze mois achevés en septembre, ses exportations de biens ont progressé de plus de 8 %, malgré une chute de 27 % vers les États-Unis. Une hausse des droits américains modifiera la manière dont la Chine atteindra ses objectifs de croissance, non le fait qu’elle les atteigne », observe Larry Hu, économiste chez Macquarie Bank.
Les droits de douane ne sont pas l’unique arme économique des États-Unis. Le contrôle des exportations technologiques constitue l’autre levier de pression. En mai dernier, Washington a ainsi suspendu la vente d’équipements à COMAC, le constructeur aéronautique chinois. Les États-Unis pourraient aller plus loin encore, en bloquant la fourniture de pièces pour les avions chinois, qui peineraient alors à être certifiés ou assurés en Occident. Donald Trump a déjà annoncé qu’il restreindrait les exportations de « tous les logiciels critiques ». Lors du précédent affrontement, les États-Unis avaient limité la vente de logiciels d’automatisation de conception électronique (EDA), indispensables à la conception de semi-conducteurs. Les trois leaders du secteur — Cadence, Synopsys et Siemens EDA — sont américains et contrôlent 82 % du marché chinois. Face à la multiplication des mesures contre leur économie, les autorités chinoises répliquent en instaurant des règles semblables à celles prises par les Etats-Unis. Les licences d’exportation s’appliquent désormais aux produits étrangers fabriqués à l’aide de technologies ou d’équipements chinois, dans un mimétisme presque parfait de la « règle du produit direct étranger » de Washington. La définition chinoise des puces « avancées » — celles de 14 nanomètres ou moins — correspond d’ailleurs à celle des États-Unis. Pékin, longtemps scandalisé par la « juridiction extraterritoriale » des régulateurs américains, revendique aujourd’hui la sienne.
Cette surenchère réglementaire de part et d’autres complique les échanges, les importateurs devant fournir un nombre de justificatifs croissant. Ces derniers espèrent que l’entrevue entre Donald Trump et Xi Jinping débouchera sur une désescalade.
Le nouvel âge du luxe : quand l’exclusivité s’évapore
En 2023, une bouteille de Château d’Yquem valait 60 % de plus qu’en 2015. À l’époque, tous les produit de luxe connaissait des augmentations à deux chiffres faisant le bonheur des grands groupes comme LVMH, Kering ou Hermès. De 2015 à 2023, l’indice des investissements de luxe publié par le cabinet immobilier Knight Frank s’était envolé de 70 %. Depuis son sommet de 2023, l’indice a reculé de 6 %. Les grands crus classés de Bordeaux — Lafite Rothschild, Margaux et consorts — ont perdu près de 20 %. Aux États-Unis, les prix des jets privés et des yachts ont baissé de 6 %. Les Rolex d’occasion se négocient près de 30 % en dessous de leurs niveaux de 2022. Le marché de l’art contemporain est en berne. À Londres comme à Paris, les logements “prime” reculent. À San Francisco, une villa de la fameuse Billionaires’ Row, affichée 32 millions de dollars il y a deux ans, se cherche aujourd’hui preneur à 26 millions.
La baisse du marché du luxe ne s’explique pas par celle des revenus des milliardaires.
Selon Forbes, leur nombre est de plus de 3 000 dans le monde, contre 2 800 l’an dernier. Les 0,1 % d’Américains les plus riches détiennent désormais 14 % du patrimoine des ménages — un record depuis plusieurs décennies. Contrairement aux ménages modestes, les 3,3 % d’Américains les plus aisés ont accru leurs dépenses depuis 2022. Le ralentissement ne vient donc pas d’un appauvrissement des riches, mais de l’économie même du luxe, en mutation rapide.
Le marché du luxe repose sur deux piliers : la rareté et la rivalité. Un bien n’est véritablement luxueux non parce qu’il est cher, mais parce que sa possession empêche les autres de l’obtenir. Le problème, pour les ultra-riches, est que les biens d’exception ne le sont plus vraiment. Des dizaines de domaines produisent désormais d’excellents vins. Le meilleur Bordeaux vaut-il encore tant mieux que les autres ? Les diamants de laboratoire sont identiques aux naturels. Avec un peu d’argent, il est possible de s’offrir une veste Kiton d’occasion ou affréter un jet privé pour quelques heures. Le monde de l’art expérimente la “fractionnalisation” : plusieurs centaines d’investisseurs peuvent désormais détenir ensemble un fragment d’un tableau de Rembrandt. La tokenisation de l’art aboutit à la banalisation des œuvres. Les plaisirs jadis réservés à quelques-uns se sont démocratisés — et surtout, affichés sur les réseaux sociaux. Le raffinement est devenu reproductible. Ces biens ne sont plus rares, ni vraiment enviables. Le luxe s’est banalisé et n’est plus de ce fait « luxe », et avec lui, le désir qu’il suscitait.
Les riches se tournent donc vers d’autres horizons : plus grand, plus exclusif, plus personnel. Les riches comme le reste de la population se détournent des biens matériels pour des services, pour des univers plus immatériels. Assister à un concert des Rolling Stones avec rencontre avec Mick Jagger prime désormais sur la possession d’une Ferrari ou d’une Porsche. . Les billets du Super Bowl ont doublé en quelques années. La hausse des prix des services de luxe obéit à la même logique que le déclin des objets de luxe : la rareté absolue. L’hôtellerie de luxe l’a bien compris. Les palaces offrent des suites avec des piscines privées et avec des vues impossibles comme sur la Tour Eiffel ou l’Arc de Triomphe à Paris. Avec moins de 200 chambres, le Bristol à Paris illustre cette soif d’identité de la part des riches, la demande excède largement l’offre ce qui a permis de multiplier par deux le prix d’une nuit en six ans. En période de déclin démographique et de lutte contre l’immigration, le personnel de maison devient une denrée rare aux Etats-Unis. Le salaire d’un employé de maison a a ainsi, aux Etats-Unis, augmenté de 50 %. À Palm Beach, en Floride, certains gagnent plus de 150 000 dollars par an. Les Philippins sont particulièrement recherchés.
La finale de la prochaine coupe du monde devrait être l’occasion d’une nouvelle envolée des tarifs. Il en sera de même pour les concerts de Taylor Swift ou des Stones. Pour ces derniers, la rareté sera d’autant plus présente que la probabilité que cela soit la dernière tournée augmente.


