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Chronique d’un krach maintes fois annoncé !
Si la Bourse américaine devait connaître une correction violente dans les prochaines semaines, ce serait l’une des implosions financières les plus annoncées de l’histoire. Des dirigeants de grandes entreprises, des économistes, des responsables d’institutions internationales comme le FMI : nombreux sont ceux qui alertent sur les valorisations stratosphériques des géants technologiques américains engagés dans la bataille de l’Intelligence artificielle (IA). Au moindre frémissement du Nasdaq, les spéculations sur l’imminence d’un krach reprennent.
Plusieurs facteurs nourrissent cette nervosité. Le ratio cours/bénéfices des entreprises du S&P 500 atteint des niveaux comparables à ceux de la bulle Internet. Les besoins en capitaux de l’IA se chiffrent en centaines de milliards de dollars, avec une rentabilité encore très incertaine. Pour obtenir un rendement de 10 % sur les investissements prévus d’ici 2030, les entreprises devraient générer 650 milliards de dollars de revenus annuels, soit plus de 400 dollars par an et par utilisateur d’iPhone, calcule JPMorgan Chase. L’histoire enseigne que des attentes aussi élevées sont souvent déçues, même lorsque la technologie finit par transformer le monde.
Un krach largement anticipé… mais mal compris
Un krach surprendrait peu de monde, mais rares sont ceux qui anticipent qu’il pourrait être violent. Depuis 2009, les investisseurs ont oublié ce qu’est un véritable effondrement. En 2020, la chute liée au Covid fut brève, immédiatement compensée par une politique monétaire hyper-accommodante.
La situation actuelle n’est pas assimilable à la bulle Internet de 2000 ni à la crise financière de 2008. L’euphorie IA est financée par fonds propres, non par l’endettement, et repose sur des groupes déjà installés, non sur une myriade de start-up. Par ailleurs, l’économie réelle a montré une résilience remarquable face aux chocs de ces dernières années : pandémie, guerre en Ukraine, crise énergétique européenne, relèvement des droits de douane américains… Les récessions sont devenues rares.
Pour autant, croire qu’une correction ne toucherait que les portefeuilles des investisseurs serait une erreur. Plus l’engouement se prolonge, plus les circuits de financement deviennent opaques avec, à la clef, un risque de contagion à l’économie réelle.
Le talon d’Achille : le consommateur américain
Les actions représentent 21 % de la richesse des ménages américains, soit un quart de plus qu’au sommet de la bulle Internet. Les actifs liés à l’IA expliquent près de la moitié de l’augmentation de cette richesse sur un an. À mesure que leur patrimoine s’apprécie, les ménages américains épargnent moins : le taux d’épargne est désormais inférieur à 8 % du revenu disponible.
Un krach inverserait brutalement ces comportements. Une baisse des actions comparable à celle des années 2000 réduirait la richesse nette des ménages de 8 %, selon nos calculs, et entraînerait une contraction marquée de la consommation dans un contexte où l’économie américaine ralentit déjà.
Le choc serait mondial. Les non-résidents détiennent près de 18 000 milliards de dollars d’actions américaines : l’effet-richesse négatif se transmettrait immédiatement à l’Europe, déjà en croissance faible, et à la Chine, fragilisée par le risque déflationniste.
Un ralentissement gérable… mais aux effets géopolitiques et budgétaires lourds
Une correction des marchés actions ne provoquerait pas nécessairement une récession profonde. En 2000, plusieurs grandes économies avaient échappé au recul du PIB. La Réserve fédérale conserve des marges pour baisser ses taux et soutenir la demande.
Mais l’éclatement d’une bulle IA aurait un impact géopolitique puissant. Hors IA, les effets de la politique économique de Donald Trump apparaîtraient plus durement, avec un recul du pouvoir d’achat. Le dollar pourrait se déprécier, améliorant la compétitivité américaine mais compliquant le financement des déficits publics.
Une épreuve budgétaire mondiale
La baisse des taux directeurs réduirait en principe le coût du service de la dette publique qui atteint en moyenne 110 % du PIB dans les pays de l’OCDE. Mais la récession ferait mécaniquement gonfler les déficits : ralentissement des recettes, hausse des dépenses sociales.
Les taux longs pourraient au contraire augmenter si les investisseurs exigent une prime de risque supplémentaire. La France et le Royaume-Uni seraient en première ligne, faute de marges de manœuvre budgétaires pour relancer l’activité.
Un dernier effet : le commerce mondial
Une baisse de la consommation américaine réduirait mécaniquement le déficit commercial, ce qui satisferait Donald Trump. Mais la montée du chômage amplifierait les pressions protectionnistes, avec une demande accrue de taxation des produits chinois et étrangers. Une spirale protectionniste pourrait alors s’enclencher, compliquant encore un contexte économique mondial déjà fragilisé.
Un krach n’est jamais certain, mais il devient probable quand trop d’acteurs finissent par croire qu’il ne peut plus arriver. L’économie mondiale aborde cette fin de cycle boursier avec des marchés saturés d’espoirs technologiques, des finances publiques épuisées et des tensions géopolitiques croissantes. Une correction boursière agirait comme un révélateur. Elle obligerait les États à repenser leur stratégie budgétaire, les banques centrales à redéfinir leur doctrine et les entreprises à distinguer enfin l’innovation véritable de la spéculation pure. Les bulles ne sont jamais dangereuses lorsqu’elles éclatent, mais lorsqu’elles durent trop longtemps. Celle de l’IA n’échappe pas à la règle. Si elle se dégonfle, ce sera moins la fin d’un rêve que le retour d’une économie mondiale confrontée à ses limites bien réelles.
Le bitcoin : à la croisée des chemins
Le 3 janvier prochain marquera les dix-sept ans de la première apparition de Bitcoin, dévoilé par Satoshi Nakamoto, son fondateur pseudonyme. La cryptomonnaie la plus célèbre s’est imposée dans l’ordre financier mondial plus rapidement que n’importe quel autre actif. Ces dernières années, le bitcoin a gagné en crédibilité en étant progressivement adoubé par la finance traditionnelle. Banques et gestionnaires d’actifs lancent désormais des fonds indiciels en bitcoins. Avec la conversion de Donald Trump aux cryptoactifs, les régulateurs américains soutiennent l’essor de ces derniers. L’encours des bitcoins n’en finit pas, dans ces conditions, d’augmenter. Il dépasse désormais 2 500 milliards de dollars. Néanmoins, son cours demeure volatil et dépendant de l’évolution de celui du Nasdaq ainsi que du comportement de certains acteurs du marché des cryptos.
De début octobre à fin novembre, le cours du bitcoin est passé de 126 000 dollars à 90 000 dollars. Pour un actif spéculatif — qui ne génère aucun revenu et repose exclusivement sur l’espoir de plus-values futures —, l’absence d’un nouveau cycle haussier peut rapidement devenir un handicap. Le renforcement des interconnexions entre cryptos et marchés financiers contribue à une rationalisation du marché et, de ce fait, à une moindre spéculation. Cependant, toute prévision sur le bitcoin est difficile. Beaucoup d’experts s’y sont essayés et ont échoué. Mais une constante se dégage des cycles précédents : chaque hausse importante s’est appuyée sur une histoire optimiste d’adoption accrue. En 2020-2021, les confinements et la générosité budgétaire ont coïncidé avec la généralisation du trading crypto chez les courtiers traditionnels. Fin 2023, l’espoir de voir aboutir les premiers fonds indiciels cotés (ETF) adossés aux cryptomonnaies a nourri une nouvelle vague d’enthousiasme. De fait, les premières demandes d’ETF ont été approuvées par les autorités américaines en janvier 2024. La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle en novembre de la même année a offert un nouvel élan à Bitcoin.
Aujourd’hui, les investisseurs ne rencontrent aucune difficulté à acheter du bitcoin. Les courtiers donnent accès à un large éventail d’actifs numériques. Certains grands investisseurs institutionnels restent toutefois à l’écart. Ce mois-ci, les amateurs de crypto ont salué l’annonce de l’achat d’un million de dollars en cryptomonnaies par la banque centrale tchèque. Mais cela reste marginal sachant que les réserves de cette banque centrale dépassent 171 milliards de dollars. La plupart des banques centrales excluent toujours les actifs numériques de leurs réserves stratégiques. Le potentiel d’augmentation des volumes de transactions demeure donc limité. De même, en Europe, l’accès du grand public aux ETF en bitcoins reste limité. Les banques commerciales restent prudentes et attendent la position des régulateurs.
Un krach crypto pourrait se diffuser sur les autres marchés financiers. Les investisseurs les plus exposés au repli récent sont ceux qui se sont comportés comme si la hausse était illimitée. Strategy, une entreprise de logiciels, a emprunté pour accumuler environ 60 milliards de dollars de tokens. Sa capitalisation boursière est désormais inférieure à la valeur de ses avoirs en bitcoin, ouvrant la perspective de ventes forcées massives. Le 10 octobre dernier, quelque 19 milliards de dollars de positions crypto à effet de levier ont été liquidés après l’annonce par Donald Trump de nouveaux droits de douane de 100 % sur la Chine (mesure partiellement annulée quelques jours plus tard). Nul ne sait combien de dettes subsistent encore, mais plus les prix baisseront, plus le risque d’une série de défaillances augmentera.
Depuis 2020, le bitcoin est de plus en plus corrélé aux actions technologiques. L’éclatement de la bulle IA aurait des effets sur le cours du bitcoin.
L’adoption de produits adossés aux actifs numériques par les grands acteurs financiers a, elle aussi, renforcé les interconnexions. BlackRock, qui gère 13,5 trillions de dollars, est le dépositaire du fonds indiciel le plus important en bitcoins du monde. Un tiers des clients qui ont acheté ce produit comme première exposition à BlackRock ont ensuite investi dans des ETF plus traditionnels du groupe. Le Conseil européen du risque systémique craint qu’un fonds crypto puisse provoquer des débordements sur la finance conventionnelle : « Les volumes ont désormais atteint un niveau qui rend ce scénario crédible », avertissait-il le mois dernier.
Les stablecoins — ces actifs numériques destinés à conserver une valeur stable et à assurer des transactions — constituent une autre zone de tension. Le marché en circulation a progressé de près de 50 % en un an, dépassant 300 milliards de dollars. En juillet, ils ont obtenu un cadre réglementaire clair aux États-Unis, avec le Genius Act, définissant les actifs éligibles pour leur collatéralisation. Mais la plupart des stablecoins servent encore principalement aux transactions internes à l’écosystème crypto. Cela signifie que les marchés baissiers sur les cryptos les plus risquées peuvent se traduire par des sorties de capitaux de ces stablecoins. Étant majoritairement adossés à des bons du Trésor américain, un choc pourrait ébranler les marchés obligataires si leurs émetteurs étaient contraints de vendre en urgence pour rembourser leurs détenteurs. Quant aux stablecoins qui ne seraient pas intégralement garantis par des actifs sûrs, ils risqueraient de perdre leur ancrage et d’entrer dans une spirale prenant la forme d’un bank run.
Les cryptos ont peut-être épuisé la plupart des catalyseurs de hausses faciles : réduction des liquidités disponibles, clarification réglementaire, effet mode… Est-ce que Donald Trump décidera d’un engagement plus important dans les cryptos afin de soutenir les cours… Avec le président américain, tout est possible !
Quand le modèle européen vacille
Pendant des décennies, l’Union européenne a été convaincue du bien-fondé de son modèle reposant sur quelques principes clairs : des relations régulées par le droit, un système d’État-providence développé, une division des pouvoirs entre le Conseil, la Commission et le Parlement. Ce modèle n’était pas sans lézardes mais les Européens ont préféré les masquer.
La première concerne l’hostilité d’une part non négligeable de la population à la construction européenne, hostilité qui s’est manifestée par le rejet du traité constitutionnel de 2005 par référendum en France et aux Pays-Bas ainsi que par le Brexit. La deuxième est liée à la difficulté croissante de mettre en œuvre des projets communs. La troisième s’explique par l’absence de vision de long terme et de responsables politiques capables de créer un nouvel élan européen.
Le modèle européen vacille sur le plan de l’économie. En vingt ans, le décrochage avec les États-Unis a été important. L’océan Atlantique est devenu un fossé. L’Europe se découvre nue face à la résurgence des tensions internationales. Elle a accusé le coup avec la guerre en Ukraine. Les volte-face de Donald Trump ont créé un moment de panique, en particulier en ce qui concerne le soutien militaire de son pays à l’Europe. Cette dernière réapprend que l’histoire est tragique.
À l’ère de la mondialisation, l’Union européenne avait comme objectif de transformer des États-nations en un bloc plus fort que la somme de ses parties tout en ne remettant pas en cause leur souveraineté. Cette alchimie semble avoir atteint ses limites. L’Union européenne a été durant des années une réelle puissance commerciale grâce à l’Allemagne, aux Pays-Bas et aux États d’Europe du Nord. Or, la Chine est devenue un rival commercial même, voire surtout, sur les marchés de pointe. Elle surclasse des pans entiers de l’industrie européenne, à commencer par l’automobile.
L’an dernier, le déficit commercial de l’Allemagne avec la Chine s’élevait à 66 milliards d’euros. Il pourrait atteindre, cette année, plus de 85 milliards, soit environ 2 % du PIB. Les Européens multiplient les mesures protectionnistes mais Pékin exploite la dépendance du Vieux Continent pour infléchir cette politique. Dans des secteurs stratégiques comme celui des semi-conducteurs ou des terres rares, les autorités chinoises menacent l’Europe d’embargos.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a créé une double onde de choc qui ébranle les Européens. Premièrement, il a imposé un accord commercial à l’Union avec un relèvement des droits de douane et des obligations d’achat et d’investissement aux États-Unis. Il a ainsi mis fin à l’idée d’une convergence commerciale entre les deux blocs occidentaux, convergence qui était de mise depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Sur le terrain de la sécurité, Donald Trump a demandé un effort financier plus important de la part des Européens qui, en outre, ont pris conscience que la garantie américaine n’était plus automatique. Le rapprochement entre Washington et Moscou sur le dossier ukrainien a été durement ressenti par les capitales européennes. Les dernières déclarations de Donald Trump sur une possible intermédiation américaine entre l’OTAN et la Russie ont donné l’impression que les États-Unis n’étaient plus partie prenante de l’organisation militaire. Face aux velléités hégémoniques de la Russie qui entend laver l’affront de la fin de l’URSS, les Européens se découvrent orphelins ou presque du bouclier américain.
L’UE avait été conçue pour prospérer dans un monde prévisible, régi par des règles et des procédures. Elle se retrouve désormais prise en étau, devant faire face à des puissances impérialistes. Les États européens sont traités avec un mépris affiché par les dirigeants des États-Unis, de la Russie ou de la Chine. Face à cette situation, à Bruxelles et dans certaines capitales, certains prônent le recours au protectionnisme commercial et à la politique industrielle afin de préserver des secteurs manufacturiers jugés stratégiques. Au nom de la sécurité nationale, il faudrait protéger indistinctement tout et n’importe quoi — des céréales au bois en passant par l’acier et les automobiles. Une telle politique ne ferait qu’accélérer le déclin européen. Les hausses tarifaires représentent un impôt supplémentaire pour des consommateurs qui sont déjà en Europe lourdement taxés. En outre, l’Europe, confrontée à un vieillissement démographique, ne peut maintenir son rang que par les exportations. Si elle se lance dans le protectionnisme, elle perdra des parts de marché, les autres pays lui fermant leur marché.
Des voix se font entendre selon lesquelles les problèmes des Européens sont avant tout provoqués par Bruxelles. Le remède à la léthargie européenne serait le retour aux capitales nationales. Or, le Brexit devrait servir de leçon en la matière. La sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni n’a pas réglé le problème de l’immigration. Elle se traduit par un affaiblissement de la croissance et par une hausse sans précédent des impôts.
Que doit donc faire l’Europe ? Elle doit garder son cap et ne pas céder à l’air du temps. Elle peut tirer bénéfice de son rôle de gardienne de l’État de droit. Même si les États-Unis, la Chine ou la Russie bafouent le multilatéralisme, de nombreux pays plus petits savent qu’ils ont intérêt à évoluer dans un monde régulé et transparent. L’UE, grâce à la taille de son marché et à son expertise technique, conserve une forte capacité de rassemblement, notamment en matière commerciale. Elle devrait se positionner comme le pôle de ralliement des pays désireux d’avancer sans les États-Unis, qui ne représentent que 16 % du commerce mondial. Totalement incompris en France, les accords commerciaux sur le modèle de celui négocié avec le Mercosur devraient être généralisés. Les marchés indien et d’Amérique du Sud peuvent compenser en partie celui des États-Unis. L’Union européenne dispose d’importants leviers pour agir sur les échanges commerciaux. Elle peut agir contre le dumping chinois et les subventions déloyales. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a promis de répondre aux restrictions chinoises sur les terres rares en favorisant l’émergence de filières européennes. Certes, cela exigera du temps et des investissements.
Pour les pays européens, un deuxième chantier consiste à mieux exploiter la puissance qu’ils détiennent déjà en intégrant davantage leurs économies. Aujourd’hui, de nombreuses forces politiques s’y opposent. Mais l’hostilité à l’encontre de l’Europe se nourrit de l’inaction. En négligeant l’intégration, l’Union s’affaiblit. Conçu pour les biens, le marché unique reste inadapté à des économies désormais dominées par les services. L’Europe parle beaucoup de déréglementation, mais la tentation de réguler demeure souvent plus forte. Les gouvernements hésitent à mettre en œuvre les préconisations du rapport rédigé par Mario Draghi, par crainte de perdre en souveraineté. Les gouvernements, au nom d’un populisme facile, se trompent de bataille. Ils mettent beaucoup d’énergie dans la réindustrialisation en pointant du doigt la concurrence chinoise. Mais les emplois industriels d’usine auraient décliné même sans celle-ci. La réouverture d’usines ne donnera pas lieu à d’importantes créations d’emplois. En outre, chaque État entend conduire en solitaire sa politique de réindustrialisation, au risque de gaspiller l’argent public et de créer des surcapacités de production.
L’Union européenne se doit de surmonter les blocages et les difficultés liées à la participation de 27 pays souverains aux intérêts pas toujours convergents. Conscients de la menace, les dirigeants européens doivent convaincre leurs citoyens qu’une transformation est inéluctable. Soit l’Europe reprend en main son destin, soit la Chine et l’Amérique lui imposeront des changements autrement plus douloureux.


