C’est déjà hier (9 juillet 2016)
Les montages russes de l’emploi aux États-Unis
Les créations d’emploi sont, aux États-Unis, en mode montagne russe ou yoyo. En effet, l’économie américaine a enregistré la création nette de 287.000 emploi ce qui constitue le meilleur résultat de depuis octobre dernier. Ces chiffres dépassent les prévisions des analystes qui comptaient sur la création de 175 000 emplois et tranchent avec ceux du mois de mai, révisés à la baisse à 11 000 nouveaux emplois contre 38.000 précédemment estimés.
Ce sont les services qui ont été à l’origine des créations d’emploi aux États-Unis au mois de juin. 59 000 créations nettes ont été comptabilisées en juin dans les secteurs de l’hôtellerie et des loisirs, 58.000 dans les services de santé, 44.000 dans l’information et 30.000 dans la distribution.
L’industrie a, en revanche, généré peu d’emplois, 9000 créations pour le secteur de la production des biens. Les industries minières et les secteurs de l’énergie (pétrole et charbon) continuent à perdre des emplois (-5 000 postes). Le secteur public est, quant à lui, à nouveau générateur d’emplois (+ 22 000 emplois).
Le taux de chômage remonte de 4,7 à 4,9 % pour des raisons essentiellement techniques. Au mois de mai, de nombreuses personnes avaient renoncé à chercher un emploi ou avaient été radiées des listes. En revanche, le nombre de travailleurs à temps partiel a reculé à 5,8 millions d’emploi ce qui est son score le plus bas depuis le mois d’octobre.
Le salaire horaire moyen a gagné 2 cents à 25,61 dollars. Sur 12 mois, il est en hausse de 2,6 %.
Ces différents résultats ne permettent guère de se faire une idée fiable sur la décision que pourra prendra la FED en septembre sur les taux. La progression des salaires reste modeste et le marché du travail est avant tout porté par des emplois à faible qualification. Par ailleurs, l’appréciation du dollar, depuis le référendum britannique, réduit les marges de manœuvre de la FED pour relever les taux.
Et si la France l’emportait demain ?
La croissance française résiste aux vents contraires de la conjoncture internationale grâce à une bonne tenue de la consommation et à la reprise, tant espérée, de l’investissement. Le secteur marchand recrée des emplois laissant entrevoir, enfin, une réelle baisse du chômage.
Depuis quelques mois, le taux de la croissance de la France est passé au-dessus du taux de croissance potentielle (taux de croissance calculé en prenant en compte le potentiel de production, capital – travail – gains de productivité). Cet écart positif est en grande partie imputable à l’impact de la chute des cours de l’énergie. Néanmoins, au-delà de ces quelques bons résultats, la France peut-elle connaitre un nouveau cycle de croissance après une longue phase de stagnation ?
Le cycle économique qui s’achève n’avantageait pas la France car il était porté par l’équipement des pays émergents exportateurs en machines-outils. Le développement dans ces pays d’une élite à fort pouvoir d’achat oriente naturellement la consommation vers les produits de luxe à caractère ostentatoire. Certes, cela n’est pas sans déplaire aux groupes de luxe français mais cela avantage également, par exemple, les constructeurs automobiles allemands. La montée en puissance de l’industrie de la machine-outil au sein des pays émergents et la réorientation de leur économie au profit de la consommation devraient réduire la croissance des flux dont profitait l’Allemagne. Par ailleurs, plus un pays s’enrichit, plus il vieillit, moins il consomme, en valeur relative, de biens industriels et plus il consomme de services. La France étant traditionnellement un pays de services devrait être plus en phase avec le développement économique des prochaines années. Les points forts de la France sont son secteur financier, ses entreprises capables de gérer des réseaux (réseaux, grande distribution, concessions en tout genre…), le tourisme (au sens large du terme). La France dispose d’atouts également dans des secteurs à fort potentiel comme la santé.
La stagnation française de ces dernières années est imputable à un indéniable recul de la production industrielle qui n’a pas été compensé par le développement de services marchands à forte valeur ajoutée.
La France a accumulé du retard dans le domaine de la digitalisation par rapport aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Ce retard a eu peut être comme conséquence une certaine léthargie au niveau de l’activité mais a évité une segmentation accrue du marché du travail. En effet, aux États-Unis comme au Royaume-Uni, si les emplois à très forte qualification mais surtout ceux à faible qualification augmentent, les emplois intermédiaires déclinent rapidement.
Aux États-Unis, les emplois de la classe moyenne ne représentaient, en 2014, plus que 45 % de l’emploi contre 60 % en 1970. Au Royaume-Uni, les emplois de la classe moyenne se sont contractés de plus de 10 %, entre 1993 et 2012. En Allemagne comme en France, la baisse est d’un peu plus de 7 % sur la même période.
En raison de sa désindustrialisation de ces dernières années et du faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire, la France apparaît en retard dans l’achat de robots industriels. Ainsi, de 2002 à 2015, le nombre de robots industriels achetés pour 1000 emplois dans le secteur manufacturier est passé de 0,55 à 2,40 aux États-Unis, de 0,22 à 0,95 au Royaume-Uni, de 1,54 à 2,80 en Allemagne et de 1,2 à 1,7 en Italie quad en France, ce ratio est passé de 0,87 à 1,2.
Avec le Royaume-Uni, la France est un des pays du G7 qui dispose du plus faible stock de robots industriels (1,22 robot pour 100 emplois dans le secteur manufacturier contre 1,78 aux États-Unis, 1,62 en Allemagne ou 2,86 au Japon).
Depuis la fin de l’année dernière, une reprise de l’investissement est constatée en France. Il n’y a pas d’amélioration en ce qui concerne la robotisation du capital. Le rattrapage en la matière ainsi que l’accélération de la digitalisation pourraient intervenir en 2017, en cas de maintien d’un rythme correct de croissance.
L’augmentation de la profitabilité des entreprises laisse entrevoir des marges pour la réalisation d’investissements technologiques. Ils sont indispensables pour élever le niveau de la croissance potentielle et éviter le retour de la stagnation qui ne pourrait qu’intervenir si le prix du pétrole repassait au-dessus de 70 dollars. Les facteurs qui ont joué en faveur de la croissance pourraient, dans ce cas disparaître. En effet, c’est la baisse de l’inflation qui a soutenu sur un an la croissance du salaire réel de 1,3 %, la croissance du revenu disponible réel de 1,2 % et la consommation des ménages en volume de 1,4 %.
Entre des taux d’intérêt extrêmement faibles et le Brexit qui, par son onde de choc, peut provoquer un attentisme généralisé, il est très difficile de prédire l’évolution de l’investissement. Avant le référendum, il a été communément admis que la sortie du Royaume-Uni aurait un impact négatif sur la croissance de l’ensemble du continent européen. Aujourd’hui, au-delà de cette sortie, ce sont toutes les incertitudes l’entourant qui sont les plus pénalisantes.