24 juillet 2021

C’est déjà hier – comptes extérieurs – dette publique

L’inquiétante dérive des comptes extérieurs de la France

Selon la Banque de France, en 2020, la France a enregistré son déficit des transactions courantes le plus élevé depuis 1982. Il a atteint 43,7 milliards d’euros, soit 1,9 % du PIB. Il s’explique par une augmentation du déficit commercial de 13,3 milliards d’euros, par une baisse de l’excédent des services de 7,6 milliards d’euros et par une diminution du solde des revenus d’investissement de 15,8 milliards d’euros. Ce déficit accroît la position extérieure négative de la France qui a atteint 30 % du PIB. Elle se situe à 5 points de la procédure de déséquilibre macroéconomique. La dégradation de la position nette extérieure de la France a été de 78,7 milliards d’euros l’an dernier, pour s’établir à -695,5 milliards d’euros.

Une forte contraction des échanges commerciaux

En 2020, les échanges commerciaux (exportations plus importations) de la France ont diminué de 15,3 % par rapport à l’année précédente. Les exportations se sont contractées de 17,3 % quand les importations ont baissé de 13,7 % pour les biens, et respectivement de 15,8 % et 14,2 % pour les services. Le déficit des échanges de biens et services est ainsi passé de 22,6 milliards à 43,5 milliards d’euros.

Le déficit du commerce des biens s’est élevé à 59,9 milliards d’euros, contre 46,6 milliards en 2019. Cette augmentation est la conséquence de la diminution des échanges de matériels de transport (dont aéronautique). Elle a été atténuée par l’allègement de la facture énergétique. Le solde des matériels de transport s’est dégradé de 16,1 milliards d’euros et celui des autres produits industriels de 4,8 milliards. Le déficit des produits énergétiques s’est réduit de 19 milliards d’euros en lien avec la forte baisse du prix du pétrole et la réduction des achats de carburants avec les confinements.

Une baisse logique du solde touristique

La baisse du tourisme international a fait reculer l’excédent des services. Les échanges de services ont enregistré un excédent de 16,4 milliards d’euros, en baisse de 7,6 milliards par rapport à 2019. Les recettes de services liés aux voyages ont diminué de 50 % pour atteindre 28,6 milliards d’euros. De leur côté, les dépenses de voyages à l’étranger se sont élevées à 24,3 milliards d’euros, soit une baisse de 46 %. Le solde s’est établi à 4,2 milliards d’euros, son niveau le plus bas depuis 1989. Les recettes et dépenses ont été principalement enregistrées au début de l’année 2020 ou à l’été 2020, le reste de l’année ayant été marqué par les différents confinements et mesures de restriction à la mobilité internationale. La saison estivale (juillet à septembre) a généré un solde positif de 3,7 milliards d’euros, soit près de 90 % de l’excédent total. La France a souffert de l’absence de touristes non-européens. Les touristes en provenance des pays proches de la France ont représenté 74 % du total, contre 62 % en 2019. Avec la réduction des voyages à l’étranger, le déficit des transports s’est réduit de 1,3 milliard d’euros pour s’établir à 2,7 milliards d’euros. Le solde du transport de marchandises progresse de 2,9 milliards d’euros grâce à une hausse des exportations de fret. Cette amélioration est imputable aux hausses de prix générés par les pénuries notamment de conteneurs.

La Chine ravit à l’Allemagne la première place pour le déficit par pays

En 2020, la Chine est à l’origine du premier déficit commercial de la France. Ce dernier est passé de 17,7 milliards d’euros à 27,2 milliards. La croissance des importations de produits sanitaires et de produits électroniques explique cette dégradation. Le déficit vis‑à‑vis de l’Allemagne s’est, en revanche, réduit passant de 26,5 milliards à 19,3 milliards d’euros. Les États‑Unis et le Royaume‑Uni sont demeurés les principaux pays d’excédents commerciaux pour la France, mais ils se sont affaiblis passant de de 14,5 milliards d’euros à 9,5 milliards d’euros pour le Royaume‑Uni, et de 13,2 milliards d’euros à 9,4 milliards d’euros pour les États‑Unis. Les échanges commerciaux de la France avec l’Union ont reculé de 13 % (à 717,0 milliards d’euros), contre 18 % (à 654,5 milliards d’euros) avec les pays hors Union. Les échanges commerciaux ont diminué de 21 % avec le Royaume‑Uni, comme avec les États-Unis.

Une baisse sensible des revenus non-commerciaux

Les revenus non commerciaux en provenance de l’étranger ont, l’année dernière, fortement baissé. Les revenus primaires en provenance de l’étranger constitués essentiellement des rémunérations perçues et versées aux travailleurs frontaliers et les dividendes ou intérêts en provenance de l’étranger, ont enregistré un excédent de 43,3 milliards d’euros, en baisse de 18,3 milliards d’euros par rapport à 2019. Les restrictions sanitaires mises en place dans les pays voisins de la France ont entraîné une chute de revenus de 20,2 milliards d’euros. Le solde des revenus d’investissements s’est établi à 20,7 milliards d’euros, contre 36,5 milliards en 2019. Les recettes se contractent de 29,8 % et les dépenses de 25,8 %. Le solde des revenus des investissements directs est passé de 54,5 milliards d’euros à 31,0 milliards. La diminution des résultats des entreprises a entraîné à la fois celle des revenus perçus des filiales étrangères (-42 %) et celle des revenus versés aux maisons mères non-résidentes (-39 %).

Une dégradation de la position extérieure française

Le compte financier a enregistré des entrées nettes de capitaux en hausse, à 52,5 milliards d’euros, contre 19,6 milliards en 2019, en lien avec le financement du déficit accru des transactions courantes. Cette augmentation est alimentée par la hausse des flux d’engagements vis‑à‑vis du reste du monde. Ils sont passés de 470,2 milliards d’euros à 558,4 milliards d’euros. L’économie française a par ailleurs continué à investir à l’étranger, les flux en avoirs passent de 450,6 milliards à 505,9 milliards d’euros.

Le solde des investissements directs s’est élevé à 36 milliards d’euros en 2020, après 4,9 milliards en 2019. Il correspond à un surplus des investissements directs à l’étranger par rapport aux investissements étrangers en France. C’est la seule catégorie d’investissement pour laquelle on observe des sorties de capitaux, avec les avoirs de réserve. Les investissements français à l’étranger ont atteint 40,3 milliards d’euros, après 30,2 milliards. Cette hausse s’explique avant tout par les liquidités apportées par les maisons mères françaises à leurs filiales à l’étranger. Les flux en capitaux propres se sont réduits de 38,9 milliards à 27,5 milliards. Les investissements étrangers en France diminuent et passent de 25,3 milliards d’euros à 4,3 milliards. Cette baisse porte à la fois sur les opérations en capitaux propres (-15,7 milliards) et sur celles liées aux instruments de dette (-5,4 milliards).

Des entrées nettes sont constatées pour les investissements de portefeuille, malgré une hausse des achats de titres étrangers. Durant la crise, les investisseurs français ont ainsi continué à acquérir des titres étrangers, non seulement des obligations et titres de dette de court terme (91,4 milliards) mais également des actions (45,0 milliards), et, dans une moindre mesure, des parts d’OPC (8,0 milliards). Les investisseurs étrangers ont également accru leurs achats de titres français. Les flux en engagements passent de 131,2 milliards d’euros à 180,7 milliards. Dans un contexte de forte hausse de l’endettement obligataire public et privé, les achats de titres de dette par des non‑résidents ont progressé de 137,1 milliards à 169,7 milliards. Les investisseurs étrangers ont acquis des titres publics français pour 85,9 milliards quand les acquisitions nettes effectuées par la Banque de France dans le cadre notamment des programmes d’achats d’actifs de l’Eurosystème ont atteint 160 milliards d’euros.

La position extérieure nette a donc franchi le seuil des -30 % du PIB avec une dette de 695,5 milliards d’euros. La dégradation du ratio en pourcentage du PIB est temporairement amplifiée par la forte contraction de ce dernier. Les administrations publiques constituent le principal secteur débiteur au sein de la position extérieure nette, avec un stock d’engagements vis‑à‑vis de l’étranger qui dépasse de 1 332 milliards d’euros le stock des avoirs. La part de des investisseurs étrangers dans le financement public a atteint 52 % en 2020, contre 55 % en 2019. La position nette du secteur bancaire est également négative, de -346 milliards, tandis que celle de la Banque de France et des autres secteurs apparaissent positives, de respectivement 233 milliards et 750 milliards. La dette extérieure nette (hors avoirs de réserve) s’élevait à 1 223,9 milliards d’euros fin 2020, en hausse de 94,4 milliards par rapport à fin 2019. Cette dette nette est principalement libellée en euros (pour 965,6 milliards). Les actifs libellés en euros représentent par ailleurs 70,9 % des créances de la France, et 72,5 % de sa dette extérieure brute. L’économie française a également une dette extérieure nette en dollars de 383,4 milliards d’euros. Inversement, elle détient des créances nettes en yens, pour 156,9 milliards d’euros.

La détérioration des résultats extérieurs de la France est en grande partie liée la crise sanitaire qui a affecté les exportations d’aéronefs et les recettes touristiques. Elle s’inscrit malgré tout dans un long processus de perte de parts de marché à l’extérieur et d’une diminution de la compétitivité de la France. Au fil des années, la France se rapproche de la ligne rouge que la Grèce avait franchie en 2011. Les investisseurs font toujours crédit à la France en acquérant des obligations d’État permettant ainsi de solder le déficit courant, mais cela se fait au prix d’un accroissement de notre dette extérieure.

La dette publique franchit la barre des 100 % du PIB au sein de la zone euro

À la fin du premier trimestre, encore fortement impacté par les mesures politiques visant à atténuer l’impact économique et social de la pandémie de coronavirus et par les mesures de relance, le ratio de la dette publique par rapport au PIB dans la zone euro a dépassé 100 % pour la première fois (100,5 % contre 97,8 % à la fin du quatrième trimestre 2020). Dans l’Union européenne (UE), le ratio a augmenté de 90,5 % à 92,9 % du PIB. Par rapport au premier trimestre 2020, le ratio de la dette publique par rapport au PIB a augmenté tant dans la zone euro (de 86,1 % à 100,5 %) que dans l’UE (de 79,2 % à 92,9 %).

Eurostat