6 juin 2025

Coin de la Conjoncture – immigration – conjoncture – inflation – emploi – ordures

Une France en mouvement : dynamiques migratoires et recomposition démographique

Au 1er janvier 2022, la France comptait 68,1 millions d’habitants. Derrière ce chiffre se dessinent des trajectoires multiples : celles de 7 millions d’immigrés, mais aussi de centaines de milliers de Français qui franchissent chaque année ses frontières, dans un sens comme dans l’autre. Loin de toute fixité, le peuplement du pays se redessine au fil des naissances, des décès et des mobilités.

L’année 2021 aura vu la population française croître de 270 000 personnes. Une progression modeste, fruit combiné d’un solde naturel redevenu fragile (+80 000) et d’un regain de solde migratoire (+190 000). Le pays a comptabilisé 742 000 naissances pour 662 000 décès, marquant la persistance d’un excédent démographique, même si celui-ci s’amenuise sous l’effet du vieillissement de la génération du baby-boom et du recul tendanciel des naissances depuis 2011.

La France, terre d’accueil mais aussi de départ, enregistre en 2021 l’arrivée de 387 000 personnes – immigrés et non-immigrés confondus – et le départ de 197 000 autres. Parmi les nouveaux venus, 283 000 sont des immigrés, c’est-à-dire nés étrangers à l’étranger, contre 104 000 non-immigrés. Les départs se répartissent en sens inverse : 123 000 immigrés quittent le territoire, tout comme 74 000 non-immigrés. Ainsi se dessine un solde migratoire global de +190 000, dont +159 000 pour les immigrés et +30 000 pour les non-immigrés – un chiffre inédit après des décennies de solde négatif pour ces derniers.

Cet infléchissement s’explique notamment par la baisse des départs, dans un contexte sanitaire encore incertain. Les projets de mobilité longue, pour études ou travail à l’étranger, ont été remis à plus tard, quand ils n’ont pas été tout bonnement abandonnés. La fermeture des frontières, puis leur réouverture progressive, a agi comme un révélateur des dynamiques de l’expatriation française : volatiles, sensibles aux aléas mondiaux, mais profondément ancrées dans la société.

Le solde naturel, longtemps pilier de la croissance démographique, s’érode. Il s’établissait à +302 000 en 2006, et n’était plus que de +80 000 en 2021. Inversement, le solde migratoire, jadis discret, s’est affirmé : de +59 000 en moyenne annuelle entre 2006 et 2016, il est passé à +163 000 entre 2017 et 2021. À partir de 2018, et plus encore depuis la crise sanitaire, la dynamique migratoire supplante la dynamique naturelle. Le cœur démographique du pays bat désormais sur deux rythmes superposés : un vieillissement lent mais constant d’un côté, une mobilité croissante de l’autre.

L’année 2023 confirme cette tendance. Selon les premières données disponibles, 467 000 personnes sont venues s’installer en France pour au moins un an. Parmi elles, 347 000 sont immigrées. Même en léger recul par rapport au pic de 2022 (490 000), ce chiffre dépasse les précédents sommets de 2018 et 2019. Si les origines demeurent diversifiées – Afrique (158 000), Europe (95 000), Asie (63 000), Amérique et Océanie (31 000) – une évolution majeure mérite d’être notée : la baisse spectaculaire des arrivées en provenance d’Europe de l’Est, qui reflète l’essoufflement du flux ukrainien et russe constaté en 2022.

Derrière les nationalités se cachent des âges, des projets, des qualifications. Les immigrés de 2023 sont jeunes : la moitié ont entre 19 et 36 ans. Ceux venus d’Afrique subsaharienne ou d’Europe du Sud sont encore plus jeunes : un quart ont moins de 16 ans, la moitié moins de 23. À l’inverse, les ressortissants d’Europe centrale ou occidentale sont souvent plus âgés – et plus diplômés.

Le capital humain que représente cette nouvelle population immigrée est loin d’être négligeable. Parmi les nouveaux venus de 25 ans ou plus, 52 % sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur – un taux qui monte à 77 % pour les non-immigrés. Cette proportion atteint même 56 % pour les immigrés en provenance du Maghreb ou de l’Union européenne (hors Europe du Sud). Les femmes, souvent plus diplômées que les hommes (54 % contre 49 %), sont cependant confrontées à un accès plus difficile à l’emploi.

Au début de 2024, 34 % des immigrés de 15 à 74 ans arrivés en 2023 sont en emploi. Ce taux varie fortement selon l’origine : 56 % pour les Européens, mais à peine plus d’un quart pour les ressortissants africains ou asiatiques. Le différentiel d’insertion reflète à la fois des écarts d’âge, de genre, de qualification, mais aussi de réseaux et d’accès à l’information.

L’emploi occupé par ces nouveaux entrants illustre les tensions du marché du travail français : il se polarise. Près de 35 % des immigrés en emploi sont cadres – un taux supérieur à celui observé dans la population résidente. Mais ils sont aussi nombreux à occuper des postes peu qualifiés. Les cinq principales professions regroupent ainsi des ingénieurs en informatique, des chercheurs et enseignants, mais aussi des serveurs de restaurant, des ouvriers du bâtiment ou des agents de nettoyage. La France, terre d’opportunités pour les diplômés comme pour les invisibles.

Les femmes immigrées sont surreprésentées dans les emplois d’assistance et de soin, comme les gardes d’enfants ou les aides à domicile, et plus rarement dans les fonctions techniques. Les hommes, eux, sont plus présents dans le bâtiment ou l’ingénierie. Cette répartition sexuée des métiers renvoie aux structures profondes du marché de l’emploi, mais aussi à la segmentation de l’intégration professionnelle.

Ainsi, la France contemporaine, à la croisée des flux migratoires et des évolutions démographiques, redessine lentement son visage. Une nation façonnée par la circulation des hommes et des femmes, par leurs savoirs, leurs espérances, leurs ruptures aussi. Une France moins statique que jamais, où les dynamiques de population deviennent un miroir fidèle des transitions sociales et économiques du XXIe siècle.

Immigration : entre phantasmes et pragmatisme

En mars dernier, le Crédoc a mené, à la demande de Terra Nova et de Voyageurs du Monde, une enquête visant à cerner la perception qu’ont les Français de l’immigration. Les résultats traduisent une opinion publique traversée par la défiance, mais aussi par de fortes contradictions.

Une majorité des personnes interrogées se déclare opposée à l’immigration : 55 %, dont 26 % se disent même « très opposés ». À l’inverse, seuls 30 % s’y montrent favorables. Cette hostilité s’alimente en grande partie de représentations erronées. Ainsi, 73 % des sondés surestiment la part d’immigrés dans la population française, estimée à tort bien au-delà des 10,7 % réels. Par ailleurs, 89 % sous-évaluent le taux d’emploi des immigrés, pourtant élevé (62,5 %, contre 68 % en moyenne nationale, selon l’Insee). L’immigré est encore trop souvent perçu comme un « assisté » venu profiter des prestations sociales, alors même que la réalité statistique infirme ce cliché.

Cette vision réductrice n’empêche pas une certaine lucidité sur les apports économiques de l’immigration. Interrogés sur une immigration dite « choisie », en fonction des besoins du marché du travail, 43 % s’y déclarent favorables (contre 41 % d’opposants). Ce taux grimpe à 50 % dès lors qu’il s’agit d’emplois qualifiés, contre 33 % d’opposition. L’argument économique fonctionne ici comme levier d’acceptabilité, y compris si les secteurs les plus en tension — comme l’agriculture, l’hôtellerie ou le bâtiment — relèvent d’emplois peu ou non qualifiés, délaissés par la main-d’œuvre nationale.

Autre enseignement majeur de l’étude : la peur de l’immigré est d’autant plus forte que le contact direct fait défaut. La « théorie du contact » formulée par le sociologue Gordon Allport en 1954 trouve ici une éclatante confirmation. Parmi les 31 % de Français déclarant n’avoir aucun lien régulier avec un immigré, 64 % se disent hostiles à l’accueil de nouveaux venus. Ce chiffre chute à 19 % chez les personnes ayant des interactions fréquentes, illustrant combien la proximité dissipe les stéréotypes.

L’intégration par le travail constitue un autre facteur d’acceptabilité. Une large majorité (77 %) estime qu’un étranger travaillant, cotisant et payant ses impôts depuis plusieurs années mérite d’obtenir la nationalité française. Plus surprenant encore, 66 % des répondants se déclarent favorables à la régularisation des travailleurs sans papiers lorsqu’ils exercent un métier en tension. Ce soutien s’étend même à 49 % des opposants à l’immigration peu qualifiée, preuve que l’exercice d’une activité professionnelle confère une légitimité morale perçue comme supérieure.

Les jugements varient aussi selon le type d’emploi occupé. Il semble socialement admis qu’un immigré travaille dans l’agriculture (76 %), la restauration (76 %) ou les soins (72 %). En revanche, seuls 59 % accepteraient qu’un immigré garde leurs enfants. La méfiance reste vive à l’égard des métiers impliquant une dimension intime ou familiale, en particulier lorsqu’ils sont exercés par des personnes perçues comme musulmanes ou originaires de quartiers populaires.

Enfin, les Français sont loin d’adhérer au discours catastrophiste liant immigration et déclin économique. 60 % estiment que l’immigration a un impact neutre ou positif sur l’économie française. Si 46 % redoutent une pression à la baisse sur les salaires, ils sont 51 % à juger que l’effet est nul ou au contraire favorable.

Les divergences d’opinion se creusent selon la catégorie socioprofessionnelle. Les cadres sont les plus favorables à l’immigration qualifiée (64 %), loin devant les ouvriers ou les employés. Les retraités affichent un soutien intermédiaire (54 %), peut-être parce qu’ils ne ressentent pas directement la concurrence sur le marché du travail.

Entre méfiance culturelle et reconnaissance économique, l’opinion française sur l’immigration se révèle à la fois ambivalente et malléable. Derrière les postures de rejet, souvent nourries par l’ignorance et la distance sociale, se dessine une forme de pragmatisme : l’utilité économique, l’intégration par le travail et la proximité humaine atténuent largement les préjugés. Plus qu’un clivage idéologique, c’est une ligne de fracture entre perceptions abstraites et réalités vécues qui structure le débat sur l’immigration en France. Le défi reste donc de rapprocher ces deux mondes pour sortir des peurs et bâtir une politique d’accueil fondée sur les faits, et non sur les fantasmes.

Guerre commerciale et croissance ne font pas bon ménage

Dans son rapport du printemps, l’OCDE a revu à la baisse de nombreuses prévisions de croissance, notamment celles des États-Unis.

Avec le retour du protectionnisme, des taux d’intérêt qui restent élevés et une instabilité géopolitique persistante, l’OCDE prévoit un ralentissement de la croissance mondiale, attendue à 2,9 % en 2025 et 2026, contre 3,3 % en 2024. La guerre commerciale actuelle dépasse en intensité celle qui avait opposé les États-Unis et la Chine entre 2018 et 2019. Les hausses de droits de douane annoncées par les États-Unis atteignent, après les négociations amorcées à Genève, 30 % pour les produits chinois, et couvrent désormais une gamme beaucoup plus large, perturbant les chaînes de valeur mondiales. Si les échanges bilatéraux entre Pékin et Washington ont diminué, ils représentaient encore 2,5 % du commerce mondial de biens en 2023.

Un ralentissement de la croissance américaine

Les États-Unis occupent une place à part dans le commerce international compte tenu de leur poids dans les échanges. En 2023, ils ont absorbé 75 % des exportations de biens du Mexique et du Canada, 19 % de celles du Japon, 13 % de la Chine et 10 % de l’Allemagne. Ces exportations représentent plus de 20 % du PIB pour les partenaires nord-américains, plus de 5 % pour plusieurs économies asiatiques dont la Corée du Sud, et entre 3 et 4 % du PIB pour plusieurs pays européens fortement intégrés dans les chaînes d’approvisionnement.

Les Américains sont les premiers à pâtir de la hausse des droits de douane. Dix pour cent de leur panier de consommation est constitué de biens importés, directement ou indirectement, hors alimentation et énergie. « Il est probable que la majeure partie de l’impact des hausses tarifaires sera supportée par les consommateurs et les entreprises, comme cela a été observé en 2018-2019 lorsque les États-Unis avaient augmenté leurs droits sur les importations chinoises », note l’OCDE dans son rapport.

L’organisation anticipe, dans ce contexte, une forte baisse de la croissance américaine : 1,6 % cette année, contre 2,8 % en 2024. Favorisée par la hausse des droits de douane, l’inflation atteindrait près de 4 % en 2025, au-dessus de l’objectif de la Fed. Le processus de baisse des taux d’intérêt serait ainsi ralenti.

Fortement lié à son voisin, le Canada devrait voir son rythme de croissance passer de 1,5 % en 2024 à 1 % en 2025, affecté par la contraction des échanges commerciaux et une demande intérieure atone. En Chine, la croissance devrait passer de 5 % en 2024 à 4,7 % en 2025, puis 4,3 % en 2026. L’économie reste fragilisée par plusieurs problèmes structurels, entre faible consommation intérieure et crise immobilière persistante. Les tensions commerciales avec les États-Unis réduiront la croissance des exportations. Les autorités chinoises entendent relancer l’économie en augmentant les dépenses publiques.

Une croissance hétérogène ailleurs

Le Japon affiche une petite croissance, de 0,2 % en 2024 et 0,7 % en 2025, soutenue par la hausse des salaires et les investissements publics. La Banque du Japon pourrait relever graduellement ses taux. L’inflation resterait modérée mais persistante, à 2,8 % en 2025. Les ventes de voitures vers les États-Unis, qui représentent 6 % des exportations totales japonaises, exposent le Japon aux décisions de Donald Trump.

La croissance de la zone euro serait de 1 % en 2025, après 0,8 % en 2024. Malgré un contexte géopolitique tendu et une demande externe affaiblie, la zone euro bénéficie d’une désinflation progressive. La Banque centrale européenne devrait continuer à baisser ses taux. L’Allemagne devrait enregistrer une hausse de 0,7 point de son PIB en 2025. La croissance serait portée notamment par l’augmentation des dépenses militaires dans un contexte de réarmement européen. Après une progression modeste de son PIB en 2023 et 2024 (+1,1 % en rythme annuel), la croissance française devrait ralentir à 0,6 % en 2025, freinée par l’incertitude politique et la faiblesse des exportations. Un léger rebond est anticipé en 2026, avec un gain de 0,9 %.

L’Espagne devrait conserver son rang de bon élève de la classe européenne avec une croissance de 2,4 % en 2025, portée par la demande intérieure et les investissements liés au plan de relance européen. La croissance italienne, de son côté, ne devrait pas dépasser 0,6 %, touchée par la stagnation industrielle et la politique commerciale américaine.

Des recommandations pour éviter la dérive

Face à cette conjoncture dégradée, l’OCDE appelle à des choix de politique économique prudents et ciblés. Loin de plaider pour un retour à l’austérité, l’organisation recommande de maintenir des politiques budgétaires actives, mais mieux orientées. Les États sont invités à privilégier les investissements publics dans les infrastructures, la transition écologique, l’éducation et la santé, plutôt que d’accroître les dépenses courantes sans effet de levier sur la croissance potentielle.

Sur le plan monétaire, l’OCDE encourage les banques centrales à ne pas précipiter la détente des taux. Si la BCE peut envisager un assouplissement progressif au vu de la désinflation en zone euro, la Réserve fédérale devra faire preuve de patience, compte tenu des tensions persistantes sur les prix.

L’organisation met également en garde contre l’escalade protectionniste. La multiplication des barrières tarifaires affaiblit les chaînes de valeur mondiales et accroît les coûts pour les entreprises comme pour les consommateurs. Elle appelle à renouer le dialogue commercial dans les enceintes multilatérales, notamment au sein de l’OMC, et à éviter les mesures unilatérales.

Enfin, l’OCDE insiste sur l’urgence de poursuivre la transition climatique malgré le contexte. Elle plaide pour une fiscalité carbone efficace, des subventions ciblées et des mécanismes de compensation sociale, afin que la décarbonation ne soit pas remise à plus tard sous prétexte de ralentissement.

L’OCDE prend en compte dans son rapport de printemps la fragmentation géopolitique, les tensions commerciales pour prévoir un ralentissement économique qui n’est pas synonyme de récession. L’OCDE recommande un pilotage monétaire prudent, des investissements publics sélectifs, une coopération commerciale à réinventer, et une transition écologique à accélérer.

Chômage en zone euro : légère baisse en avril

En avril, le taux de chômage corrigé des variations saisonnières de la zone euro était, selon Eurostat, de 6,2%, en baisse par rapport au taux de 6,3 % enregistré en mars 2025 et par rapport au taux de 6,4 % enregistré en avril 2024. Le taux de chômage de l’Union européenne (UE) était de 5,9 % en avril 2025, stable par rapport au taux enregistré en mars 2025 et en baisse par rapport au taux de 6,0 % enregistré en avril 2024.

Au mois d’avril, 12,902 millions de personnes étaient au chômage dans l’UE, dont 10,680 millions dans la zone euro. Par rapport à mars 2025, le chômage a diminué de 188 000 personnes dans l’UE et de 207 000 dans la zone euro.

En avril 2025, 2,859 millions de jeunes (moins de 25 ans) étaient au chômage dans l’UE, dont 2,272 millions dans la zone euro. En avril 2025, le taux de chômage des jeunes était de 14,8  % dans l’UE, en baisse par rapport au taux de 15,0% enregistré en mars 2025, et de 14,4 % dans la zone euro, en baisse par rapport au taux de 14,8% enregistré au mois précédent. Par rapport à mars 2025, le chômage des jeunes a diminué de 57 000e dans l’UE et de 74 000 dans la zone euro.

Malgré la faible croissance, le taux de chômage est relativement stable en zone euro. Le vieillissement démographique explique en parte ce résultat. Par ailleurs, par crainte de ne pas retrouver des salariés disponibles au moment de la reprise, les entreprises limitent le recours aux licenciements.

Cercle de l’Epargne – données Eurostat

Poursuite de la décrue de l’inflation en zone euro

Le taux d’inflation annuel de la zone euro est estimé, selon Eurostat, à 1,9 % en mai, contre 2,2 % en avril/

S’agissant des principales composantes de l’inflation de la zone euro, l’alimentation, alcool & tabac devrait connaître le taux annuel le plus élevé en mai (3,3 %, comparé à 3,0% en avril), suivi des services (3,2 %, comparé à 4,0 % en avril), des biens industriels hors énergie (0,6 %, stable comparé à avril) et de l’énergie (-3,6 %, stable comparé à avril).

Cercle de l’Epargne – données Eurostat

La France face à ses ordures !

 En 2021, pas moins de 41 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés ont été collectés par les services publics en France, selon l’INSEE. Cela représente une moyenne de 615 kg par habitant, un chiffre en hausse de 4 % par rapport à 2011. Les engagements de réduction des déchets, pourtant inscrits dans les lois successives, ne sont pas tenus. L’objectif fixé en 2015 de réduire de 10 % les déchets ménagers d’ici 2020, par rapport à 2010, n’a pas été atteint ; celui de 2030, visant une baisse de 20 %, ne le sera pas plus.

Avec près de 1 800 installations de traitement — centres de tri, incinérateurs, composteurs, plateformes de méthanisation — la France s’est doté de nombreux équipements ces vingt dernières années Si la collecte séparée a progressé — les déchets triés atteignent 370 kg/hab. en 2021, soit 21 % de plus qu’en 2011 — les ordures ménagères résiduelles s’élèvent à 245 kg/hab., bien que leur volume ait diminué de 14 % en dix ans.

 Paris et dans les grandes agglomérations, les volumes de déchets collectés restent contenus (450 à 500 kg/hab.). À l’inverse, la Corse, les Landes ou encore les Côtes-d’Armor tutoient ou dépassent les 700 kg/hab. en raison de l’importance du tourisme. Une commune peut afficher des taux de déchets par habitant faussement élevés, simplement parce que ses flux de visiteurs — invisibles aux recensements — y génèrent une production massive de déchets. Un seul point de pourcentage supplémentaire de résidences secondaires dans le parc immobilier se traduit en moyenne par 4 à 6 kg de déchets supplémentaires par habitant. Ainsi, dans les territoires où les résidences secondaires représentent 30 % des logements, les tonnages explosent de 80 à 120 kg/hab. Cela explique pourquoi la Corse du Sud connait un niveau record de déchets par habitant.

Les ménages aisés génèrent plus de déchets que les autres, toutes choses égales par ailleurs. Les maisons individuelles — avec leurs pelouses à tondre, haies à tailler et objets à jeter — sont plus productrices que les appartements. Plus de commerces, plus de proximité, plus d’abondance… plus de déchets. En miroir, les zones de montagne, contraintes par la topographie et les réglementations environnementales, en produisent moins.

La tarification incitative au poids a des effets contrastés. Là où elle est mise en œuvre — souvent dans le Grand Est, les Pays de la Loire ou la Bourgogne-Franche-Comté — les déchets diminuent de 36 à 55 kg/hab. par an. Pourtant, cette stratégie demeure minoritaire/Elle est absente en Corse et à La Réunion, quasi inexistante en Île-de-France. Au total, elle ne concerne que 6,5 millions de Français. Elle peut avoir des effets pervers en incitant des personnes à jeter en-dehors des zones soumis à ce mode de tarification leurs déchets.

Sur le front du traitement, les progrès sont sensibles. Près de la moitié des déchets collectés sont aujourd’hui valorisés, soit par recyclage matière, soit par valorisation organique. Le taux de valorisation a gagné 11 points depuis 2011. La France accuse un retard sur ses propres ambitions : la loi sur la transition énergétique visait 55 % de valorisation en 2020, et 65 % en 2025 — des seuils qui, à ce rythme, semblent hors de portée. Les déchets verts, biodéchets et matériaux recyclables (papiers, cartons, plastiques, verre, métaux…) trouvent de plus en plus leur chemin vers des filières vertueuses. Pourtant, tout n’est pas réutilisable : dans les centres de tri, le taux de refus atteint encore 30 %. Erreurs de tri, matériaux non pris en charge, limites techniques : ces résidus finissent incinérés ou enfouis. L’incinération, reste stable à 30 % du total, mais elle s’opère désormais presque exclusivement avec récupération d’énergie. Le stockage, quant à lui, poursuit sa lente décrue : 16 % des déchets ménagers y ont encore recours en 2021, contre 23 % dix ans plus tôt.

La gestion des déchets ménagers en France demeure un sujet conflictuel. Le tri obligatoire donne lieu à des rejets au sein de la population. Les incinérateurs de déchets font l’objet de nombreuses critiques en lien avec le risque d’émission de dioxines cancérigènes. En Corse, le problème de la gestion des déchets, de leur enfouissement ou de leur exportation est récurrent depuis une vingtaine d’années sans qu’une solution ne soit réellement trouvée. Le recyclage est une voie indispensable mais qui est coûteuse et qui suppose un effort collectif important. La France éprouve des difficultés à rattraper le retard accumulé par rapport aux Etats d’Europe du Nord dans ce domaine.