31 juillet 2014

Dossier de l’épargne N°1 – août 2014 : l’épargnant du nouveau siècle est né

Les Français des épargnants plus modernes qu’il n’y paraît

Les Français demeurent des épargnants fringants au sein de l’Union européenne mais le taux d’épargne baisse depuis cinq ans. Certes, ils arrivent en troisième position derrière les Allemands et les Belges mais leur effort d’épargne diminue d’année en année. Le taux d’épargne est ainsi passé de 16,2 à 14,7 % du revenu disponible brut de 2009 au premier trimestre 2014. Cette baisse est, en grande partie, imputable à l’épargne financière qui est passée, sur la même période de 7,1 % à 5,9 %. Il ne faut pas oublier que l’épargne est constituée de deux grandes composantes : les remboursements du capital des emprunts immobiliers sur lesquels les marges de manœuvre des ménages est faible et l’épargne financière, c’est-à-dire les placements réalisés sur des supports financiers. Cette dernière représentait 10 % du revenu disponible brut en 1950 et a connu un point bas, entre 1987 et 1989, à 2 %, occasionné avec le premier grand krach financier intervenu après la Seconde Guerre Mondiale.

Le patrimoine financier des ménages s’élevait à 2 958 milliards d’euros en 2013. Il est le résultat de la différence entre les actifs (4 429 milliards d’euros) et les passifs financiers, c’est-à-dire essentiellement les emprunts (1 471 milliards d’euros) qu’ils détiennent. Ce patrimoine s’est accru de 6,6 % en 2013 après une hausse de 7,4 % en 2012. Le patrimoine financier avait enregistré une baisse de 3,2 % en 2011.

L’évolution des flux financiers est inquiétante. En 2006, les flux financiers des ménages s’élevaient à 136 milliards d’euros. En 2013, ils n’atteignent plus que 71 milliards d’euros. Depuis 1996, seule l’année 2000 offre des flux annuels nets d’un niveau inférieur (66 milliards d’euros) à ceux de 2013.

L’épargnant moderne est né

L’épargnant français est bien moins conservateur qu’il n’y paraît. Même s’il n’apprécie guère le risque, il n’hésite pas à changer ses habitudes et à opérer des transferts rapides entre les différents placements. Avec Internet permettant d’accéder à ses comptes à tout moment et de réaliser de nombreuses opérations financières, les épargnants sont devenus de plus en plus agiles réagissant voire sur-réagissant aux évolutions de la réglementation et des rendements des produits. Ainsi, les ménages français qui avaient plébiscité les SICAV monétaires dans les années 80 puis les livrets bancaires dans les années 90 les ont rapidement délaissés au profit de l’assurance-vie, du Livret A ou de l’immobilier. Les changements de taux ont des effets immédiats sur la collecte du Livret A et la modification de la réglementation du Plan d’Epargne Logement avait entrainé d’importants retraits en 2011.

L’année 2013, une année de mouvement pour les épargnants

Fin de cycle pour les livrets défiscalisés

L’année 2013 pour l’épargne défiscalisée a été une année en deux temps. La première partie de l’année s’est inscrite dans le prolongement de l’année 2012 avec une collecte forte et positive, générée par les relèvements des plafonds. Cette collecte s’est essoufflée, à partir de l’été, avec la baisse du taux de rendement de l’épargne défiscalisée et avec la stagnation du pouvoir d’achat des ménages. Néanmoins, l’encours du Livret A s’est accru de 6,5 % en 2013 contre 15,2 % en 2012, celui du Livret de Développement Durable a augmenté de 9,5 % en 2013 contre 32,7 % en 2012. La collecte du Livret A a atteint 12 milliards d’euros en 2013 et 7 milliards d’euros pour le LDD.

63 millions de Livret A étaient ouverts au 31 décembre 2013 contre 63,3 millions en 2012. Cette diminution inédite est la conséquence de la lutte contre la multi-détention. A la fin de l’année 2013, le taux de détention du Livret A était de 97 % et celui du LDD de près de 38 %.

Avec le relèvement des plafonds et le fort mouvement de collecte en 2012 et 2013, un phénomène de concentration est constaté pour les livrets défiscalisés. Ainsi, 7 % des Livrets A ont plus de 19 125 euros représentant 39 % de l’encours. Les livrets situés entre 19 125 et 22 950 euros représentent 28 % de l’encours et ceux supérieurs à 22 950 euros, 11 %.

Au cours du premier semestre 2014, les Français ont continué à modérer leur effort d’épargne en faveur du Livret A et du LDD. Sur les premiers mois, la collecte reste néanmoins positive avec + 3,76 milliards d’euros pour les deux produits. En 2013, sur la même période, la collecte avait été positive de 21,6 milliards d’euros.

Le Livret A a connu trois mois successifs de décollecte au cours du premier semestre 2014. Les ménages gèrent de plus en plus finement leurs ressources en multipliant les opérations sur leurs livrets. Ainsi, les mois à fortes dépenses (impôts, achats liés aux soldes ou aux vacances) génèrent des sorties sur le Livret A. Dans les mois plus calmes en achats ou en dépenses contraintes, les ménages renflouent leurs livrets. Il en résulte un yo-yo entre collecte et décollecte.

Le retour en grâce du Plan d’Epargne Logement

Le Plan d’Epargne Logement dont le taux est au minimum de 2,5 % a profité de la baisse du rendement du Livret A. Ainsi, 700 000 PEL ont été ouverts en 2013. Il y a désormais plus de 13,1 millions de PEL en France avec un encours de près de 200 milliards d’euros qui a progressé de 9,5 milliards d’euros en 2013. Le taux du PEL n’est pas affecté par la diminution de celui du Livret A et du LDD.

Le Livret d’Epargne Populaire fait du surplace

Le Livret d’Epargne Populaire n’a pas profité de sa rémunération supérieure de 0,5 point à celle du Livret A en enregistrant une décollecte de 3,4 milliards d’euros en 2013. À compter du 1er août, la rémunération du LEP est de 1,5 %.

Des livrets bancaires délaissés au profit des dépôts à vue

Les ménages français ont réduit leurs engagements dans les livrets bancaires de 10,5 milliards d’euros. L’augmentation de la fiscalité et la baisses des taux sont fatales aux livrets bancaires et cela malgré les taux promotionnels que les banques consentent. Les ménages ont, en revanche, accru leurs liquidités sur les dépôts à vue de 16 milliards d’euros. Sur le premier semestre 2014, ce processus s’est poursuivi. En effet, selon les données de la Banque de France, les dépôts à vue se sont gonflés de plus de 13 milliards d’euros durant les six premiers mois de l’année.

La fin des OPC monétaires comme placements pour les ménages…

Les Organismes de Placement Collectifs (OPC) monétaires continuent leur déclin. À fin décembre 2013, les ménages détenaient 17,8 milliards d’euros d’OPC monétaires contre 23,4 milliards d’euros un an auparavant.

L’assurance-vie, l’âge de la maturité?

L’assurance vie, délaissée en 2012, s’est stabilisée au début de l’année 2013 avant de renaître de ses cendres en 2014.

En 2013, le niveau de la collecte s’est élevé en brut à 118 milliards d’euros, montant néanmoins inférieur à ceux enregistrés avant 2008 (137 milliards d’euros en 2007 et 122 milliards d’euros en 2008).

La collecte nette a été de 10,7 milliards d’euros en 2013. Ce résultat est avant tout la conséquence d’un recul des rachats. Les rachats sont passés, en effet, de 50 milliards d’euros en 2001 à 120 milliards d’euros en 2012. En 2013, ils n’étaient que de 108 milliards d’euros. Cette progression des rachats en 2011 et 2012 était en partie liée à la montée des inquiétudes générées par la crise des dettes publiques européennes. Les épargnants se sont désengagés de l’assurance-vie et ont privilégié, alors, l’immobilier. Le retour au calme sur le marché des dettes publiques, l’augmentation du cours des actions, la fin de la récession de la zone euro ont entraîné un retournement de tendance. La diminution des acquisitions de logements a de plus réduit les demandes de rachats sur les contrats d’assurance-vie. Les prix élevés de l’immobilier dissuadent de nombreux ménages à acheter et cela malgré la baisse des taux d’intérêt. Le durcissement des conditions d’accès aux crédits peut également expliquer cette évolution. De ce fait, le marché immobilier est sujet à un attentisme comme en témoigne la baisse mesurée des prix, de 1,4 % sur an (du premier trimestre 2013 au premier trimestre 2014)

L’assurance-vie a changé de modèle. En effet, plus de 50 % des contrats ont plus de 12 ans et deux tiers des encours ont plus de 8 ans. Les épargnants entrent et sortent de l’argent d’autant plus facilement que leurs contrats ont franchi le cap des 8 ans. Le vieillissement de la population contribue à accroitre les rachats. Les retraités, comme cela a été souligné par plusieurs enquêtes, puisent de plus en plus dans leur épargne pour maintenir leur niveau de vie. Les épargnants habitués à l’instantanéité d’Internet comprennent de moins en moins que leur compagnie d’assurance leur impose des délais avant de pouvoir disposer de leur argent placé sur un contrat d’assurance-vie.

2014, c’est 2013 en mieux pour l’assurance-vie ?

Le mouvement, engagé en 2013, semble s’amplifier cette année. En effet, sur les seuls premiers mois de 2014, la collecte a déjà atteint 10,3 milliards d’euros pour un volume de cotisations de 64 milliards d’euros. Les rachats s’élèvent à 53,5 milliards d’euros. L’encours de l’assurance-vie se rapproche de la barre des 1500 milliards d’euros. A la fin du mois de juin, il atteignait 1 490 milliards d’euros.

Avec le recul des livrets bancaires (décollecte de plus de 10 milliards d’euros), l’assurance-vie représente désormais 38,6 % du patrimoine financier des ménages.

Des actions toujours délaissés

Les actions cotées peinent à retrouver leurs lustres d’en temps. Au 31 décembre 2013, les ménages détenaient 171,6 milliards d’euros d’actions cotées. Les ménages continuent à se désengager de ce type de placements. Les cessions d’actions cotées ont atteint 5,7 milliards d’euros en 2013 après 5,8 milliards d’euros en 2012. Leur poids au sein du patrimoine financier ne se maintient qu’en raison de leur appréciation. Au premier trimestre 2014, les cessions se sont élevées à 1 milliard d’euros.

 

Dans un contexte économique complexe, les ménages français réduisent leur effort d’épargne en augmentant les liquidités sur leurs dépôts à vue. Avec la commercialisation de nouveaux produits d’épargne (support euro-croissance et contrat Vie-Génération), les professionnels devront convaincre les épargnants à s’engager sur le long terme et à accepter de prendre plus de risques. Ce pari n’est pas gagné d’autant plus que les perspectives de croissance demeurent faibles.