Economie – désinflation – finances publiques
Aux origines de la désinflation
La désinflation s’est accélérée depuis la fin de l’été grâce au recul des prix de l’énergie et la stabilisation de ceux des produits manufacturiers. Au-delà de ces facteurs conjoncturels, des facteurs plus structurels pourraient amener à penser que la victoire contre l’inflation n’est pas totale.
La baisse des prix de l’énergie s’est accélérée ces derniers mois en raison de la faible demande mondiale. Le ralentissement de la croissance se traduit par une moindre progression de la consommation d’énergie. Ce ralentissement concerne la zone euro. . La consommation mondiale de pétrole stagne depuis le début de 2023, autour de 104 millions de barils par jour. La consommation mondiale de gaz est, quant à elle, en légère baisse depuis 2021. La forte hausse des cours en 2022 a entraîné une réduction de l’utilisation du gaz, notamment pour la production d’électricité. La demande en énergies carbonées diminue également en raison de la montée en puissance des énergies renouvelables, qui représentent 39 % de la production d’électricité mondiale en 2023, contre 37 % en 2021.Au niveau de l’offre de pétrole et de gaz, certains pays de l’OPEP ne respectent plus les accords de régulation. Aux États-Unis, la production de pétrole et de gaz continue d’augmenter, entraînant un excès d’offre par rapport à la demande.
La stabilisation des prix des produits industriels s’explique par la faible demande intérieure chinoise et le ralentissement de la croissance en Europe. Elle rétroagit sur le cours de l’énergie, l’industrie étant une forte consommatrice de cette dernière. Le taux d’utilisation des capacités industrielles en Chine est de 74,9 % au deuxième trimestre 2024, contre 78,4 % en 2021. Ce taux est de 73,3 % pour la construction automobile, de 74,6 % dans l’électronique, de 68,1 % pour l’industrie agroalimentaire, de 57 % pour la fabrication de panneaux solaires et de 52,6 % pour la production de batteries électriques. La faiblesse de la demande intérieure chinoise pousse les industriels chinois à se tourner vers les marchés d’exportation. Les exportations chinoises ont augmenté de plus de 10 % entre 2021 et 2023. La demande en biens industriels est déprimée, notamment en raison de la forte baisse des ventes de voitures. En Europe, celles-ci ont chuté de près d’un tiers entre 2019 et 2024. La réduction des aides en faveur des voitures électriques incite les consommateurs à différer leurs achats.
Le recul de l’inflation observé ces derniers mois aux États-Unis et en Europe est principalement dû à un facteur conjoncturel — la baisse des prix de l’énergie — et à un facteur plus structurel — la diminution de la demande en biens industriels. La tendance de fond de l’inflation serait plus élevée que celle constatée, les prix des services augmentant rapidement en lien avec la hausse des salaires, cette dernière étant alimentée par la persistance des pénuries de main-d’œuvre.
Les finances publiques victime de la baisse de la confiance et de la productivité
Le gouvernement de Michel Barnier a rendu publique la nouvelle trajectoire des finances publiques françaises, qui prévoit un retour du déficit sous les 3 % du PIB d’ici à 2029. Ce redressement sera difficile à réaliser en raison de la forte propension à la dépense en France, mais aussi à cause des faibles gains de productivité de l’économie et de la préférence des ménages pour l’épargne.
La France a vu son déficit se dégrader en 2022, malgré une croissance, certes faible, mais positive. L’amélioration des finances publiques après la crise du covid a été de courte durée. Les partenaires européens de la France ont mieux réussi à réduire leurs déficit et leur dette. Le déficit public français devrait dépasser 6 % du PIB en 2024. Cette augmentation du déficit ces deux dernières années est principalement due à une croissance des recettes plus faible que prévu. Cependant, les dépenses n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant la crise sanitaire.
La faible croissance des recettes publiques s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les ménages ont privilégié l’épargne à la consommation. Le taux d’épargne des ménages s’élève à près de 18 % du revenu disponible brut, soit trois points de plus qu’avant la crise sanitaire. La consommation, notamment celle des biens, reste atone depuis quatre ans. Cette hausse du taux d’épargne s’explique probablement par l’incertitude économique et politique ainsi que par les inquiétudes quant à l’évolution des retraites. La crainte d’une hausse importante des prélèvements pourrait également encourager une épargne accrue. L’absence de croissance de la consommation pèse sur les recettes de TVA, premier impôt en France (184 milliards d’euros en 2024). Ensuite, la baisse des transactions immobilières et des prix des logements réduit les recettes des départements qui perçoivent les droits de mutation à titre onéreux.
Le recul de la productivité du travail, en limitant la croissance, restreint également le potentiel de recettes fiscales pour les administrations publiques. Entre 2029 et 2024, la productivité par tête a baissé de 3 %. Une reprise a commencé en 2024, mais elle reste timide. Cette baisse de la productivité s’explique d’une part, par la montée en puissance de l’apprentissage et de la formation : les apprentis et alternants sont moins productifs que les salariés classiques, car ils suivent des cours et débutent leur carrière. Leur nombre est passé de 300 000 à 1 million entre 2017 et 2024. Elle tient d’autre part, au fait que les entreprises ont choisi de maintenir leurs effectifs malgré une baisse de la demande et de la production. Ce choix se traduit par une baisse de la productivité par salarié,
Avec la baisse du chômage, les entreprises ont dû accepter de recruter des salariés moins bien formés ou moins adaptés aux postes, ce qui a également contribué à la baisse de la productivité. L’emploi a augmenté de 9 % entre 2019 et 2024, en grande partie grâce au développement des services domestiques, qui sont peu productifs. Ces emplois, souvent mal rémunérés, impactent négativement les cotisations sociales, la CSG et l’impôt sur le revenu perçus par les pouvoirs publics.
Les finances publiques doivent surmonter deux défis majeurs : le manque de confiance et la baisse de productivité. Le premier incite les ménages et les entreprises à réduire leur consommation et leurs investissements, tandis que le second freine la croissance, tant en quantité qu’en qualité. Dans les deux cas, les recettes publiques sont pénalisées. La croissance du PIB oscille, en France, autour de 1 % par an, alors qu’elle dépasse 2,5 % en Espagne, au Portugal, et même en Grèce.