Economie – France – offre – compétitivité
La France n’est pas une île !
Les Français tendent à voir leur pays comme une île pouvant s’affranchir des contraintes extérieures. Le déficit public, l’endettement, le solde commercial négatif sont des abstractions qui ne sont pas censées limiter la volonté générale et en particulier l’appétence de la population pour la dépense publique est sans fin. Or, la France à l’image de tous ses partenaires évolue dans un univers concurrentiel. Sa participation à l’euro l’a délivrée du problème du taux et des réserves de change mais l’oblige à respecter certaines règles afin de ne pas porter atteinte à la monnaie commune.
La France comme les États membres de la zone euro doit respecter plusieurs critères appelés critères de Maastricht qui concernent le solde public, l’endettement publique et la balance des paiements courants. Or, depuis vingt ans, la France a tendance à diverger. Or, la progression des dépenses publiques n’a pas conduit à une amélioration de la compétitivité de l’économie française. C’est même le contraire qui semble s’être produit.
La tentation de maintenir une politique divergente est, en France, forte ; or les marges de manœuvre du pays sont faibles voire inexistantes. Au sein de l’OCDE, le pays se caractérise par un niveau élevé de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires.
Cercle de l’Épargne – données OCDE
Le coût du travail est en France élevé même si dans certains pays il l’est encore plus. En Allemagne, en Suède et en Belgique, le coût élevé est compensé par le poids important de l’industrie qui génère des gains de productivité. L’économie française est avant tout tertiaire. La composante de services domestiques (loisirs, tourisme, aides à la personne) est particulièrement importante. Or celle-ci est à faible valeur ajoutée et à faibles gains de productivité. La France se caractérise, en effet, par le déclin de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière. Elle est passée de 14 à 9 % du PIB de 2002 à 2023. Cette valeur ajoutée atteint 20 % du PIB au Japon et en Allemagne en 2023. Elle s’élève à 16 % en Italie et 14 % en Suède.
Le niveau de compétences est en France faire que ce soit en mathématiques, en sciences ou en matière de la pratique de la langue.
La France a donc un handicap d’attractivité vis-à-vis des autres pays en ce qui concerne la pression fiscale, la compétitivité-coût, l’efficacité du système éducatif et les dépenses de recherche. La conséquence est un faible taux d’emploi. Celui d’élève à 68 % en France, contre 79 % au Japon, 78 % en Allemagne, 75 % au Royaume-Uni, 72 % aux États-Unis (source OCDE).
En mettant l’accent sur la demande, la France divergerait encore plus vite. L’effet d’une relance sur la croissance serait faible. Il se matérialiserait avant tout par un accroissement du déficit public et de la balance commercial. La tentation d’une sortie de l’euro serait funeste car elle s’accompagnerait d’une banqueroute globale compte tenu des intérêts croisés en Europe. La France serait immédiatement confrontée à un problème de réserves de change et serait en incapacité de financer ses importations. Elle serait également dans l’impossibilité de se financer sur les marchés internationaux. Une politique économique franco-française apparait en 2024 comme une voie sans issu. La France doit donc redresser la qualité de son système éducatif, maîtriser son coût du travail, augmenter le taux d’emploi et parier sur l’innovation.
La France face à un déficit d’offre
L’économie française est confrontée à un problème d’offre depuis 2017. L’insuffisance de l’investissement et les pénuries de main-d’œuvre pèsent sur la production. Or, la tendance naturelle, au sein du pays, est de favoriser la demande. De 1981 à 2022, de nombreuses mesures ont été prises pour tenter de maintenir la consommation des ménages. Le plan mis en œuvre après la crise des Gilets jaunes, les mesures de soutien pendant le covid et celles visant à limiter les effets de la guerre en Ukraine s’inscrivaient dans cette logique. Les résultats de cette politique favorable à la demande ont été décevants. Les ménages, par peur de l’avenir, ont bien souvent privilégié l’épargne à la consommation. Par ailleurs, quand ils optaient pour cette dernière, ils ont eu tendance, faute de pouvoir accéder à des produits français compétitifs, d’acheter des biens en provenance de l’étranger, creusant ainsi un peu plus le déficit commercial.
Les pouvoirs publics ont conscience de manière épisodique que le problème central de l’économie française est l’offre. Dernièrement, le Président, François Hollande, après avoir fortement augmenté les prélèvements en 2012, s’est engagé (à compter à partir de 2014) dans une politique favorable à l’offre : Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi… Cette politique avait alors provoqué l’hostilité de plusieurs cadres du Parti socialiste de l’époque. Le Président Emmanuel Macron a également tenté de mener une politique de l’offre en diminuant de manière progressive certains prélèvements pesant sur la production. Cette politique a été associée à des mesures plutôt favorables à la demande (diminution de l’impôt sur le revenu, suppression de la taxe d’habitation, de la redevance audiovisuelle, revalorisation du minimum vieillesse, etc.).
L’offre, en France, souffre de plusieurs handicaps. Les pénuries de main-d’œuvre constituent un de ses principaux freins. Malgré la crise de l’immobilier, 75 % des entreprises de la construction indiquaient, en 2023, rencontrer des difficultés de recrutement contre 40 % en 2017. 50 % des entreprises industrielles étaient dans la même situation en 2023 et 45 % des entreprises de services. Pour ces deux derniers secteurs, ce taux était de 25 % en 2017. Les difficultés de recrutement sont plurielles. La faible progression de la population active, en lien avec la dénatalité des vingt dernières années permet aux jeunes de choisir leur emploi et d’être plus exigeants. Les postes à forte pénibilité et à faible rémunération peinent à être pourvus.
Les problèmes de compétences constituent le deuxième problème. Le manque de techniciens et d’ingénieurs pénalise le secteur industriel. Le problème de logement n’est pas sans lien avec les difficultés rencontrées par l’hébergement-restauration. Dans les zones à forte intensité touristique, le coût élevé du logement rend compliqué l’embauche de jeunes. Enfin, même si cela est difficile à apprécier, la question de la motivation au travail a été, maintes fois, soulevée. Au-delà de la problématique de la main-d’œuvre, l’insuffisance des équipements est réelle selon les statistiques de Datastream depuis 2017. A contrario, depuis 2018, selon les mêmes statistiques, une faiblesse de la demande n’est pas constatée (sauf période covid en 2020).
Un des symboles du déficit d’offre en France est la persistance d’un déficit commercial et, en particulier, d’un déficit pour les biens manufacturiers.
Cercle de l’Épargne – données INSEE
Toute politique de relance de la demande risque de se traduire par une amplification du déficit commercial. Elle pourrait s’accompagner d’une augmentation de l’inflation. L’effet sur la croissance serait donc relativement faible. Une telle politique ne ferait qu’augmenter le déficit public qui s’élevait à 5,5 % du PIB en 2023. Pour augmenter la demande, le gouvernement serait amené à jouer sur le montant des prestations sociales. L’aggravation du déficit aurait comme conséquence une hausse des taux d’intérêt ce qui limiterait l’investissement et pénaliserait l’offre. Pour tenter d’endiguer le déficit public, le gouvernement pourrait augmenter les prélèvements obligatoires ce qui aurait comme conséquence de réduire la demande et de pénaliser l’offre en renchérissant les coûts de production.
La question du pouvoir d’achat est, en France, extrêmement sensible. Un grand nombre d’actifs estiment que leur niveau de vie s’est dégradé ces dernières années et réclament une augmentation des salaires. Cette dégradation n’est pas sans lien avec la progression des dépenses pré-engagées (logement, assurances, prélèvements, chauffage, électricité, Internet, téléphone, etc.) sur lesquelles les ménages n’ont pas de prise. Le logement peut absorber jusqu’à plus de 40 % du budget des ménages modestes. De plus en plus de Français indiquent restreindre leur consommation de protéines du fait de problèmes financiers. Pour autant, une hausse des rémunérations en période de baisse de la productivité pourrait provoquer la faillite de nombreuses entreprises et inciter les plus grandes à poursuivre les délocalisations. Une amélioration des salaires passe par l’obtention de gains de productivité. Leur retour suppose tout à la fois un effort de formation et de recherche plus élevé tout comme une augmentation de l’investissement.