23 août 2025

Economie – protectionnisme – Etats-Unis – rendement d’échelle – Europe

L’Europe, un géant économique aux pieds d’argile

Avec près de 450 millions d’habitants, l’Union européenne aime à rappeler qu’elle demeure un marché intérieur d’une taille comparable à celle des États-Unis ou de la Chine. Elle est la première puissance commerciale, étant tout à la fois un importateur et un exportateur majeur. En 2024, les échanges extra-européens représentaient près de 5 000 milliards d’euros. Le produit intérieur brut de l’Union européenne atteint près de 20 000 milliards de dollars. Il rivalise avec celui de la Chine (19 000 milliards de dollars) et demeure environ un tiers plus faible que celui des États-Unis (29 000 milliards de dollars). Malgré ces chiffres flatteurs, le sentiment dominant est que l’Europe est confrontée à un réel déclin. L’Union européenne souffre de plusieurs faiblesses structurelles qui l’empêchent d’occuper le rang qui devrait être le sien au vu de son poids économique.

Une forte dépendance à la Chine

L’Union européenne dépend de la Chine tant pour ses importations que pour ses exportations. En 2024, les importations de biens en provenance de Chine ont dépassé 500 milliards d’euros, contre 215 milliards d’euros d’exportations de l’Union vers la Chine, générant un déficit commercial de près de 300 milliards d’euros. La Chine est le premier fournisseur de l’Union, avec une part d’environ 21,3 % du total des importations européennes. La dépendance est quasi totale en matière de terres rares. Elle est également très élevée pour le matériel électronique, les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries. Plus de 42 % de l’électronique provenait de Chine en 2022, contre 27 % en 2011.

La dépendance de l’Union européenne vis-à-vis de la Chine est à la fois quantitative (en valeur) et qualitative (secteurs stratégiques, terres rares, composants électroniques, batteries). La concentration sectorielle et la montée progressive de cette dépendance rendent la diversification des approvisionnements cruciale. Sans la Chine, pour l’heure, l’Europe ne peut ni électrifier son parc automobile, ni verdir son mix énergétique, ni sécuriser son approvisionnement médical. L’Union européenne est ainsi piégée dans une double dépendance : vendre à la Chine pour croître, acheter à la Chine pour produire.

La dépendance concerne également les exportations. En 2017, la moitié des ventes du groupe Volkswagen étaient réalisées en Chine. Pour LVMH, 29 % du chiffre d’affaires mondial provient également de ce pays.

La pression croissante de l’allié américain : énergie, numérique et propriété intellectuelle

Il y a peu, l’Union européenne dégageait un excédent commercial important avec les États-Unis. Pour les biens, le solde de la balance commerciale a été positif en 2024, à hauteur de près de 200 milliards d’euros. Les États-Unis constituent un débouché majeur pour l’automobile, les équipements industriels, l’agroalimentaire et les produits médicaux. Le passage des droits de douane de 5 à 15 % pourrait réduire l’excédent commercial européen et peser sur la croissance.

L’Union européenne est également dépendante des États-Unis pour ses importations. En 2024, elle a importé pour 76,7 milliards d’euros de combustibles minéraux, lubrifiants et produits annexes (soit 16,5 % de ses importations dans ces postes), et pour 45,5 milliards d’euros de services numériques et télécoms (soit 37,7 % des importations). Elle a surtout versé 198,6 milliards d’euros de redevances liées à l’usage de la propriété intellectuelle (soit 78,7 % du total des importations dans ce domaine).

Les États membres de l’Union européenne sont par ailleurs fortement dépendants des États-Unis pour leur défense, ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur le plan politique.

L’Europe se trouve ainsi captive de la puissance énergétique américaine, de ses géants numériques et de son capital immatériel. Ce n’est pas un hasard si, lors du sommet du G7 de juin 2025, la règle de taxation minimale de 15 % sur les multinationales a été aménagée pour épargner les entreprises américaines qui réalisent une part significative de leurs bénéfices en Europe.

Le piège de la faiblesse

L’Union européenne est confrontée à une double dépendance, vis-à-vis de la Chine et des États-Unis, qui la prive de réelles marges de manœuvre dans les négociations. Elle est contrainte de trouver en permanence des compromis au prix de concessions importantes. Les menaces de rétorsion commerciale brandies par Bruxelles apparaissent peu crédibles : ni face à Washington ni face à Pékin, l’Union n’a intérêt à entrer dans une guerre tarifaire dont elle sortirait exsangue. Avec le vieillissement démographique en Europe, de nombreuses entreprises dépendent plus que jamais des marchés extérieurs. Toute sanction commerciale risquerait de remettre en cause leurs équilibres financiers. La pression américaine pour davantage de déréglementation et d’ouverture des marchés européens s’annonce difficile à contrer.

Quelques niches échappent encore à ce déséquilibre. Dans l’aéronautique, par exemple, les entreprises européennes sont intégrées aux chaînes de valeur américaines, ce qui leur confère une certaine protection contre d’éventuelles hausses tarifaires.

Pour restaurer son pouvoir de négociation internationale, l’Europe doit combler son retard dans les technologies critiques et les matières premières stratégiques. Si elle veut demain réellement peser dans le concert des nations, elle devra non seulement diversifier ses approvisionnements et investir dans ses propres industries stratégiques, mais aussi accepter de parler d’une seule voix. Faute de quoi, elle demeurera, face aux États-Unis et à la Chine, un vaste marché ouvert, mais sans épaisseur stratégique.

Les rendements d’échelle croissants : l’économie sous le signe de la taille

Longtemps, l’économie a été dominée par le principe des rendements d’échelle décroissants : plus la production croît, moins chaque facteur additionnel de travail ou de capital génère de richesse. Cette théorie, qui a forgé l’économie moderne du XVIIIᵉ au XXᵉ siècle, favorisait la dispersion des activités sur fond de concurrence loyale. Mais elle ne semble plus pleinement opératoire depuis l’avènement des technologies de l’information et de la communication. Lorsque la taille engendre mécaniquement des gains de productivité, des avantages compétitifs cumulatifs et des effets d’entraînement, les rapports économiques changent de nature.

La réalité contemporaine est en effet alimentée par des coûts fixes incompressibles (brevets, infrastructures, sièges sociaux) et par les effets d’apprentissage. Plus une entreprise produit, plus elle affine ses procédés, réduit ses coûts unitaires et renforce ses positions. L’intrusion de nouveaux concurrents devient dès lors de plus en plus difficile.

États-Unis : la puissance de l’échelle

Dans cette économie à rendements croissants, les États-Unis apparaissent comme l’archétype du gagnant. Leur marché intérieur, unifié et homogène, contraste avec celui de l’Union européenne, encore segmenté par les frontières réglementaires et les préférences nationales. Surtout, dans les secteurs de pointe, leurs entreprises atteignent une taille qu’aucune firme européenne ne connaît. En 2024, le chiffre d’affaires d’Amazon a atteint 638 milliards de dollars, tandis que celui d’Apple dépassait 390 milliards. En Europe, la plus grande entreprise, Volkswagen, plafonnait à 325 milliards d’euros, tandis que TotalEnergies ou BMW ne dépassaient guère 150 à 180 milliards. Aucune entreprise technologique européenne n’a la capacité de concurrencer celles des États-Unis. La société allemande SAP, pourtant fleuron du numérique, a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires inférieur à 35 milliards d’euros.

Cette différence se traduit dans les performances de productivité. Entre 2002 et 2023, la productivité par tête a progressé beaucoup plus rapidement aux États-Unis qu’en zone euro : plus de 40 % outre-Atlantique, contre moins de 10 % en Europe. Dans un univers de rendements croissants, la taille agit comme un multiplicateur : plus grand est le marché, plus forte est la productivité, plus l’écart se creuse. Les technologies de l’information et de la communication reposent sur le traitement massif des données. Plus elles sont nombreuses, plus les systèmes sont performants. Le moteur de recherche Qwant n’a pas pu s’imposer en Europe faute d’une masse critique de données. Contraint de s’associer à Microsoft, il a cherché à bénéficier de rendements d’échelle, mais en refusant la monétisation publicitaire des recherches, il n’a pas réussi à dégager les ressources nécessaires pour améliorer son algorithme. L’intelligence artificielle, elle aussi, exige un flux permanent de données et de requêtes pour nourrir ses processus d’apprentissage. Or, en Europe, aucune entreprise ne dispose de la taille critique. La start-up Mistral, malgré ses ambitions, se heurte déjà à cette limite et risque d’être rapidement entravée dans sa croissance.

Les capitaux fuient les petits vers les grands

Les rendements croissants expliquent également les flux mondiaux de capitaux. Si la rentabilité du capital est d’autant plus élevée que la taille du marché est grande, il est logique que l’épargne mondiale se dirige vers les pays les plus riches. Les États-Unis, grâce à leur immense marché, attirent ainsi les capitaux internationaux et peuvent afficher un déficit extérieur persistant, tandis que des pays émergents pourtant dynamiques – Vietnam, Thaïlande, Malaisie – exportent leur capital et accumulent des excédents courants. À l’inverse, l’Inde et l’Indonésie, sans déficit extérieur notable, montrent qu’un marché en expansion mais encore fragmenté attire moins d’investissements qu’un géant consolidé. Faute de disposer d’un secteur technologique performant, L’Europe exporte ses capitaux en premier lieu vers les États-Unis.

Le protectionnisme est-il une solution ?

Dans un monde de rendements décroissants, les barrières commerciales apparaissent comme une hérésie : elles réduisent la concurrence et ralentissent la diffusion du progrès technique. Mais dans une économie à rendements croissants, certains économistes comme certains responsables publics plaident pour un protectionnisme destiné à protéger des industries naissantes. Dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, la valeur ajoutée représente plus de 7 % du PIB aux États-Unis, contre moins de 5 % en France et en Allemagne. Sans protection ciblée, les industries européennes seraient dans l’incapacité d’atteindre la taille critique nécessaire à la baisse des coûts unitaires. Pour autant, la mise en place de barrières commerciales se retournerait contre les consommateurs, particuliers comme entreprises. Elle ne garantit nullement que le retard puisse être comblé. Les États européens doivent plutôt développer des politiques de long terme fondées sur la formation et la recherche. Des partenariats avec des entreprises américaines ou chinoises peuvent constituer un moyen d’accélérer la montée en gamme. Certains experts estiment que l’Union européenne devrait s’inspirer du modèle Airbus. Mais le secteur aéronautique n’est pas comparable au digital, et Airbus n’a pas toujours été rentable, notamment en raison de l’implication directe des États dans sa gouvernance.

Le numérique pose également un dilemme aux régulateurs : faut-il lutter contre les positions dominantes alors que les rendements d’échelle jouent un rôle central ? Faut-il pénaliser les entreprises pour atteinte à la concurrence au risque de freiner l’innovation ? Depuis plusieurs années, la Commission européenne multiplie les procédures contre les géants américains du digital, avec des résultats mitigés.

Le piège européen

Face à des rendements d’échelle désormais croissants, l’Europe se trouve piégée par la fragmentation de son marché et ses règles de concurrence. Pour espérer rivaliser avec les États-Unis et la Chine, elle devra non seulement procéder à l’unification réelle de son marché intérieur, mais aussi accroître son effort en matière de recherche, de formation et de financement des industries critiques. Faute de quoi, elle restera une puissance économique de second rang, condamnée à exporter ses capitaux et à importer ses technologies.

Le retour du protectionnisme : la fin d’un modèle ?

Pendant des décennies, la croissance tirée par les exportations a été considérée comme la meilleure recette pour sortir du sous-développement. Le succès des quatre dragons d’Asie du Sud-Est (Taïwan, Singapour, Hong Kong, Corée du Sud) et de la Chine repose sur leur intégration au commerce international. Auparavant, l’Allemagne et le Japon, sortis exsangues de la Seconde Guerre mondiale, avaient prouvé le bien-fondé de cette voie de croissance. En 2025, sous l’effet du nouveau protectionnisme américain, cette stratégie pourrait bien devenir un piège.

Le commerce mondial en repli

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoyait encore une progression de 2,7 % du volume du commerce mondial de biens en 2025. Or, il pourrait connaître une contraction d’au moins 0,5 %. Cette révision est imputable aux mesures protectionnistes de Donald Trump, mais aussi à celles de l’Union européenne, ainsi qu’au ralentissement de l’économie mondiale. Les droits de douane américains, qui étaient en moyenne de 5 % en début d’année, atteignent désormais 18,6 % sur l’ensemble des biens importés, avec des pics à 25 % sur les voitures et jusqu’à 50 % sur l’acier et l’aluminium. Cette vague protectionniste n’est pas sans rappeler les politiques des années 1930. Après avoir porté la croissance économique des années 1980 aux années 2000, le commerce international pourrait, de ce fait, la freiner. Durant la montée en puissance de la mondialisation, il progressait deux fois plus vite que le PIB. Entre 2010 après la crise financière et 2020, sa croissance a nettement faibli, tout en restant positive. Face à cette nouvelle donne, tous les pays ne sont pas égaux : les plus ouverts aux échanges internationaux et les plus dépendants des États-Unis sont les plus exposés.

Le Canada et le Mexique aux premiers rangs des victimes

Fortement inséré dans les chaînes de valeur nord-américaines, le Canada devrait être l’un des pays les plus touchés par la hausse des droits de douane. En 2023, environ 75 % des exportations canadiennes ont été dirigées vers le marché américain, contre moins de 10 % vers l’Union européenne et 4 % vers la Chine. Le Canada exporte vers les États-Unis des hydrocarbures (pétrole, gaz, électricité). Ce pays absorbe près de 95 % des exportations de pétrole brut canadien. Le Canada est ainsi devenu le premier fournisseur de pétrole des États-Unis, devant l’Arabie saoudite et le Mexique.

Avec l’accord commercial liant les États-Unis, le Canada et le Mexique, la chaîne de valeur nord-américaine est intégrée. Les pièces automobiles traversent plusieurs fois les frontières avant l’assemblage final. Pour les technologies et services numériques, la dépendance est plus subtile mais bien réelle : les grandes entreprises canadiennes du numérique s’inscrivent souvent dans l’écosystème américain, tandis que de nombreuses filiales de groupes américains dominent le marché local.

Le Canada dégage un excédent commercial avec les États-Unis de près de 100 milliards de dollars. Mais, au-delà de ce chiffre, la situation révèle une asymétrie structurelle : le PIB américain est environ dix fois supérieur à celui du Canada. Ce déséquilibre confère aux États-Unis un rapport de force permanent dans les négociations commerciales et réglementaires. Le Canada dépend étroitement de la croissance économique et de la politique de son voisin.

Afin de réduire cette dépendance, le Canada participe activement à des accords de libre-échange comme le CPTPP (partenariat transpacifique global et progressiste) ou l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Union européenne. Mais cette diversification reste largement à concrétiser.

Le Mexique, dont les exportations représentent plus de 35 % du PIB, est la deuxième grande victime potentielle du tournant protectionniste américain. Même le Brésil, moins ouvert, ne sera pas épargné.

En Europe, la dépendance est manifeste : les exportations de biens et services représentent environ 45 à 50 % du PIB de la zone euro. Les États-Unis constituent le premier marché d’exportation de l’Union européenne, devant le Royaume-Uni, la Chine et la Suisse. Les exportations de biens de l’Union vers les États-Unis dépassent 500 milliards d’euros et représentent environ 19 % du total des exportations extra-européennes. L’excédent commercial atteint plus de 200 milliards d’euros. Plusieurs secteurs économiques importants de l’Union sont dépendants de leurs débouchés américains : machines et équipements, aéronautique, produits pharmaceutiques et chimiques, automobiles et pièces détachées, produits agricoles et agroalimentaires, produits de luxe.

Les exportations de l’UE vers les États-Unis représentent donc un pilier central de la prospérité européenne. Elles assurent à l’Europe une position de force dans la relation transatlantique, mais l’exposent en retour aux décisions politiques et protectionnistes de Washington.

L’Asie n’est pas en reste : la Chine reste fortement dépendante de ses débouchés extérieurs, et en premier lieu américains. Le Japon conserve un modèle exportateur ancien, qui le fragilise. Mais ce sont surtout les économies plus petites et plus ouvertes – Vietnam, Malaisie, Thaïlande, Cambodge, Philippines – qui risquent le choc le plus brutal.

Les contradictions du protectionnisme américain

La majoration des droits de douane, aux Etats-Unis, provoquera une remontée de l’inflation. Celle-ci pèsera sur le pouvoir d’achat des ménages. Mais l’Amérique de Donald Trump fait le choix de la puissance stratégique au détriment de l’efficacité économique immédiate. En renchérissant le coût d’accès au marché américain, elle force ses partenaires à revoir leurs modèles de croissance. Pour les pays exportateurs, la question n’est plus seulement conjoncturelle. Les droits de 18,6 % en moyenne agissent comme une  « TVA à l’entrée » et risquent de peser sur la demande finale américaine. En raison de l’intégration des chaînes de valeur, la compétitivité des exportations américaines pourrait aussi se dégrader, les coûts des intrants importés étant en forte hausse. Les surtaxes de 25 % sur les automobiles et de 50 % sur l’acier et l’aluminium ciblent des secteurs névralgiques de l’interdépendance.

Si les droits de douane américains se maintiennent à ces niveaux, le paradigme de la croissance tirée par les exportations apparaît compromis. Les grands gagnants de la mondialisation, qui misaient sur la demande externe, risquent d’y perdre leur élan. L’Europe, le Mexique et l’Asie du Sud-Est en particulier devront réinventer leurs moteurs internes : consommation domestique, investissement productif, innovation technologique.

Les mesures protectionnistes de ces derniers mois pourraient se traduire par un manque à gagner en termes de croissance de 1,6 point de PIB pour la zone euro dans les trois prochaines années, de 1,3 point pour le Mexique, de 1,5 point pour le Canada, de 1 point pour la Chine, de 0,6 point pour le Japon et de 2 à 3 points pour les économies de l’Asie du Sud-Est.

Pour lutter contre les effets délétères du protectionnisme américain, les États doivent réancrer leur croissance sur le marché intérieur. Pour la zone euro, cette orientation est difficile, compte tenu du vieillissement démographique de la population. Les pays seront amenés à diversifier leurs débouchés (Sud-Sud, Afrique, Inde), avec un danger pour les marchés dits ouverts comme l’ASEAN, le Mexique ou l’Europe. La tentation sera alors de s’engager dans une spirale protectionniste qui ne ferait, à terme, que des perdants.

Le retour du protectionnisme n’est pas une simple péripétie conjoncturelle, mais bien le symptôme d’une transformation profonde des rapports de force internationaux.      L’« âge d’or » de la mondialisation, celui où les frontières s’effaçaient devant la promesse de marchés sans limites, semble derrière nous. À sa place s’installe une ère de fragmentation où les nations privilégient la sécurité stratégique à l’efficacité économique, la souveraineté au libre-échange. Cette mutation impose aux économies avancées comme aux économies émergentes de repenser leurs moteurs de croissance et de réinventer leur contrat social. Si l’Histoire nous enseigne que les murs finissent toujours par se fissurer, elle rappelle aussi que leur édification coûte cher en prospérité et en stabilité. Jadis instrument de rapprochement, le commerce risque de redevenir l’arme d’un monde fragmenté où chacun protège ses acquis au détriment de la prospérité commune.