12 décembre 2025

Economie – Royaume – Uni – Trump – Marché du travail

Donald Trump face à la chute de sa popularité

Un peu plus d’un an après son élection, la cote de popularité de Donald Trump est, aux États-Unis, orientée à la baisse. 57 % des Américains, au mois de novembre dernier, désapprouvaient son action quand 40 % l’approuvent. Le rejet de la politique de Donald Trump est fort en ce qui concerne l’inflation, l’emploi, les impôts et les dépenses publiques. Chez les moins de 30 ans, les Hispaniques, les Noirs et chez les diplômés, sa politique contre l’immigration est également condamnée. Avec les élections de mi-mandat dans moins d’un an, le Président américain risque d’infléchir sa politique avec comme conséquence une nouvelle aggravation du déficit public.

Les Américains sont sévères avec le Président en ce qui concerne :

  • l’inflation et les prix (solde approuvant – désapprouvant : –33 %) ;
    • les impôts et les dépenses publiques (solde approuvant – désapprouvant : –20 %) ;
    • l’emploi et l’économie (solde approuvant – désapprouvant : –19 %).

Or, le Président a été élu en grande partie sur l’amélioration du pouvoir d’achat. En cette fin d’année 2025, la priorité pour les Américains est la situation de l’économie (pour 40 % des Américains), devant les droits civiques (13 %), la santé (12 %), l’immigration (7 %), les taxes et les dépenses publiques (7 %), le changement climatique (5 %), la criminalité (5 %), l’avortement (3 %) et l’éducation (3 %). Les Américains s’attendent à une accélération de l’inflation dans les prochains mois avec une baisse du pouvoir d’achat. L’évolution du déficit public les inquiète également. Or, celui-ci pourrait dépasser 7 points de PIB cette année.

Face à la montée de l’hostilité, Donald Trump recule et distribue. Il revoit à la baisse les majorations des droits de douane annoncées le 2 avril dernier. Il a réduit les droits sur les produits agricoles ainsi que ceux appliqués à certains pays, dont la Suisse. Après avoir atteint 20 % au cœur de l’été, le taux moyen des droits se situe autour de 16 %. Par ailleurs, le Président américain a décidé de redonner aux ménages une partie des gains tirés des droits de douane. Ainsi, il a promis de distribuer 2 000 dollars aux ménages (sauf les plus aisés). Il a, par ailleurs, proposé aux parents d’ouvrir un compte à leurs enfants dédié à l’investissement en actions en le dotant de 1 000 dollars.

Selon l’économiste Patrick Artus, les largesses présidentielles pourraient atteindre 256 milliards de dollars en 2026 et porter le déficit public à 9 % du PIB, ce qui amènerait la dette publique au-delà de 120 % du PIB. L’augmentation des dépenses publiques devrait aboutir à une hausse des taux d’intérêt, ce qui pénalisera l’économie américaine.

Le Royaume-Uni : le coûteux isolement

En 2016, le Royaume-Uni a fait le choix du grand large. Près de 10 ans après le référendum, les résultats escomptés par les partisans du Brexit sont loin d’être au rendez-vous. La croissance est plus de deux fois plus faible que celle de la moyenne de l’Union européenne, le déficit budgétaire s’est accru et la question de l’immigration reste entière.

La croissance du Royaume-Uni tourne autour de 1 % quand, avant le Brexit, elle était en moyenne près de deux fois supérieure à celle de la zone euro. Depuis 2019, le déficit public a toujours été supérieur à 4 % du PIB et la balance des paiements courants est déficitaire, en 2025, de plus de 4 points de PIB.

Le Royaume-Uni paie cher son isolement. La France, dont les caractéristiques économiques sont assez proches — désindustrialisation poussée et double déficit (paiements courants et budget) — dispose de plus de liberté que sa voisine.

Le Royaume-Uni, hors de l’euro, doit convaincre les marchés de la solidité de sa monnaie et de la soutenabilité de sa dette quand la France, au sein de l’euro, bénéficie de la crédibilité collective de la Banque centrale européenne.

La crise budgétaire britannique de l’automne 2022, qui a provoqué la démission de la Première ministre, Liz Truss, quarante-quatre jours après sa nomination, a souligné la faiblesse économique et financière du Royaume-Uni.

La crise est née de la présentation du « mini-budget » le 23 septembre 2022 par le chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng. Ce projet comportait une série de baisses d’impôts non financées — près de 45 milliards de livres sterling — incluant la suppression du taux marginal de 45 %, l’annulation de la hausse de l’impôt sur les sociétés et un gel des prix de l’énergie. Le gouvernement affirmait vouloir relancer la croissance par un choc d’offre. Les investisseurs se sont inquiétés du dérapage du déficit public et les taux d’intérêt ont vivement progressé dans un contexte fortement inflationniste. Les taux longs ont dépassé 5 %. Cette augmentation s’est accompagnée d’une dépréciation de la livre sterling. Ces tensions financières se sont répercutées à l’ensemble des établissements financiers, obligeant la Banque d’Angleterre à intervenir en urgence le 28 septembre. Elle a annoncé des achats temporaires d’obligations longues pour éviter un effondrement systémique. Cette perte de contrôle financière a obligé la Première ministre à renoncer à son projet budgétaire. Le chancelier Kwasi Kwarteng fut limogé et remplacé par Jeremy Hunt, ce qui ne calma guère les marchés. La Première ministre dut se résoudre à la démission le 20 octobre 2022. Elle est devenue ainsi la cheffe de gouvernement la plus éphémère de l’histoire moderne britannique.

La France bénéficie de la protection et de la mutualisation de la zone euro. Le Royaume-Uni doit maintenir des taux d’intérêt à court terme élevés (Graphique 4) pour défendre son taux de change et éviter l’inflation importée. Les taux directeurs de la Banque d’Angleterre évoluent autour de 4 % contre 2 % en zone euro.

Les taux d’intérêt à long terme sont également plus élevés au Royaume-Uni qu’en zone euro et qu’en France. L’écart entre le taux de l’OAT à 10 ans et son équivalent britannique est d’un point. La dette britannique est perçue comme plus risquée que la dette française grâce à la présence protectrice de la BCE.

La situation du Royaume-Uni doit faire réfléchir les éventuels partisans d’un Frexit. Sans l’euro, la France aurait une monnaie plus volatile, des taux courts plus élevés pour défendre cette monnaie et des taux longs plus élevés pour financer sa dette. Le pays pourrait faire face à une crise de change et serait donc contraint d’instituer des politiques de réduction de la consommation afin de limiter le recours aux importations. L’euro agit comme une mutualisation de la confiance. Il n’efface pas les déséquilibres français, mais il en amortit les conséquences financières.

Tensions sur les marchés du travail américain et européen

Malgré l’affaiblissement de la croissance économique, les tensions sur les marchés du travail restent importantes tant aux États-Unis qu’en zone euro. Cette situation génère des tensions inflationnistes conduisant les banques centrales à demeurer prudentes.

Aux États-Unis, le taux de chômage évolue autour de 4 %. La décélération de la croissance, celle-ci passant de 2,4 à 1,6 % en rythme annuel entre 2024 et 2025, a peu d’effets sur ce taux. Le ratio emplois vacants/demandeurs d’emploi reste supérieur à 1. Il demeure ainsi au-dessus de son niveau d’avant 2018. La diminution des créations d’emplois ne provoque pas une hausse du chômage. En un an, ces créations sont en effet passées de 200 000 à moins de 50 000. Dans une économie normale, un affaissement de la croissance et des créations d’emplois devrait mécaniquement réduire les tensions. Or, la persistance de ces dernières s’explique par la réduction du nombre d’immigrés. Les actifs nés à l’étranger sont passés de 33 millions en 2019 à environ 30 millions en 2025. Si la création d’emplois aux États-Unis baisse, c’est par absence d’actifs disponibles et non en lien avec une diminution des besoins de main-d’œuvre de la part des entreprises.

À l’inverse des États-Unis, la zone euro ne connaît pas de choc d’offre de travail. Les tensions sur le marché du travail proviennent essentiellement d’un manque persistant de gains de productivité et du vieillissement démographique. Le taux de chômage évolue autour de 6 %, soit son plus faible niveau depuis trente ans. De nombreuses entreprises européennes rencontrent des difficultés de recrutement : 20 % à 35 % des entreprises industrielles, 25 % à 40 % des entreprises de services et 20 % à 30 % dans la construction. Ces taux sont 10 points au-dessus de ceux constatés au milieu des années 2010.

L’Europe souffre d’un déclin de sa productivité depuis 2017. En vingt-cinq ans, celle-ci n’a augmenté que de 8 % en zone euro contre 40 % aux États-Unis. Ces dernières années, l’économie européenne travaille plus pour produire autant. L’emploi dans la zone euro continue ainsi d’augmenter de 1 % à 1,5 % par an, alors même que la croissance prévue pour 2025 est faible, autour de 1 %.

Les problèmes de main-d’œuvre en zone euro sont également la conséquence du vieillissement démographique. La population d’âge actif (20–64 ans) plafonne depuis le début des années 2010. Dans la zone euro, la part des travailleurs âgés (55–74 ans) dans la population en âge de travailler passe d’environ 27,1 % en 2002 à 33,8 % en 2022. D’ici 2050, la population active de l’Union européenne reculerait d’environ 8–10 %.

De part et d’autre de l’Atlantique, des tensions salariales sont constatées en raison des problèmes de main-d’œuvre. Aux États-Unis, la progression du salaire nominal par tête se situe autour de 4 %, et entre 3 et 4 % en zone euro. Cette progression des salaires est incompatible avec le respect de la cible d’inflation de 2 %. L’inflation sous-jacente est de 3 % aux États-Unis et de 2,4 % en zone euro.

En zone euro, face à la hausse des coûts, les entreprises réduisent leurs marges. Aux États-Unis, à l’inverse, ces dernières ont augmenté entre 2022 et 2023 leurs marges avant de les stabiliser. La zone euro maîtrise donc son inflation en érodant la rentabilité des entreprises. L’investissement progresse ainsi peu en Europe, ce qui pénalisera la compétitivité future de l’économie. Devant la persistance des menaces inflationnistes, aux États-Unis comme dans la zone euro, les banques centrales sont prudentes et ne baissent qu’avec précaution leurs taux directeurs.