Economie – vieillissement démographique – Etats-Unis – effort de défense – lois économiques –
Quels sont les pays qui ont anticipé le vieillissement démographique ?
Pour amortir les effets du vieillissement démographique, un pays doit accumuler des actifs extérieurs tant que sa population en âge de travailler croit plus rapidement que la population totale afin de pouvoir en disposer quand la première diminue. Une accumulation d’actifs extérieurs nets doit donc être constatée quand le pays est jeune et une utilisation de ces actifs extérieurs quand le pays devient vieux.
Aux États-Unis, la population âgée de 15 à 64 ans a augmenté plus rapidement que la population totale entre 1990 et 2018. Depuis, elle continue à progresser mais moins vite que la première. Entre 1990 et 2040, l’ensemble de la population augmenterait de 50 % quand la population en âge de travailler progresserait de 38 %.
Les États-Unis en raison d’un déficit structurel de leur balance des paiements courants se caractérisent par une dette extérieure croissante qui est passée de 25 à 75 % du PIB de 2000 à 2023.
Au Royaume-Uni, jusqu’en 2008, la population en âge de travailler augmentait plus vite que la population totale. La première devrait baisser en 2025 quand la population totale continuerait à augmenter légèrement. Entre 1990 et 2040, la population du Royaume-Uni devrait progresser de 24 % quand celle en âge de travailler augmenterait de 15 %. Le Royaume-Uni connaît une détérioration de sa position extérieure en particulier depuis 2016. Sa dette extérieure représentait près de 25 % du PIB en 2023.
En Allemagne, depuis 1990, la population âgée de 15 à 64 ans recule. Entre 1990 et 2040, elle devrait diminue de 15 % quand la population totale n’augmentera que de 3 %. Cette dernière devrait commencer à diminuer à partir de 2026. L’Allemagne, grâce à ses excédents commerciaux, a, depuis un quart de siècle, accru ses avoirs à l’étranger qui représentent en 2023 75 % du PIB.
En France, la courbe de la population en âge de travailler et celle de l’ensemble du pays évoluent de manière parallèle entre 1990 et 2009. À partir de cette année, la seconde commence à décliner. De 1990 à 2040, la population de la France devrait augmenter de 16 % et celle de la population en âge de travailler de 2 %. La dette extérieure de la France augmente depuis 2004 en raison de l’accumulation de déficits commerciaux. Elle s’élevait, en 2023, à près de 30 % du PIB.
L’Italie est le pays européen qui est confronté le plus fortement au vieillissement démographique. Sa population diminue depuis 2010, tout comme sa population en âge de travailler. Entre 1990 et 2040, la population totale devrait baisser de 4 % et sa population de 15 à 64 ans de 23 %. L’Italie a également amélioré sa situation extérieure en passant d’une dette de 20 % du PIB en 2010, à des avoirs positifs de 5 % du PIB en 2023.
La population en âge de travailler a progressé plus vite que la population totale en Espagne de 1990 à 2006. Depuis 2006, la première baisse quand la seconde amorcera sa décrue à partir de 2026. Entre 1990 et 2040, la population en âge de travailler ne devrait progresser que de 3 % quand la population totale progressera de 18 %. L’Espagne a, dans les années 1990/2010, accumulé d’importants déficits commerciaux provoquant une forte dette extérieure qui a dépassé 90 % du PIB en 2012 avant de se réduire progressivement. Elle n’était plus que de 50 % en 2023.
Le Japon enregistre une baisse de sa population de 15 à 64 ans depuis 1998. D’ici 2040, celle-ci devrait se contracter de plus de 30 % par rapport à son niveau de 1990. La population japonaise décline depuis 2010 avec une baisse entre 1990 et 2040 de 10 %. Le Japon augmente continument, entre 1990 et 2023, ses avoirs extérieurs qui sont passés de 15 à 75 % du PIB.
Peu de pays ont accumulé des actifs à l’extérieur quand leur population était jeune. Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni sont confrontés à des dettes extérieures élevées au moment où ils auraient besoins des capitaux pour financer le vieillissement de leur population. L’Allemagne et le Japon, tout comme, par ailleurs, les Pays-Bas ou la Suisse ont mis en place un modèle axé sur la constitution d’avoirs extérieurs leur permettant de vivre sur leurs rentes. Il est à noter que ces pays, malgré le déclin de leur population en âge de travailler, continuent à accroître ces avoirs. L’Espagne qui connait un vieillissement marqué a réussi à rétablir sa situation en matière de solde extérieur en améliorant sa compétitivité.
Comment financer l’effort de défense ?
Les pays occidentaux ont commencé à diminuer leurs dépenses de défense avec la chute du mur de Berlin et la fin de l’URSS. Les États-Unis ne font pas exception, sauf dans la période 2001/2012, marquée par les guerres en Afghanistan et en Irak.
Les dépenses militaires sont passées, de 1970 à 2023, aux États-Unis, 8 % à 3,3 % du PIB, en France de 3,5 % à 2,1 %, au Royaume-Uni de 5,2 % à 2,3 %. Ces dépenses avaient connu une progression, sauf en France, à la fin des années 1970 et aux début des années 1980 en lien avec le durcissement des relations avec l’URSS (installation des missiles nucléaires SS20 dans les États du Pacte de Varsovie et en réponse installation des Pershing américains à l’Ouest).
En 2019, les dépenses militaires ont touché un point bas, 3,1 % du PIB aux États-Unis et 1,6 % du PIB au sein de l’Union européenne. La guerre en Ukraine a conduit à une augmentation de ces dépenses, en particulier, au sein de l’Union où elles ont représenté 1,8 % du PIB en 2023.
Compte tenu du retard accumulé ces vingt dernières années, l’effort en matière de défense devrait être porté à plus de 3 points de PIB au sein des États membres de l’Union européenne, soit une augmentation de 1,2 point de PIB. Cette progression des dépenses intervient au moment où les États européens sont appelés à diminuer leur déficit public. Ils sont, en outre, amenés à financer également la transition écologique et le vieillissement démographique. Le déficit public au sein de l’Union européenne était, en 2023, de 3,8 % du PIB et la dette publique dépassait 83 % du PIB. L’équation budgétaire est particulièrement complexe pour la France qui est censée être la première puissance militaire de l’Union européenne.
Face à ce problème budgétaire, certains experts estiment que les dépenses militaires doivent être sorties du calcul du déficit public qui est contrôlé par les règles budgétaires de l’Union. Dans ce cas, il serait tout aussi légitime de sortir les dépenses de la transition énergétique ou celles liées à la recherche. D’autres proposent la réalisation d’arbitrages au sein des dépenses publiques en réduisant, en particulier, celles destinées à la retraite (désindexation par exemple des pensions). Cette dernière option est politiquement hasardeuse. Enfin, il reste comme solution, la hausse des prélèvements obligatoires mais, en la matière, les marges de manœuvre sont étroites. La situation de 2023 n’a plus rien à voir avec celle de 1970. Les prélèvements obligatoires sont passés de 32 à 40 % du PIB et les dépenses sociales de 13 à 20 % du PIB.
Les États-Unis appartiennent-ils encore aux Américains ?
Les États-Unis accumulent des déficits publics et extérieurs élevés depuis des années, nécessitant une entrée massive de capitaux en provenance de l’étranger. Longtemps, ces derniers se sont investis dans les titres de dette publique mais de plus en plus, ils sont affectés à l’acquisition de titres de sociétés américaines. Progressivement, le poids des actionnaires étrangers augmente.
Depuis 1990, le déficit de la balance des paiements des États-Unis varie de 2 à 6 % du PIB. En 2023, il s’est élevé à 3 % du PIB. La dette extérieure américaine n’en finit pas de s’accroître, passant de 5 % à 70 % du PIB de 1993 à 2023. À cela s’ajoute un imposant déficit public qui a dépassé 7 % du PIB l’année dernière. Les États-Unis doivent donc attirer des capitaux depuis le reste du Monde.
Jusque dans les années 2000, les non-résidents achetaient avant tout des titres de la dette publique des États-Unis. Ces achats pouvaient, en fonction des années, représenter entre 2 à 3 % du PIB. L’encours d’obligations américaine détenues par le reste du monde est passé de 20 à 50 % du PIB de 1990 à 2010. Il est, depuis, resté stable. L’encours d’actions possédées par les non-résidents avoisinait 20 % du PIB, entre 1990 et 2006, avant de connaitre une forte progression et atteindre 80 % du PIB en 2023. Les achats nets d’actions par les étrangers représentent en moyenne, depuis 2017, 3 % du PIB.
Ce changement dans l’allocation des capitaux étrangers n’est pas sans conséquences. Quand les investisseurs étrangers acquièrent des obligations, ils reçoivent des intérêts, or ces deniers sont, sur longue période, inférieurs aux dividendes ; les Américains, étant investis à l’étranger en actions, étaient gagnants.A partir du moment où les étrangers privilégient les actions américaines, le solde de revenus se dégrade pour les Etats-Unis La préférence donnée par les investisseurs étrangers aux actions s’expliquepar l’attractivité des États-Unis, en raison de la croissance élevée, de la baisse de la pression fiscale et des aides à l’investissement (Inflation Reduction Act, Chips Act…).
L’encours des actions détenues par le reste du monde et celui des investissements directs atteignent 55 % du PIB en 2023, contre 22 % en 2009 ou 35 % en 1990. Les investisseurs étrangers possèdent une part de plus en plus importante de l’économie américaine. Les grandes entreprises des États-Unis dépendent de capitaux extérieurs. Le solde net des revenus générés par les placements qui a été longtemps positif tend à s’inverser, les États-Unis versant de plus en plus de dividendes à des investisseurs étrangers.
Les vieilles lois économiques sont-elles réellement inopérantes ?
Les lois économiques classiques sont-elles devenues obsolètes ? Logiquement, une hausse des taux directeurs est censée provoquer celle du chômage, une dégradation des résultats des entreprises et une diminution de la croissance. Depuis deux ans, aux États-Unis et même en zone euro, le durcissement de la politique monétaire n’a pas donné lieu à ces enchaînements.
Après l’épidémie de covid de 2020 et la guerre en Ukraine en 2022, les États-Unis et la zone euro ont connu une forte poussée de l’inflation. Celle-ci a atteint plus de 8 % aux États-Unis et plus de 10 % en zone euro à la fin de l’année 2022. Pour endiguer cette vague inflationniste, les banques centrales ont, fort classiquement, durci leur politique monétaire en relevant leurs taux directeurs. Ceux-ci sont passés de 0 à 4,5 % en zone euro et de 0,5 à 5,5 % aux États-Unis, entre 2021 et 2023.
Lors de ces deux dernières années, le taux de chômage a, à peine, augmenté aux États-Unis et n’a pas du tout augmenté dans la zone euro. Il s’élève, en avril, respectivement à 3,8 % et 6 %. En zone euro, le taux de chômage est à son niveau le plus faible depuis plus de trente ans. Les difficultés de recrutement qui avaient connu un sommet en 2021 sont en retrait depuis. Elles demeurent, néanmoins, à un niveau sans précédent sur ces trente dernières années. Aux États-Unis, en avril 2024, 40 % des entreprises rencontrent de telles difficultés, contre 30 % en 2016. En zone euro, les difficultés de recrutement sont deux fois plus importantes qu’avant la crise sanitaire. Le marché du travail est tendu en raison du vieillissement démographique, du rejet croissant des horaires et des emplois pénibles et du développement des emplois domestiques.
Malgré la hausse des taux d’intérêt, les entreprises ont réussi à maintenir, voire améliorer, leurs marges. Les profits après intérêts et impôts avant dividendes sont passés de 2016 à 2023, de 17 à 19 % du PIB aux États-Unis et de 14 à 15 % en zone euro. Ces résultats ont été obtenus grâce à un relèvement des prix sachant que les entreprises ont dû faire face à des augmentations de coûts dont salariaux et à une baisse de la productivité dans la zone euro (-3 % en 2023).
La hausse des taux d’intérêt n’a pas provoqué une diminution de la croissance aux États-Unis. Elle s’est élevée à 2,5 % en 2023 en moyenne annuelle. En Europe, elle s’est certes affaissée à 0,5 % mais dans les deux zones, elle est restée proche de son niveau potentiel. La récession crainte n’a pas eu lieu.
Dans le passé, les hausses des taux d’intérêt déclenchaient un recul marqué de la croissance avec une forte hausse du chômage. L’absence d’effets tangibles de la politique monétaire peut s’expliquer par son caractère peu restrictif. En termes réels, les taux d’intérêt restent faibles. Par ailleurs, les liquidités disponibles, générées par des années de politiques monétaires expansionnistes, soutiennent la demande. Celle-ci est également portée par des déficits publics élevés, plus de 7 points de PIB aux États-Unis, près de 4 points de PIB en zone euro. Faute d’une politique monétaire réellement restrictive, l’inflation demeure présente. Les salaires continuent à augmenter, les entreprises répercutent la hausse de leurs coûts et les prestations sociales sont globalement indexées.
Les vieilles lois économiques demeurent valables. Les États soutiennent la demande à des fins sociaux ou pour réaliser la transition écologique. L’effort de réarmement concourt également à soutenir la croissance. Les ménages et les entreprises disposent, par ailleurs, d’importantes liquidités issues de la crise covid leur permettant de maintenir, en particulier aux États-Unis, la consommation. Cette situation limite les effets du durcissement de la politique monétaire.