Horizons baby-boomers – entreprises scandinaves
Baby-boomers, la génération de tous les excès
Selon une enquête IFOP rendue publique par Libération le 5 février 2024, plus d’un quart des 18-24 ans n’ont eu aucun rapport sexuel au cours de l’année écoulée. Une autre étude IFOP réalisée pour le compte de Sidaction en 2022 révèle que 44 % des 18-24 ans n’avaient pas eu de rapport sexuel en 2021 et que 44 % d’entre eux n’ont eu qu’un seul partenaire. Ces résultats contrastent avec ceux des générations précédentes, notamment les baby-boomers nés entre 1945 et 1965, qui continuent, même à un âge avancé, à avoir des pratiques libérées. Alors qu’avant les années 1980, les maladies sexuellement transmissibles concernaient peu les seniors, la situation a évolué depuis une dizaine d’années. Par exemple, aux États-Unis, la prévalence de la gonorrhée chez les plus de 55 ans a été multipliée par plus de six depuis 2010, et celle de la syphilis a augmenté de plus de 35 % entre 2019 et 2023. En Angleterre, bien que le nombre de nouvelles infections à la syphilis chez les jeunes adultes ait légèrement diminué, les cas parmi les plus de 65 ans ont progressé de 31 % sur la même période.
Le comportement des baby-boomers se démarque également en matière d’alcool. Aux États-Unis, entre 2003 et 2023, la proportion de jeunes de 18 à 34 ans ayant consommé des boissons alcoolisées est passée de 72 % à 62 %, selon Gallup. À l’inverse, parmi les plus de 55 ans, la consommation d’alcool est passée de 49 % à 59 %. En Australie, selon l’Alcohol and Drug Foundation, les jeunes réduisent leur consommation d’alcool, tandis que les seniors l’augmentent. En France, bien que la consommation d’alcool ait globalement diminué, ce sont les jeunes qui y renoncent le plus, avec un recul marqué pour le vin.
Pour les drogues, les baby-boomers ne décrochent pas avec l’âge. La consommation de marijuana se maintient, voire augmente, avec le vieillissement. Aux États-Unis, la légalisation du cannabis dans de nombreux États a conduit à une hausse de sa consommation chez les plus âgés. En Espagne, la proportion de personnes âgées de 55 à 64 ans ayant consommé de la cocaïne au cours de l’année écoulée a été multipliée par huit en 15 ans. En Angleterre, les quinquagénaires continuent à prendre de la drogue lors de concerts, comme à l’époque de leur jeunesse. En France et en Espagne, entre 2010 et 2023, la proportion des 55-64 ans ayant recours à la drogue a doublé.
Cette volonté de liberté se traduit également par une augmentation des divorces chez les seniors, en particulier au moment du départ à la retraite. Au Japon, le nombre de divorces après au moins 20 ans de mariage dépasse désormais celui concernant les unions de moins de 20 ans. Aux États-Unis, plus d’un Américain sur quatre âgé de plus de 60 ans vit seul.
Le comportement des baby-boomers contraste fortement avec celui de leurs enfants, qui n’adhèrent pas aux mêmes idéaux. Ces derniers sont issus de parents ayant connu la guerre et participé à la reconstruction de leur pays, en particulier en Europe. La libéralisation des mœurs, amorcée à la fin des années 1950 et dans les années 1960, était auparavant réservée aux classes bourgeoises.
Cependant, la consommation de drogues à un âge avancé comporte des risques. En Angleterre et au Pays de Galles, les décès par toxicomanie chez les plus de 50 ans ont représenté en 2022 plus d’un tiers de tous les décès liés à la drogue, contre seulement 13 % deux décennies plus tôt. Aux États-Unis, les décès causés par la cocaïne touchent désormais davantage les seniors que les jeunes. Entre 2000 et 2023, le nombre de personnes de plus de 65 ans arrêtées pour trafic de drogue a doublé, tandis qu’il a diminué de 40 % pour l’ensemble de la population.
Les seniors constituent également une proportion croissante de la population carcérale, notamment aux États-Unis. Entre 1992 et 2022, la part des hommes de plus de 50 ans parmi les personnes arrêtées est passée de 5 % à 15 %, selon le FBI. Des tendances similaires sont observées dans d’autres pays.
Les personnes âgées participent de plus en plus à des manifestations violentes. Au Royaume-Uni, des policiers ont été surpris d’arrêter des manifestants de plus de 70 ans lors de récents rassemblements anti-immigration. Les baby-boomers seraient également plus enclins à adopter des positions extrémistes, à l’instar des jeunes de moins de 30 ans. Par ailleurs, ils consomment davantage d’anxiolytiques et d’antidépresseurs, et les taux de suicide sont plus élevés chez les 45-65 ans que dans d’autres tranches d’âge.
Si les baby-boomers entendent jouer aux « adulescents », c’est en partie grâce à un pouvoir d’achat élevé. En France, trois quarts des jeunes retraités sont propriétaires de leur résidence principale. Aux États-Unis et en France, les plus de 55 ans détiennent plus de la moitié du patrimoine des ménages. Cependant, le surendettement des seniors augmente : aux États-Unis, ils représentent désormais plus d’un quart des saisies immobilières, contre seulement une sur dix il y a 20 ans. Enfin, les seniors isolés et seuls pèsent de plus en plus sur la société. Aux États-Unis, l’âge d’entrée en maison de retraite a cessé de reculer, une inversion de tendance notable. L’admission en établissement devient une nécessité pour les seniors sans soutien familial.
Les baby-boomers, cette génération emblématique de l’après-guerre, se trouvent à un tournant de leur trajectoire. Portés par des idéaux de liberté et d’émancipation, ils continuent de bousculer les normes et les cadres, même à un âge avancé. Pourtant, cette quête d’autonomie et d’hédonisme s’accompagne de conséquences souvent lourdes pour eux-mêmes et pour la société. La montée des comportements à risque, qu’il s’agisse de la consommation de substances ou de choix de vie individualistes, révèle une génération qui, tout en revendiquant sa singularité, expose ses failles.
La solitude, le surendettement et la dépendance médicale deviennent autant de défis à relever pour ces seniors qui avaient juré de ne jamais vieillir. À leur manière, les baby-boomers incarnent les paradoxes d’une époque où l’allongement de la vie s’accompagne d’un fossé croissant entre les aspirations individuelles et les réalités sociales. Ils rappellent, à travers leurs excès et leurs revendications, que vieillir n’est pas un renoncement mais une transformation, parfois brutale, des rêves d’hier en confrontations avec le monde d’aujourd’hui.
Les clefs du succès des entreprises d’Europe du Nord
Les États d’Europe du Nord, à savoir le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède, ont, malgré leur positionnement géographique, leur climat et leur faible poids démographique, réussi à développer des économies performantes qui constituent des modèles pour les autres États européens.
Les quatre plus grands pays scandinaves représentent environ 1 % du PIB mondial et 0,3 % de sa population. Ils sont pourtant connus à travers de grandes marques internationales comme Lego, le premier fabricant de jouets de la planète en termes de chiffre d’affaires, ou IKEA, le premier fabricant de meubles, qui est aussi la sixième plus grande chaîne de restaurants. Les pays nordiques abritent des entreprises de premier plan dans divers domaines : des machines (Atlas Copco) aux équipements de télécommunications (Nokia et Ericsson), en passant par les ceintures de sécurité (Autoliv) et les ascenseurs (KONE). La région est également à l’origine de la plus grande société de streaming musical, Spotify. Novo Nordisk est l’entreprise la plus valorisée d’Europe, notamment grâce à ses médicaments anti-obésité.
Les entreprises nordiques ont surpassé celles du reste de l’Europe au cours de la dernière décennie. Dans ces quatre pays, les entreprises non financières cotées ont généré des rendements pour les actionnaires supérieurs à la moyenne européenne au cours des dix dernières années. Les entreprises nordiques représentent environ 13 % du MSCI Europe, un indice regroupant les entreprises les plus valorisées du continent, contre 10 % il y a cinq ans. Elles pèsent autant que leurs homologues allemandes.
Les entreprises scandinaves rivalisent avec les plus grandes entreprises internationales. En moyenne, elles ont généré en 2023 des marges d’exploitation supérieures de sept points de pourcentage à la médiane de leurs pairs à l’échelle mondiale, avec des rendements sur capital investi supérieurs de cinq points de pourcentage. L’endettement par rapport aux bénéfices d’exploitation (avant dépréciation et amortissement) était inférieur pour 14 des 20 entreprises étudiées par rapport à leurs concurrents. La croissance annuelle des ventes était, en revanche, à peu près équivalente à celle de la concurrence. Cependant, les entreprises nordiques n’ont pas toutes enregistré des succès ces dernières années. Northvolt, un fabricant de batteries, a récemment fait faillite. L’activité de téléphones portables de Nokia a disparu face à la concurrence d’Apple et de Samsung.
Les facteurs de la réussite des pays scandinaves
Les pays d’Europe du Nord disposent de plusieurs atouts expliquant en partie le succès de leurs entreprises. Ils possèdent de vastes ressources naturelles, notamment du bois, du minerai de fer et, en particulier en Norvège, du pétrole et du gaz. Au-delà des ressources, ces pays tirent leur force de la nécessité, pour leurs entreprises, de jouer la carte de l’exportation. Les marchés intérieurs sont étroits et ne suffisent pas à assurer leur pérennité. Les entreprises peuvent également compter sur la culture commerçante des habitants des pays d’Europe du Nord : l’esprit viking demeure. La petite taille des pays scandinaves est une bénédiction dans le sens où elle rend obligatoire l’ouverture internationale. Pour les dix premières entreprises nordiques, les marchés intérieurs représentent en moyenne 2 % de leur chiffre d’affaires, contre 12 % pour leurs homologues au sein de l’Union européenne et 46 % pour celles des États-Unis. Pandora, le premier fabricant de bijoux au monde en termes de volume, ne réalise que 1 % de son chiffre d’affaires dans son pays d’origine, le Danemark.
Les entreprises nordiques ont toujours été adeptes des hautes technologies. Peu après la Seconde Guerre mondiale, le fondateur de Lego a remplacé le bois, matériau traditionnel des jouets de l’époque, par le plastique. Il avait alors acheté une machine à mouler le plastique qui lui avait coûté l’équivalent d’une année de ventes. Si en Europe, 45 % des entreprises employant plus de dix personnes recourent à des services de cloud computing, ce taux atteint 73 % dans les pays d’Europe du Nord. En France, ce taux est de 25 %. Parmi les villes européennes, seules Londres, Paris et Berlin attirent plus de financements en capital-risque que Stockholm, qui compte pourtant beaucoup moins d’habitants. Helsinki regorge de développeurs de jeux, dont Rovio (créateur d’Angry Birds) et Supercell (créateur de Clash of Clans).
La politique gouvernementale est un troisième facteur qui sous-tend le succès des entreprises nordiques. Bien que les taux élevés d’imposition des particuliers financent des systèmes de protection sociale généreux dans ces pays, le taux sur les bénéfices des entreprises est à peu près le même qu’aux États-Unis. Chaque année, la Heritage Foundation, un groupe de réflexion basé à Washington, établit un indice de liberté économique des pays, qui prend en compte des éléments tels que le degré d’ouverture des marchés, mesuré par les taux de droits de douane, et la liberté d’action des entreprises, mesurée par les réglementations. Le Danemark, la Norvège et la Suède se classent parmi les dix premiers pays. Au Danemark en particulier, il est plus facile d’embaucher et de licencier des travailleurs qu’ailleurs en Europe. L’adoption par le gouvernement danois de la numérisation a également facilité la conduite des affaires dans ce pays. L’obtention d’un numéro de TVA est quasi immédiate, alors qu’en France, cela peut prendre plusieurs mois.
Un quatrième facteur de la surperformance nordique est la patience des actionnaires. Selon le cabinet de conseil McKinsey, quatre cinquièmes des grandes entreprises nordiques sont détenues à long terme, contre trois cinquièmes en Europe et seulement un cinquième aux États-Unis. Maersk et Lego sont toujours contrôlées respectivement par les familles fondatrices Moller et Kristiansen, même si les deux entreprises sont gérées au quotidien par des personnes extérieures. En Suède, les Wallenberg, dont la fortune provient du secteur bancaire, détiennent des participations importantes dans diverses entreprises, dont Atlas Copco et Ericsson. D’autres grandes entreprises nordiques, telles que Carlsberg et Novo Nordisk, sont contrôlées par des fondations à but non lucratif. La vitalité du capitalisme local a empêché les entreprises étrangères de racheter des entreprises nordiques, leur donnant ainsi plus de temps pour se développer. Cela leur a également permis d’investir dans leur réussite à long terme. McKinsey estime que quatre cinquièmes des entreprises nordiques cotées en bourse dépensent plus en recherche et développement que leurs rivales ailleurs en Occident.
Les défis pour les entreprises nordiques
Les entreprises nordiques ne sont pas exemptes de faiblesses. Leur modèle de développement par l’exportation les expose aux vicissitudes de la géopolitique. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie les a particulièrement affectées. En 2023, les activités de Carlsberg en Russie ont été saisies et placées sous « gestion temporaire ». En décembre, le brasseur a accepté de vendre ces activités à deux employés locaux à un prix réduit. Des bateaux et des terminaux à conteneurs de Maersk ont été touchés par des missiles houthis en mer Rouge, obligeant ses navires à éviter le canal de Suez, ce qui augmente les délais et les coûts.
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, accompagné de la possible majoration des droits de douane, pourrait pénaliser les entreprises nordiques, qui réalisent un tiers de leurs ventes aux États-Unis. Face à l’accumulation des risques, Niels Christiansen, PDG de Lego, invoque Charles Darwin pour expliquer pourquoi les entreprises de la région réussissent si bien : « Ce n’est pas nécessairement le plus fort qui survit, mais celui qui s’adapte aux changements. »