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Electricité : après la pénurie, la surproduction ?
Fin 2022, les Français craignaient être victimes de coupures d’électricité. La mise à l’arrêt de plus de 25 réacteurs sur les 56 dont disposaient la France entre 2021 et 2022 a conduit celle-ci à acheter au prix fort de l’électricité à ses partenaires, dont l’Allemagne. Depuis la situation s’est nettement améliorée. Le 25 juin dernier, 19 réacteurs étaient totalement (3) ou en partie indisponibles (16). La France est ainsi redevenue exportatrice nette d’électricité mais en deux ans, les prix se sont effondrés car l’offre d’électricité est abondante.
En Espagne, avec la montée en puissance rapide de l’énergie solaire, le prix de l’électricité espagnole est la plus basse du monde. Entre 11 et 19 heures, la plage horaire la plus ensoleillée, les prix restent souvent proches de zéro sur les marchés de gros. En Allemagne, grâce à l’énergie éolienne, les prix de l’électricité en gros ont été négatifs pour 301 des 8 760 heures négociables l’année dernière. Le développement des énergies renouvelables posent d’importants problèmes aux Etats membres de l’Union européenne et aux producteurs d’énergie. La nécessité de réguler la production d’électricité, de pouvoir la diffuser plus efficacement sur l’ensemble du territoire européen et de la stocker sont indispensables pour éviter un effondrement du marché d’autant plus que celui-ci doit accueillir un flot important de nouvelles installations de production.
En 2023, le continent européen a installé environ deux fois plus de capacités de production d’électricité renouvelable nouvelles que les Etats-Unis, 56 gigawatts (GW) d’énergie solaire et 17 GW d’énergie éolienne. En 2024, cette quantité devrait être dépassée. D’ici 2030, 43 % de la consommation totale d’énergie de l’Union seront assurées par des énergies renouvelables, contre 23 % en 2022. Par définition, l’électricité solaire est produite en plus grande quantité quand il y a du soleil et il en est de même avec l’éolien. La production ne correspond pas obligatoirement avec la demande qui est concentrée le matin et le soir. L’énergie électrique produite doit être soit consommée ou stockée (production de chaleur, batteries, remplissage des barrages, en faisant remonter l’eau, hydrogène). Faute de quoi, l’énergie produite est gaspillée. L’autre solution est de faciliter son transport à destination des régions en situation de déficit de production en raison d’absence de vent ou de soleil. Cela suppose la création de réseaux performants à l’échelle du continent. Une amélioration des liaisons européennes garantirait que 42 térawattheures par an d’électricité autrement gaspillée pourraient être utilisées en 2040. Cela correspond à la consommation annuelle actuelle du Danemark. L’amélioration des réseaux offre l’avantage de coûter moins cher que le stockage. L’écart de prix est de 20 à 30 %.
En Europe, la création de liaisons internationales rencontre l’hostilité des populations voire des gouvernements. Récemment, la France et l’Espagne se sont opposés sur une ligne traversant les Pyrénées. Les oppositions peuvent être d’ordre environnemental ou financier. Un marché unifié peut provoquer une baisse des prix et remettre en cause la rentabilité de certains équipements comme les centrales nucléaires en France. Du fait de l’interconnexion, en cas de déficit de production dans certaines parties de l’Europe, a contrario, les prix peuvent augmenter même dans les Etats en situation d’excédents. Ces réseaux sont indispensables en cas de problèmes d’alimentation dans un pays comme ce fut le cas en France en 2022 et 2023. La France n’est pas la seule à s’opposer à la création de lignes à haute tension internationale. Le 18 juin dernier, la Suède a annulé le Hansa PowerBridge, une connexion de 700 mégawatts avec l’Allemagne, craignant que cela n’augmente les prix de l’électricité pour les consommateurs nationaux.
Pour résoudre les pics de productions, les pouvoirs publics souhaitent changer le comportement des consommateurs en les incitant à consommer davantage d’électricité quand le soleil est au zénith. Autrefois, les heures creuses qui ouvraient droit à un tarif avantageux se situaient durant la nuit ; maintenant, elles interviennent au milieu de la journée. En Espagne, les producteurs ont installé des compteurs capables de réguler le prix en fonction de l’offre et de la demande. En Allemagne, en revanche, les compteurs n’intègrent pas ce type de fonction. En France, plus de 34 millions de compteurs intelligents Linky ont été installés.
La tarification des réseaux demeure dissuasive pour de nombreux producteurs d’électricité locaux. Le coût d’accès ne prend pas réellement en compte son utilisation. Un ménage ou une entreprise qui dispose de ses propres sources d’énergie électriques devra s’acquitter d’une redevance réseau identique à celui qui achète la totalité de son électricité. L’Union Européenne demande aux États membres d’opter pour des système de tarification plus flexibles.
Le stockage est une des solutions pour gérer les pics de production d’énergie renouvelable. A Vantaa, en Finlande, la société énergétique locale a construit un réservoir de la taille de 440 piscines olympiques dans le substrat rocheux situé sous la ville. Celui-ci sera rempli d’eau chauffée à 140°C. Il sera en capacité, de stocker 90 gigawattheures de chaleur permettant de chauffer la ville durant une année. Le recours aux batteries est efficace pour le stockage de court terme. Les nouvelles batteries intelligentes capables de stocker et de réinjecter dans le réseau en fonction de l’offre et de la demande sont en cours de diffusion. La nouvelle R5 de Renault en sera équipée. Les coûts des batteries sont élevés, ce qui rend les projets difficiles à rentabiliser. Il en est de même avec la filière de l’hydrogène vert qui est prometteuse mais qui tarde à se développer.
La marché immobilier, l’étonnante résilience
En France, le marché de l’immobilier serait sinistré. Entre chute des prix, baisse du nombre des transactions et recul de la construction, les professionnels de l’immobilier sont désespérés. Le secteur de l’immobilier a connu une période faste de 2015 à 2022 avec des hausses de prix et une augmentation du nombre des transactions sans précédent. Le retour à la situation qui prévalait avant 2015 a été brutal et durement ressenti par les professionnels. L’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont mis un terme à la hausse des prix des logements, hausse qui était certainement déraisonnable. La situation de l’immobilier n’est pas spécifique à la France ; tous les pays occidentaux sont confrontés aux mêmes problèmes en la matière. Or, depuis quelques mois, un nouveau retournement semble se dessiner, semblant indiquer qu’un nouveau boom immobilier est possible.
En avril, l’indice mondial des prix de l’immobilier, hors Chine, a augmenté de plus de 3 % sur un an. Aux Etats-Unis, malgré des taux d’intérêt élevés, pouvant atteindre 7 %, les prix de l’immobilier aux États-Unis ont progressé de 6,5 % en un an. En Australie, la hausse est de 5 %. Au Portugal, la progression atteint plus de 7 %. Etonnamment, les prix de l’immobilier n’ont jamais été aussi élevés au niveau mondial. Ils étaient au premier trimestre 2024 de 75 % plus haut qu’en janvier 2006. Malgré tout, il convient de prendre en compte l’inflation qui a érodé depuis trois ans le montant du capital. Corrigés de l’inflation, les prix ont baissé de 20 % au Canada, en Allemagne et en Nouvelle-Zélande. Aux Etats-Unis, certaines villes connaissent de fortes corrections à la baisse comme à San Francisco ou Phoenix. La hausse des taux d’intérêt, surtout dans les pays où la pratique des taux variables, est de mise pénalise les ménages. La proportion de Britanniques déclarant rencontrer des difficultés pour rembourser leurs prêts immobilier est passée de 24 % à 41 % de 2022 à 2024.
Le processus de hausse forte et rapide des taux d’intérêt engagé par les banques centrales en 2022 a des effets moins marqués que les précédents. Aux Etats-Unis, le taux d’un prêt hypothécaire sur 30 ans a augmenté d’environ quatre points de pourcentage. Au vu des expériences passées, les prix nominaux de l’immobilier auraient dû baisser de 30 à 50%. Or, ils n’ont pratiquement pas diminué. En termes réels (c’est-à-dire corrigés de l’inflation), les prix mondiaux de l’immobilier ont perdu seulement 6 % par rapport à leur sommet. Ils demeurent néanmoins sur la même tendance qu’avant la pandémie. Aux États-Unis, la part des prêts hypothécaires en souffrance n’a jamais été aussi faible, à 1,7 %, contre plus de 11 % au plus fort de la crise financière mondiale de 2007-2009. En zone euro, aucune tension n’est également constatée en matière de rembourse des prêts. Le plein emploi et l’augmentation des salaires expliquent cette faible proportion. Depuis 2021, les salaires moyens dans les pays occidentaux ont augmenté d’environ 15 %, tandis que le chômage reste proche d’un plus bas historique. Dans tous les pays pour lesquels nous pouvons trouver des données, l’augmentation des revenus du travail des ménages ces dernières années éclipse l’augmentation des coûts d’intérêt. A l’exception du Royaume-Uni, la majorité des pays se sont convertis aux prêts à taux fixe. Les règles d’accès au crédit depuis 2009 ont été durcies, limitant les défauts de remboursement.
La reprise de l’immobilier en période de taux élevés s’explique par le maintien forte de logements. Les ménages se concentrent toujours au sein des territoires les plus dynamiques. La multiplication des familles monoparentales contribue également à la hausse de la demande. Le développement rapide du tourisme fait également une pression sur les prix de l’immobilier en raison de l’essor des locations saisonnières. En France, plus de 800 000 logements ont été ainsi retirés du marché de la location traditionnelle. Des villes comme New York, Berlin et Barcelone ont ou étudient la possibilité d’interdire les locations saisonnières de courte durée.
La faiblesse de la construction contribue également à la hausse des prix de l’immobilier. Les contraintes réglementaires rendent difficile la construction au sein des pays occidentaux.
Le marché immobilier pourrait-il se retourner dans les prochaines années ? Le vieillissement démographique pourrait contribuer à une baisse des prix. Des retraités pourraient remettre sur le marché des biens immobiliers afin de maintenir leur pouvoir d’achat. Avec la progression des décès et des successions, un plus grand nombre de biens pourraient être également mis en vente. La moindre progression de la population, voire son déclin comme c’est déjà le cas au Japon, en Chine et dans les Etats d’Europe de l’Est, pèsera par ailleurs sur les prix qui évolueront de manière non homogène selon les régions. Les territoires touristiques bénéficiant de conditions climatiques favorables devraient continuer à enregistrer des hausses quand ceux confrontés à un recul démographique marqué connaîtront de fortes baisses.