Horizons – intelligence artificielle – taux d’intérêt – jeunes et information
Des taux d’intérêt en terre inconnue !
L’économie mondiale a connu une série de chocs, notamment la pandémie, une hausse de l’inflation et l’invasion de l’Ukraine. Alors que la poussière retombe, qu’est-ce qui a changé ?
Depuis cinq ans, l’économie mondiale a subi plusieurs chocs : pandémie, guerre en Ukraine, guerre au Moyen-Orient, inflation… Les réactions des décideurs publics, souvent sous la pression de l’opinion, n’ont pas toujours été adaptées. Ces derniers ont craint en 2020, avec les confinements, une répétition d’une crise de grande ampleur comme celle de 2008-2009. Ils ont décidé d’injecter des milliers de milliards de dollars dans le circuit économique, alors même qu’aucune destruction de capital n’avait été constatée. Ils ont ainsi favorisé la résurgence de l’inflation, durement ressentie par les populations. Celle-ci explique en partie la défaite de Kamala Harris aux États-Unis.
Afin d’endiguer la vague inflationniste, les banques centrales ont abandonné leur politique monétaire non conventionnelle reposant sur des taux directeurs anormalement faibles, politique en vigueur depuis la crise financière de 2008. La hausse des taux qu’elles ont menée entre 2022 et 2023 était supposée, selon de nombreux experts, provoquer une récession, en particulier aux États-Unis. Si en Europe la croissance s’est amoindrie, elle a fait preuve d’une étonnante résilience aux États-Unis.
En 2024, l’inflation est revenue dans la cible des 2 % au sein des pays de l’OCDE. Dans un grand nombre de pays, à l’exception de l’Allemagne et de la France, la situation économique s’améliore. Les cours des actions atteignent des niveaux toujours plus élevés, et le chômage est juste au-dessus des plus bas historiques. Toutes les grandes banques centrales se sont engagées dans un processus de baisse de leurs taux directeurs. Pour autant, les déséquilibres persistent, parmi lesquels figurent en tête les déficits publics et l’endettement des États.
Le gouvernement américain affiche actuellement un déficit de 6,4 %, le plus élevé de l’histoire de l’après-guerre, hors période de Covid ou de krach financier. En France, ce déficit dépasse les 6 % du PIB, tout comme en Italie. L’endettement public atteint 112 % du PIB en France, 123 % aux États-Unis, et 137 % en Italie.
Cet endettement massif pourrait peser sur l’évolution des taux dans les prochains mois. Les besoins en financement demeurent élevés, que ce soit pour les agents publics ou privés. La transition écologique impose la réalisation de nombreux investissements. La croissance économique pourrait rester faible dans les prochaines années. Le déclin démographique en Occident agit également comme un frein. Moins d’actifs et moins de consommateurs signifient moins de demande et davantage de déficits.
Le vieillissement démographique a des effets contradictoires sur les taux d’intérêt. En réduisant la croissance, il contribue à la baisse des taux. Pour relancer l’économie, les banques centrales ont tendance à diminuer leurs taux directeurs. Longtemps, le vieillissement démographique a été considéré comme inflationniste. Cependant, l’exemple du Japon prouve le contraire. La diminution de la population active est censée provoquer une hausse des salaires et des prix. Les retraités sont avant tout des consommateurs de services, souvent plus inflationnistes que l’industrie en raison des faibles gains de productivité. Toutefois, la moindre demande générée par une population vieillissante a un effet déflationniste, ce qui pourrait contribuer à la baisse des taux d’intérêt. Cependant, le vieillissement est une source de dépenses publiques (retraite, santé, dépendance). Faute de recettes publiques suffisantes, les États sont contraints de s’endetter. Au Japon, la dette publique dépasse ainsi 255 % du PIB. Ce pays ne subit pas de tensions sur les taux grâce à un taux d’épargne élevé, alimenté par la frugalité des ménages et les importants excédents commerciaux.
La médiocrité des perspectives de croissance et l’évolution démographique induisent sur le long terme des taux faibles. À l’inverse, la politique de Donald Trump, de nature inflationniste, pourrait provoquer une hausse des taux d’intérêt, tout comme les besoins de financement croissants à l’échelle mondiale. Les États-Unis, avec une politique expansionniste et protectionniste, pourraient attirer de nombreux capitaux étrangers, conduisant à une hausse mondiale des taux.
L’intelligence artificielle est-elle hors sol ?
En deux ans, l’intelligence artificielle (IA) est devenue un enjeu financier et économique de premier plan. Jamais une nouvelle technologie n’avait connu un tel essor en aussi peu de temps. Le cours des actions de Nvidia, qui produit les microprocesseurs destinés à l’IA, a été multiplié par quatre entre 2021 et 2024. L’augmentation de la valeur boursière des entreprises liées à cette technologie se chiffre en centaines de milliards de dollars. Pour autant, l’IA n’a eu pratiquement aucun effet sur la productivité et la croissance, redonnant corps au paradoxe de l’économiste Robert Solow : « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité. » Le Prix Nobel avait prononcé cette formule en 1987, avant la révolution informatique de la fin du XXᵉ siècle, marquée par l’essor de l’ordinateur personnel. Pour l’IA, une évolution similaire est-elle envisageable ?
Les entreprises ont mis des décennies à adopter l’électricité. Le tracteur a été inventé au début du XXᵉ siècle, mais en 1940, seulement 23 % des fermes américaines en possédaient un. En France, ce taux était inférieur à 2 %. En 2024, les exploitations agricoles françaises comptent chacune, en moyenne, 2,3 tracteurs. Internet s’est développé à partir de la fin des années 1990, mais ce n’est qu’en 2010 que deux tiers des entreprises américaines disposaient d’un site web. En France, cette proportion n’a été atteinte qu’en 2016. En 2024, 50 à 60 % des entreprises utiliseraient l’IA. Selon une étude de Bpifrance, entre 30 % et 40 % des entreprises françaises indiquent recourir à l’IA ou développer des solutions d’IA. Parmi les grandes entreprises françaises (plus de 1 000 employés), 26 % intègrent activement l’IA dans leurs activités. De plus, 45 % de ces entreprises explorent ou expérimentent actuellement l’IA, bien qu’elles n’aient pas encore déployé de modèles opérationnels. Cependant, seulement 2 % à 4 % des entreprises proposent des produits ou des services directement liés à l’IA.
La diffusion de ChatGPT ne s’accompagne pas d’une progression notable du PIB, contrairement à la fin des années 1990 avec la généralisation des ordinateurs individuels. La productivité est même en berne dans de nombreux pays comme la France ou l’Espagne. L’IA n’a pas provoqué la destruction de millions d’emplois, comme certains le craignaient. Le taux de chômage reste au sein de l’OCDE en-dessous de la barre des 5 % de la population active. Par ailleurs, les dépenses d’investissement dans les pays dits avancés demeurent assez faibles, ce qui suggère que les entreprises n’investissent pas massivement dans les outils numériques.
En cas de déception en termes de productivité ou de chiffre d’affaires pour l’IA, une correction boursière pourrait survenir, comme ce fut le cas au début des années 2000 avec l’éclatement de la bulle Internet. En revanche, si l’IA se révèle être une source significative de gains de productivité, elle pourrait connaître une diffusion exponentielle, donnant raison aux investisseurs qui ont plébiscité les valeurs technologiques ces derniers mois.
Les jeunes et l’information
Le Crédoc a publié une radiographie sur l’accès à l’information des jeunes en se fondant sur les résultats du baromètre DJEPVA de 2024. L’étude souligne le rapport ambivalent des jeunes aux médias, de plus en plus attirés par les réseaux sociaux tout en se méfiant d’eux.
Une jeunesse informée, mais à des rythmes disparates
Près de quatre jeunes (15/30 ans) sur dix (37 %) déclarent suivre l’actualité quotidiennement, une proportion inférieure à celle de leurs aînés (69 % pour les plus de 30 ans). Les 15/17 ans témoignent d’une moindre curiosité que les 25/30 ans. L’influence familiale joue un rôle important dans le comportement des jeunes en matière d’information. 58 % des jeunes ayant grandi dans des familles accordant une grande importance à l’actualité suivent les informations quotidiennement, contre seulement 22 % parmi ceux dont le foyer était détaché de ces pratiques.
Des écarts de genre et d’éducation
Le rapport met en exergue des disparités de genre frappantes : 40 % des jeunes hommes s’informent quotidiennement, contre 34 % des jeunes femmes. Ces écarts traduisent non seulement des intérêts différenciés – les hommes privilégiant les thèmes sportifs et technologiques quand les femmes s’orientant davantage vers la santé et les faits divers -, mais aussi des contraintes structurelles, notamment la répartition inégale du temps libre. Le diplôme joue également un rôle central. 48 % des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur déclarent suivre l’actualité quotidiennement, contre 39 % pour ceux dont le niveau d’éducation est inférieur ou égal au baccalauréat.
Une hiérarchisation des thèmes d’actualité différenciée
La jeunesse montre des intérêts informationnels variés, bien que le sport (45 %) et les faits divers (39 %) dominent. Ces sujets, perçus comme accessibles et ancrés dans le quotidien, surpassent des thématiques plus complexes telles que la politique nationale (35 %) ou internationale (33 %). En comparaison, les adultes de plus de 30 ans privilégient les faits divers (59 %), suivis de près par la politique nationale (52 %) et l’environnement (45 %).
Les sources d’information : l’omniprésence du numérique
Les réseaux sociaux dominent les pratiques informationnelles des jeunes. 53 % d’entre eux les placent parmi leurs trois principales sources, loin devant la télévision (37 %). Cet engouement pour les réseaux sociaux n’empêche pas les jeunes d’avoir à leur encontre un regard critique 75 % d’entre eux considèrent que ces plateformes diffusent davantage de fausses informations que les médias traditionnels.
Les moteurs de recherche et les sites spécialisés complètent cette panoplie numérique, permettant un accès rapide et personnalisé à une grande variété de contenus.
La recherches d’information : entre utilitarisme et diversité
Au-delà de l’actualité, 91 % des jeunes déclarent avoir cherché des informations sur des thématiques de vie quotidienne au cours des douze derniers mois. Les recherches les plus fréquentes concernent :
- la recherche d’emploi (25 %) ;
- l’organisation de vacances (26 %) ;
- la santé et la sexualité (22 %) ;
- l’orientation scolaire et professionnelle (21 %).
Les outils numériques sont utilisés en priorité pour la recherche d’information et dans des proportions plus importantes par rapport aux aînés.
Le baromètre DJEPVA 2024 brosse un portrait nuancé des pratiques informationnelles des jeunes soulignant l’emprise du numérique et l’existence d’inégalités sociales importantes. Les défis futurs résident dans l’accompagnement éducatif, visant à développer un esprit critique face à la surabondance de contenus.