La France, un pays de navetteurs
En 2013, sur les 26,1 millions de personnes habitant en France ayant un emploi, les deux tiers d’entre elles, soit 16,7 millions de personnes, travaillent dans une autre commune que celle où elles résident. Certes, ce concept a des réalités très diverses. En effet, la situation d’un résident de Tours travaillant à Paris n’a rien de comparable à celle d’un habitant de Neuilly-sur-Seine qui franchit le périphérique pour travailler dans le 17ème arrondissement de Paris. Néanmoins, du fait de la concentration des activités professionnelles autour de certains pôles et de certains axes, de plus en plus de Français doivent parcourir des distances importantes pour se rendre à leur travail. Cet allongement des trajets génère des nuisances non négligeables tant sur l’état de santé de la population qu’en termes de pollution. Dans un pays essentiellement tertiaire comme la France, les principales sources de gaz à effet de serre sont les transports et le chauffage.
La proportion de navetteurs a tendance à s’accroître
Pour des raisons liées aux coûts du logement ou aux problèmes d’emploi, le nombre de navetteurs tend à s’accroître. Par ailleurs, certains actifs décident, par choix de vie, de s’installer en milieu rural au prix de temps de transports pour se rendre au bureau plus importants.
De 1999 à 2013, la part des navetteurs dans l’ensemble des personnes ayant un emploi augmente de 6 points, passant de 58 % à 64 %. Cette hausse concerne l’ensemble du territoire français.
Les grandes agglomérations génèrent des navetteurs
Ce sont les grandes régions économiques traditionnelles qui comptent un grand nombre de navetteurs ainsi que celles qui se situent à proximité d’une très grande agglomération.
Dans les Hauts-de-France, 71 % des personnes ayant un emploi travaillent dans une autre commune que son lieu de résidence. Ce taux est de 69 % en Île-de-France. Ce taux est également très élevé en Normandie, en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine et dans le Centre-Val de Loire. Au sein de ces trois dernières régions, de nombreux actifs travaillent en région parisienne et font la navette tous les jours. Cela concerne également le bas des Hauts-de-France. Le département de l’Oise est très dépendant de l’agglomération parisienne tout comme peut l’être une partie du département de l’Eure ou du Loiret. Plus de 200 000 actifs en provenance des régions limitrophes de la région parisienne effectuent des allers-retours quotidiens sur la capitale pour leur travail. Le développement du réseau TGV a contribué au développement de ces navetteurs. Des villes comme Tours, Vendôme, le Mans, Reims, Arras mais aussi Lille sont concernées.
En revanche, les navetteurs sont minoritaires en Provence-Alpes-Côte d’Azur (47 %), en Corse (41 %) et en Guyane (33 %), en raison de la proximité des emplois mais aussi de la grande superficie des communes. Les régions ayant un plus faible nombre de navetteurs se caractérisent par un tissu industriel comportant moins de grandes entreprises qu’en région parisienne que dans les Hauts-de-France.
Source : INSEE – CDE
Au niveau régional, la part des navetteurs progresse le plus fortement en Bretagne : de 9 points, contre 4 points seulement en Provence-Alpes-Côte d’Azur. À un niveau plus fin, du fait d’un délitement du tissu économique français depuis la Grande Récession, c’est dans les territoires les moins denses que la distance à l’emploi croît le plus fortement. Or, dans ces espaces, les déplacements domicile-travail étaient déjà les plus importants.
Les navetteurs sont avant tout des cadres ayant des enfants
Les navetteurs sont surreprésentés parmi certaines catégories professionnelles : trois quarts des ingénieurs et des cadres d’entreprise sont des navetteurs contre seulement un quart des indépendants ou des aides familiaux.
Les cadres ayant des enfants sont très fréquemment navetteurs. Afin de trouver des logements disposant d’une surface convenable ainsi que de bénéficier de bonnes conditions de vie, les cadres résident bien souvent dans une commune autre que celle de leur lieu de travail. En région parisienne, le coût des logements sur Paris voire dans la petite couronne a contraint de nombreux salariés à chercher leur logement à la périphérie. Les ménages ont, par ailleurs tendance à se sédentariser dans une commune même s’ils sont amenés à changer de lieu de travail. Cela est particulièrement vrai quand le ménage comporte deux actifs occupés. Ainsi, la part de navetteurs atteint 69 % pour les travailleurs ayant des enfants contre 64 % en moyenne. Elle également de 69 % pour les ménages ayant deux personnes ayant un emploi contre 61 % quand le ménage ne comporte qu’un seul actif occupé.
Les personnes seules ne sont, quant à elles, que 55 % à être navetteurs. Ayant besoin de surfaces moins importantes, elles tendent à se loger près de leur lieu de travail. En outre, les personnes seules ayant des revenus inférieurs à celles qui vivent en couple, résident fréquemment à proximité de leur établissement surtout quand ce dernier est en banlieue.
Fort logiquement, les navetteurs sont surreprésentés parmi les propriétaires d’une maison individuelle (71 % contre 52 % des locataires en logement collectif). En effet, l’habitat collectif est concentré dans les villes-centres et les banlieues, tandis que les maisons individuelles sont très présentes dans les communes périurbaines plus résidentielles et offrant moins d’emplois. Par ailleurs, la possession de la résidence principale est un frein à la mobilité.
Le choix d’une ville en province ou éloigné obéît à des considérations d’ordre économique. Ainsi, à surface identique, un ménage peut économiser entre 100 000 et 200 000 euros en achetant un logement à proximité de Tours ou de Reims en lieu et place d’un logement à Paris ou en petite couronne. Il convient de prendre en considération les dépenses de transports collectifs mais dont la moitié est pris en charge par l’employeur. Il faut également tenir compte des contraintes horaires liées aux transports, des grèves et de la fatigue….
La voiture, le moyen de transport privilégié
80 % des navetteurs se rendent à leur travail en voiture. Les personnes, qui travaillent dans leur commune de résidence, ne sont que 51 % à y recourir.
La voiture est le principal moyen de locomotion dans les territoires peu denses, où les transports en commun sont moins développés.
Parmi les aires urbaines, Paris se distingue très nettement. En effet, 50 % seulement des navetteurs utilisent une voiture pour se rendre à leur travail et 44 % prennent les transports en commun. Il est à signaler que le taux de possession est à Paris très inférieur à la moyenne nationale. Un habitant sur deux a une voiture (53 %) sur Paris quand ce taux est de 83 % au niveau national. En outre, 60 % des Parisiens n’utilisent par leur voiture tous les jours et 16 % l’utilisent moins d’une fois par mois (source : direction de la voirie de Paris).
Dans les autres aires urbaines, le taux d’utilisation de la voiture pour aller travailler dépasse 75 %. En revanche, moins de 20 % des navetteurs recourent aux transports en commun. En dehors de Paris, les trois aires urbaines où les transports en commun sont les plus utilisés sont Lyon, Lille et Grenoble.
Les navetteurs font de plus en plus de kilomètres
En 2013, la moitié des navetteurs travaillent dans une commune distante de plus de 15 kilomètres de celle de leur domicile. Depuis 1999, la distance médiane a augmenté de 2 kilomètres. En effet, la proportion des trajets de moins de 10 kilomètres a diminué (– 5 points), au profit notamment de ceux compris entre 20 et 50 kilomètres.