La révolution du crowdfunding
Apparu aux Etats-Unis, au début des années 2000, le crowdfunding, littéralement « financement par la foule » est un mode de financement dit participatif. Les plates-formes de crowdfunding ont pour objectifs d’apporter des concours financiers, sans passer par les intermédiaires financiers traditionnels, à toutes personnes physiques ou morales (particuliers, associations, ONG, collectivités publiques…) en vue de la réalisation d’un projet. Les plates-formes Internet permettent la rencontre directe entre les investisseurs, les épargnants et les porteurs de projets.
En France, le marché se structure et se développe. Les grands musées français proposent de plus en plus aux Internautes de les financer. Ainsi, le Musée d’Orsay a fait appel récemment au financement participatif en recourant à la plate-forme Ulule pour la restauration du tableau « l’atelier du peintre » de Gustave Courbet. Le Centre des Musées Nationaux a eu recours à la plate-forme « MyMajorCompagny » pour financer la restauration du Panthéon. Le Louvre a également récupéré un million d’euros en crowdfunding pour acquérir des œuvres d’art.
Un marché en forte croissance
Selon Forbes, le marché mondial du crowdfunding en 2013 s’est élevé à 5,1 milliards de dollars. Les Etats-Unis restent le premier marché du crowdfunding avec plus de 2,7 milliards de dollars. Parmi les principales plates-formes de financement participatif figure Kickstarter qui a, à la 7th Annual Crunchies Award, remporté le prix de la meilleure startup 2013. Depuis sa création en 2009, la plate-forme compte plus de 5 millions de petits investisseurs ayant financé plusieurs milliers de projets pour un total de 900 millions de dollars. Le secteur se professionnalise avec le recours à des modèles de financement de plus en plus complexes. Hors « Kickstarter », il faut également citer « Indiegogo », « Crowdfunder », « RocketHub » ou encore « Crowdrise ». En France, selon l’Association Financement Participatif, le montant collecté aurait déjà atteint, en 2014, 66 millions d’euros contre 33 millions en 2013.
Les différentes catégories de crowdfunding
Le crowdfunding rassemble plusieurs types de financement :
Le don d’argent avec une éventuelle contrepartie
Le particulier verse des fonds sous forme de dons avec des possibilités de contreparties, places gratuites pour un spectacle en cas de financement d’un artiste par exemple. Les dons peuvent donner lieu à l’attribution de cadeaux (t-shirt aux couleurs de la société, gadgets…) ou à un naming sur les pochettes des produits.
Le versement peut, dans certains cas, s’accompagner d’un intéressement aux résultats avec une participation éventuelle aux bénéfices éventuels.
Le prêt solidaire à titre gratuit
Des ménages peuvent également prêter à titre gracieux des sommes d’argent pour aider au développement d’une entreprise ou pour financer un projet.
Ce mode de financement est organisé par des plates-formes exerçant leur activité avec l’appui d’une banque partenaire afin d’être en conformité avec la réglementation relative à l’exercice d’activités bancaires.
Parmi les sites de financement par prêt, figurent la plate-forme de micro-crédit solidaire, « Babyloan » qui finance des projets d’entrepreneurs dans les pays en voie de développement depuis quelques années, ainsi qu’en France depuis 2011.
Le prêt d’argent rémunéré
Des plates-formes de financement participatif proposent des prêts par des particuliers à d’autres particuliers ou à des entrepreneurs mais ces derniers sont rémunérés. Comme pour les précédents, ces plates-formes ne peuvent pratiquer leurs activités qu’avec l’appui d’établissements bancaires.
L’investissement en capital ou en fonds propres
Des plates-formes Internet se sont développées pour proposer aux particuliers d’investir dans des PME non cotées. Les particuliers financent ainsi le développement de projets et sont rémunérés soit par dividendes en cas de souscription d’actions soit sous forme d’intérêt en cas de souscription d’obligations. Pour les actions, le cas échéant, ils peuvent bénéficier de plus-values potentielles en cas de revente.
Sur les 66 millions d’euros collectés, en France, par le crowdfunding, les plates-formes de prêts sont celles qui arrivent en tête du classement avec 37 millions d’euros réunis, suivies par les plates-formes de dons avec 19 millions d’euros suivi par l’investissement en capital avec 10 millions d’euros. Plus d’un million de personnes auraient participé à des opérations de crowdfunding et financé 44 000 projets.
Quels sont les secteurs d’activités qui sont les plus concernés par le crowdfunding ?
Initialement, le milieu des artistes, les start-up et l’économie solidaire ont été les premiers à parier sur le crowdfunding. Ce mode de financement s’est progressivement étendu à tous les secteurs d’activité, l’immobilier, l’agriculture, la presse, les collectivités publiques….
Les pouvoirs publics ont adapté la législation afin de favoriser la croissance du crowdfunding
Afin d’éviter des malversations et pour assurer un minimum de transparence au financement participatif, les Etats ont adapté leur législations en la matière.
Aux Etats-Unis, en 2012, est entrée en vigueur, la loi « Jumpstart Our Business Startups Act » (JOBS) qui vise à favoriser l’investissement dans les jeunes entreprises avec en particulier la possibilité de recourir plus facilement au crowdfunding.
Au Royaume-Uni, l’Etat s’implique fortement dans le développement du crowdfunding pour soutenir les PME recourant au financement participatif. L’Etat intervient à travers le « Department for Business Innovation & Skills » en devenant un acteur des plates-formes de crowdfunding, en prêtant 110 millions de livres sterling aux PME.
En France, le nouveau cadre juridique du financement participatif a été institué par l’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 et par le décret d’application n° 2014-1053 du 16 septembre 2014. Cette réglementation est entrée en vigueur le 1er octobre 2014.
Les pouvoirs publics ont imposé aux plates-formes de financement participatif des règles prudentielles identiques à celles des établissements bancaires : identification détaillée de l’épargnant (justificatifs d’identité et de domicile), contrôles anti-blanchiment, anti-terrorisme, etc…
Toujours afin de protéger les épargnants, l’ordonnance du 30 mai 2014 institue un statut de conseiller en investissements participatifs pour les plates-formes qui proposent des titres aux investisseurs (« crowd-equity ») et un statut d’intermédiaire en financement participatif pour les plates-formes qui proposent aux particuliers des financements sous forme de prêts rémunérés ou non) .
Les plates-formes qui respectent les règles prévues par l’ordonnance bénéficient d’un label de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) qui peut contrôler à tout moment un intermédiaire en financement participatif.
L’ordonnance a donc prévu plusieurs cas pour les plates-formes en fonction de leurs activités
- Une plate-forme de financement participatif par souscription de titres financiers émis par une société non cotée (private équity) doit être immatriculée auprès du registre de l’ORIAS en tant que conseiller en investissement participatif (CIP). Elle est également supervisée par l’Autorité des Marchés financiers (AMF) ;
- Une plate-forme proposant des financements sous la forme de prêts avec ou sans intérêt doit être immatriculée auprès du registre de l’ORIAS en tant qu’intermédiaire en financement participatif (IFP) ;
- Une plate-forme proposant des financements sous forme de dons n’a pas l’obligation de s’immatriculer auprès de l’ORIAS. Toutefois, elle peut choisir de s’immatriculer en tant qu’intermédiaire en financement participatif ;
- Une plate-forme qui encaisse des fonds pour le compte de tiers dans le cadre des opérations de financement participatif, doit être agréée à minima en qualité d’établissement de paiement (EP) par l’ACPR ou être enregistrée en tant qu’agent de prestataire de services de paiement.
- Une plate-forme réalisant du conseil peut opter pour le statut de prestataire en services d’investissement (PSI). Elle doit être alors agréée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution et est également supervisée par l’AMF ;
Par ailleurs, pour certaines opérations de financement participatif, des plafonds ont été prévus :
- prêts avec intérêts : dans la limite de 1 000 euros par prêteur et par projet, la durée du crédit ne pouvant être supérieure à 7 ans ;
- prêts sans intérêt : dans la limite de 4 000 euros par prêteur et par projet ;
- le porteur de projet, quant à lui, ne pourra pas emprunter plus de 1 000 000 euros par projet
Les opérateurs de crowdfunding en France
Les plates-formes de financement de participatif se multiplient. Il y aura, à un moment où un autre, des regroupements et une rationalisation de l’offre. Deux associations tentent de fédérer les plates-formes de crowdfunding. : l’Association Française de l’Investissement Participatif (http://www.afip-asso.fr/) et l’Association Financement Participatif France : (http://financeparticipative.org/membres-association/). Par ailleurs, la Banque Publique d’Investissement, « Bpifrance » s’est engagée dans le crowdfunding en proposant un accès à plusieurs plates-formes de financement participatif en passant par le site « TousNosProjets.fr ».
Plates-formes spécialisées essentiellement dans les dons et dans les prêts
En ce qui concerne les plates-formes de dons et prêts, figurent parmi les plus importantes, « Ulule », « KissKissBankBank », « My Major Company ».
Il faut également citer « Bulb in Town » destiné aux commerces et associations de proximité, « Touscoprod » fiançant des films ou « IAmLaMode » dédié aux créateurs de mode.
« Babyloan » est spécialisé dans le micro-crédit solidaire et est adossée à des institutions de microfinance (IMF). La filiale de « KissKissBankBank », « Hello Merci » s’est également spécialisée sur les prêts directs et solidaires.
L’institut français des fondations de recherche et de l’enseignement supérieur a créé Davincicrowd, une plate-forme de crowdfunding destinée à l’enseignement supérieur, à la recherche et à la santé.
Le montant moyen récolté par les plates-formes est de quelques milliers d’euros. Il est, par exemple, de 3 500 euros sur « MyMajorCompany » mais cette moyenne cache une grande amplitude dans les montants collectés. Ainsi, sur la plate-forme « KissKissBankBank », un vaisseau d’exploration sous-marine a obtenu plus de 344 000 euros. Sur Ulule, le film Noob a atteint plus de 681 000 euros.
Les plates-formes spécialisées dans la prise de participation au capital
De nombreuses plates-formes d’investissement ont été créées ces dernières années: « Anaxago », « HappyCapital », « Particeep », « Smartangels », « FinanceUtile », « WiSeed ».
Les plates-formes afin de se démarquer les unes des autres se spécialisent. « HappyCapital » propose un accompagnateur aux entreprises pour les aider à se développer et afin de rendre des comptes aux investisseurs. La plate-forme, « Particeep », crée des campagnes associant dons et prises de participation en capital.
Les plates-formes spécialisées dans l’immobilier
Des plates-formes comme « lymo.fr » ou « crowdimmo.fr » proposent aux Internautes de financer des opérations de construction immobilière en devenant des co-promoteurs immobiliers. La vente des logements permet de rembourser les prêteurs avec paiement éventuel d’un intérêt ou obtention d’une plus-value. Les risques inhérents à ces placements sont les mêmes que ceux liés à la promotion immobilière classique. Il convient de se renseigner sur la fiabilité des acteurs, sur le lieu d’implantation du projet immobilier, de la qualité de la réalisation…
Quelques conseils avant de se lancer…
Certaines plates-formes de financement participatif annoncent des rendements de 3 à 12 %. Il faut évidemment être prudent et bien étudier les projets. Le financement participatif n’est pas un Eldorado. Il comporte par définition à risques avec des possibilités de perdre comme le souligne l’Autorité des Marchés Financiers tout ou partie du capital investi. Avant de se lancer, les épargnants doivent vérifier que la plate-forme est bien agréée et que les informations sur les projets d’investissement soient claires. Il ne faut pas hésiter à se renseigner auprès de l’AMF, de l’ACPR ou auprès de la BPI. Il faut privilégier les plates-formes qui sélectionnent les projets amenés à collecter de l’argent.
Au niveau fiscal, le crowdfunding ne bénéficie d’aucun avantage particulier. En revanche, les sommes investies peuvent ouvrir droit à des réductions d’impôt dans le cadre des dispositifs en faveur du financement des PME ou d’associations (réduction pour l’impôt sur le revenu et pour l’ISF en cas d’apport en capital à une PME, réduction d’impôt sur le revenu pour les dons effectués au profit d’associations d’intérêt public). Les souscriptions d’actions non-cotées peuvent être logées sous conditions dans un PEA et bénéficier ainsi de la fiscalité de ce produit.
Les épargnants comme les porteurs de projets doivent faire attention aux frais qui peuvent atteindre jusqu’à 10 %.
Pour les porteurs de projet, l’accès à une plate-forme de financement participatif n’est pas la garantie de trouver rapidement de l’argent. Les dons, les apports au capital sont, sur les plates-formes réalisés, essentiellement, par l’entourage proche des porteurs de projet. Pour dépasser le cadre des amis, de la parentèle, le projet doit faire l’objet d’une visibilité médiatique. A cette fin, il n’est pas inutile de bénéficier de l’appui d’un coach qui peut être proposé par les plates-formes.