L’ancienne Commission européenne tire sa révérence en s’occupant de la France
La nouvelle Commission européenne entre rigueur et relance
La composition de la nouvelle Commission Européenne a été approuvée par le Parlement le 22 octobre dernier. Cette Commission comprend quatre anciens Premiers ministres, dix-neuf anciens ministres, sept commissaires sortants et hui anciens membres du Parlement européen. Le Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a fixé le cadre du programme d’action de la Commission. Il a indiqué que la Commission continuera à veiller aux équilibres budgétaires, mais avec la souplesse nécessaire. Il a mentionné qu’il souhaitait que l’Europe obtienne une notation d’excellence, un triple A, dans le domaine social et a placé la lutte contre le chômage au cœur de son action. A cette fin, un plan d’investissement européen de 300 milliards d’euros devrait être annoncé au mois de décembre. La nouvelle Commission devrait prendre ses fonctions entre le 1er et le 6 novembre.
L’ancienne Commission européenne admoneste diplomatiquement la France
Avant de céder sa place à la nouvelle commission, l’ancienne présidée par José Manuel Barroso a terminé son mandat avec l’examen des budgets des Etats membres dans le cadre de la procédure de surveillance prévue par le traité budgétaire européen de 2012.
En vertu de ce traité, les pays s’engagent à avoir des « budgets équilibrés » ou « en excédent » sur un cycle économique, soit un déficit structurel (hors éléments exceptionnels et service de la dette) d’un niveau maximal de 0,5 % du PIB. Chaque Etat doit présenter, dans le cadre de son programme pluriannuel, les mesures de correction en cas de dérapage important par rapport à cet objectif. En cas de déficit excessif, le Pacte budgétaire prévoit que les Etats en difficulté mettent en place un « programme de partenariat budgétaire et économique » avec leurs partenaires et la Commission européenne pour mener à bien les réformes leur permettant de respecter leur engagement.
Le pacte a retenu comme principe que les dépenses de fonctionnement sont financées par les recettes fiscales normales. Il est également prévu un retour de l’endettement à 60 % de leur PIB doit être respecté. Il sera atteint, pour ceux d’entre eux qui ne respectent pas ce seuil, de manière progressive et concertée par une réduction d’un vingtième par an de leur niveau d’endettement.
Les Etats s’engagent volontairement et collectivement à inclure dans leur droit national des règles de discipline plus strictes et notamment des mécanismes quasi-automatiques de retour à l’équilibre et de réduction de leur endettement public. Cette disposition est destinée à éviter le phénomène dit de « passagers clandestins » qui a vu certains Etats mettre en péril la zone Euro par leur manque de sérieux dans la gestion de leurs finances publiques.
La Commission européenne et tout autre Etat membre peuvent saisir la Cour de Justice de l’Union européenne s’ils estiment qu’un Etat n’a pas inclus correctement ces règles communes dans son droit national. Si la Cour estime que ses prescriptions ne sont pas respectées, elle peut, dans un second temps, prononcer des sanctions financières (somme forfaitaire ou astreinte n’excédant pas 0,1 du PIB) à l’égard de l’Etat membre défaillant dont le produit est versé au Mécanisme européen de stabilité.
La Commission de Bruxelles n’a pas les moyens de rejeter un projet de budget. En revanche, elle peut demander à un Etat de revoir sa copie concernant les mesures retenues pour lutter contre un déficit excessif. C’est dans le cadre de ce processus que la Commission a adressé à cinq pays des demandes d’explication concernant leur projet de budget. Sont concernés la France, l’Italie, l’Autriche, la Slovénie et Malte.
Pour la France, au vu du document rendu public par le site Mediapart, la Commission regrette le non-respect de l’engagement pris en 2013 de ramener en 2015 le déficit à 3 %. Elle souligne que l’effort de réduction du déficit structurel (déficit hors impact de la conjoncture) est inférieur au niveau recommandé. Entre 2014 et 2015, il devrait passer de 2,4 à 2,2 % du PIB quand l’objectif à atteindre est de 0,5 %. Si la lettre ne mentionne pas l’engagement d’un processus contentieux à l’encontre de la France, elle est néanmoins plus dure dans la forme que celle adressée à l’Italie dont le déficit structurel a été, ces dernières années, fortement réduit.
La Commission européenne n’a pas souhaité ouvrir un conflit avec les autorités françaises. Une mise en cause de la deuxième économie européenne aurait des conséquences politiques et financières avec des risques de tension en chaine. L’envoi de la lettre demandant des compléments d’information permet à tous de ne pas perdre la face. En outre, la Commission a pris le soin de demander des explications à quatre autres pays.
Le débat entre le Gouvernement français et la Commission européenne porte sur les modalités de calcul du déficit structurel et sur celles concernant l’évaluation des économies projetées. La Commission pourrait enterrer la hache de guerre et se ranger aux arguments français si un effort supplémentaire de 5 à 6 milliards d’euros était consenti. Affaire à suivre…