1 septembre 2018

Le Coin de la Conjoncture 1er septembre 2018

Les ménages ont un peu le blues en cette fin de période estivale !

Au mois d’août, la confiance des ménages dans la situation économique est stable. L’indicateur de l’INSEE qui la mesure est stable à 97. Il est au-dessous de sa moyenne de longue période (100) pour le quatrième mois consécutif.

En août, le solde d’opinion des ménages sur leur situation personnelle passée est quasi stable (-1 point) et celui sur leur situation personnelle future est inchangé. Ces deux soldes se situent au-dessous de leur moyenne. La proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants est stable. Le solde correspondant reste au-dessus de sa moyenne de longue période.

Les ménages considèrent qu’il est plus opportun d’épargner en juillet qu’en juin. Le solde correspondant gagne 4 points après trois mois de stabilité, mais il demeure au-dessous de sa moyenne de longe période. Le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne future diminue légèrement : il perd 2 points après en avoir gagné 6 en juillet. Il demeure néanmoins au-dessus de sa moyenne de longue période. Le solde sur la capacité d’épargne actuelle des ménages est quant à lui inchangé et se maintient légèrement au-dessus de sa moyenne de longue période.

Malgré la résurgence de l’inflation, en août, les ménages sont plus optimistes quant au niveau de vie futur en France : le solde correspondant gagne 3 points mais demeure légèrement inférieur à sa moyenne. La part des ménages qui considèrent que le niveau de vie passé en France s’est amélioré au cours des douze derniers mois est inchangée. Le solde correspondant se situe au niveau de sa moyenne de longue période.

Sur la question de l’inflation, les ménages ne sont pas trop inquiets. La proportion de ceux qui pensent que les prix vont augmenter, au cours des douze prochains mois, est quasiment aussi élevée que le mois précédent : le solde correspondant perd 1 point pour le quatrième mois consécutif. Il se maintient néanmoins au-dessus de sa moyenne. Les ménages sont également presque aussi nombreux que le mois précédent à estimer que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois. Le solde correspondant gagne 1 point mais se situe toujours au-dessous de sa moyenne de longue période.

En phase avec les résultats décevants de ces derniers mois, les craintes des ménages concernant l’évolution du chômage augmentent fortement en août : le solde correspondant gagne 9 points, ce qui le place à son plus haut niveau depuis novembre 2016. Le solde demeure cependant au-dessous de sa moyenne de longue période.

 

L’euro face à la montée des égoïsmes

Avec la mise en place du marché commun et de la politique agricole commune, la création d’une monnaie commune aux États membres de la CEE de l’époque est rapidement apparue nécessaire afin de s’affranchir des problèmes liés aux changes (coûts de change, variation de change, etc.). Les premières études sur le sujet datent de la fin des années 60 (rapport Werner/Barre) avant même la fin du système monétaire de Bretton Woods le 15 août 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or). Cette question monétaire sera au cœur des débats européens durant toutes les années 70 et 80. La mise en place du Système Monétaire Européen (SME) marque la volonté des États membres de réguler les effets des changes flottants qui ont été légalisés au niveau mondial en 1976 (accords de la Jamaïque). En 1999, l’instauration de la monnaie commune parachève le processus du marché unique engagé sous la Présidence de Jacques Delors à la Commission de Bruxelles. L’adoption du Traité de Maastricht en 1991 intervient au moment même où l’URSS se disloque. Bâti pour une Europe à 15 membres, l’euro voit le jour dans une Union européenne qui intègre les pays de l’ancien Pacte de Varsovie. Pour la première fois, des pays comptant parmi les plus grandes puissances économiques du monde décident d’abandonner leur souveraineté monétaire. En Europe, un seul précédent existait, l’Union monétaire latine qui a réuni de 1868 à 1927 la France, l’Italie, la Belgique, la Grèce et la Suisse. Mais cette union n’avait pas abouti à l’instauration d’une monnaie unique. Cette création sui generis est le fruit d’âpres négociation. Par nature, le partage d’une même monnaie est de nature fédérale. Il suppose donc tout à la fois une solidarité des États et le respect des règles communes. Or, l’Allemagne, la première puissance de la zone euro, ne souhaite pas être appelée automatiquement en tant que dernier recours en cas de crise. Elle s’est opposée au moment de la création de l’euro à l’instauration d’un gouvernement économique, d’un budget de la zone euro, de fonds de soutien conjoncturel et au lancement d’obligations européenne. Ce choix politique a abouti à faire de l’euro une monnaie en suspension qui n’est pas reliée à un Trésor et à un budget. Seule la Banque centrale européenne joue le rôle de gardien du temple. Sa mission initiale était simple, éviter toute inflation. Au gré des crises, elle a étendu son champ d’action en devenant de facto un des piliers majeurs du système économique et financier européen. La BCE a, par sa politique monétaire et sa participation au plan de sauvetage de plusieurs pays, empêché la contagion de la crise des dettes souveraines.

Si depuis le 20 août dernier, la Grèce n’est plus officiellement sous tutelle, la zone euro n’en a pas fini avec les problèmes comme en témoignent les tensions sur les taux italiens depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition M5S et Ligue.

De plus en plus de pays européens sont tentés d’améliorer leur compétitivité au détriment des autres en mettant en place des politiques non coopératives. En Italie, le Gouvernement entend s’affranchir des règles budgétaires européennes. Il a accusé la Commission d’être en partie responsable de l’effondrement du pont de Gênes par la rigueur qu’elle impose au pays depuis des années. Certains pays en s’inspirant de l’exemple irlandais sont tentés de s’engager dans une diminution brutale des impôts et des cotisations pour gagner des parts de marché. La concurrence fiscale et sociale est une guerre larvée économique que tous les pays de la zone euro mènent depuis une quinzaine d’années. L’Allemagne avait initié le mouvement dès 2003 sous Gerhard Schröder en abaissant ces charges et en relevant la TVA. À défaut de pouvoir jouer sur la valeur de la monnaie, les États européens réduisent les coûts fiscaux et sociaux. Cette politique a abouti à une décrue forte de l’impôt sur les sociétés. Ainsi le taux moyen d’imposition des profits au sein de la zone euro est passé de 35 à 25 % de 1999 à 2018. Sur la même période, le poids des cotisations sociales a été diminué de 0,6 point de PIB. Cette concurrence fiscale et sociale se traduit par une diminution des dépenses publiques au sein de la zone. Depuis la crise de 2008, la contraction atteint 1 point de PIB, la France faisant en la matière exception.

La généralisation des pratiques non coopératives constitue évidemment un véritable danger pour l’euro. Elle se traduirait par un rejet de tout fédéralisme avec à terme une opposition croissante à toutes formes de mutualisation. Une divergence des situations économiques serait à craindre. Or, la solidarité sera plus difficile à mettre en place si les situations des différents pays diffèrent trop fortement. Aujourd’hui, les écarts sont assez conséquents en ce qui concerne le chômage, les finances publiques ou le niveau des revenus. Faute de points communs, les États riches ont de moins envie d’aider les États en difficulté. Ces derniers reprochent de plus en plus aux premiers leur égoïsme. Cette situation ne peut que favoriser les crises notamment financières. L’écart de taux entre les obligations d’État italiennes et allemandes a atteint plus de 2 points, ces dernières semaines. Son augmentation s’est également propagée à l’Espagne et au Portugal.

Face à ces divergences et au nom du populisme, des gouvernements pourraient-ils être tentés par une sortie de la zone euro ? Le précédent de la Grèce en 2015 semble prouver le contraire. Malgré le rejet par référendum de l’accord avec l’Union européenne et le FMI, le Gouvernement d’Aléxis Tsípras a préféré poursuivre les négociations avec les autorités européennes. Si l’Italie était amenée à faire le choix de la sortie, la problématique serait encore plus complexe. Par son poids économique, par la taille de sa dette, plus de 2 000 milliards d’euros (contre 320 milliards d’euros pour les Grecs), l’Italie est un pays qualifiable de systémique. Son départ de l’euro provoquerait une onde de choc majeure qui ébranlerait l’ensemble de la sphère financière européenne. Les banques françaises et allemandes seraient fortement touchées en cas de défaut de paiement partiel ou total de l’Italie. L’effet de contagion mettrait en outre sous pression l’Espagne, le Portugal et sans nul doute la France. Le risque de l’éclatement de l’euro serait élevé. L’Italie serait confrontée à une crise de liquidité et de solvabilité. Un contrôle et des capitaux serait obligatoire pour enrayer leur fuite. Les créanciers, en cas de tension, éviteront donc d’aller aux extrêmes car ils seraient les premiers perdants de l’explosion de l’euro.

 

Les États-Unis, toujours trop forts ?

Les États-Unis connaissent leur plus long cycle de croissance de leur histoire. En effet, ce cycle a commencé au mois de juillet 2009, il y a plus de 9 ans. De ce fait, la probabilité d’un retournement de tendance s’accroît fortement de mois en mois. Or, l’écart de croissance anticipée entre les États-Unis et la zone euro demeure élevé. Les perspectives de croissance montrées par les enquêtes conjoncturelles (cycliques) sont beaucoup plus favorables aux États-Unis que dans la zone euro. La guerre commerciale entamée par Donald Trump et les hausses des taux d’intérêt décidées par la FED n’y changent rien.

La demande de biens et services continue de progresser plus vite aux États-Unis que dans la zone euro, essentiellement en raison des effets de la réforme fiscale et de la politique budgétaire expansionniste. La consommation demeure dynamique quand en Europe elle peine depuis le début de l’année du fait de la hausse du prix du pétrole. L’Europe reste très sensible aux variations des prix de l’énergie à la différence des États-Unis qui sont tout à la fois un pays producteur et consommateur de pétrole et de gaz.

Malgré tout, la croissance de l’économie américaine risque de buter sur l’incapacité de la production de poursuivre sa hausse en raison notamment du plein emploi. La politique budgétaire laxiste et l’augmentation des revenus devraient déboucher sur un creusement du déficit commercial qui atteint déjà 800 milliards de dollars. La politique protectionniste américaine ne devrait pas changer la donne, voire au contraire accentuer les déficits en pénalisant les produits américains à l’exportation.

Pour surmonter l’écueil de la production, un redressement de la productivité serait nécessaire à défaut de pouvoir améliorer le taux de participation au marché de l’emploi. Ce dernier taux est stable depuis plus de deux ans et, pour le moment, rien ne présage d’une hausse de la productivité compte tenu du poids croissant des emplois à faible qualification. De ce fait, la planche de salut provisoire repose sur la poursuite d’une politique budgétaire laxiste avec un déficit public qui se rapprochera des 4 % du PIB cette année.

Depuis l’arrivée de Donald Trump, nombreux sont ceux qui pronostiquent le retournement du cycle de croissance. Pour le moment, ils ont été démentis par les faits. Tout semble réussir au Président américain du moins sur ce terrain. Pour autant la chute en sera peut-être plus lourde.