Le Coin de la Conjoncture (30 juin 2018)
Confiance des ménages, rien ne va plus
Au mois de juin 2018, l’indicateur mesurant la confiance des ménages dans la situation économique se détériore en perdant deux points. A 97, il est à son plus bas niveau depuis août 2016. Il est en baisse constante depuis le mois de décembre dernier. Il se situe au-dessous de sa moyenne de long terme (100). Le solde d’opinion des ménages sur leur situation personnelle passée diminue également de deux points tandis que celui sur leur situation personnelle future est stable. Les deux soldes se situent au-dessous de leur moyenne de long terme. Si la baisse à la fin de l’année 2017 était imputable à un retour à la normale après la traditionnelle euphorie post-électorale, le recul de l’indicateur de confiance, depuis le début de l’année, témoigne d’un petit retour du pessimisme. La hausse des prix associée à celle des prélèvements obligatoires semble avoir miné un peu le moral des Français. Ce dernier est également atteint par la remontée des incertitudes avec en particulier la peur d’une nouvelle progression du chômage.
La proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants recule de 4 points. Le solde correspondant se maintient néanmoins au-dessus de sa moyenne de longue période.
En juin, le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne future diminue nettement : il perd 6 points après en avoir gagné 6 en mai, et retrouve ainsi sa moyenne de long terme. Le solde sur leur capacité d’épargne actuelle est quasi stable (+1 point) et se maintient légèrement au-dessus de sa moyenne de longue période.
La part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner est stable en juin. Le solde correspondant demeure ainsi nettement au-dessous de sa moyenne de long terme.
En juin, les ménages sont plus pessimistes quant au niveau de vie futur en France : le solde correspondant perd 5 points, après −4 points en mai. Il se situe désormais nettement au-dessous de sa moyenne de longue période. Les ménages sont également moins nombreux à considérer que le niveau de vie passé en France s’est amélioré au cours des douze derniers mois : le solde correspondant perd 4 points après −3 points en mai, mais il se maintient juste au-dessus de sa moyenne de long terme.
Dans ce contexte morose, il n’est pas surprenant que les ménages s’attendent à une détérioration de la situation de l’emploi. Le solde mesurant les craintes de chômage est en hausse de 18 points et atteint son plus haut niveau depuis mai 2017. Le solde correspondant demeure toutefois nettement au-dessous de sa moyenne de longue période.
En juin, les ménages sont plus nombreux que le mois précédent à estimer que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois : le solde correspondant gagne 4 points, après +9 points en mai. Il se situe néanmoins toujours au-dessous de sa moyenne de long terme. Les ménages sont quasiment aussi nombreux qu’en mai à estimer que les prix vont augmenter au cours des douze prochains mois (−1 point). Le solde correspondant demeure nettement au-dessus de sa moyenne de longue période.
La fin de la politique monétaire non conventionnelle : « demain est un autre jour »
Depuis maintenant trois ans, la Banque centrale européenne met en œuvre une politique dite non conventionnelle reposant sur des taux directeurs nuls voire négatifs ainsi que sur des rachats d’actifs.
Cette politique qualifiable d’un point de vue économique de répression financière (imposant aux épargnants une faible rémunération de leur épargne) poursuivait quatre objectifs :
- Lutter contre la désinflation rampante ;
- Assurer la solvabilité des États surendettés et de l’ensemble de la sphère financière ;
- Favoriser le retour de la croissance ;
- Contribuer à la baisse du taux de chômage.
Si le premier objectif entre pleinement dans les missions assignées à la BCE au moment de sa création, les autres s’en éloignent peu ou prou. Les pays d’Europe du Nord ont accepté cette révolution monétaire à la condition de maintenir autant que possible une sémantique traditionnelle. Avec le retour de la croissance, avec la reprise modeste de l’inflation, la BCE prépare l’arrêt de cette politique. Si pour les pays d’Europe du Nord, et l’Allemagne, en premier lieu, cette sortie est jugée nécessaire, comment les autres pays réagiront-ils ? Par ailleurs, est-ce que la situation économique actuelle justifie l’arrêt de la politique des taux bas combinée avec celle des rachats d’actifs ?
Le taux de chômage de la zone euro est aujourd’hui nettement supérieur au taux de chômage structurel. Le taux de chômage de la zone euro est de 8,5 %. Certains États comme l’Allemagne ou les Pays-Bas ont renoué avec le plein emploi. Mais tel n’est pas le cas en Italie, en Grèce, en Espagne ou encore en France.
En intégrant l’analyse les difficultés croissantes que rencontrent les entreprises pour embaucher, certains experts considèrent néanmoins que le taux de chômage se rapproche de son niveau structurel. En revanche, les salaires n’accélèrent pas malgré la baisse du chômage. Il y a une déconnexion entre emploi et salaires. Cette situation peut s’expliquer par la faiblesse des gains de productivité et par une modification du rapport de force sur le marché du travail. Le développement du travail non salarié, des contrats à durée déterminée et de l’intérim pèserait sur les salaires.
La faible progression des salaires freine le retour de l’inflation. Au sein de la zone euro, cette dernière atteindrait la cible des 2 % au mois de juin (après 1,9 % au mois de mai) mais la hausse de ces derniers mois est imputable à l’augmentation du cours du pétrole. L’inflation sous-jacente reste encore bien en-deçà des 2 %.
Pour la BCE, le taux de chômage demeure encore éloigné de son taux structurel et le taux d’inflation sous-jacent reste en-dessous des 2 %, ce qui justifie le maintien jusqu’en 2019, au moins, de sa politique de taux bas. Hors circonstances exceptionnelles, les taux directeurs devraient se situer autour des 2,25 points. Pour la France, le taux de l’Obligation Assimilable du Trésor à 10 ans dépasserait dans ces conditions les 3 %, ce qui augmenterait le coût de la dette de 10 milliards d’euros. Entre 2002 et 2017, le service de la dette est passé de 3,7 à 1,8 % du PIB au sein de la zone euro. Le prix de la hausse des taux d’intérêt serait encore plus élevé pour les États d’Europe du Sud. Dans ces conditions, la BCE sera face à un sérieux dilemme, pris en tenaille entre les intérêts divergents des pays membres de la zone euro. De même, un renchérissement du coût de l’argent pourrait stopper nette la reprise. Grâce à la politique monétaire de la Banque centrale, les dépenses d’intérêts acquittées par les entreprises de la zone euro sont passées de 4,5 à 1,2 % du PIB de 2008 à 2017. Pour les ménages, le poids des intérêts liés à leur dette ne représentait que 0,8 % du PIB en 2017 contre 2,8 % du PIB en 2008
L’arrêt des achats d’actifs à la fin de l’année ne devrait, en revanche, pas avoir de réelles conséquences sur la structuration des taux. Ces derniers sont avant tout influencés par le stock d’obligations détenu par la Banque Centrale et non par le flux d’achat d’obligations. Par ailleurs, l’euro ne devrait s’apprécier que marginalement après la fin des achats d’actifs en raison de l’écart de taux entre l’Europe et les États-Unis. L’euro devrait rester relativement faible par rapport à la monnaie américaine. A travers sa communication « forward guidance », la BCE aidera à maintenir des taux d’intérêt à long terme faibles. Elle devrait confirmer qu’elle ne remontera pas ses taux d’intérêt directeurs avant l’automne 2019.
Le plan mis en œuvre pour sortir progressivement de la politique monétaire non conventionnelle pourrait être remis en cause si le ralentissement économique de la zone euro s’accentuait, ce qui pourrait conduire à un report de la hausse des taux.