Le Coin de la Conjoncture
Les salaires dans le tertiaire expliquent-ils une partie des problèmes français ?
L’Allemagne se caractérise par des salaires plus élevés qu’en France dans l’industrie quand ceux dans les services y sont plus faibles. Le ratio entre les deux salaires est de 63 % en Allemagne et de 83 % en France. Cette différence n’est pas sans conséquence sur la situation économique et sociale des deux pays.
En Allemagne, ces salaires faibles dans le secteur tertiaire facilitent la création d’emplois à faible qualification et jouent positivement sur le taux de chômage. Ainsi, le taux de chômage des 18/64 ans avec un niveau d’éducation primaire était, avant crise, de 7 % en Allemagne et de 9 % en France. Leur taux d’emploi était en hausse en Allemagne passant 50 à 62,5 % de 2004 à 2019. La situation est en France moins favorable, leur taux d’emploi passant de 60 à 52,5 %.
En France, le fort chômage des non-qualifiés se retrouve sur les chiffres globaux. Le taux d’emploi global est de 12 points supérieur en Allemagne qu’en France (respectivement 77,5 et 65 %).
L’écart de rémunération entre industrie et services en Allemagne expliquerait en partie les différences au niveau de l’emploi.
En Allemagne, grâce aux faibles salaires, les services contribuent à réduire les coûts de production de l’industrie qui en est fortement consommatrice. Cette situation peut expliquer les gains de parts de marché de l’Allemagne vis-à-vis de la France. La consommation de services représentait 72 % de la valeur ajoutée manufacturière en France contre 48 % en Allemagne. En vingt ans, le poids des services dans la valeur ajoutée industrielle a augmenté de 10 points Outre-Rhin contre 20 points en France. Sur la même période, les exportations en volume de l’Allemagne ont augmenté deux fois plus vite qu’en France. La conséquence indirecte élevée des salaires élevés dans les services est pour la France un secteur industriel qui se contracte au fil du temps. Son poids dans la valeur ajoutée est inférieur à 12 % contre 21 en Allemagne. La France est surtout positionnée par son positionnement gamme moyenne avec des coûts de haut de gamme.
Des salaires faibles dans les services ne sont pas sans conséquence pour l’Allemagne
Les salaires bas dans les services sont responsables, en revanche, d’une augmentation du taux de pauvreté. Celle-ci a été plus marquée en Allemagne qu’en France. Il est passé de 11 à 16 % de 1998 à 2019 Outre-Rhin quand il est resté stable en France à 14 %.
Le coût plus élevé des salaires dans les services en France a pour conséquence un salaire moindre, dans l’industrie. Une mutualisation au niveau salarial est ainsi opérée avec néanmoins pour conséquence un secteur industriel plus faible et un taux de chômage plus élevé. En raison de l’écart important entre la France et l’Allemagne en matière de dépenses publiques (12 points de PIB) et en matière des prélèvements obligatoires (5 points), les charges pesant sur le facteur travail sont différentes. Plus élevées en France, elles aboutissent à réduire le salaire net. Par ailleurs, par leur poids, elles nivellent l’écart entre le secteur industriel et celui des services.
Le citoyen paiera la note !
L’envolée des déficits et de l’endettement, en terres inconnues, sera pris en charge à un moment donné par les citoyens, d’une manière ou d’une autre.
Face à un déficit public et une augmentation, par ricochet, de l’endettement public, à un moment ou un autre, un processus de taxation doit intervenir, sous forme d’inflation ou de prélèvements. Les épargnants sont souvent aux avants postes.
La taxe inflationniste est de plusieurs natures. Elle peut concerner les prix des biens, du travail. Elle réduit le montant à rembourser. L’inflation est un facteur d’appauvrissement si les rémunérations, salaires, honoraires, dividendes, prestations sociales, ne sont pas indexés. La taxe inflationniste s’applique également à la valeur des actifs. L’augmentation des prix de l’immobilier et des actions est une taxation indirecte des jeunes générations si de même leurs rémunérations n’est pas corrélée. Un endettement croissant associé à des faibles taux d’intérêt entraîne une progression du prix de l’immobilier. Depuis plus de vingt ans, celui-ci augmente plus vite que les salaires, ce qui limite les possibilités d’accession à la propriété. Il en résulte un appauvrissement relatif.
La hausse des prélèvements
L’augmentation des prélèvements obligatoires est la solution la plus simple pour rétablir la solvabilité budgétaire des États. La hausse de la pression fiscale vise à faire apparaître un excédent budgétaire primaire. Celui-ci permet de contenir et de réduite la dette. Cette voie a été utilisée après la crise des subprimes dans la zone euro. De 2010 à 2019, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 38 à 40,6 % du PIB, le solde primaire du budget (solde avant imputation du service de la dette) passant de -3,5 à +1 % du PIB. Cette solution est aujourd’hui récusée en raison de ses effets économiques et sociaux. La zone euro a connu une très faible croissance depuis la crise des subprimes en raison de la mise en œuvre de politiques budgétaires restrictives. Celles-ci peuvent également passer par la diminution des dépenses publiques, essentiellement sociales. Cette solution a également des effets économiques importants en réduisant la consommation. La France l’a peu pratiquée à la différence de l’Allemagne et des États d’Europe du Nord.
La taxe inflationniste
Avec la multiplication par plus de dix de la masse monétaire au sein de l’OCDE, la résurgence est annoncée régulièrement sans jamais se produire. Avec des dettes publiques qui dépassent 100 % du PIB, l’augmentation des prix est souhaitée afin d’en effacer une partie.
La dernière fois qu’on a vu une taxe inflationniste significative dans les pays de l’OCDE, c’est à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Le taux d’inflation atteignait alors plus de 10 % par an avant de revenir autour de 2 % au milieu des années 1990.
La corrélation entre masse monétaire et inflation est, pour le moment, absente. Seuls les prix des actifs (actions et immobiliers) augmentent, ce qui n’est pas sans effet sur la répartition des richesses au sein des populations. La concurrence accrue générée par la montée du commerce en ligne, les plateformes de services et la mondialisation pèse sur les prix des biens et services. La tertiarisation des activités avec le recours croissant aux micro-entrepreneurs a modifié les processus de négociation des revalorisations des salaires. Enfin, une partie des actifs monétaires sont stérilisés pour raisons prudentielles par le secteur financier ou par précaution par les agents économiques, entreprises ou ménages.
La taxation des épargnants
La taxation des épargnants s’effectue par l’application de taux d’intérêt à long terme inférieur à la croissance nominale qui sont même dans certains cas négatifs. En 1996, le rendement moyen des emprunts d’État au sein de l’OCDE à 10 ans était de 6 %. Il est nul en 2020.
Les taux d’intérêt négatifs constituent une forme de taxe visant à corriger la valorisation des actifs. Les deux phénomènes sont intimement liés. La valorisation des actifs permet d’augmenter la quantité totale de monnaie et de monétiser la dette publique, les ratios restant constants entre les différents placements. Les autorités monétaires distinguent de plus en plus la monnaie de transaction et celle de placement. Les deux monnaies évolueraient dans des sphères autonomes.
Les épargnants investissant dans les produits de taux subissent la baisse du rendement sans bénéficier de la valorisation du capital. Ils sont donc perdants.
Les prochaines années devraient donc aboutir à une pénalisation des épargnants investis en produits de taux, les salariés sous forme d’une moindre augmentation des salaires et les contribuables qui devraient à la fois acquitter plus d’impôts et subir une érosion des prestations. Le maintien des taux bas sur longue période aboutira à une taxation indirecte des jeunes générations qui devront faire face à une accumulation de dettes publiques et à une appréciation du prix des actifs.