Le Coin de la Conjoncture du 12 novembre 2016
Chine, le difficile pilotage de la transition
En parité de pouvoir d’achat, la Chine pèse 17,3 % du PIB mondial et occupe la deuxième place après les Etats-Unis. L’empire du soleil levant contribue fortement à la croissance de l’économie mondiale. Ainsi, une hausse de son PIB de 6,7 % se traduit par une augmentation de la croissance de 1,2 point de celui de l’ensemble de la planète. Une diminution d’un point du taux de croissance en Chine signifie une réduction de 0,25 point au sein du G20. La Chine continue de décevoir au niveau de son commerce extérieur avec des exportations, en octobre, en recul pour le septième mois consécutif de 7,6 % ; de leur côté, les importations sont en baisse de 1,4 % pour le mois d’octobre. Certes, les contractions sont inférieures à celles du mois de septembre. La dépréciation du yuan qui est au plus bas depuis six ans n’aura pas permis de redresser la courbe des exportations. La contraction des importations traduit l’atonie de la demande intérieure. A l’exception du mois d’août, elles sont en régression depuis près de deux ans.
La faible croissance du commerce internationale pèse sur les échanges chinois. Par ailleurs, en raison de coûts salariaux en forte hausse, la compétitivité chinoise se dégrade au profit de pays émergents souvent asiatiques.
La Chine suit la trace des pays avancés avec une économie de plus en plus tertiarisée. Sa croissance repose de moins en moins sur l’industrie et le commerce extérieur. Ce sont les services qui génèrent une part croissante du PIB.
La transition économique s’accompagne de crispations politiques sur fond de règlements de compte internes. Le pouvoir en place doit gérer une baisse de la croissance qui provoque des tensions financières. Par ailleurs, elle peut déboucher sur des revendications sociales et politiques.
Mini révolution de palais
Est-ce la succession de mauvais résultats économiques ou un remaniement technique, mais trois ministres ont été remplacés le 7 novembre. Xia Jie a été ainsi nommé Ministre des Finances ; il supervisera la banque centrale et les services de la planification. Il remplace le réformiste Lou Jiwei officiellement jugé trop âgé pour occuper le poste (66 ans). Il lui a été reproché son manque de transparence dans la gestion de la crise financière de 2015. En outre, le Président Xi Jinping prépare le Congrès du Parti Communiste qui doit se tenir en 2017 en mettant aux postes clefs ses proches. Le nouveau Ministre des Finances aurait comme mission d’améliorer les relations entre le Président Xi Jinping et son Premier Ministre Li Keqiang. Les deux hommes auraient des positions divergentes au sujet de la transition économique et sur les moyens à mettre en œuvre pour gérer le ralentissement économique. Au mois de mai, le Quotidien du Peuple, ce qui est rare, avait mentionné que le Président avait contesté le bien-fondé du plan de soutien de 700 milliards de dollars à l’économie.
La République tchèque, un modèle en Europe ?
En une vingtaine d’années, la République tchèque est devenue l’un des pays les plus prospères et les plus stables d’Europe centrale. Ce pays semble avoir parfaitement réussi sa sortie du communisme et digéré sa scission pacifique avec la Slovaquie. Il a connu une phase de rattrapage soutenue le propulsant dans la moyenne des pays de l’OCDE.
Ce territoire de 78 868 km² situé en plein cœur de l’Europe centrale, ayant comme voisins, l’Allemagne, la Slovaquie, la Pologne, l’Autriche et la Hongrie, compte 10,5 millions d’habitants. Son PIB est de 164 milliards d’euros. La République tchèque est membre de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2004. Si elle participe à l’Espace Schengen, elle n’a pas intégré la zone euro même. Les gouvernements tchèques successifs éludent d’année en année le passage à la monnaie unique, la population y étant plutôt hostile. La crise grecque a refroidi les ardeurs des partisans de l’adhésion.
Compte tenu de son positionnement géographique et de sa spécialisation industrielle, le pays est très dépendant des échanges avec les autres pays européens. Depuis la crise de 2008, la croissance s’est ralentie ; l’accélération de 2015 (4,3 %) est, en grande partie imputable à la fin de plusieurs programmes européens, fin qui a dopé l’investissement public. Néanmoins, en rythme annuel, le taux de croissance du deuxième trimestre 2016 s’élève à 3,6 %.
Un pays industriel à la recherche d’une diversification
Grâce à des réserves importantes en charbon et en lignite, l’économie a longtemps reposé sur l’industrie lourde. Cette dernière a fortement déclinée après la sortie du communisme même si elle demeure présente sur le territoire tchèque. Désormais, l’industrie tchèque est avant tout représentée par l’automobile, le textile, la chimie et l’aéronautique.
Avec le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, la République tchèque a été un des premiers pays à avoir une industrie automobile. En 2015, elle employait plus de 120 000 personnes (220 000 en France). Skoda Auto figure parmi les plus importants et les plus grands fabricants de voitures de tourisme. Ce secteur d’activité, équipementiers compris, assure le quart de l’emploi.
Depuis la crise de 2008/2009, l’industrie marque le pas. Les faibles gains de productivité handicapent les entreprises tchèques qui doivent faire face à la concurrence de pays à plus faibles coûts. Il y a une obligation de monter en gamme. De ce fait, ces dernières années, le poids de l’industrie au sein de l’économie nationale a diminué en passant de 35 à 30 % de la valeur ajoutée de 2008 à 2015. Il emploie néanmoins plus de 35 % de la population active (12 % en France). L’industrie tchèque est contrainte tout à la fois de monter en gamme et de se diversifier. Les relais de croissance se situent dans le secteur pharmaceutique, dans les biotechnologies et dans le digital, ce qui suppose un effort accru dans la Recherche-Développement (voir infra).
Une agriculture de taille modeste mais avec des produits phares
L’agriculture qui demeure assez fortement subventionnée représente 2,1 % de la valeur ajoutée. Les principaux produits agricoles sont la betterave, le blé, l’orge et les pommes de terre. Elle occupe un peu moins de 3 % de la population active. Elle bénéficie de l’appui d’une industrie agro-alimentaire qui est reconnue pour la production de bières, d’eaux minérales, de produits laitiers, de biscuits et de chocolats. Des groupes mondiaux comme Nestlé et Danone sont présents en République tchèque.
Des services en croissance
Les services qui ne pesaient que 56 % du PIB en 2003 en représentent désormais plus de 60 % (79 % en France). Le secteur du tourisme bénéficie de la renommée de Prague. Le pays attire 11 millions de touristes étrangers (84 millions pour la France) provenant surtout d’Allemagne, de Russie, du Royaume-Uni mais aussi de la France. Plus de 7 millions de touristes se rendent à Prague avec à la clef des nuisances que connaissent d’autres villes touristiques comme Barcelone, Paris ou Berlin (prix en hausse, vandalisme nocturne, etc.). La République tchèque a su développer un important secteur financier qui est, en grande partie, contrôlée par des groupes étrangers (36 établissements sur 44), notamment grâce à des banques de l’Union européenne : les trois plus grands établissements de la place sont en effet la propriété des banques européennes Erste (Autriche), KBC (Belgique) et Société Générale (France). Ces trois banques représentent plus de la moitié du total des actifs du secteur et présentent des ratios de solvabilité élevés.
La République tchèque, une économie résolument tournée sur l’extérieur
Le commerce extérieur est un élément clef de son activité économique. Les exportations représentent plus de 85 % du PIB (35 % en France). 83 % des exportations sont réalisées avec des pays membres de l’Union européenne dont plus du tiers avec la seule Allemagne. Les deux tiers des importations proviennent également de l’Union européenne. Il en résulte une forte dépendance à la conjoncture de ses partenaires et, en premier lieu, de son voisin allemand. Afin de réduire cette dépendance, les autorités ont adopté, en 2011, une stratégie pour l’amélioration de la compétitivité, assortie d’une stratégie export 2012-2020 en direction des marchés émergents en forte croissance. Pour le moment, les résultats se font attendre, la dépendance commerciale à l’encontre de l’UE ayant eu tendance, depuis 2013, à se renforcer.
L’actualité conjoncturelle : le retour de la croissance
La République tchèque a connu entre 2011 et 2012 six trimestres consécutifs de croissance. Elle a été directement touchée par la crise des dettes souveraines et par la récession de la zone euro. Depuis le 2ème semestre 2013, l’économie a repris le chemin de la croissance : 1,9 % en 2014 et 4,3 % en 2015. Ce dernier résultat est un peu artificiel car le pays a bénéficié de la fin d’un plan d’aide de l’Union européenne. En 2016, la croissance devrait être de 2,4 %. Pour l’année prochaine, les experts s’attendent à une croissance comprise entre 2,4 et 2,6 %. L’économie tchèque bénéficie d’une bonne tenue de la consommation qui devrait croître cette année de plus de 3 %. Les exportations sont toujours orientées à la hausse, + 5,5 % pour cette année, permettant à la République tchèque de dégager une excédent de la balance des paiements courants de 1 % du PIB. Cette balance est structurellement excédentaire grâce aux exportations industrielles et de la faible dépendance énergétique. Le taux de chômage qui était monté à 6,9 % de la population active est redescendu à 4,2 % (en France – 9,6 %). Du fait d’une démographie défavorable, l’économie souffre de goulots d’étranglement en matière d’emplois d’autant plus que l’immigration est relativement faible. L’inflation s’est élevée à 0,4 % en 2015 et devrait être de 0,5 % en 2016. La banque centrale tchèque s’attend, l’année prochaine, à une inflation de 1,5 %.
Les finances publiques ne posent pas de réels problèmes. Le déficit budgétaire a été de 0,4 % du PIB en 2014 et devrait rester stable tant en 2016 qu’en 2017. La dette publique est en recul. Elle est passée de 58,4 à 55,8 % du PIB de 2013 à 2016. En prenant la définition de Maastricht, elle s’élève à 40 %. Les pouvoirs publics ont adopté des dispositifs contraignant pour éviter un dérapage du déficit et de la dette. Les dépenses publiques représentent 41 % du PIB (57 % en France).
Les problèmes structurels
La République tchèque est confrontée à quelques problèmes structurels comme un grand nombre d’Etats européens. Figurent ainsi parmi les défis à relever, la question de la productivité, le financement des retraites, le développement durable, etc.
La question centrale de la productivité
La productivité du travail a enregistré une rupture structurelle en 2008. A l’exception du secteur financier, elle a baissé dans tous les secteurs de 2007 à 2013. Le retour d’une croissance forte et durable suppose un changement de cap. Pour cela, l’OCDE préconise d’agir sur la recherche, sur la concurrence, sur la structure de l’emploi et sur l’efficience des dépenses publiques.
La nécessité de développer la recherche et développement
Les dépenses de R&D représentent 2 % du PIB ; elles sont en augmentation depuis 2003 mais elles restent inférieures à la moyenne de l’OCDE. La dépendance à quelques grands groupes internationaux constitue un frein à l’augmentation des dépenses de recherche, celle-ci étant souvent réalisée dans les pays d’origine des groupes.
Une structure de l’emploi déséquilibré
La République tchèque se caractérise par un nombre élevé de travailleurs indépendants qui occupent 17 % des emplois (10 % en France). Cette surreprésentation est la conséquence d’un traitement fiscal et social favorable au Travailleurs Non Salariés. De ce fait, les entreprises ont recours de manière massive à la sous-traitance ce qui peut être contreproductif en matière d’innovation et de sécurisation des parcours professionnels.
Transparence et lutte contre la corruption
Selon l’OCDE, la République tchèque doit faire des progrès dans l’organisation des marchés publics. Elle doit également veiller à accroître la concurrence et réduire le coût des faillites.
L’efficience des dépenses publiques
Même si les finances publiques sont équilibrées, l’OCDE souligne que des efforts devraient être menés pour améliorer l’efficacité des dépenses publiques. L’organisation internationale met en avant la nécessité de réduire le morcellement territorial en créant de plus grandes entités. Elle conseille également le développement de l’e-administration. Des infrastructures devraient être réalisées afin de faciliter l’accès à Internet à haut débit et afin de moderniser le réseau routier.
La problématique des retraites
La République tchèque doit faire face à un vieillissement rapide de sa population. Du fait d’un des plus faibles taux de fécondité d’Europe, la croissance de la population est voisine de zéro. Selon les dernières projections, elle pourrait redescendre en-dessous de 10 millions d’ici 2023 pour se stabiliser autour de 7,5 millions d’ici à la fin du siècle.
Les dépenses sociales ont atteint 21 % du PIB (36 % en France). Elles représentent 46 % des dépenses publiques totales. Les dépenses liées au vieillissement de la population devraient s’accroître de 2,6 points de PIB d’ici 2060. Le régime de retraite constitué de deux niveaux a été réformé à plusieurs reprises avec à la clef un report d’ici 2041 de l’âge de départ à la retraite à 66 ans et 8 mois. Au-delà de cette année, il pourra être relevé de 2 mois tous les ans. Des mesures ont été prises pour réduire le taux de remplacement des pensions obligatoires au point que le taux de pauvreté des retraités et futurs retraités pourrait être amené à augmenter dans les prochaines années. La création d’un deuxième pilier obligatoire par capitalisation est à l’étude.
La problématique du développement durable
Du fait de sa spécialisation industrielle et son positionnement géographique, la République tchèque est confrontée avec une forte acuité à la question de la pollution. Elle figure parmi les pays européens comptant le plus de décès en raison de la pollution de l’air. Du fait d’une forte consommation de charbon, la République tchèque arrive au 6ème rang des émissions de carbone au sein de l’OCDE. Sur de nombreux polluants d’origine industrielle, le pays ne respecte pas les normes internationales. L’OCDE souligne que des efforts ont été entrepris par les autorités mais qu’une action plus volontariste en matière de taxation des émissions de carbone est nécessaire. Du fait des faibles niveaux de prix de l’énergie et des taxes, des marges de manœuvre existent.
Les Tchèques ont, sans nul doute, tiré de leur histoire agitée et complexe, une certaine forme de retenue et de pragmatisme. Le pays est passé en douceur du communisme à l’économie de marché et a su gérer sa partition avec la Slovaquie. Avec l’Allemagne comme voisin et la Russie à proximité, les autorités tchèques ont su créer des liens avec la Pologne ou la Hongrie. Le sentiment national est puissant et se traduit par une certaine réserve vis-à-vis de l’euro sans pour autant que cela aille vers un rejet de l’Union européenne qui a accompagné le développement économique de ces vingt dernières années. La République tchèque après avoir gagné le pari de l’intégration européenne doit réussir celui de la mutation technologique tout en gardant son identité. Ce qu’illustre parfaitement cette citation de Vaclav Havel qui fut son Premier Président après la chute du communisme « l’espoir est un état d’esprit. C’est une orientation de l’esprit et du cœur. Ce n’est pas la conviction qu’une chose aura une issue favorable mais la certitude que cette chose a un sens quoi qu’il advienne ».