Le Coin de la Conjoncture du 13 janvier 2018
Tous les pays ne sont pas égaux en matière de chômage des non-qualifiés
Depuis 1993, la politique de l’emploi en France vise à faciliter l’insertion des actifs à faible qualification notamment à travers la mise en œuvre de réductions ciblées de charges sociales. En un quart de siècle, les résultats de cette politique peuvent apparaître décevants. Sans être unique, la situation française traduit néanmoins une spécificité. En effet, il apparaît que le taux de chômage des peu qualifiés varie fortement entre les pays de l’OCDE. En France, ce taux de chômage est de 15,9 % contre 10 % en Allemagne, 8,1 % aux États-Unis ou 6,3 % au Royaume-Uni.
Le fort taux de chômage des non-qualifiés pose le problème de la formation, de l’inadaptation de l’offre à la demande, du coût et de la flexibilité du marché du travail.
Un lien existe entre le fort taux de chômage des non-qualifiés avec le niveau de compétences des peu qualifiés, mesuré par le score à l’enquête PIAAC de l’OCDE pour les 25% des personnes ayant le score le plus bas. La Nouvelle Zélande, les Pays-Bas le Danemark obtiennent de bons scores PIAAC et ont des taux de chômage relativement faibles au contraire de l’Espagne, de la Grèce et de la France qui sont mal classées.
Plus le niveau du salaire minimum est élevé, plus le taux de chômage des non-qualifiés est important. Cette corrélation est constatée en France, au Portugal et dans une moindre mesure en Belgique. En revanche, elle ne joue pas en Nouvelle Zélande ou en Australie ayant un ratio salaire minimum sur salaire médian dépassant 50 % tout en ayant un taux de chômage des non-qualifiés inférieur à 8 % (moyenne 2002-2016).
Plus le poids du secteur des services domestiques (distribution, loisirs, services à la personne) est important, moins le chômage des non-qualifiés est logiquement élevé. En effet, ce secteur d’activité est censé employer plus de personnes à faibles qualifications que les autres. Or, à la lecture des statistiques, le lien n’est pas évident. La Grèce, l’Italie ou l’Espagne qui ont de fort taux de chômage disposent d’un large secteur de services domestiques. Au Royaume-Uni, il apparait que le faible chômage chez les non-qualifiés n’est pas sans lien avec la part des emplois dans le secteur des services domestiques.
Une flexibilité accrue du marché du travail joue favorablement sur l’emploi des non-qualifiés. Il en est ainsi en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, en Australie ou au Danemark. C’est moins net aux États-Unis ou en Irlande.
Le développement au travail indépendant ne constitue pas un critère déterminant pour analyser le chômage des non-qualifiés. Le poids du travail non-salarié est assez proche au sein des pays de l’OCDE. La Grèce est le pays qui a le nombre le plus important d’indépendants avec un très fort taux de chômage chez les non-qualifiés. En revanche, ce mode de travail est peu pratiqué au Danemark qui n’a pas de problème de chômage au sein de la population des non-qualifiés.
La comparaison des différents pays de l’OCDE révèle que l’amélioration de l’emploi des non-qualifiés passe par la formation, la flexibilité et la maitrise des coûts salariaux, les deux premiers points l’emportant sur le dernier.
70 ans de temps de travail
En France, le temps de travail a augmenté durant la première partie des « 30 Glorieuses ». La reconstruction et le baby-boom ont dopé l’activité et ont accru les besoins en emploi. Du fait d’une croissance naturelle faible de la population active, l’accroissement du volume du travail passait par le recours à l’immigration et à l’augmentation du nombre d’heures. À la fin, des années 50, la durée hebdomadaire du travail pour l’ensemble des salariés dépassait légèrement 46 heures, soit six heures de plus que la durée légale fixée alors à 40 heures.
Une première rupture intervient au milieu des années 60 avec une baisse graduelle du temps de travail jusqu’à atteindre, en 1980, 40 heures soit la durée légale hebdomadaire. Cette réduction est liée à l’enrichissement des classes moyennes qui aspirent à plus de loisirs. Avec l’augmentation des salaires, la nécessité d’effectuer des heures supplémentaires devient plus faible. Par ailleurs, le nombre d’actifs s’accroît assez rapidement, à la fin des années soixante, avec l’arrivée des premières cohortes du baby-boom et avec l’arrivée importante d’immigrés. À partir du premier choc pétrolier de 1973, le ralentissement économique explique la diminution du nombre d’heures supplémentaires et donc la diminution de la durée de travail hebdomadaire. Le passage de cette durée à 39 heures le 1er février 1982 se répercute de manière instantanée sur la durée de travail effective. Après un palier jusqu’en 1996, cette durée chute à 36 heures avec l’introduction des différentes lois sur la réduction du temps de travail. Avec les lois Robien (1996) et Aubry (1998 et 2000), le temps de travail passe de 38,9 heures à 36,6 heures en moins de 4 ans. Les différents assouplissements aux lois Aubry à partir de 2003 n’ont pas eu d’effet réel sur le nombre moyen d’heures travaillées. La mesure de défiscalisation des heures supplémentaires instituée durant la Présidence de Nicolas Sarkozy n’a pas donné lieu à une forte augmentation de la durée de travail.
Avant les lois Aubry, le temps de travail hebdomadaire des salariés français s’étageait entre 38 et 40 heures. Depuis, il y a eu concentration sur une durée de 35 heures. Près de 80 % des salariés, en 2017, travaillent entre 35 et 36 heures quand ils n’étaient que 59 % à travailler entre 39 et 40 heures en 1998. Cette concentration peut apparaître paradoxale compte tenu des assouplissements institués depuis les lois Aubry.
Avant l’introduction des 35 heures, l’écart entre les grands secteurs d’activité atteignait près de deux heures. En 2017, une convergence entre les différents secteurs est constatée avec un écart qui atteint 1,4 point.
Le temps de travail est le plus faible dans les secteurs de la finance-assurance et de l’industrie (respectivement 35,1 et 35,4 heures en 2017). C’était déjà le cas en 1998 avant les 35 heures. Ces deux secteurs se caractérisent par la présence de grands groupes et de conventions de branche assez développées. Les secteurs de l’hôtellerie-restauration et de la construction sont, à l’opposé, ceux dont les salariés ont la durée hebdomadaire la plus longue (respectivement 36,8 et 36,3 heures). Ces deux secteurs sont constitués de petites structures et doivent faire face à une saisonnalité importante de leur activité. Ces caractéristiques sectorielles se retrouvent dans la quasi-totalité des pays européens.
Sans surprise, le temps de travail est plus élevé dans les PME que dans les grandes entreprises. La durée hebdomadaire moyenne de travail déclarée dans les TPE est très légèrement inférieure à celle des entreprises de 10 à 19 salariés mais est supérieure à celle de l’ensemble des entreprises de 10 salariés ou plus. 66,1 % des salariés à temps complet des TPE travaillent moins de 36 heures par semaine, contre 82,3 % dans les entreprises de 10 salariés ou plus. Près du quart ont une durée hebdomadaire de travail supérieure à 39 heures contre 9,0 % dans les entreprises de 10 salariés ou plus.
Si pour le moment, la reprise économique ne s’est pas traduite par une réelle augmentation du temps de travail hebdomadaire du fait de l’existence d’un fort volant de chômage, cette situation pourrait être amenée à changer avec l’apparition de goulots d’étranglement. Sur les 35 heures, les sondages sont très contradictoires. Ainsi, en 2015, selon un sondage réalisé par CSA pour Les Echos, Radio Classique et l’institut Montaigne, 71 % des salariés du privé étaient favorables à ce que les entreprises puissent fixer librement le temps de travail, par accord avec leurs salariés. Mais au mois de décembre 2016, selon un sondage BVA, 65 % des salariés français étaient opposés à l’augmentation de la durée de travail hebdomadaire.