14 mai 2016

Le Coin de la conjoncture du 14 mai 2016

En attendant la prochaine hausse du baril…

Après avoir atteint un point bas à 27 dollars le baril au mois de février, le baril de Brent s’échange depuis autour de 45/47 dollars. Il est communément admis que la phase de chute libre est terminée. Hors accident et aléas temporels, les prix devraient amorcer une lente progression jusqu’à la fin de l’année avant d’augmenter plus fortement en 2017. Cette probable évolution repose sur la diminution de la production pétrolière américaine et sur le recul, sans précédent, des investissements à l’échelle mondiale. En 2015, le volume de la consommation pétrolière a excédé celui des gisements découverts.

Même sans accord de régulation de production, la montée en puissance de l’Iran ne peut être que progressive. Du fait que ce pays n’est pas en mesure d’inonder le marché du jour au lendemain, il n’a pas intérêt à casser les prix.

Par ailleurs, même s’il y a un ralentissement économique en cours en Chine, la demande de pétrole mondiale, et en particulier en provenance de ce pays s’accroît. Le changement de modèle de croissance de la Chine qui repose sur un accroissement de la demande intérieure ne peut, à terme, que peser sur le cours du pétrole. La croissance de la consommation de pétrole est repassée au-dessus de 2 % en 2016. Elle reste modeste par rapport aux progressions constatées avant la crise, plus de 6 % par an entre 2004 et 2007 et par rapport à celles des années 2011/2012 (plus de 7 %). Néanmoins, la consommation de pétrole devrait atteindre en, 2017, 100 millions de barils/jour quand elle était de 89 en 2007. En 2016, la production pétrolière devrait connaître une croissance de moins de 2 %. De ce fait, l’écart entre production et consommation qui a atteint 2 millions de barils/jour devrait se rétrécir au cours du second semestre 2016 et en 2017.

Quelles seront les conséquences de l’augmentation du prix du baril ?

La baisse du cours du pétrole a été en grande partie à l’origine du petit surcroît de croissance constaté au sein de l’Union européenne en 2015 et au 1er trimestre de 2016. En revanche, aux États-Unis, devenus un État pétrolier, l’effet a été inverse. La baisse de l’investissement destiné aux gisements et la baisse des bénéfices des compagnies pétrolières ont pesé sur l’activité économique. De 2014 à 2016, les emplois dans le secteur énergétique ont diminué de plus de 6 %. L’investissement y a reculé de plus de 60 %. Depuis la fin de l’année dernière, la production est en forte diminution. Elle est passée de 10 millions à 9 millions de barils / jour, la baisse étant imputable quasi-exclusivement aux pétroles de schistes.

Jusqu’à maintenant, il était acquis que les Etats-Unis réagissaient très positivement à une baisse du cours du pétrole. L’impact était jugé supérieur à celui constaté en Europe. Avec la montée en puissance des pétroles de schiste et bitumineux, la donne a changé.

De ce fait, un retournement du marché  devrait donc avantager les États-Unis et pénaliser l’Europe ainsi que le Japon. Une augmentation franche du pétrole devrait mettre un terme à la chute des investissements. L’impact positif sur la production l’emporterait sur l’impact négatif sur la consommation. L’augmentation des cours devrait aboutir à un relèvement de l’inflation et à une diminution des revenus réels des ménages. Il en résultera une moindre consommation.

En Europe, le transfert financier au profit des pays exportateurs du pétrole avantagera les pays exportateurs comme l’Allemagne mais pénalisera la France. Il n’en demeure pas moins que sur l’ensemble de la zone euro, l’impact négatif devrait l’emporter d’autant plus que le dollar devrait alors s’apprécier.

 

L’Europe à la recherche de son fédéralisme

 La seule structure véritablement fédérale est, au sein de l’Union européenne, la Banque centrale européenne. Institution officiellement indépendante, elle est devenue avec la crise de 2008/2009 et la crise des dettes souveraines de 2011/2012 le sauveur en dernier ressort. La politique de quantitative easing que Mario Draghi a imposé au nom de la lutte contre la déflation palie, dans les faits, l’absence de système de gestion des crises asymétriques géré au niveau de la Commission. Certains pourraient considérer que la BCE s’est accaparée un pouvoir qui revient de fait à des institutions démocratiquement élus quand d’autres pourraient mettre en avant que la politique monétaire ne peut pas régler tous les problèmes économiques voire politiques de l’Union européenne.

Depuis la crise de 2008/2009, la convergence au sein de la zone euro est en panne. Ainsi, si de 1999 à 2008, les États membres se rapprochaient des uns des autres en matière de PIB par habitant, tel n’est plus le cas depuis. En 2007, l’écart entre le PIB par habitant de l’Allemagne et celui de la France ne dépassait pas quelques pour cents, aujourd’hui, il est de plus de 10 % en faveur de la première. L’écart de 15 points qui prévalait entre l’Allemagne et l’Italie est désormais de près de 30 points, évidemment en faveur de la première. Le PIB par habitant espagnol qui représentait 68 % du PIB par habitant allemand en 2002 en représentait 77 % en 2008 avant de rechuter à 63 % en 2016.

La spécialisation économique tend à s’accroître avec d’un côté l’Allemagne, les pays d’Europe du Nord et certains pays d’Europe de l’Est qui restent industriels et de l’autre des pays de consommation, en Europe du Sud et en France. Cette divergence ne serait pas en soi problématique s’il n’était pas tenu compte de l’équilibre des balances des paiements. En France, nul ne s’inquiétude la balance des paiements courants de la Corse ou de la Bourgogne-Franche Comté. La notion d’équilibre des paiements courants est devenue clef avec la segmentation des marchés financiers. En n’ayant pas de mécanismes de transferts, la question du financement des déficits est, depuis 2008 et surtout 2011, redevenue une question centrale au sein de la zone euro. Or, du fait de la spécialisation économique au sein de l’Union, la résorption des déficits commerciaux est très lente. De ce fait, pour éviter tout blocage sur les dettes publiques et pour éviter l’éclatement de la zone euro, la BCE n’a pas d’autres solutions que de maintenir, par tous les moyens, les taux d’intérêt les plus bas possibles. Tout relèvement des taux poserait la question de la soutenabilité des dettes accumulées au sein de certains États. Les spreads entre taux nationaux et taux allemands augmenteraient fortement. Les pays seraient acculés du fait d’une augmentation du service de la dette.

 

La BCE organise donc ainsi un transfert des pays à forte capacité d’épargne au profit des pays à consommation élevée. Dans un système fédéral, des transferts financiers seraient réalisés soit sous forme de plan de soutien, soit par l’intermédiaire des prestations sociales. A défaut d’avancées fédérales, la pratique des taux risque donc de durer longtemps…